Test Blu-ray / Au coeur de la nuit, réalisé par Alberto Cavalcanti, Charles Crichton, Robert Hamer & Basil Dearden

AU COEUR DE LA NUIT (Dead of Night) réalisé par Alberto Cavalcanti, Charles Crichton, Robert Hamer & Basil Dearden, disponible en Combo Blu-ray+DVD le 8 mars 2022 chez Tamasa Diffusion.

Acteurs : Michael Redgrave, Googie Withers, Mervyn Johns, Basil Radford, Naunton Wayne, Sally Ann Howes, Rowland Culver, Frederick Valk…

Scénario : John Baines & Angus Mac Phail, d’après des histoires originales de H.G. Wells, E.F. Benson, John Baines & Angus Mac Phail

Musique : Georges Auric

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 1945

LE FILM

Walter Craig se rend chez Eliott Foley, pour discuter des aménagements de son cottage. Arrivé sur place, il découvre avec stupeur et une sensation de déjà-vu que le cottage comme ses occupants du week-end sont ceux-là mêmes qui hantent ses nuits de façon récurrente…

Difficile de résumer Au coeur de la nuit Dead of Night…film à sketches ? Anthologie ? Assurément, mais aussi œuvre matricielle, fondatrice du cinéma horrifique, comédie noire, drame fantastique. Opus mythique des légendaires studios Ealing, habituellement axés sur les films humoristiques, on y dénombre pas moins de quatre réalisateurs à la barre, Alberto Cavalcanti (Je suis un fugitif), Charles Crichton (Un poisson nommé Wanda, De l’or en barres, Hue and Cry), Basil Dearden (Khartoum) et Robert Hamer (School for Scoundrels, Noblesse oblige), qui se sont unis pour livrer ce chef d’oeuvre absolu d’un genre encore rarement abordé, voire quasiment inédit dans le cinéma britannique, bien avant l’avènement de la Hammer et celui de l’Amicus. Le film se compose de cinq récits, reliés entre eux par des transitions. Le « sketch de liaison » (Linking Narrative) est réalisé par Basil Dearden, d’après une histoire de E. F. Benson. Le film commence par l’arrivée de l’architecte Walter Craig (Mervyn Johns) dans un cottage anglais sur l’invitation du propriétaire de celui-ci, Elliot Foley, qui souhaiterait faire des travaux d’aménagement. Plusieurs personnes se trouvent réunies dans la maison et Craig, en entrant, a l’étrange sensation de les avoir déjà vues ensemble dans un rêve récurrent mais dont il ne se souvient que de façon diffuse. Au grand étonnement des invités, il fait allusion à certains incidents avant même qu’ils ne surviennent dans la maison. Un psychanalyste, présent parmi les invités, reste sceptique. Quatre parmi les personnes présentes se mettent alors à tour de rôle à raconter une histoire étrange dont elles ont fait l’expérience ou dont on leur a parlé. Un cinquième récit sera raconté par le psychanalyste lui-même.

Le Cocher de corbillard (Hearse Driver), réalisé par Basil Dearden, d’après une histoire de E.F. Benson : Un pilote de course qui a de peu échappé à la mort après un accident survenu sur un circuit a une nuit la vision d’un corbillard. Cette vision va lui sauver une nouvelle fois la vie…

La Fête de Noël (Christmas Party), réalisé par Alberto Cavalcanti, d’après une histoire d’Angus MacPhail : La jeune Sally O’Hara raconte à son tour une expérience surnaturelle qu’elle a vécue. Une fête d’enfants est organisée à l’occasion de Noël dans une demeure ancienne. Elle et Jimmy, un garçon plus âgé, sont chargés de la garde des enfants, mais ils commencent tous les deux à jouer à cache-cache dans les couloirs sans fin de la maison. Le garçon raconte que celle-ci est hantée par une femme qui tua jadis son frère. Les deux jeunes gens se chamaillent, c’est alors que la jeune fille se retrouve seule ; elle pénètre dans une chambre à coucher dans laquelle des sanglots se font entendre…

Le Miroir hanté (The Haunted Mirror), réalisé par Robert Hamer, d’après une histoire de John Baines : Une femme fait cadeau a son mari d’un miroir ancien. Celui-ci est fixé au mur de la chambre à coucher mais, au bout d’un certain temps, l’homme, quand il regarde dans le miroir, constate qu’il s’y voit dans une pièce qui est complètement différente de celle où il se trouve réellement…

La Partie de golf (Golfing Story), réalisé par Charles Crichton, d’après une histoire de H. G. Wells : Deux amis sont épris de la même femme et décident de faire de celle-ci l’enjeu d’une partie de golf et celui qui perdra devra disparaître. Le perdant est si désappointé qu’il part se noyer dans un étang. Son fantôme réapparaît bientôt…

Le Mannequin du ventriloque (The Ventriloquist’s Dummy), réalisé par Alberto Cavalcanti, d’après une histoire de John Baines : L’histoire d’un ventriloque déséquilibré (Michael Redgrave) qui croit que sa poupée dénuée de morale est réellement vivante…

Ce qui étonne en visionnant Au coeur de la nuit près de 80 ans après sa sortie, c’est sa fulgurante modernité. C’est bien simple, on pourrait dire que tout ce qui fait le succès des productions du style Blumhouse se trouvait déjà dans Dead of Night. On peut même pousser le bouchon plus loin en disant que ce film collectif annonce aussi l’oeuvre de David Lynch, d’Ingmar Bergman ou bien encore de Federico Fellini, le chef d’oeuvre d’Harold Ramis Un jour sans fin, la saga Destination finale et même La Tour Sombre de Stephen King, « Jupiter du système solaire » de l’imagination de l’écrivain, pour reprendre ses mots. Il serait dommage de révéler le final du film, qui peut tout d’abord décontenancer, mais qui s’avère « logique » et avant-gardiste, cauchemardesque et implacable, qui donne envie de se repasser indéfiniment le film en boucle. Si diverses parties peuvent sembler plus faibles, à l’instar de celle de la partie de golf, souvent décriée et qui avait même été coupée lors de l’exploitation du film aux Etats-Unis (ainsi que celle de La Fête de Noël), Au coeur de la nuit ne doit pas être vu par « sections », car tout est imbriqué et de ce fait, l’une des dernières séquences plonge le personnage principal, Walter Craig, dans un dernier labyrinthe inextricable effrayant où tous les protagonistes sont réunis et tentent de l’agripper.

Les aficionados de littérature fantastique, de surnaturel et de paranormal, d’Edgar Allan Poe à Oscar Wilde, en passant par H. P. Lovecraft et Henry James, vont être aux anges en découvrant Au coeur de la nuit, dans lequel ils retrouveront tout l’univers qu’ils affectionnent, à travers un scénario virtuose de John Baines (Simba de Brian Desmond Hurst) et Angus MacPhail (Le Faux coupable et La Maison du Docteur Edwardes d’Alfred Hitchcock), magistralement retranscrit par quatre cinéastes au sommet de leur art et magnifiquement photographié. Mention spéciale pour la partie The Ventriloquist’s Dummy, probablement la plus marquante du lot et qui inspirera entre autres La Poupée diabolique Devil Doll (1964) de Lindsay Shonteff et Magic (1978) de Richard Attenborough, interprétée ici par un Michael Redgrave exceptionnel. Et pour finir de vous convaincre, sachez qu’Au coeur de la nuit fait partie du top 10 des plus grands films fantastiques de l’histoire du cinéma. Alors, vous attendez quoi ?

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Vingt ans, même un peu plus, que l’on attendait le retour d’Au coeur de la nuit dans les bacs. En effet, le film d’ Alberto Cavalcanti, Charles Crichton, Basil Dearden et Robert Hamer était sorti en 2001 chez Studiocanal dans la collection Cinéma de quartier. Tamasa Diffusion a repris le flambeau et propose ce titre dans une magnifique édition DVD + Blu-ray, agrémentée d’un livret de 16 pages, comprenant la critique du film de Stéphane Treguer pour le site DVDClassik, ainsi qu’un retour sur la vie et la carrière du compositeur Georges Auric. L’objet prend la forme d’un Digipack à trois volets, où reposent les trois disques, le Blu-ray du film (+ les bonus), le DVD du film et un autre DVD contenant les suppléments (identiques à ceux de la galette HD). Le menu principal est fixe et musical.

L’éditeur s’est tourné vers Erwan Le Gac (28’), co-éditeur de l’intégrale Midi Minuit Fantastique, pour nous présenter Au coeur de la nuit. Une parfaite remise dans le contexte du cinéma britannique des années 1940, doublée d’un retour pertinent et passionnant sur les studios Ealing, qui souhaitaient changer leur fusil d’épaule, habituellement spécialisés dans les comédies. Erwan Le Gac donne son avis sur ce film et en propose une analyse qui croise autant le fond et la forme, tout en donnant les clés nécessaires à certains spectateurs, pour une meilleure compréhension. La psychologie des personnages, les quatre réalisateurs à la barre, les deux scénaristes, les différents segments, le final, sans oublier la rareté et la pérennité du film sont aussi abordés ici.

Mais la pièce centrale de cette interactivité demeure le documentaire intitulé Retour aux sources (2014-1h16), qui donne la parole à moult critiques, historiens du cinéma et auteurs (Keith M. Johnston, Danny Leigh, Kim Newman, Matthew Sweet…), auxquels se joint John Landis, lui-même spécialiste du cinéma fantastique. Chacun dissèque Au coeur de la nuit, selon sa propre sensibilité, toujours avec des arguments très solides, ce qui prouve la richesse de cette production Ealing. Celle-ci est d’ailleurs replacée dans son contexte, avant d’être disséqué en long en large (et en travers), tant du point de vue formel que thématique. Chaque partie du film est passée au peigne fin, sans redondance, y compris avec l’approche d’Erwan Le Gac.

L’interactivité se clôt sur un comparatif avant/après la restauration d’Au coeur de la nuit (3’35).

L’Image et le son

Tamasa Distribution présente la même copie restaurée par le BFI, le British Film Institute, pour le compte de Studiocanal, réalisée à partir du scan 2K d’un contretype 35mm conservé aux archives de Pinewood Studios. Un master qui écrase forcément celui édité par Studiocanal il y a une vingtaine d’années et grâce auquel on redécouvre totalement Au coeur de la nuit, même si diverses séquences demeurent plus marquées que d’autres par les affres du temps et pour lesquelles le travail numérique n’a pas été aussi performant. Comme le comparatif le démontre dans les bonus, l’étalonnage a été révisé, les contrastes sont plus que corrects et la clarté éloquente. On oublie donc les quelques rayures verticales, poussières, tâches et autres griffures intermittentes, car le cadre est plutôt stable (pas totalement ceci dit), la texture argentique est conservée et dans l’ensemble bien gérée.

Le confort acoustique est suffisamment assuré, étonnamment plus en VF (même si moins naturelle évidemment) qu’en Version Originale, livrées en Linear PCM 2.0 Mono. Mais toutes deux affichent tout de même parfois une ardeur insoupçonnée et une propreté notable, créant un spectre phonique appréciable, sensiblement marquée par un souffle chronique. Les effets et les ambiances y sont nets, la musique mise en valeur bien que certains pics musicaux frôlent parfois la saturation. L’ensemble demeure homogène et les dialogues solides. Les sous-titres ne sont pas imposés.

Crédits images : © Tamasa Diffusion / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.