33 ans après leur naissance, deux frères jumeaux découvrent soudainement l’existence l’un de l’autre… Pour Grégoire et Anthony, la surprise est d’autant plus grande que l’un est blanc, l’autre noir ! Il y avait une chance sur un million que ce phénomène génétique survienne. Mais leur couleur de peau est loin d’être la seule chose qui les différencie ! En faisant connaissance, aucun des deux n’a l’impression d’avoir tiré le gros lot…
C’est étonnant, car à la lecture du pitch de Jumeaux mais pas trop, on pense bien sûr au film Jumeaux – Twins d’Ivan Reitman, mais aussi étrangement à la suite qui devait se faire (on ne sait plus si c’est encore à l’ordre du jour en raison du décès du réalisateur en 2022), dans laquelle Arnold Schwarzenegger et Danny DeVito devaient rencontrer leur frère caché interprété par…Eddie Murphy. Mais en dehors de cela, le long-métrage coréalisé par Olivier Ducray et Wilfried Méance ressemble plus à un produit calibré pour la petite lucarne, sur la forme surtout, qui s’apparente à celle d’un téléfilm TF1 avec une photographie suréclairée et une mise en scène complètement statique. Heureusement, l’ensemble est sauvé par les comédiens, tous excellents, l’émotion fonctionne, quelques répliques font mouche. Cependant, Jumeaux mais pas trop fait partie du tout-venant de la comédie française, sitôt vue, sitôt oubliée.
Russie, 2017. Mathieu Roussel est arrêté et incarcéré sous les yeux de sa fille. Expatrié français, il est victime d’un « kompromat », de faux documents compromettants utilisés par les services secrets russes pour nuire à un ennemi de l’Etat. Menacé d’une peine de prison à vie, il ne lui reste qu’une option : s’évader, et rejoindre la France par ses propres moyens…
Remarqué dès son premier long-métrage, Anthony Zimmer, qui attirera plus de 800.000 spectateurs en 2005 et connaîtra même un remake américain cinq ans après (The Tourist) réalisé par Florian Henckel von Donnersmarck (La Vie des autres), avec Angelina Jolie et Johnny Depp, le réalisateur Jérôme Salle montrera très vite son savoir-faire « à l’américaine ». Ce sera le cas sur les deux opus cinématographiques de Largo Winch avec Tomer Sisley dans le rôle-titre, même s’ils n’ont pas autant cartonné qu’espéré en France, deux films d’action survitaminés qui n’ont sûrement pas à rougir face aux blockbusters US. 2013, on retrouvait son efficacité avec Zulu, confortable production adaptée du roman à succès de Caryl Férey, filmée en Afrique du Sud, portée par un casting solide mené par Forest Whitaker et Orlando Bloom. Trois ans plus tard, il bénéficie d’un budget de 20 millions d’euros qui lui permettent de concrétiser un projet de longue date, L’Odyssée, biopic sur le Commandant Jacques-Yves Cousteau, qui connaît un succès mitigé. Jérôme Salle revient à ses premières amours avec Kompromat, qui mêle à la fois le thriller psychologique et l’action, très librement inspiré de l’histoire de Yoann Barbereau, écrivain français (Dans les Geôles de Sibérie) et ancien directeur de l’Alliance française d’Irkoutsk, connu pour avoir été victime d’un kompromat (littéralement « dossier compromettant ») russe, fabriqué de toutes pièces pour lui nuire. Sur ce postulat de départ, le réalisateur signe un formidable divertissement, puissamment interprété par Gilles Lellouche, qui depuis Le Sens de la fête semble touché par la grâce et signe une nouvelle performance impressionnante après Plonger, Pupille, BAC Nord, Adieu Monsieur Haffman et Goliath.
MAIGRET réalisé par Patrice Leconte, disponible en DVD et Blu-ray le 23 juin 2022 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Gérard Depardieu, Jade Labeste, Mélanie Bernier, Aurore Clément, Bertrand Poncet, Clara Antoons, Anne Loiret, André Wilms, Elizabeth Bourgine…
Scénario : Jérôme Tonnerre & Patrice Leconte, d’après le roman Maigret et la Jeune Morte de Georges Simenon
Photographie : Yves Angelo
Musique : Bruno Coulais
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
Maigret enquête sur la mort d’une jeune fille. Rien ne permet de l’identifier, personne ne semble l’avoir connue, ni se souvenir d’elle. Il rencontre une délinquante, qui ressemble étrangement à la victime, et réveille en lui le souvenir d’une autre disparition, plus ancienne et plus intime…
En dehors de Jean Richard et de Bruno Cremer qui ont su marquer l’esprit des téléspectateurs en l’incarnant respectivement 23 ans et 14 ans, le Commissaire divisionnaire Maigret prend immédiatement les traits de Jean Gabin dans l’inconscient collectif concernant l’adaptation cinématographique des aventures du célèbre personnage créé par Georges Simenon. Le comédien l’aura interprété à trois reprises dans Maigret tend un piège (Jean Delannoy, 1958), Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre (Jean Delannoy, 1959) et Maigret voit rouge (Gilles Grangier, 1963). Pourtant, Pierre Renoir (le premier Maigret du cinéma dans La Nuit du Carrefour de Jean Renoir, 1932), Harry Baur (La Tête d’un homme, 1932, de Julien Duvivier), Albert Préjean (Picpus, Les Caves du Majestic), Charles Laughton (L’Homme de la tour Eiffel, 1949, de Burgess Meredith) et même Michel Simon (Brelan d’as, 1952, d’Henri Verneuil), s’étaient entre autres déjà emparés de ce rôle mythique. Le commissaire Jules Maigret est un monument de la littérature mondiale. Créé en 1931 sous la plume de Georges Simenon, Maigret deviendra le héros de 75 romans et de 28 nouvelles écrits durant un peu plus de quarante ans, jusqu’en 1972. Après Jean Gabin, c’est au tour de l’italien Gino Cervi d’incarner le flic à la pipe dans Le Commissaire Maigret à Pigalle de Mario Landi (1966), mais aussi pour la petite lucarne, puis de l’allemand Heinz Rühmann dans Maigret fait mouche de Alfred Weidenmann, également sorti en 1966. Tout cela sans parler des transpositions à la télévision britannique avec tour à tour Rupert Davies, Michael Gambon et même Rowan Atkinson dans le rôle-titre. Quasiment soixante ans après Jean Gabin, qui d’autre que Gérard Depardieu pouvait se permettre de reprendre le flambeau ? Dans une archive, Georges Simenon décrivait ainsi sa « créature » « Il boit assez bien, (…) il aime beaucoup manger, (…). Maigret n’est pas un homme intelligent, il est uniquement intuitif, je dirais même que dans les tout premiers Maigret, il avait presque l’air bovin, c’est un type énorme, un peu pachyderme ». Qu’ajouter de plus ? Sobrement intitulé Maigret, le trentième long-métrage de Patrice Leconte, grand admirateur de Georges Simenon devant l’Éternel (on se souvient de Monsieur Hire), s’empare du roman Maigret et la Jeune Morte, prétexte pour plus se focaliser sur la personne du commissaire. Car Maigret est en effet moins une enquête policière qu’une radiographie complète du personnage. Le réalisateur observe son bloc de granite de 72 ans (au moment du tournage), le sculpte à la perfection en le faisant arborer la gabardine et sa pipe (même si dans ce cas précis, le toubib conseille à Maigret d’arrêter de fumer en raison de ses bronches encrassées) et le fait déambuler dans les rues parisiennes qu’il ne reconnaît plus, qui se transforment, tandis que lui-même commence à disparaître car devenu obsolète. Avant d’être définitivement absorbé par les pavés mouillés déchaussés comme les dents pourries d’un sans-le-sou, Maigret, rattrapé par l’âge, colosse aux pieds d’argile, ayant même perdu l’appétit, livre l’une de ses dernières enquêtes, tout en affrontant ses propres démons. Très grand film sur lequel plane également l’ombre du Dahlia noir de James Ellroy. Les amateurs de lecture noire et policière apprécieront, les autres aussi.
355 (The 355) réalisé par Simon Kinberg, disponible en DVD, Blu-ray & 4K UHD le 25 mai 2022 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Jessica Chastain, Penélope Cruz, Bingbing Fan, Diane Kruger, Lupita Nyong’o, Édgar Ramírez, Sebastian Stan, Jason Flemyng…
Scénario : Theresa Rebeck & Simon Kinberg
Photographie : Tim Maurice-Jones
Musique : Junkie XL
Durée 2h03
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
Une arme technologique capable de prendre le contrôle de réseaux informatiques tombe entre de mauvaises mains. Les agences de renseignements du monde entier envoient leurs agentes les plus redoutables là où l’arme destructrice a été localisée : à Paris. Leur mission : empêcher des organisations terroristes ou gouvernementales de s’en emparer pour déclencher un conflit mondial. Les espionnes vont devoir choisir entre se combattre ou s’allier contre une terrible organisation mondiale aux funestes desseins…
Pas de bol décidément pour Simon Kinberg, qui après le méchant bide de X-Men: Dark Phoenix, qui était pourtant bien mieux que X-Men: Apocalypse et même le surestimé (pour ne pas dire ronflant) X-Men: Days of Future Past, vient de connaître un nouvel échec commercial au cinéma avec son second long-métrage en tant que réalisateur, 355 – The 355. Alors qu’il dirigeait Jessica Chastain sur Dark Phoenix, cette dernière lui a directement proposé de mettre en scène un thriller d’espionnage qu’elle désirait produire et interpréter auprès d’autres comédiennes, comme un Mission Impossible au féminin qui se déroulerait aux quatre coins du monde. Produit pour 75 millions de dollars (hors budget promotionnel), 355 n’aura même pas franchi la barre des 15 millions de dollars de recette aux Etats-Unis et n’aura réussi à engranger que 7 millions de billets verts à l’international. Un four colossal, le premier de 2022 d’ailleurs, dont l’affiche était prometteuse. Dommage car 355 (il faudra attendre la fin du film pour avoir l’explication de ce titre étrange) est un divertissement qui ne se prend pas au sérieux, complètement improbable (surtout quand nos héroïnes se bastonnent, courent et sautent avec leurs talons), mais gentiment bad-ass et violemment sexy, dans lequel Jessica Chastain, Diane Kruger (remplaçant au pied levé Marion Cotillard), Lupita Nyong’o, Penélope Cruz et Fan Bingbing rivalisent de charme et prennent un plaisir évident à se donner la réplique. C’est chouette, rondement mené, pas forcément bien emballé (les scènes d’action au montage incompréhensible), mais sans temps mort et on déconnecte son cerveau comme il se doit.
A Strasbourg, Marie se prostitue depuis 20 ans. Elle a son bout de trottoir, ses habitués, sa liberté. Et un fils, Adrien, 17 ans. Pour assurer son avenir, Marie veut lui payer des études. Il lui faut de l’argent, vite. Elle va alors traverser la frontière quotidiennement et se prostituer dans une maison close allemande.
Si la consécration est venue en 2020 avec le merveilleux Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal, cela fait pourtant plus de dix ans que Laure Calamy illumine le cinéma français, depuis 2011 exactement, quand nous l’avions découvert dans le magnifique Un monde sans femmes de Guillaume Brac, qui révélait en même temps Vincent Macaigne. La comédienne a toujours montré le bout de son superbe nez, au second comme à l’arrière-plan, en crevant l’écran à chaque apparition, dans 9 mois ferme d’Albert Dupontel, Sous les jupes des filles d’Audrey Dana, Fidelio, l’odyssée d’Alice de Lucie Borleteau, À trois on y va de Jérôme Bonnell, Victoriade Justine Triet, Roulez jeunesse de Julien Guetta, Nos batailles de Guillaume Senez ou Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret. Le César de la meilleure actrice en poche, tout en cartonnant dans la série Dix pour cent, Laure Calamy a passé la vitesse supérieure en tenant enfin le haut de l’affiche. C’est le cas pour Une femme du monde de Cécile Ducrocq, prolongement du court-métrage La Contre-allée (César du meilleur court métrage), réalisé en 2014, dans lequel l’actrice incarnait déjà une prostituée, dont le mode de vie était menacé par la concurrence à bas prix de ses collègues africaines, qui engageait trois militants d’extrême-droite pour régler ses affaires, avant d’être elle-même victime des trois individus menaçants. On retrouve quelques échos à La Contre-allée dans Une femme du monde (la scène inaugurale surtout), même si le personnage principal ne s’appelle pas pareil et qu’elle est ici la mère d’un adolescent de 17 ans, qui ignore tout de ses activités. Quand celui-ci se retrouve dans une mauvaise passe et joue son avenir en étant sur le point d’intégrer une grande école de cuisine, qui demande la somme colossale de près de 10.000 euros, Marie est prête à tout (et c’est là le véritable sujet du film), quitte à mettre ses principes de côté, pour réunir l’argent nécessaire, afin d’offrir à Adrien la chance qu’elle n’a jamais eue. Et Laure Calamy de signer une fois de plus une prestation époustouflante, très largement plébiscitée par la critique et auréolée d’une nouvelle nomination aux César en 2022.
RIDERS OF JUSTICE (Retfærdighedens ryttere) réalisé par Anders Thomas Jensen, disponible en DVD et Blu-ray le 2 février 2022 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Mads Mikkelsen, Nikolaj Lie Kaas, Andrea Heick Gadeberg, Lars Brygmann, Nicolas Bro, Gustav Lindh, Roland Møller, Albert Rudbeck Lindhardt…
Scénario : Anders Thomas Jensen
Photographie : Kasper Tuxen
Musique : Jeppe Kaas
Durée : 1h51
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
Markus, militaire danois en poste en Afghanistan, rentre précipitamment chez lui après la mort de son épouse dans un accident de métro pour s’occuper de leur fille. Un rescapé, Otto, prend contact avec Markus et lui explique que l’accident était en fait un attentat soigneusement orchestré.
Nous avions laissé Mads Mikkelsen danser en état d’ivresse, ou de célébrer l’ivresse de la vie plutôt, à la fin du magnifique Drunk – Druk de Thomas Vinterberg. Le voilà déjà de retour et ce pour notre plus grand plaisir, dans un rôle aux antipodes de celui du professeur qu’il tenait précédemment, dans Riders of Justice – Retfærdighedens ryttere, pour lequel il s’associe avec le réalisateur Anders Thomas Jensen pour la cinquième fois de sa carrière. Après Lumières dansante – Blinkende lygter (2000), Les Bouchers verts – De grønne slagtere (2003), Adam’s Apples – Adams Æbler (2006) et Men and Chicken – Mænd og høns (2006), celui que l’on peut aisément définir comme étant l’un des plus grands comédiens du cinéma contemporain (quelle puissance bordel), se métamorphose à nouveau dans Riders of Justice, où il trône de façon impériale sur un casting fabuleux, dans lequel on retrouve évidemment Nikolaj Lie Kaas, qui lui aussi accompagne son camarade et le cinéaste à chaque film depuis plus de vingt ans. Certes ponctué par quelques éclats de violence sèche, Riders of Justice est avant tout une comédie bien noire, dans laquelle un Paul Kersey danois serait obligé de faire équipe avec Les Bandits Solitaires – The Lone Gunmen de la série X-Files : Aux frontières du réel. Ces individus mal assortis vont se révéler les uns aux autres, surtout leurs points communs, en l’occurrence une sévère solitude. Cette union percera la carapace de chacun de ces inadaptés, tout cela sur fond d’accident ferroviaire, qui n’en serait pas un, enfin vous verrez. N’attendez plus, foncez découvrir Riders of Justice, l’un des meilleurs films de 2021, ainsi qu’un des plus jubilatoires, un des plus beaux, un des plus surprenants…
ATTENTION AU DÉPART ! réalisé par Benjamin Euvrard, disponible en DVD le 18 décembre 2021 chez M6 Vidéo.
Acteurs : André Dussollier, Jérôme Commandeur, Jonathan Lambert, Nils Othenin-Girard, Charly de Witte, Léo Dussollier, Marie-Julie Baup, Ferdinand Leclère…
Scénario : Benjamin Euvrard, Charly De Witte, Benjamin Dumont & Ingrid Morley-Pegge
Photographie : Vincent Gallot
Musique : Matthieu Gonet
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Rater le train, c’est moche. Alors le voir partir avec vos enfants et ceux de vos amis dont vous avez la charge, c’est une autre histoire… Celle de la folle course-poursuite de Benjamin, papa poule un peu dépassé et Antoine, grand-père fantasque, qui doivent trouver une solution avant qu’on apprenne… qu’ils ont perdu les gosses ! Rattraper le train est leur seule chance de se rattraper…
Mal vendue, sortie face à Bac Nord et Baby Boss 2, la comédie Attention au départ ! s’est tapée un méchant bide dans les salles avec seulement 187.000 entrées. Un score on ne peut plus décevant pour ce genre de divertissement estival, même si la concurrence n’excuse pas tout. Le premier long-métrage de Benjamin Euvrard, créateur de la série Zap Story (2009), mais aussi scénariste, producteur et réalisateur de la série What Ze Teuf, première tweet série française diffusée à la télévision, manque de…bah de tout en fait. De rythme, d’intérêt, d’écriture, de mise en scène, de direction d’acteurs, d’humour aussi sans doute. Si l’ensemble est loin d’être antipathique, Attention au départ ! a du mal à maintenir le spectateur éveillé et parvient trop rarement à tirer profit de son postulat de départ, qui aurait pu donner quelques situations beaucoup plus cocasses. Demeure la fraîcheur absolue du magistral André Dussollier, qui s’amuse comme un gamin du haut de ses 75 ans. Il est incontestablement la raison d’être du film.
VILLA CAPRICE réalisé par Bernard Stora, disponible en DVD le 6 octobre 2021 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Niels Arestrup, Patrick Bruel, Irène Jacob, Paul Hamy, Michel Bouquet, Laurent Stocker, Sophie Verbeeck, Eva Darlan…
Scénario : Bernard Stora & Pascale Robert-Diard
Photographie : Thomas Hardmeier
Musique : Vincent Stora
Durée : 1h39
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
Gilles Fontaine, l’un des patrons les plus puissants de France, est suspecté d’avoir acquis dans des conditions douteuses une magnifique propriété sur la Côte d’Azur, la « Villa Caprice ». Il choisit alors pour le défendre un avocat célèbre et redouté, Maître Luc Germon. En principe alliés, une relation de rivalité s’installe bientôt entre les deux hommes. Qui détient le pouvoir, de l’avocat ou de celui qui le paie ? Derrière l’affaire qui les a réunis s’en profile une autre, plus obscure.
En toute honnêteté, on ne misait pas un kopeck sur Villa Caprice. Au vu de la bande-annonce, on pouvait s’attendre à un énième pseudo-thriller juridico-psychologique tourné sur la Côte d’Azur, où les décors naturels secs capturés sous un soleil de plomb refléteraient les rapports tendus et fiévreux entre les personnages. Que nenni ! En effet, pour son retour au cinéma, 22 ans après Un dérangement considérable, Bernard Stora (né en 1944) livre un film de cet acabit, mais qui s’avère particulièrement brillant, excellemment écrit, aux dialogues même exceptionnels et servi par un casting parfait sur lequel trône l’impérial Niels Arestrup. A ses côtés, Patrick Bruel n’avait pas été à pareille fête depuis bien longtemps et se révèle être impeccable en homme d’affaires impitoyable. Le comédien-chanteur a l’air de se délecter en incarnant une vraie saloperie, prêt à tout pour défendre ses intérêts (conséquents), sa place (privilégiée) dans le monde, prêt pour cela à utiliser comme des pions ceux qu’il considère inférieurs à lui et donc obligés de se mettre à son service. Très belle réussite que cette Villa Caprice, chaudement recommandé aux amateurs de bons mots et de grands numéros d’acteurs.
LES APPARENCES réalisé par Marc Fitoussi, disponible en DVD le 27 janvier 2021 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Karin Viard, Benjamin Biolay, Lucas Englander, Laetitia Dosch, Pascale Arbillot, Evelyne Buyle, Martine Schambacher, Catherine Davenier…
Scénario : Marc Fitoussi & Sylvie Dauvillier, d’après une histoire originale de Karin Alvtegen
Photographie : Antoine Roch
Musique : Bertrand Burgalat
Durée : 1h46
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
Vienne, ses palais impériaux, son Danube bleu…Et sa très privilégiée communauté d’expatriés français. Couple emblématique, Ève et Henri ont tout pour être heureux. Lui est un prestigieux chef d’orchestre, elle travaille à l’Institut Français. Une vie apparemment sans fausse note jusqu’au jour où Ève voit son univers protégé se fissurer et ses certitudes s’effondrer. Prête à tout pour ne pas perdre la face et maintenir les apparences, elle va se révéler totalement diabolique.
Les Apparences est le sixième long métrage de Marc Fitoussi (né en 1974) après La Vie d’artiste, Copacabana, Pauline détective, La Ritournelle et Maman a tort. Après ce dernier, le réalisateur avait participé au film collectif Selfie, ainsi qu’aux saisons 3 et 4 de la série à succès Dix pour cent. Depuis 2007, le réalisateur a su prouver la singularité et la sensibilité de son univers. Depuis La Vie d’artiste, Marc Fitoussi a toujours marqué ses films, pourtant souvent ancrés dans une réalité sociale, d’une douce folie. Ses œuvres possèdent également un décalage qui fait l’âme de son cinéma, toujours marquées par des dialogues subtils et d’une remarquable intelligence. Maman a tort, ne dérogeait pas à la règle et apparaissait même comme un film-somme. Pour Les Apparences, Marc Fitoussi change une fois de plus de registre et aborde le thriller paranoïaque. Si beaucoup ont loué sa ressemblance aux films du genre de Claude Chabrol, le cinéaste s’en éloigne et s’en approprie les codes à travers un humour cinglant et décapant, qu’il distille au compte-gouttes, dans la tradition d’Alfred Hitchcock auquel on pense dans une séquence qui évoque celle du concert de L’Homme qui en savait trop. Les Apparences est une très grande réussite, à la fois vénéneuse, grinçante et caustique, inquiétante et cynique, drôle et amorale, où trône l’impériale Karin Viard qui après Jalouse de David et Stéphane Foenkinos, Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Éric Métayer et Chanson douce de Lucie Borleteau, prouve une fois de plus qu’elle n’a de cesse de se réinventer, de se mettre en danger et qu’elle demeure l’une de nos plus illustres comédiennes.
ENRAGÉ (Unhinged) réalisé par Derrick Borte, disponible en DVD et Blu-ray le 19 décembre 2020 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Russell Crowe, Jimmi Simpson, Gabriel Bateman, Caren Pistorius, Anne Leighton, Austin P. McKenzie, Michael Papajohn, Lucy Faust…
Scénario : Carl Ellsworth
Photographie : Brendan Galvin
Musique : David Buckley
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
La Nouvelle-Orléans. Mauvaise journée pour Rachel : en retard pour conduire son fils à l’école, elle se retrouve coincée au feu derrière un pick-up qui ne redémarre pas. Perdant patience, elle klaxonne et passe devant. Quelques mètres plus loin, le même véhicule s’arrête à son niveau. Son conducteur, Tom Cooper, la somme de s’excuser, mais elle refuse. Furieux, il commence à la suivre…Enragé, cet homme est prêt et ne craint pas de mourir et parle même de suicide par police interposée. Si la journée de Rachel s’annonçait compliquer, celle-ci se transforme en véritable cauchemar.
Mine de rien, Russell Crowe n’a pas l’air de tourner tant que ça, mais signe quelques coups d’éclat tous les deux ou trois ans, histoire de rappeler que l’on peut, ou plutôt que l’on doit encore compter sur lui. L.A. Confidential de Curtis Hanson, Révélations – The Insider de Michael Mann et Gladiator de Ridley Scott ont beau avoir plus de vingt ans, le comédien néo-zélandais n’a jamais cessé de tourner et même si les années 2010 n’ont pas été pour lui aussi inspirées, on sauvera évidemment ses prestations dans Noé – Noah de Darren Aronofsky, The Nice Guys de Shane Black et même sa participation à Man of Steel de Zack Snyder, dans lequel il supplantait tout le reste du casting dans la peau de Jor-El. 2020 est déjà un très bon cru pour Russell Crowe qui vient d’être récompensé par le Golden Globe du meilleur acteur pour la mini-série The Loudest Voice, et livre aussi une prestation impressionnante dans Enragé – Unhinged, sixième long-métrage du méconnu Derrick Borte, remarqué en 2009 avec son premier film indépendant, La Famille Jones – The Joneses, interprété par Demi Moore, David Duchovny et Amber Heard. Si ses autres opus sont passés sous le radar en France, y compris son film sur les Clash intitulé London Town (2016) avec un Jonathan Rhys Meyers sous substances (pléonasme) dans la peau de Joe Strummer, Enragé s’impose comme un modèle de série B, bien bourrin dans son genre, mené tambours battants et surtout porté par les larges épaules de Russell Crowe. Ce dernier est absolument monstrueux, tout en bedaine saillante et le front constellé de sueur, et en fait voir de toutes les couleurs à sa partenaire, Caren Pistorius, l’une des plus belles révélations de l’année 2020.