Test Blu-ray / Extrême préjudice, réalisé par Walter Hill

EXTRÊME PRÉJUDICE (Extreme Prejudice) réalisé par Walter Hill, disponible en combo Blu-ray+DVD le 30 octobre 2019 chez Studiocanal

Acteurs : Nick Nolte, Powers Boothe, Michael Ironside, Maria Conchita Alonso, Rip Torn, Clancy Brown, William Forsythe, Matt Mulhern…

Scénario : Deric Washburn, Harry Kleiner d’après une histoire originale de John Milius et Fred Rexer

Photographie : Matthew F. Leonetti

Musique : Jerry Goldsmith

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 1987

LE FILM

Texas ranger, Jack Benteen est chargé de lutter contre le trafic de drogue et l’immigration clandestine à la frontière mexicaine. A la tête de ses truands, Cash Bailey est l’ami d’enfance de Jack et l’ancien compagnon de la femme de ce dernier.

« Nous et notre technologie de l’époque spatiale, on s’est fait avoir par un cowboy de l’âge de pierre ! »

S’il n’est pas le film le plus connu du réalisateur, Extrême préjudiceExtreme Prejudice demeure étonnamment l’un des plus prisés par les aficionados de Walter Hill. En 1968, ce dernier commence sa carrière en tant que réalisateur de seconde équipe sur L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison puis sur le non-moins mythique Bullitt de Peter Yates. Quatre ans plus tard il signe le scénario de Guet-Apens de Sam Peckinpah, d’après le roman de Jim Thompson, qui témoigne de son attrait pour la représentation de la violence sans fioritures. Il signe sa première mise en scène en 1975, Le Bagarreur, dans lequel il dirige Charles Bronson et James Coburn. Suivront Driver (bien mieux que son remake fluo signé Nicolas Winding Refn) et le mythique Les Guerriers de la nuitThe Warriors (1979). Son quatrième long métrage, Le Gang des frères James, lui permet d’aborder un nouveau genre, celui du western, à travers l’histoire du gang James-Younger et leurs célèbres attaques de trains et de banques jusqu’à la tuerie de Northfield. Le western devient le genre de prédilection de Walter Hill, qui n’aura de cesse de le décliner dans ses polars urbains. Dans les années 1980, le cinéaste connaît son plus grand succès mondial (48 heures), aborde le film de guerre (Sans retour), le drame musical (Les Rues de feu), le registre de la comédie (Comment claquer un million de dollars par jour) et le film familial (Crossroads). Après ces deux derniers films, Walter Hill souhaite revenir au thriller pur et dur, « à la testostérone » comme il le dit lui-même. Il reprend alors un script écrit par le mythique John Milius au début des années 1970 et confie le scénario à Deric Washburn (Silent Running, Voyage au bout de l’enfer) et Harry Kleiner (La Maison de bambou). Le tout chapeauté par Walter Hill lui-même. Extrême préjudice est un thriller, mais surtout un véritable western des temps modernes, une ode de Walter Hill à son modèle Sam Peckinpah, et plus particulièrement à La Horde sauvage. Un vrai film musclé porté par l’immense talent et le charisme buriné de comédiens de haute volée, où trônent Nick Nolte, Powers Boothe Michael Ironside, Clancy Brown, William Forsythe et Rip Torn.

À Benrey, petite ville frontière entre le Texas et le Mexique, Jack Benteen rencontre bien des difficultés dans sa lutte contre le réseau de drogue monté par son ami d’enfance Cash Bailey. Jack reçoit l’aide d’un commando militaire, envoyé tout exprès par le Pentagone, groupe mercenaires commandé par l’impitoyable Hackett et exclusivement composé de soldats, anciens du Viêt-nam. En fait, Hackett contrevient aux ordres de ses supérieurs. Il souhaite reprendre à son compte le trafic de drogue de Cash. Bon gré mal gré, Jack se retrouve ainsi obligé de pactiser pour un temps avec Cash. Tandis que la ville devient le théâtre d’une bataille rangée entre trafiquants et mercenaires, les deux anciens amis vont enfin régler leurs différends. Seul à seul, ils s’affrontent en duel…

Quel casting ! Quel vrai plaisir de cinéma ! Le scénario d’Extrême préjudice a beau paraître classique, il n’en demeure pas moins efficace et propice à de fabuleux numéros d’acteurs. Walter Hill se fait plaisir derrière la caméra et cela se ressent du début à la fin. Si de nos jours le film prend parfois l’allure d’une série télévisée dans sa mise en scène – nettement rehaussée par un montage percutant, comme souvent chez Walter Hill – le réalisateur se démarque par quelques explosions de violence sèche, à l’instar de l’attaque de la station-service et bien évidemment lors du final au Mexique. Tous les codes du western sont présents, et même si les voitures remplacent ici les chevaux, Extrême préjudice s’intègre parfaitement dans le genre.

Au-delà de cet hommage au cinéma de Sam Peckinpah, c’est bien sûr l’interprétation de Nick Nolte qui vaut le déplacement. Le comédien promène son mètre 85, droit dans ses bottes, et parvient à rendre très attachant son personnage de mec taciturne et pourtant très sensible. En tant que Texas Ranger d’une petite bourgade paumée, Jack se retrouve obligé de se lancer à la poursuite de son ancien meilleur ami Cash, devenu numéro un des trafiquants de drogue, qui sniffe de temps en temps et écrase les scorpions à mains nues. Si la loi les sépare, les sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre sont bel et bien présents. Jack vit également avec Sarita (María Conchita Alonso, vue dans Running Man et Predator 2), d’origine mexicaine, ancienne petite-amie de Cash, mais ce dernier semble toujours présent entre les deux. Jack est bien décidé à mettre son ancien pote derrière les barreaux, même si cela risque de conduire sa compagne à le quitter. Alors, quand débarquent quelques anciens vétérans de la guerre du Viêt Nam, le Texas risque de s’embraser…Et Nick Nolte excelle en interprétant un type intègre et solitaire, qui bouillonne intérieurement, qui encaisse sans broncher les coups durs du destin, qui place néanmoins sur sa route un commando de mercenaires aux méthodes expéditives qui annonce les Expendables de Sylvester Stallone.

C’est alors que Walter Hill se lâche. La scène de l’assaut final et baroud d’honneur avec sa fusillade sanglante digne de Sam Peckinpah (avec les mêmes ralentis), est encore impressionnante. Extrême préjudice nous tient en haleine du début à la fin et la partition de Jerry Goldsmith (avec Ry Cooder aux manettes) souligne le côté épique teinté d’humour noir de cette entreprise jubilatoire produite par les deux spécialistes, Mario Kassar et Andrew G. Vajna pour Carolco Pictures. C’est ce qu’on appelle une valeur sûre et Extrême préjudice demeure aujourd’hui un beau tour de force et un divertissement d’action haut de gamme.

LE BLU-RAY

Vous avez demandé le numéro 17 de la collection Make My Day chez Studiocanal ? Le voici ! Extrême préjudice fait peau neuve chez l’éditeur. Le film de Walter Hill disposait jusqu’ici d’une édition en DVD sortie en 2005 dans la collection Série noire. L’ensemble est présenté ici dans un combo Blu-ray/DVD, disposé dans un Digipack, glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est sobre, très légèrement animé et muet.

Jean-Baptiste Thoret présente le film qui nous intéresse au cours d’une petite préface en avant-programme (6’). Comme il en a l’habitude, le critique replace de manière passionnante Extrême préjudice dans son contexte, dans la filmographie et le parcours de Walter Hill, « un des cinéastes les plus sous-estimés de sa génération » selon lui. Il évoque également la genèse (la première mouture du scénario écrite par John Milius dans les années 1970) et les thèmes du film, son casting, ainsi que l’influence évidente de Sam Peckinpah sur l’oeuvre de Walter Hill et plus précisément sur Extrême préjudice. Tout cela est abordé sans pour autant spoiler le film pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore vu.

Place à Walter Hill, qui revient sur les débuts de sa carrière, puis sur Extrême préjudice dans un entretien réalisé spécialement pour la sortie de son film en Blu-ray en France (56’). Comme à travers son œuvre, l’ombre de Sam Peckinpah plane constamment sur cette longue interview passionnante. Walter Hill évoque d’ailleurs leur rencontre et leur collaboration sur Guet-Apens, film que devait réaliser à la base Peter Bogdanovich. Les souvenirs s’enchaînent, le cinéaste parle également de Steve McQueen, de Bullitt (sur lequel il était réalisateur de seconde équipe), du Point de non-retour de John Boorman, d’Easy Rider de Dennis Hopper (« un film fondamental ») et de l’évolution du cinéma dans les années 1960-70. Il en vient également à ses débuts derrière la caméra, avant d’aborder la situation du cinéma américain contemporain (« les films de super-héros ne risquent pas d’élargir la palette de compétences des réalisateurs »), puis Extrême préjudice dans la seconde partie de cet entretien. Walter Hill déclare d’ailleurs être très fier du travail des acteurs, mais avoue en avoir trop fait dans la dernière partie du film. Les conditions de tournage, le travail avec Jerry Goldsmith et la sortie du film sont également évoqués.

L’éditeur reprend également un module de 21 minutes déjà présent sur le DVD sorti en 2005, constitué d’entretiens avec l’historien du cinéma Noël Simsolo, le critique de cinéma Jean-Claude Missiaen et François Causse (co-directeur et programmateur de la Filmothèque du quartier latin). Nous sommes quelque peu mitigés sur ce document dont l’idée principale qui en ressort est que Walter Hill n’a fait principalement que copier sans génie son mentor Sam Peckinpah. Extrême préjudice est bien évoqué, même si ce sont principalement les faiblesses du film qui sont surtout mises en relief. Seul Jean-Claude Missiaen semble prendre la défense du cinéaste.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Si l’image affiche une propreté indéniable, le piqué manque souvent de mordant, la définition n’est pas optimale et la profondeur de champ laisse parfois à désirer. Les contrastes ne sont pas aussi fermes qu’attendus, certains plans manquent de netteté et se révèlent même légèrement flous. Les scènes sombres posent également problème avec un grain plus appuyé et un défaut de détails certain. La colorimétrie apparaît étrangement rosée, cela est d’autant plus notable sur les visages.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 2.0 sont propres et distillent parfaitement la musique de Jerry Goldsmith. La piste anglaise (avec les sous-titres français imposés) est la plus équilibrée du lot avec une homogénéité entre les dialogues et les bruitages. Au jeu des différences, la version française (au doublage excellent) s’avère un peu trop axée sur les voix, mais ne manque pas d’ardeur, surtout en ce qui concerne le rendu musical ! Le changement de langue est impossible à la volée et nécessite le retour au menu contextuel.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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