LES CRUELS (I Crudeli) réalisé par Sergio Corbucci, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 23 août 2023 chez Studiocanal.
Acteurs : Joseph Cotten, Norma Bengell, Al Mulock, Aldo Sambrell, Julián Mateos, Ángel Aranda…
Scénario : Ugo Liberatore & José Gutiérrez Maesso, d’après une histoire originale d’Ugo Liberatore, Albert Band & Virgil C. Gerlach
Photographie : Enzo Barboni
Musique : Ennio Morricone
Durée : 1h32
Date de sortie initiale : 1967
LE FILM
La guerre de Sécession est finie. Les Nordistes l’ont gagnée, mais dans le camp adverse, Jonas, un ex-gradé, n’accepte pas la défaite. En compagnie de ses trois fils et d’une femme jouant le rôle d’une veuve, ils attaquent une diligence ennemie, mettent la main sur plusieurs poignées de dollars et décident d’utiliser le magot, bien planqué dans un cercueil, pour reformer une armée de Confédérés et prendre leur revanche.
Sergio Corbucci, c’est un peu le Nathalie Rihouet du western. Après avoir vautré Django dans la boue (1966) et avant de jeter Trintignant dans la neige (Le grand silence, 1968), il expose ses protagonistes au cagnard et à la poussière, au gré d’un road movie en diligence où la pluie tombe parfois et les hommes, souvent. Coincé entre deux chefs-d’oeuvres, Les Cruels est l’un des grands oubliés de la (très longue) filmographie de Corbucci. A sa sortie, le film n’attire pas les foules, loin de là. En France, il n’est même pas exploité – il faudra attendre une discrète édition DVD en 2008 pour enfin le découvrir. Mais s’il n’atteint jamais le quart de la somptuosité de Django et Le Grand silence, force est de constater, à la faveur de sa réhabilitation dans la collection Make my day ! de StudioCanal, qu’il ne méritait pas un tel destin.
Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l’arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s’engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative. Sur leur parcours, il y a de la colère et de l’espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée… Et au bout du chemin, parfois, la réparation…
S’il était possible de décerner un César collectif pour l’ensemble du casting d’un long-métrage, on le remettrait immédiatement à celui de Je verrai toujours vos visages, le troisième film de Jeanne Herry, qui avait signé un premier coup d’essai et petit coup de maître avec Elle l’adore en 2014 et qui avait confirmé quatre ans plus tard tous les espoirs basés sur son talent avec Pupille. Suite à ces deux succès au box-office, avec près d’un demi-million d’entrées pour le premier et 850.000 pour le second, on attendait de pied ferme le retour de la réalisatrice. Avec Je verrai toujours vos visages, elle touche au sublime et même au chef d’oeuvre. Rien à redire, tout est absolument parfait, de la prestation des comédiens, en passant par le scénario, les dialogues, la photographie de Nicolas Loir (Le Nouveau de Rudi Rosenberg, Seuls de David Moreau, Novembre de Cédric Jimenez). Ce drame psychologique atteint le coeur, l’âme et même le corps entier. Bien sûr, il est évident que Je verrai toujours vos visages s’adressera personnellement à chaque spectateur, selon son vécu et son expérience, mais au-delà de son sujet passionnant, il s’agit ni plus ni moins d’une vraie leçon de cinéma. On en ressort bouleversés, à bout de souffle, secoués, mais aussi étonnamment gonflés à bloc pour affronter l’adversité, ses démons et son propre futur. Assurément LE film de 2023.
Trocpont-sur-Vézère et Tourtour-les-Bains, deux petits villages du Sud de la France, se livrent depuis toujours une impitoyable guerre de clocher. Symbolisée par un redoutable derby entre les deux équipes de rugby, Trocpont a incontestablement pris l’ascendant mais une arrivée inattendue de demandeurs d’asile va changer la donne et bouleverser la vie de ces deux villages.
Il persiste le bougre ! Depuis le joli succès dans les salles de son premier long-métrage, Le Fils à Jo (2011) qui avait attiré plus d’1,2 millions de spectateurs, Philippe Guillard, ancien joueur de rugby (« un sport de brutes pratiqué par des coeurs tendres ») reconverti dans le cinéma, a signé trois autres films, On voulait tout casser (2015), Papi Sitter (2020) et J’adore ce que vous faites (2022), qui se sont tous méchamment vautrés au box-office. Rebelote avec Pour l’honneur, qui n’aura pas dépassé la barre des 175.000 entrées et pour cause…N’y allons pas par quatre chemins, il s’agit ni plus ni moins d’un des pires films de l’année 2023. Rien, absolument rien ne fonctionne, le casting, l’alchimie entre les « comédiens », la mise en scène, l’humour, le message, tout y est catastrophique. En martelant son discours sur la fraternité et l’entraide avec la délicatesse et l’humilité d’un Jean Messiha qui annonçait son départ de Reconquête après l’annonce des résultats du premier tour en 2022, Pour l’honneur se prend les pieds dans le tapis dès la première scène, celle de la réunion du village où les idéologies s’opposent, autrement dit les deux extrêmes. D’un côté, la tenancière d’un bar-hôtel, qui ouvrira son établissement à une poignée de migrants (avec lesquels ils chanteront Je l’aime à mourir de Francis Cabrel, qui a d’ailleurs signé la chanson de la bande originale) venus de Côte d’Ivoire, du Mali, d’Afghanistan, du Congo, de Syrie…et de l’autre un type d’origine allemande (évidemment) qui voit d’un mauvais œil cette installation forcée. Comment résumer la situation…Dans la France profonde, on n’aime pas les noirs et les arabes, même si on nous dit que « le noir ça déteint pas ». Dans toute la France profonde ? Noooon ! Quelque part près de Brive, une brave hôtelière ouvre ses portes à une dizaine de migrants…et si parmi eux il y avait des possibles recrues pour intégrer leur équipe locale de rugby ??? Hein ??? Mais c’était sans compter le dénommé Gantzer, qui avec son nom nazi déteste ce qui a la peau bronzée ! Ces gens là gênent…surtout que l’usine qui fait vivre la région est spécialisée dans le jambon, ce n’est sûrement pas avec eux que leur chiffre d’affaire va croître ! Non mais alors ma bonne dame ! Je vous remets un gros rouge qui tâche ? Philippe Guillard, c’est un peu un sous-Christophe Barratier, qui a probablement la musique de la publicité pour les saucisses Herta (« ne passons pas à côté des choses simples ») comme sonnerie de téléphone, qui écoute un best-of de Sandrine Rousseau sur YouTube, qui met des pouces en bas sur les vidéos de Charlotte d’Ornellas sur le même réseau, qui a sorti le rouleau de Sopalin devant la cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de rugby et qui est venu trop vite quand Jean Dujardin a montré ses miches (de pain). C’était le bon temps aurait chanté Francis Kuntz de Groland. En l’état, Pour l’honneur est une horreur absolue, tant sur le fond que sur la forme, jusqu’à l’affiche où les personnages paraissent, comme le dirait Orson Welles, se foutre de notre gueule. À vos risques et périls…
LA MOUTARDE ME MONTE AU NEZ réalisé par Claude Zidi, disponible en Blu-ray le 6 septembre 2023 chez Studiocanal.
Acteurs : Pierre Richard, Jane Birkin, Claude Piéplu, Jean Martin, Danielle Minazzoli, Vittorio Caprioli, Julien Guiomar, Henri Guybet…
Scénario : Claude Zidi, Michel Fabre & Pierre Richard
Photographie : Henri Decaë
Musique : Vladimir Cosma
Durée : 1h32
Date de sortie initiale : 1974
LE FILM
Dans une petite ville du midi, Pierre est un peu l’homme à tout faire : professeur dans un pensionnat, il rédige également les discours de son père, en pleine élection électorale, sans oublier les articles pour son ami Patrick, un critique de spectacles. Ses élèves ont alors la bonne idée d’intervertir le contenu des dossiers. Pierre se retrouve alors dans une foule de situations cocasses et déconcertantes.
Dans l’immense et prolifique carrière de Claude Zidi, La Moutarde me monte au nez (3,7 millions d’entrées) se place en dixième position de son palmarès, entre Banzaï (3,70 millions) et Inspecteur la Bavure (3,69 millions). Pour la première fois, le réalisateur délaissait momentanément les Charlots, avec lesquels il avait fait Les Bidasses en folie (1971), Les Fous du stade (1972) et Le Grand Bazar(1973), qui à eux trois avaient réuni plus de 17 millions de français dans les salles. La Moutarde me monte au nez donc, est la première association entre Claude Zidi et Pierre Richard. L’année où le box-office est dominé par Emmanuelle de Just Jaeckin, Les Valseuses de Bertrand Blier, L’Exorciste de William Friedkin, Bruce Lee (avec rien de moins qu’Opération Dragon et La Fureur du Dragon), Zidi parvient à placer deux opus dans le top 10, Les Bidasses s’en vont en guerre (qui sort pour les fêtes de fin d’année), qui supplante finalement La Moutarde me monte au nez sorti deux mois avant. Depuis Le Distrait (1970) et Les Malheurs d’Alfred (1972), Pierre Richard s’est vu propulser nouvelle star de la comédie avec le triomphe international du Grand Blond avec une chaussure noire (1972) d’Yves Robert. Si son retour devant et derrière la caméra, Je sais rien mais je dirais tout, est un nouveau succès, 1974 démarre par deux échecs successifs, Juliette et Juliette de Remo Forlani et Un nuage entre les dentsde Marco Pico. La Moutarde me monte au nez le remet en selle. Avec cette comédie délirante, Claude Zidi innove sur le plan formel avec une mise en scène encore plus élaborée que pour ses films avec les Charlots, les gags sont souvent plus osés, à l’instar de la légendaire scène de l’opération menée par Claude Piéplu, dont le personnage est préoccupé par sa campagne électorale, qui vire carrément au gore, comme celle du cercueil transpercé par un cadavre bien rigide et dont les pieds deviennent encombrants. Un humour anglo-saxon rare dans nos contrées, doublé d’une critique de la presse à scandale, prête à tout pour réaliser un scoop. Un grand classique.
Scénario : Ludovic Bernard & Mathieu Oullion, d’après une histoire originale de Mariano Vera
Photographie : Vincent Richard
Musique : Harry Allouche
Durée : 1h32
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
Antoine Mercier a été licencié de son poste de directeur des ressources humaines dans une grande enseigne de bricolage. Depuis deux ans, il est devenu père au foyer et s’occupe de ses quatre enfants, souvent seul car sa femme Isabelle est très prise par son activité d’avocate. Depuis deux ans dans la famille Mercier, les rôles ont donc clairement été inversés et Antoine commence à de moins en moins tenir le coup face à l’énergie que lui demande sa petite famille. Voilà pourquoi 10 jours de vacances à la montagne s’annoncent comme une aubaine, surtout à Courchevel. Antoine se dit alors qu’il va pouvoir enfin se reposer. Malheureusement pour lui, alors qu’ils sont sur le quai de la gare, le cabinet d’Isabelle la sollicite et elle ne peut plus partir avec les siens. Antoine va alors devoir à nouveau passer 10 jours seul avec ses 4 enfants.
En 2020, Ludovic Bernard (Mission Pays Basque, L’Ascension) connaît un joli succès mérité avec 10 jours sans maman. Porté par Franck Dubosc, ce remake du film argentin Mamá se fue de viaje d’Ariel Winograd, sorti en 2017 et inédit dans l’Hexagone, parvient à attirer 1,2 million de français dans les salles, juste avant l’instauration du confinement et de la fermeture des cinémas. Après deux épisodes emballés pour la série Lupin, le réalisateur qui a fait ses classes dans l’écurie Besson en étant assistant sur Lucy, Taken 2 et 3, 3 Days to Kill, Malavita et autres ignominies, décide de revenir à la famille Mercier, histoire sans doute de surfer sur le hit rencontré par le premier opus, qui aurait pu aller plus loin si nous n’avions pas été « en guerre » (pour citer un humoriste qui s’ignore) contre la Covid 19. Le fait est que cette suite qui ne s’imposait pas reprend certes les personnages, mais n’en fait pas grand-chose et perd la dynamique de groupe qui faisait la réussite du précédent, en se focalisant beaucoup plus sur Franck Dubosc, trop souvent isolé des enfants. L’alchimie entre les comédiens, qui reprennent tous leurs rôles respectifs y compris les quatre rejetons, est évidente et les scènes les plus amusantes sont indéniablement celles où ils sont tous confrontés les uns aux autres, mais elles apparaissent étonnamment peu. On a donc l’impression constante que Ludovic Bernard a dégoté un ancien scénario et l’a quelque peu remanié pour en faire une pseudo-suite à 10 jours sans maman, mais sans jamais parvenir à retrouver cette fraîcheur et le sens du gag qui faisaient mouche il y a trois ans. Au final, 10 jours encore sans maman n’est pas désagréable en soi et Franck Dubosc est entre autres très bien, mais l’ensemble demeure un brin poussif.
LAVÉ PAR LE SANG (Savage Salvation) réalisé par Randall Emmett, disponible en DVD le 16 août 2023 chez Studiocanal.
Acteurs : Jack Huston, Robert De Niro, John Malkovich, Willa Fitzgerald, Meadow Williams, Quavo, Swen Temmel, Winter Ave Zoli…
Scénario : Adam Taylor Barker & Chris Sivertson
Photographie : Eric Koretz
Musique : Philip Klein
Durée : 1h37
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
Un drogué aux opiacés en voie de guérison cherche à se venger des dealers responsables de la vente des drogues qui ont entraîné la mort de sa fiancée.
En lisant le résumé du film et en voyant le visuel de ce DTV on était en droit de se dire que ce ne serait certainement pas un chef d’oeuvre. Effectivement, ce n’est pas le cas. Néanmoins, Lavé par le sang ou Savage Justice, ou bien encore Wash Me in the River n’est pas une série Z et s’avère même une bonne série B. Alors oui ne vous attendez pas à un modèle du genre, mais cet opus qui réunit Robert De Niro et John Malkovich en guest-stars de luxe n’est pas honteux du tout. Le film est réalisé par Randall Emmett, qui avait signé l’une des meilleures dernières Williseries avant la retraite anticipée du comédien, La Proie – Midnight In The Switchgrass, dans lequel il donnait la réplique à Megan Fox et Emile Hirsch. Également producteur de produits uniquement destinés au marché de la vidéo à l’instar du récent et navrant Hot Seat avec Mel Gibson, de l’excellent Boss Levelde Joe Carnahan, du pathétique Killing Field, du supportable Out of Death et même du sous-estimé Silence de Martin Scorsese, Randall Emmett soigne un peu plus que d’habitude le long-métrage dont il a la charge et n’est sûrement pas un manchot derrière la caméra. À la tête du casting, Jack Huston, qui tenait le rôle-titre de l’exécrable Ben-Hur de Timur Bekmambetov et celui de Bob Kennedy dans The Irishman, s’en tire bien et s’impose facilement dans cette histoire ultra-classique, mais efficacement traitée. Un bon moment.
HOT SEAT réalisé par James Cullen Bressack, disponible en DVD le 5 juillet 2023 chez Studiocanal.
Acteurs : Mel Gibson, Shannen Doherty, Kevin Dillon, Michael Welch, Lydia Hull, Eddie Steeples, Sam Asghari, Keith Jardine…
Scénario : Leon Langford & Collin Watts
Photographie : Bryan Koss
Musique : Timothy Stuart Jones
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
Une course contre la montre est lancée pour sauver Orlando, un otage piégé avec une bombe attachée sous son siège dans un immeuble de 60 étages.
Cela peut arriver. Vous vous mettez un DTV histoire de voir ce qu’un acteur connu peut avoir à proposer dans une production fauchée. Et là, c’est une révélation, le genre de film qu’on aurait voulu découvrir sur grand écran, qui aurait mérité une promotion digne de ce nom, celui qu’on voudrait conseiller à tous les camarades cinéphiles qui vous entourent. Mais ce n’est clairement pas le cas de Hot Seat, désolé. Vous y avez cru ? Mais bordel, que vient faire Mel Gibson dans cette galère ??? Il s’agit probablement d’un des pires films vus ces derniers mois. Si Kill the Gringo d’Adrian Grunberg, Traîné sur le bitume – Dragged Across Concrete de S. Craig Zahler et Boss Levelde Joe Carnahan valaient le déplacement, à la rigueur on peut aussi ajouter à la liste le sympathique Fatman de Eshom et Ian Nelms, Mad Mel se perd une fois de plus dans le sombre navet après On the line de Romuald Boulanger. D’ailleurs, il n’a pas le premier rôle ici, tâche ingrate qu’il laisse à Kevin Dillon. Ce dernier n’a pas chômé, puisqu’on l’a récemment vu dans un autre produit destiné à la VOD et à ce qui reste du marché du DVD, Wire Room, aux côtés de Bruce – Je ne me rendais plus compte de ce que je faisais, et pour cause – Willis, de Matt Eskandari (Trauma Center et Open Source). Comme le monde est petit, Mel Gibson et Kevin Dillon s’étaient déjà donnés la (pauvre) réplique dans le On the line susmentionné. Quand une ancienne star qui cachetonne pour payer ses impôts (« Hey Nicolas Cage, t’as pas un tuyau pour moi ? ») et un has-been depuis quarante ans font équipe avec une Shannen Doherty ravagée par la maladie (ça fait beaucoup de mal de la voir comme ça, on ne va pas se mentir), on sait qu’on ne va pas se retrouver devant le chef d’oeuvre de l’année. Une explosion intervenant dans les cinq premières minutes, à coups de mauvaises et caduques images de synthèse (à côté, Hugo Délire c’est Avatar), donne le ton. On se marre du début à la fin tant les acteurs rivalisent de médiocrité et ont l’air de se foutre (royalement) de ce qu’ils sont en train de jouer. Chapeau à Mel Gibson, qui souffre tout du long et qui devient rouge comme une écrevisse tant il paraît traverser ce truc en apnée. Louis de Funès disait dans La Grande vadrouille, « c’était pas mauvais, c’était TRES mauvais ! ». Cela va plus vite de le dire ainsi.
Juillet 1950. Le cadavre du bandit sicilien Salvatore Giuliano est découvert dans la cour d’une maison de Castelvetrano. Un commissaire y dresse un bref constat, des journalistes recueillent quelques renseignements. Plus tard, son corps est exposé à Montelepre, sa commune natale ; la foule vient s’y recueillir, sa mère le pleure…
C’est comme qui dirait de là que tout est parti. Salvatore Giuliano est le troisième long-métrage réalisé par Francesco Rosi (1922-2015) après Le Défi – La Sfida (1958) et Profession Magliari – I Magliari (1959). Le cinéaste y trouvait son style, en dressant un tableau quasi-documentaire (une voix-off est aussi utilisée) sur les liens tendus entre la politique, la police et la mafia. Comme il le fera juste après pour l’exceptionnel Main basse sur la ville – Le Mani sulla città (1963) et Lucky Luciano (1973), Francesco Rosi ne s’intéresse pas seulement à l’homme mais à tout ce qui l’entoure à travers des allers-retours temporels non chronologiques qui pourront rebuter le spectateur le moins conditionné. Le film de Francesco Rosi peut paraître froid, presque clinique, avec une mise en scène au scalpel qui dissèque quinze années de l’histoire de la Sicile, en faisant participer celles et ceux qui ont vécu les événements et en tournant là où ils se sont vraiment déroulés. Les scènes de confrontations, mais aussi celles montrant la vie dans les petits villages, l’effervescence quotidienne, la loi du silence, la passion, la peur qui secouaient la population demeurent d’une beauté plastique ahurissante. Furieusement moderne, passionnant (même si vous n’y connaissez rien au sujet), Salvatore Giuliano, salué depuis toujours par Martin Scorsese (qui le fait apparaître systématiquement dans son top 10) et Francis Ford Coppola, est un chef d’oeuvre immense et intemporel. Ours d’argent à la Berlinale de 1962.
URSULE ET GRELU réalisé par Serge Korber, disponible en Blu-ray le 14 juin 2023 chez Studiocanal.
Acteurs : Annie Girardot, Bernard Fresson, Roland Dubillard, Jean Le Poulain, Marcel Dalio, Alfred Adam, Jacqueline Doyen, Patrick Préjean, Jean Carmet, Mario David…
Scénario : Michel Cournot & Serge Korber, d’après le roman de Léopold Chauveau
Photographie : Jean-Jacques Tarbès
Musique : Alain Goraguer
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 1974
LE FILM
Ursule, membre actif de l’Armée du Salut, rencontre lors d’un naufrage l’accordéoniste Grelu. Ils tombent amoureux, mais la vie les sépare. Lorsqu’enfin ils se retrouvent, Grelu mène une existence rangée, Ursule continue de mener une vie trépidante. Ils décident tout de même de se marier.
Vous n’aviez jamais sans doute entendu parler d’Ursule et Grelu ! L’auteur de ces mots n’avait jusqu’à présent pas eu connaissance de cette comédie sortie en 1974, mettant en scène Annie Girardot et Bernard Fresson et signée Serge Korber (1936-2022). Le réalisateur du merveilleux Un idiot à Paris (1967), adapté du roman de René Fallet, et de deux opus originaux avec Louis de Funès, L’Homme orchestre (1970) et Sur un arbre perché (1971), livre un de ses films les plus dingues, pour ne pas dire inclassables, avec Ursule et Grelu, fantaisie burlesque à la frontière de la tragédie, un OFNI presque inracontable, qui doit beaucoup à l’énergie dévastatrice de son couple vedette (qui l’étaient aussi dans la vie) et des gags souvent visuels à la limite du slapstick. En 1972, Serge Korber avait bifurqué vers le drame avec Les Feux de la Chandeleur, dans lequel il dirigeait déjà Annie Giradot. Dans Ursule et Grelu, il lui offre un personnage diamétralement opposé, dont l’immense comédienne se délecte visiblement du début à la fin. Même si son partenaire n’a rien à lui envier, on ne cesse d’admirer cette grande dame du cinéma français, qui n’avait pas son pareil pour insuffler sa gouaille personnelle à des rôles insolites, à la fois graves et farfelus. Ursule et Grelu n’est assurément pas une réussite totale, néanmoins le septième long-métrage de Serge Korber demeure une curiosité à laquelle le cinéphile saura accorder 95 minutes de son temps.
LE SECRET réalisé par Robert Enrico, disponible en Blu-ray le 14 juin 2023 chez Studiocanal.
Acteurs : Jean-Louis Trintignant, Marlène Jobert, Philippe Noiret, Jean-François Adam, Solange Pradel, Antoine Saint-John, Michel Delahaye, Maurice Vallier…
Scénario : Robert Enrico & Pascal Jardin, d’après le roman de Francis Ryck
Photographie : Étienne Becker
Musique : Ennio Morricone
Durée : 1h43
Date de sortie initiale : 1974
LE FILM
Quelque part en France, détenteur d’un secret qui pourrait nuire à des instances imprécises, mais puissantes, David est séquestré dans une forteresse. Il s’évade en tuant son geôlier puis trouve asile chez une amie obligeante, pour une nuit. Il se rend ensuite dans les Cévennes, dans l’espoir de passer la frontière. Là, un couple de solitaires, Thomas et Julia, l’invite à se reposer dans sa ferme. Malgré l’attirance qu’elle éprouve pour David, Julia ne peut s’empêcher de s’interroger sur son attitude et le suspecte d’être dangereux. Elle décide d’en parler à son frère, Claude, journaliste, qui lui confirme ses craintes. De son côté, Thomas accepte d’aider David à quitter le pays…
La même année que Conversation secrète – The Conversation de Francis Ford Coppola, Palme d’or au Festival de Cannes, un autre thriller paranoïaque, français cette fois, se distinguait en 1974, à savoir Le Secret, le dixième long-métrage de Robert Enrico. Après quelques « véhicules de stars » et les triomphes des Grandes gueules (3,6 millions d’entrées), Les Aventuriers (3,1 millions), Ho ! (1,8 million) et Boulevard du Rhum (1,2 million), le cinéaste connaît de légers revers avec Un peu, beaucoup, passionnément… avec Maurice Ronet et Les Caïds, porté par Serge Reggiani, Michel Constantin et Jean Bouise. Deux ans après cet échec (un peu plus d’un demi-million de spectateurs), Robert Enrico s’allie avec Pascal Jardin (également auteur des formidables dialogues du film), pour adapter un roman de l’écrivain Francis Ryck, Le Compagnon indésirable, dont l’un des livres venait d’ailleurs d’être transposé avec succès au cinéma par Claude Pinoteau avec Le Silencieux. S’il s’en sortira mieux au box-office, Le Secret n’atteindra pas la barre des 900.000 entrées dans l’Hexagone. Pourtant, cet opus de Robert Enrico demeure incontestablement l’un des plus intéressants de sa carrière, un petit bijou méconnu, interprété par un trio de choc, Marlène Jobert, Jean-Louis Trintignant et Philippe Noiret, monstres de talent et de charisme, lancés dans une cavale sans issue et une histoire ambiguë du début à la fin. Une redécouverte s’impose.