Test Blu-ray / Un si noble tueur – The Gentle Gunman, réalisé par Basil Dearden

UN SI NOBLE TUEUR (The Gentle Gunman), réalisé par Basil Dearden, disponible en combo Blu-ray/DVD le 28 février 2024 chez Studiocanal.

Acteurs : John Mills, Dirk Bogarde, Robert Beatty, Elizabeth Sellars, Barbara Mullen, Eddie Byrne, Joseph Tomelty, Liam Redmond…

Scénario : Roger MacDougall, d’après sa pièce de théâtre

Photographie : Gordon Dines

Musique : John Greenwood

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1952

LE FILM

En 1941, un petit groupe d’hommes de l’I.R.A. dépose des bombes dans les stations du métro de Londres. Un membre, Terence, a fini par prendre conscience de la stupidité et de l’inutilité de la violence, et il déserte. Son frère Matt vient alors d’Irlande pour prendre sa place. Après l’arrestation de deux des hommes, Matt, croyant que Terence les trahissait, revient en Irlande et fait son rapport au chef de l’I.R.A., Shinto, et à une femme, partisane fanatique. Elle a aimé Terence mais maintenant elle reporte son amour sur son frère. Lorsqu’ils apprennent que deux prisonniers doivent venir à la prison de Belfast, Shinto projette de les faire échapper.

Noblesse oblige, De l’or en barres, Tueurs de dames, Passeport pour Pimlico, L’Homme au complet blanc, Tortillard pour Titfield, fleurons, monuments de la comédie anglaise des années 1940-50 ont toutes un point commun, elles sortent des Ealing Studios. Cependant, on a tendance à oublier que ces derniers ont toujours su se diversifier. C’est le cas des films de guerre (Un contremaître est allé en France, The Next of Kin, The Bells Go Down, Went the Day Well?) ou même fantastico-horreur (le génial Au coeur de la nuit Dead of Night). Avec près d’une vingtaine d’opus à son actif réalisés pour le compte des Ealing Studios, Basil Dearden (1911-1971), le metteur en scène de Pool of London Les Trafiquants du Dumbar, Police sans arme The Blue Lamp, Le Pas de l’oie The Goose Steps out, où d’ailleurs il ne se cantonne pas au registre comique, est l’un des rares cinéastes sous contrat à faire preuve de diversité. À ce titre, Un si noble tueur The Gentle Gunman, adapté d’une pièce de théâtre de Roger MacDougall, sorti au Royaume-Uni en 1952 (et deux ans plus tard dans nos contrées) est un thriller politique sombre furieusement moderne, pour ne pas dire toujours autant d’actualité. Certes, le film contient quelques touches d’humour étonnantes, qui contrastent avec le reste et servent avant tout de soupapes pour permettre aux spectateurs de reprendre leur souffle, mais Un si noble tueur est un vrai film noir qui se déroule dans le milieu encore rarement exploité au cinéma de l’IRA. Ainsi, bien avant Au nom du père et The Boxer de Jim Sheridan, Michael Collins de Neil Jordan, Ennemis rapprochés d’Alan J. Pakula, Bloody Sunday de Paul Greengrass, Le Vent se lève et Secret défense de Ken Loach, Hunger de Steve McQueen, ‘71 de Yann Demange, évidemment plus tardifs et reconnus, Un si noble tueur se penchait déjà avec réalisme sur le bouillonnement de cette lutte armée. Si Basil Dearden s’inspire vraisemblablement de ce que l’immense John Ford avait fait avant lui avec Le Mouchard The Informer (4 Oscars) en 1935 et The Plough and the Stars l’année suivante, il serait temps de (re)découvrir et surtout de réhabiliter The Gentle Gunman.

Au début des années 1940, un commando de l’IRA est chargé de placer des bombes dans des stations de métro à Londres. Leur chef Terence déserte car il ne croit plus à la violence comme moyen d’action. Son frère Matt arrive d’Irlande pour le remplacer. Après l’arrestation de deux membres du commando, Matt croit que son frère les a trahis. Il rentre en Irlande pour voir le chef local de l’IRA, Shinto. Apprenant que les prisonniers sont transférés dans un prison de Belfast, Shinto organise leur évasion. Terence, revenu pour pousser son frère à quitter l’organisation, prend part au projet. Après qu’un des membres a été grièvement blessé, Terence tente une opération en solo et libère les prisonniers. Shinto refuse de le croire et Terence est condamné à mort comme traître. Il n’est sauvé que par l’arrivée des ex-prisonniers. Shinto et ses hommes s’enfuient, poursuivis par la police, et Matt, finalement convaincu, décide de renoncer à la violence.

« The situation in England is serious, but it’s never hopeless »
« The situation in Ireland is hopeless but it’s never serious »

Un si noble tueur s’ouvre sur une scène typique des comédies Ealing, avec une partie d’échecs entreprise par un Irlandais et un Anglais, à la fois amis et ennemis, qui s’envoient des vacheries des deux côtés de l’échiquier, quant aux agissements de l’IRA. Une conversation de comptoir pourrait-on dire d’où ressort un constat « ça n’excuse rien, mais ça explique tout ». « Il fait être Irlandais pour aimer les bombes dans le métro » déclare aussi l’Anglais. Puis, renversement, rupture de ton, le spectateur se retrouve auprès de l’IRA en question, qui prépare un attentat dans le métro londonien. Basil Dearden se place au plus près de ces soldats déterminés, même si le film se focalisera sur deux frères, Terence Sullivan et son cadet Matt, le premier, qui a décidé de s’éloigner de la lutte armée, le second, frais, le cerveau lavé par leur leader Shinto, prêt à prendre la relève. Forcément, Terence voit d’un mauvais œil que Matt risque déjà sa peau pour un conflit qu’il estime stérile, sans fin, pour ne pas dire inutile.

Terence, c’est John Mills, comédien britannique disparu en 2005 à presque cent ans dont presque 75 passés devant la caméra, celle de Robert Stevenson, David Lean, Edward Dmytryk, King Vidor, John Guillermin, Richard Attenborough, Stanley Kramer…Il tient la vedette de The Gentle Gunman et son rôle est nettement plus captivant que celui tenu par Dirk Bogarde, encore au début de sa carrière, précédemment apparu dans La Lampe bleue, également mis en scène par Basil Dearden. Ce dernier lui offrira d’ailleurs l’un des rôles décisifs de sa carrière, celui de Melville Far dans La Victime Victim (1961), connu pour être le premier film britannique utilisant le terme homosexualité. S’il est impeccable dans Un si noble tueur, Dirk Bogarde apparaît plus en retrait et même le personnage de Maureen, interprétée par l’excellente Elizabeth Sellars (La Comtesse aux pieds nus, Désirée, Les 55 Jours de Pékin) est beaucoup plus intéressant, la jeune femme apparaissant foncièrement ambiguë, avide de sang voire excitée sexuellement par la violence qui l’entoure. Son regard lubrique sur les armes et les munitions est de ceux qu’on n’oublie pas dans The Gentle Gunman. Solide prestation également de Robert Beatty (Shinto dans le film), connu des cinéphiles pour avoir joué le Dr. Ralph Halvorsen dans 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick et dans le somptueux Huit Heures de sursis Odd Man Out de Carol Reed.

Un si noble tueur repose bien évidemment sur les personnages, leurs idéaux, leurs désillusions, leurs remords, leur désir et quête de rédemption, mais aussi sur une ambiance héritée du film noir américain, la photographie souvent crépusculaire signée Gordon Dines (Secret People) plongeant les protagonistes entre l’ombre et la lumière, agissant la plupart du temps dans l’obscurité, mais ne pouvant renier leurs actions souvent sanglantes. Les dialogues sont sensationnels et font mouche à tous les coups, le montage, à l’instar de la scène centrale de l’attaque du fourgon, est une vraie leçon, l’émotion est omniprésente (magnifique personnage de la mère incitant son jeune fils à ne jamais revenir en Irlande), l’humour insolite (avec les ambulanciers et la standardiste) contribuent à la grande réussite de The Gentle Gunman, sur lequel les passionnés du septième art devraient se pencher.

LE BLU-RAY

Nous voici déjà rendus au numéro 68 de la collection Make My Day ! de Jean-Baptiste Thoret, dont nous vous avons parlé maintes fois à travers nos chroniques et ce depuis l’apparition de cette indispensable anthologie en septembre 2018 ! Comme d’habitude, Studiocanal permet enfin de (re)découvrir Un si noble tueur, film rare et même inédit en DVD/Blu-ray chez nous, dans d’excellentes conditions. Le film de Basil Dearden est présenté ici dans un combo Blu-ray/DVD, disposés dans un Digipack, glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est sobre, très légèrement animé et muet.

Jean-Baptiste Thoret présente tout naturellement le film qui nous intéresse au cours d’une préface en avant-programme (7’). Comme il en a l’habitude, le critique replace de manière passionnante The Gentle Gunman dans son contexte, dans la filmographie de Basil Dearden et évoque les thèmes d’Un si noble tueur.

Nous trouvons aus une galerie de photos, ainsi qu’une rencontre en visio (32’) entre Matthew Sweet, journaliste et animateur, et Phuong Le, critique pour The Guardian et Sight & Sound. Deux très grands admirateurs du comédien Dirk Bogarde, qui croisent à la fois le fond et la forme d’Un si noble tueur, tout en précisant que leur acteur préféré n’a pas ici le premier rôle, tenu par John Mills. Quelques séquences de The Gentle Gunman y sont analysées, disséquées, avec pertinence, les bémols pointés du doigt (entre autres l’accent Irlandais des deux acteurs qui apparaît et disparaît parfois au cours d’une même scène), la psychologie des personnages abordée. Un bon supplément.

L’Image et le son

Présenté dans son format original 1.33, encodé en MPEG-4 AVC et bénéficiant d’un transfert 1080p, The Gentle Gunman arrive en Blu-ray en France chez Studiocanal. Un master HD on ne peut plus impressionnant, impeccablement restauré, le film de Basil Dearden n’ayant jamais bénéficié d’une sortie Standard et encore moins en HD dans nos contrées. De très légères imperfections, mais dans l’ensemble, la copie est superbe, le piqué acéré, la texture argentique préservée et solidement gérée, les contrastes denses, équilibrés, avec une large palette de gris, des noirs sombres (mais jamais bouchés), des blancs lumineux (pas brûlés), sans oublier une impressionnante profondeur de champ. Les scènes en extérieur sont majestueuses avec des ciels lourds et infinis. On en prend plein les yeux et ce Blu-ray réuni les meilleures conditions pour se plonger dans Un si noble tueur.

Une seule piste audio, anglaise forcément, est présentée sur cette édition. Le confort acoustique est aussi soigné que pour le visionnage, tous les échanges sont clairs, précis, sans aucune anomalie ni couac, craquement ou souffle intempestif. En revanche, les sous-titres français sont imposés.

Crédits images : © Studiocanal / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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