Test Blu-ray / La Fille du roi des marais, réalisé par Neil Burger

LA FILLE DU ROI DES MARAIS (The Marsh King’s Daughter) réalisé par Neil Burger, disponible en DVD & Blu-ray le 15 février 2024 chez Metropolitan Vidéo.

Acteurs : Daisy Ridley, Ben Mendelsohn, Brooklynn Prince, Gil Birmingham, Caren Pistorius, Garrett Hedlund, Joey Carson, Pamela MacDonald…

Scénario : Elle Smith & Mark L. Smith, d’après le roman de Karen Dionne

Photographie : Alwin H. Küchler

Musique : Adam Janota Bzowski

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

La vie idyllique d’Helena Petterier est mise à mal lorsqu’elle apprend que l’homme qui l’a élevée et gardée en otage pendant 12 ans dans un marécage s’est évadé de prison. Pour protéger son mari et sa fille, Helena va devoir affronter son sombre passé qu’elle a toujours gardé secret et traquer son père, le tristement célèbre Roi des Marais.

La Fille du roi des Marais, non ce n’est pas un biopic sur un enfant qu’aurait eu Bertrand Delanoë, mais l’adaptation du roman éponyme de Karen Dionne, sorti en 2017 et édité en France aux Éditions Jean-Claude Lattès. Un best-seller international – que l’on pourrait rapprocher de Là où chantent les écrevisses, gros succès de 2022 – qui a forcément tout de suite attiré les producteurs et les studios de cinéma, pensant déjà à sa transposition. Dans un premier temps, celle-ci devait se faire avec la suédoise Alicia Vikander, tandis que le norvégien Morten Tyldum (Imitation Game, Passengers) se chargeait de la mise en scène, sur un scénario d’Elle Smith et Mark L. Smith (Overlord, The Revenant, The Hole). Si les auteurs n’ont pas bougé et n’ont pas revu leur copie, il y a eu du changement devant et derrière la caméra. Le rôle principal a finalement été octroyé à la britannique Daisy Ridley, tandis que l’américain Neil Burger prenait définitivement les manettes du projet. Entièrement tourné au Canada dans de magnifiques paysages naturels, La Fille du roi des marais est un film étonnant, prenant et même bouleversant, qui repose en grande partie sur les épaules de la belle comédienne née en 1992, qui depuis sa révélation dans la postlogie (affreuse, mais ce n’est pas le sujet du jour) Star Wars n’avait pas été gâtée (Le Crime de L’Orient-Express de Kenneth Branagh), trouve enfin un rôle dans lequel elle peut pleinement dévoiler son talent dramatique. Quasiment de toutes les scènes, pour ne pas dire de tous les plans, Daisy Ridley est la raison d’être de The Marsh King’s Daughter, qui mérite qu’on s’y attarde.

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Test Blu-ray / Coup de chance, réalisé par Woody Allen

COUP DE CHANCE réalisé par Woody Allen, disponible en DVD & Blu-ray le 27 janvier 2024 chez Metropolitan Vidéo.

Acteurs : Lou de Laâge, Valérie Lemercier, Melvil Poupaud, Niels Schneider, Grégory Gadebois, Guillaume de Tonquédec, Elsa Zylberstein, Anne Loiret, Sara Martins, Arnaud Viard…

Scénario : Woody Allen

Photographie : Vittorio Storaro

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Fanny et Jean ont tout du couple idéal : épanouis dans leur vie professionnelle, ils habitent un magnifique appartement dans les beaux quartiers de Paris et semblent amoureux comme au premier jour. Mais lorsque Fanny croise, par hasard, Alain, ancien camarade de lycée, elle est aussitôt chavirée. Ils se revoient très vite et se rapprochent de plus en plus…

Bon…Comment dire…Nous n’étions pas nombreux à défendre le testamentaire Rifkin’s Festival (les polémiques prenant désormais le pas sur le reste) et nous en faisions partie. En revanche, comment aller au secours de Coup de chance, cinquantième opus de Woody Allen, intégralement tourné en France (comme pouvait l’être aussi Minuit à Paris), dans la langue de Molière, avec des acteurs bien de chez nous ? La curiosité était forcément de mise, mais force est de constater que l’univers du réalisateur américain n’est nullement transposable dans nos contrées. Rien, absolument rien ne fonctionne dans Coup de chance, « thriller » avec lequel Woody Allen essaye de nous refaire le coup de Match Point vingt ans après, mais sans plus aucune inspiration. Même la photographie du chef opérateur italien Vittorio Storaro (Le Orme, Dick Tracy, Apocalypse Now) qui collabore pour la sixième fois avec le cinéaste (y compris pour le merveilleux Wonder Wheel et la série Crisis in Six Scenes), laisse furieusement sceptique quant à sa laideur et son manque d’aspérité, l’utilisation de la caméra numérique Sony Venice 16-bit n’aidant probablement pas à insuffler une âme à cette entreprise. C’est la première fois, et peut-être la dernière puisque Woody Allen aurait confirmé qu’il s’agissait là de son ultime long-métrage, mais Coup de chance est un quasi-nanar, le pire film de son auteur, qui fait penser à du mauvais Mocky ou pire du Lelouch (c’est dire…), un long-métrage signé par un vieux gâteux qui aurait voulu prendre une caméra, histoire de ne pas aller faire un Triomino avec les autres pensionnaires de la maison de retraite. Aller monsieur Allen, vous nous avez gratifié d’immenses chefs d’oeuvres aussi éternels qu’intemporels, mais il est temps d’aller vous astiquer la clarinette maintenant et de vous reposer enfin.

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Test Blu-ray / Main basse sur la ville, réalisé par Francesco Rosi

MAIN BASSE SUR LA VILLE (Le Mani sulla città) réalisé par Francesco Rosi, disponible en Édition Blu-ray + DVD + DVD bonus + livre – Boîtier Mediabook le 7 février 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Rod Steiger, Salvo Randone, Guido Alberti, Marcello Cannavale, Dante Di Pinto, Alberto Conocchia, Carlo Fermariello, Terenzio Cordova…

Scénario : Francesco Rosi, Raffaele La Capria, Enzo Provenzale & Enzo Forcella

Photographie : Gianni Di Venanzo

Musique : Piero Piccioni

Durée : 1h41

Année de sortie : 1963

LE FILM

Poussée par l’entrepreneur Nottola, la municipalité de Naples transforme des terrains agricoles en terrains constructibles pour lancer un gigantesque programme immobilier. Le chantier entraîne la paralysie d’un enfant et de vives polémiques au sein du conseil municipal, alors que de nouvelles élections se préparent. L’enquête sur l’accident s’enlise, mais les stratégies électorales s’affinent, et certains membres de la majorité au pouvoir s’inquiètent de voir Nottola sur leur liste.

« J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité. Main basse sur la ville est ce que j’appellerai un film théorème. » Francesco Rosi

Francesco Rosi, certainement l’un des cinéastes les plus engagés du cinéma italien, est né à Naples en 1922. Pour beaucoup et malgré une filmographie conséquente, Main basse sur la ville – Le Mani sulla città demeure son chef d’oeuvre, dans lequel sa critique (on peut même parler de radiographie) virulente des corps du pouvoir et de leurs malversations est la plus frontale. Entre fiction et documentaire, Main basse sur la ville poursuit sa revendication du genre du film d’enquête, initié l’année précédente avec Salvatore Giuliano en 1962. Le film s’inspire d’un fait réel survenu dans sa ville natale : l’écroulement d’un immeuble de Naples (en fait, le nom de la ville n’est jamais cité, mais tout le monde le sait) entraînant la mise en cause des industriels en charge du chantier. Cette séquence est d’ailleurs retranscrite à l’écran de manière très impressionnante, plongeant le spectateur dans une réalité sociale brute et immédiate qui renvoie ouvertement au néo-réalisme italien, Francesco Rosi ayant rappelons-le démarré sa carrière comme assistant (puis scénariste) de Luchino Visconti. Constat sévère de la spéculation immobilière et de ses mécanismes retors, Le Mani sulla città dévoile comment avec le soutien de la municipalité, un entrepreneur, incarné par l’ogre Rod Steiger, alors loin de l’inspecteur de la division des mineurs qu’il venait d’interpréter dans Lutte sans merci de Philip Leacock et juste avant d’enchaîner avec l’exceptionnel Prêteur sur gages de Sidney Lumet, s’empare de terrains vagues afin de les transformer en édifices modernes. Un business lucratif qui ne profite pas aux petites gens qui sont relogés dans des immeubles insalubres. La ville de Naples vit alors au cœur d’un véritable scandale immobilier, opposant la droite à la gauche qui craint que les prochaines élections ne viennent enliser le problème. Comme on dit en Italie donc, Capolavoro !

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Test DVD / Le Grand chariot, réalisé par Philippe Garrel

LE GRAND CHARIOT réalisé par Philippe Garrel, disponible en DVD le 16 janvier 2024 chez Ad Vitam.

Acteurs : Louis Garrel, Damien Mongin, Esther Garrel, Léna Garrel, Francine Bergé, Aurélien Recoing, Mathilde Weil, Asma Messaoudene…

Scénario : Jean-Claude Carrière, Caroline Deruas-Garrel, Philippe Garrel & Arlette Langmann

Photographie : Renato Berta

Musique : Jean-Louis Aubert

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Depuis toujours, Louis et ses deux soeurs, Martha et Lena, assistent leur père, qui dirige le Grand Chariot, un théâtre de marionnettes dont leur grand-mère a fabriqué toutes les poupées. Lorsque le père meurt au cours d’une représentation, les membres restants de la famille se demandent quoi faire.

Entre la présentation du Grand chariot à la Berlinale en février 2023 et sa sortie dans les salles françaises à la rentrée septembre, Philippe Garrel a été mis en cause par cinq comédiennes, au sein d’une enquête de Mediapart, l’accusant de gestes déplacés, de leur avoir proposé des faveurs sexuelles en échange d’un rôle et de tentatives de baisers (de secours) non consentis. Bon, ça c’était pour installer le contexte houleux dans lequel est arrivé son dernier long-métrage dans les cinémas, ce qui a évidemment pris le pas sur le reste. Nous ne dirons pas dommage, mais en l’état, Le Grand chariot est une œuvre crépusculaire, marquée par une dimension méta dans la mesure où le cinéaste dirige ses trois enfants, Louis, Esther et Léna, tous réunis pour la première fois devant la caméra de leur père. Le Grand chariot évoque la filiation, la transmission et l’héritage (thèmes déjà présents dans Le Sel des larmes) dans une famille d’artiste, ce qui reste, ce qui doit être (ou pas) perpétué après la mort du père, du pilier et le fondateur de la troupe dans laquelle tous évoluent. Après plus d’une trentaine de longs-métrages et de téléfilms à son actif, Philippe Garrel démontre qu’il en a encore sous le capot, qu’il n’a jamais renié ses thèmes de prédilection, ses partis-pris (le film a été tourné en pellicule), faisant de lui un anachronisme dans le panorama cinématographique français. En dépit de quelques bémols (nous y reviendrons), Le Grand chariot est une jolie réussite, qui n’atteint certes pas la virtuosité bouleversante de L’Amant d’un jour, mais s’avère plus convaincant que Le Sel des larmes.

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Test Blu-ray / Le Grand couteau, réalisé par Robert Aldrich

LE GRAND COUTEAU (The Big Knife) réalisé par Robert Aldrich, disponible en Combo Blu-ray + DVD + Livret – Édition limitée le 17 janvier 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Jack Palance, Ida Lupino, Wendell Corey, Jean Hagen, Rod Steiger, Shelley Winters, Ilka Chase, Everett Sloane…

Scénario : James Poe, d’après le pièce de Clifford Odets

Photographie : Ernest Laszlo

Musique : Frank De Vol

Durée : 1h49

Année de sortie : 1955

LE FILM

Charlie Castle, vedette d’Hollywood, a promis à sa femme de ne pas se lier à son producteur Stanley Hoff par un autre contrat. Mais le malheureux, pour ne pas voir exploiter certains faits délicats de sa vie privée, est obligé de revenir sur sa décision. Quand il tente de faire machine arrière, il est trop tard : tous ceux qui ont intérêt à lui nuire sont là, et sa femme, qu’il veut reconquérir, parle de le quitter…

Ce sont des débuts pour le moins fracassants. Imaginez, en l’espace de deux ans, Robert Aldrich (1918-1983) sort sur les écrans Alerte à Singapour World for Ransom, Bronco Apache Apache, Vera Cruz, En quatrième vitesse Kiss Me Deadly et Le Grand Couteau The Big Knife. Alors qu’il vient de fonder sa société de production, Associates and Aldrich, grâce au triomphe d’En quatrième vitesse, le réalisateur jette son dévolu sur une pièce de théâtre à succès, The Big Knife de Clifford Odets, qu’il souhaitait adapter depuis longtemps. Robert Aldrich a désormais les mains libres pour concrétiser ce projet. Le Grand couteau demeure avec Boulevard du Crépuscule une charge explosive contre Hollywood. Même si, soyons honnêtes, The Big Knife n’arrive pas à la hauteur du chef d’oeuvre de Billy Wilder et n’échappe pas à une certaine théâtralité (nous y reviendrons), le film de Robert Aldrich ne manque pas de virulence envers l’industrie hollywoodienne, mais se montre beaucoup trop bavard, s’étire en longueur et finit même par ennuyer parfois le spectateur. Toutefois, l’intérêt est souvent relancé par des séquences d’une ahurissante cruauté verbale, soutenue par la photo tranchante d’Ernest Laszlo avec qui le cinéaste collabora sept fois dans sa carrière. Le Grand couteau est passé à la postérité grâce à Jack Palance, habituel salaud au cinéma trouvant ici un rôle inattendu de victime à fleur de peau tout en violence contenue, un géant d’1m93 pliant sous le poids d’un chantage malsain, qui n’a pu oublier ses rêves alors brisés, un comédien devenu lâche et dépendant face au système qui le broie littéralement. The Big Knife est une œuvre peu aimable avec ses êtres vicieux et crapuleux, que l’on redécouvre néanmoins à chaque visionnage. Une nouvelle preuve du génie du cinéaste.

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Test Blu-ray / Acide, réalisé par Just Philippot

ACIDE réalisé par Just Philippot, disponible en DVD & Blu-ray le 24 janvier 2024chez Pathé.

Acteurs : Guillaume Canet, Laetitia Dosch, Patience Munchenbach, Marie Jung, Martin Verset, Suliane Brahim, Clément Bresson, Pascal Parmentier…

Scénario : Just Philippot & Yacine Badday

Photographie : Pierre Dejon

Musique : Robin Doudert

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Selma, quinze ans, grandit entre ses deux parents séparés, Michal et Élise. Des nuages de pluies acides et dévastatrices s’abattent sur la France. Dans un monde qui va bientôt sombrer, cette famille fracturée va devoir s’unir pour affronter cette catastrophe climatique et tenter d’y échapper.

Remarqué en 2021 avec La Nuée, son premier long-métrage, Just Philippot s’était mis la critique dans la poche, ainsi que le public adepte de films fantastiques. Après avoir remporté le Prix spécial du jury au Festival international du film de Catalogne à Sitges, ainsi que celui de la critique et du public au Festival international du film fantastique de Gérardmer, le réalisateur était attendu au tournant pour son deuxième film. Et celui-ci ne déçoit pas avec Acide, qui découle de son court-métrage du même nom, mis en scène en 2018, projet déjà initié avant même le début du tournage de La Nuée et qu’il coécrit avec Yacine Badday, scénariste de Sous le ciel d’Alice de Chloé Mazio. Si Just Philippot ne reprend pas les mêmes personnages du court-métrage, il en conserve tout du moins le même concept centré sur les pluies acides et prend le pari d’allier à la fois le thriller d’anticipation avec le drame familial intimiste. Une très belle réussite que ce vrai film de genre, qui plonge une famille dysfonctionnelle dans une catastrophe naturelle, où les personnages doivent mettre de côté leurs frustrations et leurs rancoeurs, dans le but commun de survivre. Un double challenge que ce mélange des tons, qui doit aussi parvenir à rendre intéressants des protagonistes complexes, qui ne sont pas à première vue attachants, qui ne le deviendront pas forcément par la suite, mais auxquels on parvient tout de même à s’identifier. Après un énorme échec dans les salles (240.000 entrées c’est vraiment trop peu), Acide saura sûrement trouver une seconde vie dans les années à venir. C’est ce qu’on lui souhaite.

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Test Blu-ray / Reality, réalisé par Tina Satter

REALITY réalisé par Tina Satter, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 27 janvier 2024 chez Metropolitan Vidéo.

Acteurs : Sydney Sweeney, Josh Hamilton, Marchánt Davis, Benny Elledge, John Way, Darby, Arlo…

Scénario : Tina Satter & James Paul Dallas, d’après la pièce de théâtre de Tina Satter

Photographie : Paul Yee

Musique : Nathan Micay

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Le 3 juin 2017, Reality Winner, vingt-cinq ans, est interrogée par deux agents du FBI à son domicile. Cette conversation d’apparence banale parfois surréaliste, dont chaque dialogue est tiré de l’authentique transcription de l’interrogatoire, brosse le portrait complexe d’une milléniale américaine, vétérane de l’US Air Force, professeure de yoga, qui aime les animaux, les voyages et partager des photos sur les réseaux sociaux. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ? Qui est vraiment Reality ?

Disons-le d’emblée, Reality est une des grandes et enthousiasmantes expériences cinématographiques de l’année 2023. Ce premier long-métrage et coup de maître de la dramaturge Tina Sutter s’inspire d’une étonnante histoire vraie, celle de Reality Winner (il ne s’agit pas d’un pseudonyme), arrêtée à son domicile le 3 juin 2017 par le FBI. Pour quelle(s) raison(s) ? Un mois auparavant, Reality Winner, linguiste spécialiste du persan et du pachto, ancien membre de l’US Air Force, regarde les actualités, qui parlent du renvoi de James Comey (ancien directeur du FBI) par Donald Trump, alors qu’il dirigeait l’enquête sur les liens éventuels entre l’équipe de campagne du candidat républicain et la Russie. Le 3 juin, des agents du FBI se présentent chez Reality, perquisitionnent sa maison et la soumettent ensuite à un interrogatoire aimable, mais tendu, au sujet de la fuite de documents classifiés liés à un rapport de renseignement concernant des accusations d’ingérences russes dans l’élection présidentielle américaine de 2016, dont ils savent qu’elle l’a consulté et imprimé au début du mois de mai. Tina Sutter, a eu accès à la transcription de cet interrogatoire. Il en découle tout d’abord une pièce de théâtre, jouée à Broadway en 2021 et intitulée Is this a room. L’auteure prend le pari fou de reprendre ce sujet pour le cinéma et en tire un étouffant thriller qui lorgne sur l’atmosphère des films de David Lynch, où le quotidien et la normalité deviennent soudainement étranges, comme si les personnages étaient sur le point de hurler, à l’instar du plan final de Twin Peaks : The Return. Mais TOUT ce qui est montré et entendu, jusqu’aux bégaiements et quintes de toux, dans Reality est vrai. En toute logique, quelques nominations aux oscars devraient suivre dans les prochaines semaines, notamment pour Sydney Sweeney, méconnaissable (sans doute parce qu’elle ne se dévêt pas une seule fois du métrage), magnétique dans le rôle principal, où son visage mis à nu (mais ce sera tout, allez voir ailleurs pour le reste) est capturé par la réalisatrice. La comédienne vue dans le lénifiant Under the Silver Lake de David Robert Mitchell, l’interminable Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino, mais surtout dans les séries Sharp Objects, Euphoria, The Handmaid’s Tale et The White Lotus, trouve enfin au cinéma un rôle qui devrait lui ouvrir de nouvelles portes.

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Test DVD / La Petite, réalisé par Guillaume Nicloux

LA PETITE réalisé par Guillaume Nicloux, disponible en DVD le 24 janvier 2024 chez M6 Vidéo.

Acteurs : Fabrice Luchini, Mara Taquin, Maud Wyler, Juliette Metten, Veerle Baetens, Lucas Van Den Eynde, Viv Van Dingenen, Sandrine Dumas…

Scénario : Guillaume Nicloux & Fanny Chesnel, d’après le roman Le Berceau de Fanny Chesnel

Photographie : Yves Cape

Musique : Ludovico Einaudi

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Joseph apprend que son fils et le compagnon de celui-ci viennent de périr dans un accident. Ils attendaient un enfant via une mère porteuse en Belgique. Que va devenir leur futur bébé ? Joseph en est-il le grand-père légitime ? Porté par la promesse de cette naissance qui va prolonger l’existence de son fils, le sexagénaire part à la rencontre de la jeune flamande au caractère farouche et indomptable…

On ne pourra pas reprocher à l’éclectique Guillaume Nicloux de varier les genres et les plaisirs. Avec quinze longs-métrages, trois courts, quatre téléfilms, une série télévisée (Il était une seconde fois) et un documentaire à son actif, le réalisateur, scénariste et également romancier revient toujours là où on l’attendait le moins. Après avoir emmener Michel Houellebecq et Gérard Depardieu en cure dans un centre de thalassothérapie (dans Thalasso donc, inédit en DVD) et tâté du thriller horrifique avec La Tour, le cinéaste est de retour avec La Petite, comédie-dramatique extrêmement attachante, pour laquelle il dirige un Fabrice Luchini transcendé, que nous n’avions pas vu aussi magnifique depuis des lustres. Celui-ci semble s’en remettre totalement à Guillaume Nicloux, qui le sort de sa zone de confort comme Bruno Dumont avait pu le faire en 2016 dans Ma loute. Le comédien est ici d’une sobriété exemplaire, bouleversant et n’a jamais été aussi charismatique à plus de 70 ans. Si l’on pourrait éventuellement tiquer devant un dispositif somme toute trop sage, avec une mise en scène disons fonctionnelle, La Petite est un film propre, carré, élégant, drôle, irrigué par une tristesse et une mélancolie qui émanent du personnage principal, qui pourtant n’exprime pas ses sentiments dans ce sens. C’est là toute la réussite de La Petite, qui exploite tout le génie de sa tête d’affiche, qui l’emmène sur un nouveau terrain, tout en capturant le début de l’automne de son existence. Simple, mais efficace.

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Test DVD / Innocence sans protection, réalisé par Dušan Makavejev

INNOCENCE SANS PROTECTION (Nevinost bez zastite) réalisé par Dušan Makavejev, disponible en DVD le 8 novembre 2023 chez Malavida Films.

Acteurs : Dragoljub Aleksić, Ana Milosavljevic, Vera Jovanovic…

Scénario : Dusan Makavejev & Branko Vucicevic

Photographie : Stevan Miskovic & Branko Perak

Musique : Vojislav Kostic

Durée : 1h17

Date de sortie initiale: 1968

LE FILM

En 1968, après avoir fait circuler une annonce dans les journaux à la recherche de personnes aux qualités morales et physiques extraordinaires, Dusan Makavejev fait la rencontre de l’acrobate Dragoljub Aleksic et découvre du même coup son film, le premier Innocence sans protection. Il trouve dans cette figure nationale aussi excentrique qu’extraordinaire l’incarnation d’une partie de l’Histoire et de la culture yougoslave et lui rend hommage dans un portrait aussi drôle qu’émouvant.

À propos d’Innocence sans protectionNevinost bez zastite, son troisième long-métrage, le réalisateur Dušan Makavejev déclarait à feu Michel Ciment en 1968 « Le cinéma moderne doit échapper à toute définition. Qu’est-ce qu’Innocence sans protection ? Un essai filmé, un documentaire, une nouvelle sorte de spectacle ou la reconstitution d’un vieux film ? C’est tout cela à la fois. Le cinéma moderne doit être un savon dans une main humide. Si vous essayez de le saisir, il vous échappe ». En effet, on retrouve l’aspect collage qui plaisait tant au cinéaste depuis ses premières œuvres, L’Homme n’est pas un oiseau ou Une affaire de coeur : La Tragédie d’une employée des P.T.T., mais aussi dans ses courts-métrages, Conte pédagogique– Pedagoska bajka (1961), savoureuse relecture du conte des frères Grimm, Parade (1962), témoignage d’une Journée internationale des Travailleurs, et le formidable Am, Stram, Gram (1961), merveille visuelle, drôle et burlesque sur le mirage de l’argent. Avec Innocence sans protection, Dušan Makavejev arrive au bout d’un concept et présente donc « une réédition d’un bon vieux film, arrangé, embelli et commenté » par ses soins, comme l’indique un carton en introduction. Une nouvelle expérience cinématographique signée Dušan Makavejev !

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Test Blu-ray / Le Diable boiteux, réalisé par Sacha Guitry

LE DIABLE BOITEUX réalisé par Sacha Guitry, disponible en Combo Blu-ray + DVD + DVD de bonus le 5 décembre 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Sacha Guitry, Lana Marconi, Émile Drain, Henry Laverne, Maurice Teynac, Philippe Richard, Georges Spanelly, Renée Devillers…

Scénario : Sacha Guitry, d’après sa pièce

Photographie : Nikolai Toporkoff

Musique : Louis Beydts

Durée : 2h05

Année de sortie : 1948

LE FILM

De la fin du XVIIIè au début du XIXè, Talleyrand, homme d’État français et rusé diplomate sert six régimes successifs, parfois opposés… Avec brio, Sacha Guitry dresse le portrait de ce maître de la trahison et du changement d’allégeance, jusqu’à son triomphe final.

Avec Le Diable boiteux (« un film conçu, dialogué, réalisé et interprété par l’auteur »), biographie filmée du prince de Talleyrand, évêque d’Autun, qui servit la France de l’Ancien Régime jusqu’à la Monarchie de Juillet en passant par le Directoire, le Consulat, le Premier Empire et la Restauration (« Vive le roy ! », « Vive la République ! », « Vive l’Empereur ! », « Vive le roi ! » est-il écrit sur le même mur au fil du récit), Sacha Guitry signait son retour au cinéma. Si Le Comédien allait sortir en premier, Le Diable boiteux était initialement prévu avant celui-ci, mais le réalisateur, auteur et comédien allait rencontrer quelques soucis avec la censure. Avant que le tournage soit lancé, la pièce en trois actes et neuf tableaux Talleyrand ou le Diable boiteux attirait les foules au théâtre Édouard VII en 1948. Fasciné par le personnage historique, Sacha Guitry y voyait une opportunité pour faire un parallèle avec ce qu’il venait de vivre, ayant été arrêté puis incarcéré pour son comportement avec l’occupant allemand. Adulé et pourtant détesté par certains, mis au pilori et encensé, Sacha Guitry se met à nu dans la peau de Talleyrand (« le plus grand diplomate qui ait jamais existé […] qui ne s’est jamais soucié de l’opinion d’autrui ») et livre une sublime prestation, probablement l’une de ses meilleures. Si quelques longueurs se font parfois ressentir (le film durant plus de deux heures), notamment lors de la fête organisée pour les infants d’Espagne à Valençay, Le Diable boiteux laisse pantois d’admiration par la beauté incommensurable de ses dialogues et la modernité de sa mise en scène.

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