Test DVD / Brancaleone s’en va-t-aux croisades, réalisé par Mario Monicelli

BRANCALEONE S’EN VA-T-AUX CROISADES (Brancaleone alle Crociate) réalisé par Mario Monicelli, disponible en DVD et Blu-ray le 28 mars 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Vittorio Gassman, Adolfo Celi, Stefania Sandrelli, Sandro Dori, Beba Loncar, Gigi Proietti, Lino Toffolo, Paolo Villaggio

Scénario : Agenore Incrocci, Furio Scarpelli, Mario Monicelli

Photographie : Aldo Tonti

Musique : Ira Newborn

Durée : 2h

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

En voyage avec une armée de miséreux, à la conquête du Saint Sépulcre, Brancaleone de Norcia perd tous ses compagnons dans la bataille. Désespéré, il invoque la Mort puis prend peur et demande un délai qui lui est accordé. Après avoir sauvé la vie à un nouveau-né, fils d’un roi normand, il se remet en route – avec une nouvelle armée de loqueteux – pour ramener l’enfant à son père. En chemin, il sauve du bûcher une jeune sorcière, accueille à ses côtés un lépreux, rend visite à un ermite dans une grotte et escorte le Pape Grégoire VII en visite à un stylite perché sur sa colonne. Après avoir réglé un différend entre le souverain pontife et l’antipape Clément III, Brancaleone découvre que le lépreux est en réalité une princesse.

Brancaleone s’en va-t-aux croisades Brancaleone alle crociate, comédie de Mario Monicelli réalisée en 1970, fait suite au triomphe critique et commercial de L’Armée Brancaleone L’Armata Brancaleone, du même réalisateur, sorti en 1966 mais inédit dans les salles françaises. Porté par Vittorio Gassman (1922-2000), gigantesque acteur dramatique puis pilier de la comédie transalpine avec une carrière comptant près de 130 films, ce film prend la forme d’une épopée bouffonne ou d’une farce médiévale. Nanti d’une perruque improbable et d’une épée surdimensionnée, l’acteur est de tous les plans et se délecte des savoureux et incroyables dialogues (parfois en vers) conçus pour mettre sans mal son immense talent en valeur, son bagout et sa gestuelle uniques qui ont fait son succès pendant plus de cinquante ans. C’est peu dire qu’il se délecte de ce rôle de chevalier don quichottesque perdu dans une situation de plus en plus invraisemblable.

Sur un scénario précis et fabuleux écrit par Mario Monicelli et le mythique duo Age & Scarpelli, tout est ici prétexte pour laisser le champ libre à l’acteur qui s’en donne à coeur joie. Après avoir traversé la Méditerranée en quelques minutes (en réalité un lac), en route pour la Terre Sainte, les compagnons de Brancaleone sont décimés par des barbares. Le Chevalier survit presque par miracle, mais rencontre la Faucheuse (Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman n’est pas loin), qui lui annonce son futur trépas. Pour obtenir un salut incertain, Brancaleone, sur son fidèle destrier jaune poussin à cornes, sauve de la mort un bébé, qui s’avère être le fils d’un roi. Réunissant autour de lui une troupe d’improbables hères (un lépreux, un nain, un pénitent à la recherche de la punition physique, un aveugle, un unijambiste), il décide de ramener l’enfant à son père. En chemin, il rencontrera (entre autres) une sorcière (magnifique Stefania Sandrelli), un dangereux rival, et deux prétendants-papes, qu’il devra aider à départager. Autant dire que Brancaleone s’en va-t-aux croisades est un film rempli d’aventures burlesques et désopilantes, mais pas que. C’est aussi et avant tout un magnifique film de cinéma aux décors naturels splendides (le film a été tourné principalement en Algérie), aux costumes soignés, tout comme la reconstitution du Moyen Age voulue sérieuse par Mario Monicelli y compris dans ses coutumes barbares.

Le cinéaste a voulu créer une arène réaliste, afin de mieux créer le décalage entre le personnage fantaisiste de Brancaleone et le monde dans lequel il évolue. Comme une œuvre de Pier Paolo Pasolini sous amphétamines. Déchaîné du début à la fin, Vittorio Gassman ne tient pas en place et parvient une fois de plus à créer un personnage emblématique auquel on s’attache malgré son ego démesuré et sa couardise. A l’instar du personnage d’Alberto Sordi dans Un héros de notre temps, Brancaleone a pour spécialité de vouloir éviter tous les conflits et les engagements, mais n’hésite pas à aller franchement au combat quand cela s’impose.

Avant l’explosion de la comédie dite « à l’italienne » avec Le Pigeon (1958) et La Grande Guerre (1959), Mario Monicelli (1915-2012) avait déjà su s’imposer comme un maître de la comédie avec un sens particulièrement aiguisé de l’observation de ses contemporains. Brillante et magistrale comédie, soutenue par la beauté de la photographie d’Aldo Tonti et la musique de Carlo Rustichelli, Brancaleone s’en va-t-aux croisades dresse en parallèle un constat éloquent et d’une remarquable intelligence sur la violence et l’absurdité des guerres de religion, dont s’inspireront largement les Monty Python pour leur Sacré Graal !, y compris pour les différentes animations et panneaux de transition.

Satirique, rocambolesque, loufoque (fou-rire garanti lors de la marche sur les charbons ardents !), irrévérencieuse, menée à cent à l’heure, mais aussi merveille visuelle (l’arbre des pendus), cette comédie souvent amère, magistralement mise en scène et interprétée par un comédien toujours en état de grâce, est un chef d’oeuvre du genre qui enchaîne les scènes anthologiques comme des perles sur un collier.

LE DVD

A l’instar du Prophète et de Moi, moi, moi et les autres, récemment chroniqués dans nos colonnes, le DVD de Brancaleone s’en va-t-aux croisades est disponible chez ESC Editions, dans une nouvelle collection intitulée Edizione Maestro, consacrée aux grands maîtres du cinéma italien, dont certains films inédits seront même proposés en Haute-Définition ! La jaquette est très attractive et le verso montre tous les titres bientôt disponibles dans cette superbe collection ! Le menu principal est fixe et muet et le boîtier glisser dans un surétui cartonné.

Pour information, cette collection sortira dans les bacs en trois vagues. La première, celle que nous commençons à chroniquer, est sortie le 28 mars 2017 : Le Prophète de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli (Blu-ray et DVD), Moi, moi, moi… et les autres d’Alessandro Blasetti (DVD) et Bluff – Histoire d’escroqueries et d’impostures de Sergio Corbucci (DVD). Au mois de juin, l’éditeur prévoit : Les nuits facétieuses d’Armando Crispino et Luciano Lucignani (Blu-ray et DVD), Canard à l’orange de Luciano Salce (Blu-ray et DVD), Les russes ne boiront pas de Coca Cola de Luigi Comencini (DVD) et Histoire d’aimer de Marcello Fondato (DVD). Il faudra attendre le mois de septembre pour compléter sa collection avec Il Gaucho de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Belfagor le magnifique d’Ettore Scola (DVD), Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? de Maurizio Liverani (DVD) et Tant qu’il y a de la guerre, il y a de l’espoir d’Alberto Sordi (DVD).

En plus d’une succession de bandes-annonces des douze films que comptera la collection Edizione Maestro, ESC Editions propose une présentation de Brancaleone s’en va-t-aux Croisades par Stéphane Roux, historien du cinéma (11’). Notre interlocuteur replace le film qui nous intéresse dans l’immense carrière de Mario Monicelli et évoque bien entendu le premier volet des aventures de Brancaleone sorti en 1966, L’Armée Brancaleone. Le fond et la forme se croisent habilement, même si certains propos auraient mérité d’être plus approfondis. Les partis pris, le casting, le triomphe du film sont également abordés.

L’Image et le son

Jusqu’alors inédit en DVD et remasterisé, Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli bénéficie d’un beau transfert DVD avec un grain naturel très bien géré, y compris sur les séquences sombres. La définition est équilibrée dès le générique coloré et animé, tandis que le master trouve immédiatement un équilibre fort convenable. Les superbes partis pris esthétiques du directeur de la photographie Aldo Tonti (Les Amants diaboliques, Reflets dans un œil d’or) sont savamment pris en charge et restitués. Les contrastes sont plutôt bien appuyés, y compris les noirs, la copie affiche une propreté ainsi qu’une stabilité rarement prises en défaut et les séquences diurnes sont lumineuses à souhait.

Le film est proposé en langue italienne uniquement. La piste Dolby Digital 2.0 également restaurée offre un parfait rendu des dialogues, très dynamiques, et de la musique. Aucun souffle constaté. Le niveau de détails est évident et les sons annexes sont extrêmement limpides. Notons également les problèmes au niveau des retranscriptions des « oe » (« coeur » apparaît « ceur »).

Crédits images : © RTI S.P.A. / ESC Conseils / Captures du DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Moi, moi, moi…et les autres, réalisé par Alessandro Blasetti

MOI, MOI, MOI…ET LES AUTRES (Io, io, io…. e gli altri) réalisé par Alessandro Blasetti, disponible en DVD le 28 mars 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Walter Chiari, Gina Lollobrigida, Vittorio De Sica, Silvana Mangano, Marcello Mastroianni, Nino Manfredi, Caterina Boratto

Scénario : Agenore Incrocci, Furio Scarpelli, Leonardo Benvenuti, Suso Cecchi D’Amico…

Photographie : Aldo Giordani

Musique : Carlo Rustichelli

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

Sandro est un journaliste à Rome. Il mène une enquête sur l’égoïsme, aidé par son ami Peppino. Il commence par étudier le comportement de son entourage et côtoie divers personnages de la ville : une diva, un politicien véreux…Il se rend compte rapidement qu’il est lui-même son meilleur sujet d’étude.

Considéré comme étant l’un des pères de la comédie populaire italienne, y compris par ses confrères comme le grand Mario Monicelli, Alessandro Blasetti (1900-1987) a déjà une très longue carrière derrière lui quand il aborde le genre qui a fait les belles heures du cinéma transalpin dans les années 1950. Dommage que tu sois une canaille Peccato che sia una canaglia (1954), La Chance d’être femmeLa Fortuna di essere donna (1956) et Amore e chiacchiere (Salviamo il panorama) (1958) demeurent très prisés par les cinéphiles passionnés par la comédie italienne. Le film qui nous intéresse, Moi, moi, moi et les autresIo, io, io…. e gli altri (1966) est l’antépénultième long métrage d’Alessandro Blasetti, bien que la critique et le réalisateur lui-même considéraient alors ce film comme son œuvretestament.

Avant de consacrer les dernières années de sa vie à la télévision, Blasetti signait donc cette comédie prenant pour thème un sujet qui lui était cher, l’égoïsme. Par ailleurs, le ton est donné dès l’ouverture avec une chanson marquée par des chants d’enfants, tandis qu’un carton indique « Un film contre la vanité et l’égoïsme – Conférence avec projection » et que le nom de Biasetti se voit multiplier en se mettant à enfler. Blasetti se sert du cinéma comme d’un média pour aborder différents enjeux sociaux et faire passer son message. Mais surtout, il s’entoure d’une armée de scénaristes aux noms illustres, qui ont tous contribué à construire le récit à partir de leurs véritables souvenirs. Blasetti a ainsi pu recueillir les témoignages et s’octroyer les talents de plumes virtuoses comme Suso Cecchi D’Amico (Rocco et ses frères, Senso, Le Voleur de bicyclette) ou bien encore le mythique tandem Age & Scarpelli. Au total, plus d’une douzaine de scénaristes ont apporté leur pierre à l’édifice pour ce film à sketches…qui n’en est pas vraiment un.

Le fil conducteur de Moi, moi, moi et les autres est le personnage de Sandro, interprété par l’excellent Walter Chiari, souvent oublié derrière Mastroianni, Gassman, Tognazzi, Sordi et tutti quanti et qui pourtant aura tourné avec d’immenses réalisateurs comme Orson Welles, Michael Powell, Terence Young, Ettore Scola, Dino Risi, Luigi Comencini et Luchino Visconti. Le comédien incarne ici un journaliste romain qui décide de mener une enquête sur l’un des fléaux du monde moderne, l’égoïsme et le repli sur soi. Au fil de son enquête sur ses concitoyens qui le conduit auprès d’une diva ou d’un politicien véreux, il constate qu’il devient lui-même le sujet de son article, surtout quand il se retrouve auprès de son ami Peppino ou de sa propre femme Titta. Comment peut-il dans ce cas rester honnête envers son travail et surtout envers lui-même ? Aux côtés de Walter Chiari, Alessandro Blasetti convoque d’immenses comédiens, tous plus heureux de jouer quelques notes dans cette comédie chorale. Gina Lollobrigida, Silvana Mangano, Vittorio De Sica, Nino Manfredi, Marcello Mastroianni (devenu une star grâce à Blasetti), Franca Valeri, Sylva Koscina et Vittorio Caprioli, pour ne citer que les plus célèbres, apparaissent tous quelques minutes devant la caméra afin d’incarner l’italien ou l’italienne dans ses travers.

Si toutes les situations ne sont pas percutantes et malgré un rythme en dents de scie, Alessandro Blasetti (David di Donatello du meilleur réalisateur) égratigne le couple, le métier de journaliste, les mondains, les hommes politiques, la religion, toujours avec humour, quelques touches sexy (Gina Lollobrigida est à se damner), sans oublier l’émotion. Par ailleurs, Moi, moi, moi et les autres s’imprègne d’une véritable mélancolie et se clôt sur une note douce-amère inattendue, tandis que le regard de Sandro, tout d’abord pétillant en début de film, se voile et s’abaisse dans la dernière partie quand il fait le point sur sa propre vie.

Avec son scénario patchwork, mais taillé sur mesure pour ses acteurs par des auteurs habituellement habitués du genre dramatique et qui apportent donc une plus-value à cette comédie de mœurs aux dialogues très réussis, drôles et percutants, Moi, moi, moi et les autres s’avère une très agréable surprise, quasiment inédite en France, et donc à connaître absolument.

LE DVD

A l’instar du Prophète, récemment chroniqué dans nos colonnes, Le DVD de Moi, moi, moi et les autres est disponible chez ESC Editions, dans une nouvelle collection intitulée Edizione Maestro, consacrée aux grands maîtres du cinéma italien, dont certains films inédits seront même proposés en Haute-Définition ! La jaquette est très attractive et le verso montre tous les titres bientôt disponibles dans cette superbe collection ! Le menu principal est fixe et muet et le boîtier glisser dans un surétui cartonné.

Pour information, cette collection sortira dans les bacs en trois vagues. La première, celle que nous commençons à chroniquer, est sortie le 28 mars 2017 : Le Prophète de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli (Blu-ray et DVD), Moi, moi, moi… et les autres d’Alessandro Blasetti (DVD) et Bluff – Histoire d’escroqueries et d’impostures de Sergio Corbucci (DVD). Au mois de juin, l’éditeur prévoit : Les nuits facétieuses d’Armando Crispino et Luciano Lucignani (Blu-ray et DVD), Canard à l’orange de Luciano Salce (Blu-ray et DVD), Les russes ne boiront pas de Coca Cola de Luigi Comencini (DVD) et Histoire d’aimer de Marcello Fondato (DVD). Il faudra attendre le mois de septembre pour compléter sa collection avec Il Gaucho de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Belfagor le magnifique d’Ettore Scola (DVD), Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? de Maurizio Liverani (DVD) et Tant qu’il y a de la guerre, il y a de l’espoir d’Alberto Sordi (DVD).

En plus d’une succession de bandes-annonces des douze films que comptera la collection Edizione Maestro, ESC Editions propose une présentation de Moi, moi, moi… et les autres par Stéphane Roux, historien du cinéma (15’). Notre interlocuteur replace le film qui nous intéresse dans l’immense carrière d’Alessandro Blasetti. Stéphane Roux indique que ce film est peut-être emblématique du cinéma italien des années 1960, mais également pourquoi cette œuvre s’en détache. Les thèmes du film, les personnages, l’armada de scénaristes, la structure du long métrage, mais aussi la carrière d’Alessandro Blasetti, le casting et l’échec du film sont abordés au cours de cet entretien, où Stéphane Roux égratigne également la Nouvelle Vague et sa politique du réalisateur-auteur unique.

L’Image et le son

Bien que l’image ait été remasterisée, la copie manque sérieusement d’éclat et semble parfois trop datée. En effet, certains plans s’accompagnent d’un voile peu naturel, de nombreux troubles s’invitent à la partie avec des visages flous. Quelques défauts de pellicule ont échappé à la restauration. L’image est donc aléatoire, le N&B manque d’équilibre avec des blancs trop clairs qui amoindrissent les détails, d’autres étant au contraire beaucoup plus nets et satisfaisants ! 

La piste originale Stéréo 2.0 a également été restaurée mais on est encore loin d’un résultat parfait. De très légers craquements et des grésillements ainsi qu’une saturation de la musique demeurent. Les dialogues sont plutôt fluides. Le résultat est certes probant, mais pas non plus exceptionnel. Les sous-titres français (calqués sur la traduction approximative) sont imposés sur un lecteur de salon. Egalement disponible, la version française s’en tire honorablement, même si elle s’avère plus feutrée dans le rendu des dialogues et les ambiances.

Crédits images : © RTI S.P.A. / ESC Conseils / Captures du DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Le Prophète, réalisé par Dino Risi

LE PROPHÈTE (Il Profeta) réalisé par Dino Risi, disponible en DVD et Blu-ray le 28 mars 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Vittorio Gassman, Ann-Margret, Liana Orfei, Enzo Robutti, Dino Curcio, Oreste Lionello

Scénario : Ruggero Maccari, Dino Risi, Ettore Scola

Photographie : Alessandro D’Eva

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1968

LE FILM

Pietro Breccia est un homme qui a décidé depuis longtemps d’abandonner la civilisation en devenant ermite en laissant derrière lui l’usure de la vie moderne, le consumérisme immodéré et toutes les futilités de la civilisation de consommation elle-même. Depuis des années, il vit dans la solitude sur le mont Soratte, à 40 km au nord de Rome. Un jour, il est débusqué par une équipe de télévision qui, flairant le scoop, décide de faire un documentaire sur le curieux ermitage de cet homme. À partir de ce moment, Breccia en a fini avec sa tranquillité. Malgré lui, il se retrouve étouffé par la société en raison de sa notoriété soudaine et du fait qu’il a dévoilé son identité passée…

C’est un des films les plus méconnus de l’immense et prolifique réalisateur Dino Risi (1916-2008), le maître incontesté de la comédie italienne. Tour à tour médecin, psychiatre, journaliste, puis devenu metteur en scène presque par hasard, le mythique cinéaste du Fanfaron, Parfum de femme et Il Vedovo signe avec Le ProphèteIl Profeta (1968) sa neuvième collaboration (sur dix-sept) avec son acteur fétiche Vittorio Gassman. Après L’Homme à la Ferrari (1967), une comédie à la mécanique aussi bien huilée que la voiture du titre, les producteurs souhaitent réunir le même couple star, Vittorio Gassman et Ann-Margret (actrice, danseuse et chanteuse suédoise), dans une nouvelle comédie pour surfer sur le précédent succès. Le trio remet donc le couvert un an après. Le Prophète n’est pas la suite de L’Homme à la Ferrari, bien que divers éléments rappellent ce dernier, notamment le personnage interprété par la star italienne qui tombe évidemment sous le charme d’une femme plus jeune que lui, tandis que Dino Risi évoque entre autres la libération des mœurs de la communauté hippie.

Sur un scénario coécrit avec Ruggero Maccari et Ettore Scola et avec son sens unique et acéré de la satire, le cinéaste, qui habituellement s’amuse à égratigner ses concitoyens, l’homme lâche, corrompu, menteur, égoïste, malhonnête, cruel, abominable, l’être humain dans toute sa splendeur, pauvre et riche, avec un humour noir, dresse un constat amer et un portrait au vitriol de la société de consommation. La fable est souvent grinçante, relevée, percutante, chacun en prend pour son grade, y compris Pietro, le personnage principal qui va très vite se voir rattraper par ce qu’il croyait avoir définitivement oublié après avoir abandonné sa femme, son emploi, sa voiture, la ville. Mais le destin mettra une jeune hippie (divine et sexy Ann-Margret) sur son chemin. Abstinent depuis cinq ans, notre prophète que tout le monde s’arrache depuis la diffusion d’un reportage à la télévision, va avoir du mal à résister aux mini-jupes affriolantes de la demoiselle libre et exubérante. Arrive alors un individu louche et sans scrupules qui cherche à exploiter l’étrange histoire de cet homme pour en tirer profit.

Si elle n’est pas aussi célèbre que les autres comédies du tandem Risi-Gassman, Le Prophète est une comédie dynamique, qui va à cent à l’heure, formidablement interprétée par un Gassman toujours au top de sa forme, même si le comédien reniera le film en déclarant qu’il s’agit probablement de son pire long métrage tourné avec le réalisateur. Se défendant de faire du cinéma militant, le réalisateur transalpin n’épargne personne. Cinéaste humaniste mais profondément ironique, considéré comme le plus pessimiste des réalisateurs italiens – « tout est grave mais rien n’est sérieux » disait-ilet qui se sert de la puissance du cinéma populaire pour lancer des débats après la projection, Dino Risi, doctorant en psychologie psychologique donne à réfléchir sur les relations humaines, la place de l’homme dans la société contemporaine, moderne, après le boom économique.

Tout le monde souhaite posséder la plus grosse voiture, ou du moins celle dont le moteur fait le plus de bruit afin d’être remarqué, pour aller se reposer sur une plage bondée, avant de rentrer et de se retrouver coincé dans un embouteillage monstre en respirant le bon air pollué qui plane sur Rome, avant de manger devant la télé. Ces sujets n’ont jamais été autant d’actualité. Même si elle a connu un immense succès en Italie à sa sortie, Le Prophète reste une comédie mineure de Dino Risi, ce qui ne l’empêche pas d’être un grand moment de cinéma porté par un acteur exceptionnel.

LE DVD

Le DVD du Prophète est disponible chez ESC Editions, dans une nouvelle collection intitulée Edizione Maestro, consacrée aux grands maîtres du cinéma italien, dont certains films inédits seront même proposés en Haute-Définition ! Une grande initiative que nous accueillons à bras ouverts ! La jaquette est très attractive et le verso montre tous les titres bientôt disponibles dans cette superbe collection ! Le menu principal est fixe et muet et le boîtier glisser dans un surétui cartonné.

Pour information, cette collection sortira dans les bacs en trois vagues. La première, celle que nous commençons à chroniquer, est sortie le 28 mars 2017 : Le Prophète de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli (Blu-ray et DVD), Moi, moi, moi… et les autres d’Alessandro Blasetti (DVD) et Bluff – Histoire d’escroqueries et d’impostures de Sergio Corbucci (DVD). Au mois de juin, l’éditeur prévoit : Les nuits facétieuses d’Armando Crispino et Luciano Lucignani (Blu-ray et DVD), Canard à l’orange de Luciano Salce (Blu-ray et DVD), Les russes ne boiront pas de Coca Cola de Luigi Comencini (DVD) et Histoire d’aimer de Marcello Fondato (DVD). Il faudra attendre le mois de septembre pour compléter sa collection avec Il Gaucho de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Belfagor le magnifique d’Ettore Scola (DVD), Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? de Maurizio Liverani (DVD) et Tant qu’il y a de la guerre, il y a de l’espoir d’Alberto Sordi (DVD). Vous avez l’eau à la bouche ? Nous aussi !

En plus d’une succession de bandes-annonces des douze films que comptera la collection Edizione Maestro, ESC Editions propose une présentation du Prophète par Stéphane Roux, historien du cinéma (9’). Notre interlocuteur replace le film qui nous intéresse dans l’immense carrière de Dino Risi. Stéphane Roux indique que ce film de commande a quasiment été renié par Dino Risi, Vittorio Gassman et par Ettore Scola, qui trouvaient que le film avait été écrit et réalisé à la va-vite afin de surfer sur le triomphe de L’Homme à la Ferrari. Les conditions de production, les thèmes, le casting, l’accueil partagé de la critique, l’énorme succès dans les salles en Italie, encore plus que Les Monstres et autant que Le Fanfaron, tout est abordé avec une passion contagieuse.

L’Image et le son

Egalement disponible en Blu-ray, Le Prophète nous est arrivé dans son édition DVD. Découvrir Le Prophète était inespéré. Le film de Dino Risi renaît donc de ses cendres chez ESC Editions dans une copie – présentée dans son format respecté – d’une propreté souvent hallucinante. Point d’artefacts de la compression à signaler, aucun fourmillement, les couleurs se tiennent, sont ravivées, le master est propre, immaculé, stable, les noirs concis et les contrastes homogènes. Le cadre fourmille souvent de détails, le piqué est joliment acéré, le relief et la profondeur de champ flattent les rétines, les partis pris du célèbre directeur de la photographie Alessandro D’Eva sont divinement bien restitués. Certains plans rapprochés tirent agréablement leur épingle du jeu avec une qualité technique quasi-irréprochable. Une véritable redécouverte, merci ESC Editions !

Comme pour l’image, le son a également un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage italien Stéréo 2.0 aux sous-titres français imposés, pas même un souffle parasite. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, même si les voix des comédiens, enregistrées en postsynchronisation, peuvent parfois saturer ou apparaître en léger décalage avec le mouvement des lèvres.

Crédits images : © RTI S.P.A. / ESC Conseils / Captures du DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Ninja III, réalisé par Sam Firstenberg

NINJA III (Ninja III : The Domination) réalisé par Sam Firstenberg, disponible en coffret DVD et coffret Blu-ray le 28 mars 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Shô Kosugi, Lucinda Dickey, Jordan Bennett, David Chung, Dale Ishimoto, James Hong, Bob Craig, Pamela Ness, Roy Padilla

Scénario : James R. Silke

Photographie : Hanania Baer

Musique : Udi Harpaz, Misha Segal

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

Une femme, employée des télécommunications de Phoenix et passionnée d’aérobic, vient en aide à un assassin ninja plutôt efficace. Malheureusement il meurt devant ses yeux en lui léguant son katana. Cette dernière arme se révèle possédée par un esprit séculaire conférant des pouvoirs d’assassins ninjas.

Nous avions laissé Shô Kosugi en haut d’un building de Salt Lake City à la fin d’Ultime Violence – Ninja II. Après avoir eu le temps d’emballer une petite série intitulée L’Homme au katana, le comédien est rappelé par les cousins Golan et Globus pour Ninja III – The Domination, troisième volet de la saga initiée en 1981 avec L’Implacable Ninja. Les yeux toujours plus gros que le ventre, les allumés de la Cannon sont bien décidés à surfer sur cette déferlante de ninjas dans le cinéma américain. Le réalisateur Sam Firstenberg est également de retour derrière la caméra, mais le scénariste James R. Silke souhaite emmener la franchise vers quelque chose de nouveau. C’est peu dire que l’histoire concoctée pour ce troisième opus part dans tous les sens, mais ce qui interpelle et inquiète surtout les producteurs, c’est que le rôle principal de Ninja III est confié à une jeune actrice, Lucinda Dickey, tête d’affiche d’une autre production de la Cannon, un film musical, Break Street 84.

Emballés par la performance physique de la comédienne, Golan et Globus l’engagent, mais restent perplexes quant au « réalisme » de montrer une jeune femme ninja. Comme si les histoires plausibles les avaient jusqu’alors dérangé…Il n’empêche que Lucinda Dickey, que l’on verra juste après dans le cultissime Breakin’ 2: Electric Boogaloo, y va à fond dans les scènes d’action et s’avère beaucoup plus convaincante quand elle donne des coups de tatane que dans les scènes dramatiques.

Ninja III est un sommet du nanar. La première séquence, au cours de laquelle un ninja s’en prend à quelques gardes du corps pour visiblement atteindre un homme d’affaires durant sa partie de golf est immense dans le genre. S’ensuit une course-poursuite entre le ninja et des flics, le ninja trouvant refuge sur une de leurs bagnoles avant de s’accrocher à un hélicoptère, puis de terminer à la flotte et de se faire flinguer par toute la horde de policiers lancés à ses trousses. Une exécution aussi efficace que celle de Murphy au début de RoboCop, sauf que malgré les bastos envoyées, le corps du ninja reste propre (évitons la censure que diable ! ), avant de disparaître à l’insu des tireurs. Quelques minutes plus tard, nous découvrons que le ninja, toujours pas mort malgré les dizaines de balles reçues en pleine poire, s’était en fait enterré en quelques secondes afin de tromper ses ennemis. Les flics se barrent. C’est alors que nous découvrons Christie, tranquillement en train de bosser sur un poteau téléphonique. En haut de son perchoir, elle aperçoit un individu en mauvais point. Elle descend et s’approche de lui pour lui venir en aide. Le ninja lui saute dessus, Christie parvient à se tirer d’affaire, puis revient vers son agresseur qui finalement ne semble pas si méchant que ça. Grâce à son katana magique, le ninja survit à sa propre mort en se réincarnant dans le corps de Christie, qui devient alors dotée, sans le savoir, de capacités surhumaines, faisant d’elle une tueuse invulnérable qui possède le pouvoir, la puissance et la maîtrise des arts martiaux des ninjas. Objet d’une vengeance absolue, Christie remplit la mission que lui assigne le diabolique guerrier, jonchant son parcours de cadavres, en suivant les « ordres » de l’esprit du défunt enfermé dans le katana. Désormais, seul un autre ninja pourrait la délivrer du démon qui la hante. Heureusement, Christie sera aidée par un flic gominé, en marcel et aux épaules velues, qui en pince pour elle et qu’il ne laissera pas filer, quitte à participer à un de ses cours d’aérobic en short fluo moulant.

Et encore ce n’est qu’un début ! Résumer Ninja III est aussi poilant que le flic improbable interprété par Jordan Bennett. Tous les genres y passent, même une séquence d’exorcisme durant laquelle Christie, possédée par l’âme du ninja, tournoie sur elle-même. Et Shô Kosugi dans tout ça ? Bah il apparaît de temps en temps, affublé d’un bandeau sur un œil – coucou Quentin Tarantino – et qui se prépare pour le combat final contre un mannequin en mousse. Le pire, c’est que Ninja III est pensé comme un film sérieux. Heureusement pour nous, car le film vieillit très bien comme ça. Cette fois, le film pioche dans les films d’horreur, fantastiques et d’arts martiaux, à la va comme je te pousse. Incroyable, mais vrai, Ninja III est bien foutu. Les scènes s’enchaînent sur un rythme soutenu, les scènes d’action sont certes risibles, mais généreuses et on se marre du début à la fin. Les décors et les costumes très ancrés dans leur époque raviront les amateurs du genre, comme de voir également une arcade de jeu vidéo dans l’appartement de l’héroïne, fringuée comme si elle débarquait de Flashdance. Ninja III reste un divertissement de haute volée, dont on ressort euphorique.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Ninja III, disponible chez ESC Conseils dans le coffret Trilogie Ninja avec également L’Implacable Ninja et Ultime Violence – Ninja 2, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

L’indéboulonnable Nico Prat, journaliste chez RockyRama, présent sur les trois titres du coffret Ninja de la Cannon, se lâche durant la présentation de Ninja III (7’). « Le film de trop, un film boursouflé, ridicule, rempli de mauvaises idées, qui mélange beaucoup trop de genres et d’éléments de l’époque », voilà comment Nico Prat introduit le film de Sam Firstenberg, mais avec le sourire bien entendu. Le journaliste se penche sur la production de Ninja III, évoque le casting, l’échec à sa sortie, puis aborde l’héritage du film de ninjas au cinéma en parlant bien évidemment de Godfrey Ho, spécialiste du cinéma 2 en 1, avant que le genre meurt de sa belle mort à cause de l’arrivée de JCVD et de son Bloodsport – Tous les coups sont permis, qui ouvrait la voie à un nouveau style de films de bastons.

Vous avez aimé les deux fausses bandes-annonces de Ninja Eliminator présentes sur les deux titres précédents ? Alors vous serez ravis d’apprendre que l’éditeur en présente ici deux pour le prix d’une ! Ninja Eliminator III : Le Gardien du médaillon (4’) et Ninja Eliminator IV : The French Connection (8’). La même bande d’allumés est de retour pour notre plus grand plaisir. C’est encore complètement dingue et porté par un véritable amour du nanar.

L’Image et le son

Au jeu des comparaisons, l’image de Ninja III est la plus belle de la trilogie disponible en Blu-ray. Comme L’Implacable Ninja et Ultime Violence – Ninja II, ESC soigne son master HD (1080p). Un lifting numérique a été effectué, avec un résultat plus que probant et flatteur pour les mirettes. Si le générique s’accompagne de fourmillements et d’un grain parfois hasardeux, cela s’arrange immédiatement après. L’encodage AVC est de haute tenue et la promotion HD indéniable. Les détails sont appréciables, le piqué et la clarté sont aléatoires mais plus nets sur les séquences diurnes, la colorimétrie retrouve une nouvelle jeunesse et les contrastes affichent une petite densité inattendue. Les quelques rares scories aperçues demeurent subliminales.

Les versions française et originale sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0, dépourvues du moindre souffle. Les deux versions s’avèrent propres, naturelle pour la piste anglaise, dynamique et évidemment plus artificielle pour l’amusant doublage français. Les sous-titres français ne sont pas imposés, contrairement au changement de langue verrouillé à la volée.

Crédits images : © ESC Conseils / Captures du Blu-ray :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Ultime Violence – Ninja 2, réalisé par Sam Firstenberg

ULTIME VIOLENCE – NINJA II (Revenge of the Ninja) réalisé par Sam Firstenberg, disponible en coffret DVD et coffret Blu-ray le 28 mars 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Shô Kosugi, Keith Vitali, Virgil Frye, Arthur Roberts, Mario Gallo, Ashley Ferrare, Grave Oshita, Kane Kosugi

Scénario : James R. Silke

Photographie : David Gurfinkel

Musique : W. Michael Lewis, Laurin Rinder, Robert J. Walsh

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 1983

LE FILM

Après que leur famille ait été tuée au Japon par des Ninjas, Cho et son fils Kane, décident de partir aux Etats-Unis pour recommencer une nouvelle vie. Alors qu’il a ouvert une boutique de figurines, il découvre qu’il importe à son insu de l’héroïne, dissimulée à l’intérieur. Après avoir découvert la trahison de l’ami qui l’a impliqué malgré lui, il va devoir se préparer pour l’ultime bataille qui en découle…

Suite à l’immense succès de L’Implacable Ninja – qui a dit « L’Improbable » ? – avec Franco Nero aussi rassuré au nunchaku que Barracuda quand il prend l’avion, les joyeux lurons Menahem Golan et Yoram Globus n’allaient pas en rester là ! Conscients que les spectateurs semblent apprécier les histoires de ninja passées à la sauce américaine, les deux pontes de la Cannon font à nouveau appel à Shô Kosugi pour lui offrir cette fois le premier rôle d’Ultime Violence – Ninja 2, ainsi que la supervision des chorégraphies. Si Menahem Golan est lui-même débarqué de la mise en scène, Sam Firstenberg, qui venait de réaliser One more chance, un drame avec la jeune Kirstie Alley, se voit confier les rênes de ce second opus. Un budget plus confortable, si cela veut néanmoins dire quelque chose à la Cannon, plus de combats, plus de sang, plus de nawak, mais aussi plus de cadres et de contre-plongées réussis, Ultime Violence – Ninja 2 est une excellente suite, qui se permet même d’être supérieure au volet précédent.

Shô Kosugi est Osaki. Sa famille massacrée par les tueurs d’un clan ninja (première scène ahurissante de violence où hommes, femmes et enfants passent à la moulinette, ou plutôt au shuriken), il fuit le Japon, accompagné de son jeune fils. Installé aux États-Unis, il croit pouvoir démarrer une nouvelle vie. Rapidement, Osaki se rend à l’évidence qu’il est manipulé, utilisé à son insu dans un vaste trafic de drogue, dont on se fout d’ailleurs royalement (et les acteurs aussi visiblement) puisque l’essentiel est ailleurs. Trahi, menacé des pires représailles par un parrain sans scrupules et ses sbires (véritable concours de tronches invraisemblables), il ressort d’une cache secrète l’équipement complet du ninja qu’il a été et qu’il n’a jamais cessé d’être, prêt à se battre contre ses anciens frères d’armes. La vengeance du Ninja, sera terrible(ment drôle). Et c’est parti pour 1h30 de combats bruités à la bouche durant lesquels Shô Kosugi, charisme éteint mais content d’être là, affronte des mafieux sans foi ni loi menés par un petit bonhomme rigolo, tandis qu’il se voit draguer par une blonde chaude comme la b(r)aise qui passe tout le film à moitié nue.

Au début du film et comme bien souvent chez la Cannon, tout est fait pour faire croire aux spectateurs qu’ils sont face un film d’action solide et burné. Sam Firstenberg met le paquet dans le prologue sanglant et met en place l’histoire rapidement pour emmener son personnage principal le plus vite possible aux Etats-Unis où l’audience pourra ainsi mieux d’identifier. Mais à mesure que le métrage avance, Ultime Violence – Ninja 2 ne peut plus cacher les limites d’un scénario lambda et du manque évident de moyens. Le film se nanardise pour notre plus grand plaisir.

Shô Kosugi se retrouve face à des caïds de bacs à sable, escalade un mur en mousse, lance ses jouets en aluminium, puis saute par-dessus un mur en faisant des pirouettes, s’accroche à l’arrière d’un van lancé sur la route et s’égratigne les genoux tout en faisant brûler son pantalon. Ajoutez à cela un petit bonhomme qui se bastonne avec quelques gamins qui voulaient lui piquer son goûter, une grand-mère bad-ass à qui l’on crêpe le chignon, une scène de torture dans un jacuzzi, avant d’admirer (ou de subir c’est selon) l’affrontement final de dix minutes dans des décors d’une pauvreté jubilatoire : un terrain de tennis et le toit d’un building dans la ville sèche de Salt Lake City.

90 minutes vraiment géniales et drôles, durant lesquelles on ne s’ennuie pas. Le film sera une fois de plus un succès commercial pour Golan/Globus. Par la suite, Sam Firstenberg récidivera dans le genre baston puisqu’il signera Ninja III (bientôt sur Homepopcorn.fr), American Warrior I et sa suite, Le Ninja blanc, La Loi du Samouraï et d’autres films que les amateurs de nanars connaissent comme Cyborg Cop I et sa suite. Dans ce cas, le mot « séquelle » est bien approprié.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’ Ultime Violence – Ninja 2, disponible chez ESC Conseils dans le coffret Trilogie Ninja avec également L’Implacable Ninja et Ninja III, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

A l’instar des deux autres titres présents dans ce coffret, nous retrouvons Nico Prat, journaliste chez RockyRama, qui nous propose un portrait du réalisateur Sam Firstenberg croisé avec la présentation du film qui nous intéresse (9’). Vous en saurez assez pour briller lors d’un dîner, où les convives seront estomaqués de vos connaissances en ninjitsu et accessoirement en nanars.

S’ensuit un court-métrage parodique intitulé Ninja Eliminator II : La Quête du cristal magique (6’), en réalité une fausse bande-annonce jubilatoire concoctée par des fans du genre, dont nous avions déjà apprécié l’imagination sur le premier disque du coffret.

L’Image et le son

Le master HD d’Ultime violence – Ninja 2 s’en tire encore mieux que celui de L’Implacable Ninja ! Malgré un léger manque de concision sur certains plans, la copie dépasse toutes les espérances. Les contrastes sont denses et même assez beaux, les couleurs retrouvent une vraie vivacité, sans oublier les lumineuses séquences en extérieur. La propreté est évidente, les détails étonnamment précis, tandis que le grain demeure heureusement conservé. Un petit relief se fait même ressentir !

Sachant que les spectateurs français ont avant tout découvert ce film dans la langue de Molière, ESC livre un mixage français propre et respectueux de l’écoute originale avec bien sûr le doublage d’époque. Au jeu des comparaisons, la version originale s’en sort mieux avec des effets plus naturels et une dynamique plus marquée. Les deux pistes sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0, qui ne peuvent évidemment pas rivaliser avec les standards actuels, mais l’éditeur permet de revoir ce « classique » dans de bonnes conditions techniques, mention spéciale aux bruitages lors des bastons. Le changement de langue est verrouillé à la volée, mais étrangement les sous-titres ne sont pas imposés.

Crédits images : © ESC Conseils / Captures du Blu-ray :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / L’Implacable Ninja, réalisé par Menahem Golan

L’IMPLACABLE NINJA (Enter the Ninja) réalisé par Menahem Golan, disponible en coffret DVD et coffret Blu-ray le 28 mars 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Franco Nero, Susan George, Shô Kosugi, Christopher George, Alex Courtney, Will Hare, Zachi Noy, Constantine Gregory

Scénario : Dick Desmond, d’après une idée de Mike Stone

Photographie : David Gurfinkel

Musique : W. Michael Lewis, Laurin Rinder

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Après avoir terminé sa formation de ninja au Japon, Cole, un soldat vétéran de l’Angola rend visite à son ancien frère d’armes Frank Landers et fait connaissance avec l’épouse de celui-ci, Mary Ann Landers. Les Landers possèdent une ferme aux Philippines, et sont fréquemment harcelés par un homme d’affaires du nom de Charles Venarius, qui souhaite acquérir leur propriété. À leur insu, les terres des Landers cachent d’importantes nappes de pétrole. Cole, grâce à ses talents de ninja, n’a guère de difficulté à repousser les attaques répétées des sbires de Venarius. Mais ce dernier finit par faire appel à Hasegawa, un autre ninja, rival de Cole.

Vous l’aurez deviné, il s’agit bien sûr du résumé de L’Implacable Ninja aka Enter the Ninja en version originale, titre qui surfe allègrement sur Enter The Dragon, plus connu dans nos contrées sous le titre d’Opération Dragon. Suite au triomphe international de ce film, sorti après la mort prématurée de Bruce Lee, certains producteurs espèrent surfer sur le nouvel engouement des spectateurs pour les films d’arts martiaux. Et quoi de plus exotique que le ninjutsu ? Il n’en fallait pas plus pour les immenses (oui) producteurs et réalisateurs de la Cannon, les israéliens Menahem Golan (1929-2014) et son cousin Yoram Globus (né en 1941), les « George Foreman et les Mohamed Ali du cinéma indépendant », qui ont voulu prendre d’assaut le cinéma américain et rivaliser avec les plus gros studios installés depuis des décennies. La Cannon c’est cette véritable machine de guerre du cinéma, mythique firme spécialisée dans la production et la distribution de films à petit et moyen budget (avec de la castagne, des ninjas américains, des nanas topless, des effets spéciaux minables), soit 120 films (involontairement drôles la plupart du temps) en dix ans, de 1979 à 1989.

Réalisé en 1980 par Mehanem Golan lui-même (on lui doit aussi Delta Force et Over the top – Le Bras de fer), L’Implacable Ninja est un des titres phares de cette entreprise unique menée par deux mégalomanes, égocentriques et visionnaires, ayant changé à jamais l’histoire du cinéma bis, mais qui ont aussi produit John Cassavetes, Jean-Luc Godard, Franco Zeffirelli, Andreï Kontchalovski et Barbet Schroeder ! Franco Nero, oui le cultissime Django, est ici un vétéran des Forces Spéciales de l’armée américaine, qui pendant ses vacances a décidé de devenir un ninja, même s’il est visible que le comédien est incapable de lever le pied plus haut que le sol, qu’il arbore une belle moustache et qu’il manie le nunchaku au ralenti pour ne pas entortiller l’arme dans les poils du torse. Après le sublime prologue filmé dans un jardin peu entretenu, durant lequel Franco Nero (en blanc), ou sa doublure plutôt, met à terre une armée de ninjas (rouges et noirs), il devient lui-même « espion japonais ». L’Implacable Ninja devient ensuite un film de bastons très marrant, durant lequel Franco Nero, qui ne se force pas à cacher qu’il ne croit pas du tout à ce qu’il fait et à ce qui se déroule autour de lui, continue son chemin en initiant un geste en gros plan, immédiatement suivi d’un plan large – qu’importe le raccord – où son personnage (incarné par Mike Stone sur ces scènes) lève le pied au-dessus de la tête en maniant le katana comme un expert. Puis gros plan sur Franco Nero qui range l’arme en prenant l’air essoufflé.

L’Implacable Ninja est un sommet de nawak, un cocktail de parodie involontaire de films d’arts martiaux et de bagarres du style Terence Hill-Bud Spencer. Le rythme est soutenu, Franco Nero a juste à marcher pour emporter l’adhésion, même si on ne croit pas du tout à son personnage. C’est d’ailleurs ce qui fait la grande réussite du film, avec la participation de Susan George (Les Chiens de paille, Larry le dingue, Mary la garce, Venin), qui cette fois encore n’a pas coûté cher en soutien-gorge. Ajoutez à cela une musique au synthé bien kitsch, des combats où les coups de pieds assomment l’adversaire à trente centimètres de la cible, des méchants de pacotille (dont un petit gars affublé d’un crochet de portemanteau en guise de main), des décors pauvres, des dialogues tordants (immense version française), des costumes ridicules (des pyjamas quoi) et vous obtenez une référence du nanar qui reste un formidable divertissement jusqu’au combat final entre Nero – Stone face à Shô Kosugi. Rapidement devenu un film culte, un deuxième volet est rapidement mis en chantier, Ultime Violence – Ninja 2, avec cette fois-ci Shô Kosugi dans le rôle principal. Nous vous en parlons très bientôt.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de L’Implacable Ninja, disponible chez ESC Conseils dans le coffret Trilogie Ninja avec également Ultime Violence – Ninja 2 et Ninja III, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

L’éditeur ne vient pas les mains vides, et propose tout d’abord la présentation rapide de la trilogie Ninja de la Cannon, par Nico Prat, journaliste chez RockyRama. Un amuse-gueule d’une minute.

La vraie présentation de L’Implacable Ninja est ensuite disponible (10’). Le même journaliste est de retour et revient sur la genèse de ce film culte en évoquant bien évidemment ce qui a conduit la Cannon a mettre ce projet en route au début des années 1980. Le casting, les conditions de tournage, les armes utilisées, les bruitages, tout y est abordé avec un second degré bien senti.

S’ensuit un court-métrage parodique intitulé Ninja Eliminator (4’), en réalité une fausse bande-annonce jubilatoire concoctée par des fans du genre. 

L’Image et le son

L’éditeur soigne le master HD (1080p) de L’Implacable Ninja. Un lifting numérique a visiblement été effectué, avec un résultat probant, même si des points et des tâches restent constatables, surtout durant la première bobine et le générique. L’encodage AVC est de haute tenue et la promotion HD non négligeable. Les détails sont appréciables, le piqué et la clarté sont aléatoires mais plus nets sur les séquences diurnes, la colorimétrie retrouve une nouvelle jeunesse et les contrastes affichent une petite densité inattendue. L’ensemble est propre, stable en dehors de très légers fourmillements, le reste des scories demeure subliminale, et le grain est respecté.

Sachant que les spectateurs français ont avant tout découvert ce film dans la langue de Molière, ESC livre un mixage français propre et respectueux de l’écoute originale avec bien sûr le doublage d’époque et les immenses voix de Benoît Allemane, Béatrice Delfe, Jean Topart et Francis Lax. Au jeu des comparaisons, la version originale s’en sort mieux avec des effets plus naturels et une dynamique plus marquée. Les deux pistes sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0, qui ne peuvent évidemment pas rivaliser avec les standards actuels, mais l’éditeur permet de revoir ce « classique » dans de bonnes conditions techniques, mention spéciale aux bruitages lors des bastons. Le changement de langue est verrouillé à la volée, mais étrangement les sous-titres ne sont pas imposés.

Crédits images : © ESC Conseils / Captures du Blu-ray :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / La Maison des étrangers, réalisé par Joseph L. Mankiewicz

LA MAISON DES ÉTRANGERS (House of Strangers) réalisé par Joseph L. Mankiewicz, disponible en DVD et Blu-ray le 2 novembre 2017 chez ESC Conseils

Acteurs : Edward G. Robinson, Susan Hayward, Richard Conte, Luther Adler, Paul Valentine, Efrem Zimbalist Jr., Debra Paget

Scénario : Philip Yordan d’après le roman de Jerome Weidman

Photographie : Milton R. Krasner

Musique : Daniele Amfitheatrof

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 1949

LE FILM

Max Monetti, ancien avocat, vient de purger sept années de prison, une peine qu’il a prise à la place de son père Gino, mort durant son incarcération. Max se remémore le passé, Gino Monetti a été accusé d’activités bancaires frauduleuses et se retrouve au banc des accusés, ses trois autres fils, employés du père, trop désireux de lui succéder à la banque se sont désolidarisés de lui et de Max qui s’employait à défendre Gino. Max se fait arrêter après avoir essayé de soudoyer une femme du jury pour sauver son père. Avant de mourir, Gino saura attiser la haine de Max envers ses trois frères. À présent Max est décidé à se venger d’eux mais Irène Bennett, son ancienne maîtresse, essaye de l’en dissuader…

Tout d’abord scénariste (Alice au pays des merveilles de Norman Z. McLeod, L’Ennemi public n°1 de W.S. Van Dyke), puis producteur (Furie de Fritz Lang, Indiscrétions de George Cukor), Joseph L. Mankiewicz (1909-1993) passe derrière la caméra en 1946 avec Le Château du dragon, en remplacement d’Ernst Lubitsch, victime d’une crise cardiaque. Suite à ce premier et grand succès, Mankiewicz jette son dévolu sur une pièce de Lee Strasberg, qu’il adapte avec Howard Dimsdale. Ce sera Quelque part dans la nuit, un film noir dans le style du Faucon maltais de John Huston (1941) et du Grand sommeil de Howard Hawks, par ailleurs sorti quelques semaines après le film de Mankiewicz. Suivront Un mariage à Boston (1947), L’Aventure de madame Muir (1947), Escape (1948) et Chaînes conjugales (1949). Autant dire que Joseph L. Mankiewicz a le vent en poupe à la fin des années 1940. Il clôt cette fabuleuse décennie avec La Maison des étrangersHouse of Strangers, fabuleux drame familial qui annonce notamment Le Parrain plus de 20 ans avant.

New York, 1939. Max Monetti est de retour. Cet ancien avocat vient de purger sept ans de prison. Son père Gino, humble coiffeur sicilien devenu un grand banquier respecté à la force du poignet , a été soupçonné de pratiques illégales. Ces accusations ont précipité sa mort pendant la détention de Max. Joe, Pietro et Tony, les trois autres fils de Gino, qui avaient évincé leur propre père et enregistré la banque à leur nom, voient d’un mauvais oeil le retour du fils prodigue. La Maison des étrangers est un récit dense, passionnant et demeure dans la mémoire des cinéphiles grâce à l’immense interprétation du comédien Edward G. Robinson, récompensé par le Prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes en 1949. Basé sur le roman de Jerome Weidman, transposé par Joseph L. Mankiewicz lui-même, House of Strangers laisse pantois d’admiration par la virtuosité de la mise en scène (la transition vers le passé est splendide), la beauté de la photographie de Milton R. Krasner (Le Retour de l’Homme invisible, Le Spectre de Frankenstein, La Femme au portrait) et l’intensité des comédiens avec notamment Susan Hayward, qui retrouvera Mankiewicz en 1967 pour le délicieux Guêpier pour trois abeilles, Richard Conte, Luther Adler et Paul Valentine. Mais comme nous l’avons dit, celui qui s’élève au-dessus de tous est l’immense Edward G. Robinson qui bouffe l’écran à chaque apparition avec sa silhouette reconnaissable et son accent italien. Bien avant Marlon Brando dans le rôle mythique de Don Vito Corleone, Edward G. Robinson compose un patriarche sicilien qui a embrassé le rêve américain. Lui qui était simple coiffeur sans un sou dans son pays est devenu un homme puissant, qui brasse des millions de dollars, tout en venant en aide aux plus démunis dans le quartier new-yorkais grouillant de Little Italy. Il règne sur sa famille, sa femme et leurs quatre fils, avec une main de fer et crée la jalousie des frères de Max en se montrant plus attentionné avec lui, tout en le couvrant d’éloges. Ou comment léguer la haine en héritage.

Chef d’oeuvre sombre et pessimiste, même si Mankiewicz montre que la vengeance n’est pas un plat qui se mange froid, mais qui ne se mange pas, La Maison des étrangers subjugue, choque, émeut et laisse une empreinte indélébile dans le coeur des spectateurs.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de La Maison des étrangers, disponible chez ESC Conseils, repose dans un très élégant boîtier classique de couleur noire. La jaquette estampillée « Hollywood Legends » ne manque pas de classe. Le menu principal est animé et musical.

Le film est accompagné d’une passionnante présentation de La Maison des étrangers par Olivier Père (30’). Le directeur cinéma d’Arte dresse tout d’abord un portrait du réalisateur Joseph L. Mankiewicz et revient sur ses débuts au cinéma. Puis Olivier Père en vient au film qui nous intéresse en indiquant que House of Strangers demeure souvent dans l’ombre des films plus célèbres du cinéaste, en l’occurrence par le grand succès précédent de Chaînes conjugales. S’il ne bénéficie pas du même statut que ses autres grands classiques, ce septième long métrage méconnu n’en demeure pas moins un autre chef d’oeuvre de Mankiewicz. Ensuite, Père croise le fond avec la forme, se penche sur les personnages, la structure du film, le casting, et dresse un parallèle avec Le Parrain que Francis Ford Coppola réalisera plus de vingt ans après.

L’Image et le son

Un Blu-ray au format 1080p (AVC). Ce nouveau master restauré en HD au format respecté 1.33 de La Maison des étrangers est honnête, mais il faut bien avouer que l’image reste marquée par des griffures et des rayures verticales, des effets de pompage, un fourmillement, des poussières et autres scories, sans oublier un piqué émoussé. Toutefois, diverses séquences parviennent à sortir du lot, à l’instar du match de boxe, et la copie finit par trouver une stabilité et un équilibre convenables. La définition ne manque pas d’attraits, les détails sont élégants, tout comme le grain original heureusement conservé. Signalons que le Blu-ray de La Maison des étrangers proposé par ESC Conseils est une exclusivité mondiale.

L’unique piste anglaise bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio Mono 2.0. Si quelques saturations et craquements demeurent inévitables surtout sur les dialogues aigus, l’écoute se révèle fluide et limpide. Notons toutefois un léger bruit de fond, ainsi que diverses sautes de son et problèmes de traduction, parfois trop approximative, sans parler de certaines répliques même pas traduites et de fautes d’accentuation. Les sous-titres français sont imposés.

Crédits images : © ESC Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / La Brune brûlante, réalisé par Leo McCarey

LA BRUNE BRULANTE (Rally ‘Round the Flag, Boys !) réalisé par Leo McCarey, disponible en DVD le 2 novembre 2016 chez Esc Conseils

Acteurs : Paul Newman, Joanne Woodward, Joan Collins, Jack Carson, Dwayne Hickman, Tuesday Weld, Gale Gordon

Scénario : Claude Binyon, Leo McCarey d’après le roman de Max Shulman

Photographie : Leon Shamroy

Musique : Cyril J. Mockridge

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 1958

LE FILM

Harry Bannermam vit à Putnam’s Landing, une petite ville américaine avec sa femme Grace et leurs deux enfants. Les multiples activités civiques de Grace commencent à exaspérer Harry qui se croit délaissé. Alors même qu’Angela, voluptueuse brune s’offre à lui pour le consoler, l’annonce que la ville va devenir le centre d’un projet militaire ultra-secret inquiète la population. Harry est chargé d’aller à Washington pour tenter de dissuader les autorités.

Avec La Brune brûlanteRally ‘Round the Flag, Boys !, le maître de la comédie de mœurs – mais pas que – américaine sophistiquée Leo McCarey (1898-1969) signe l’avant-dernier film d’une œuvre éclectique et dense, avec plus de 100 films répertoriés, parmi lesquels de nombreuses collaborations avec Laurel & Hardy. Capable de passer de la comédie au drame en passant par la romance et le mélodrame avec une rare dextérité, à l’instar de ses chefs d’oeuvre La Soupe au canard (1933) avec les Marx Brothers, L’Extravagant M. Ruggles (1935) avec Charles Laughton et Elle et lui (1939) avec Irene Dunne et Charles Boyer, Leo McCarey est un réalisateur malheureusement trop souvent oublié en France, malgré l’extrême richesse de sa filmographie.

Après avoir porté de nombreux sujets à l’écran, dont certains qui lui portaient plus particulièrement à coeur comme le somptueux Au crépuscule de la vie (1937), également connu sous le titre Place aux jeunes, son film le plus personnel et paradoxalement son plus grand échec public, le cinéaste ralentit fortement le rythme au cours des années 1940. Il entame ensuite les années 1950 avec un drame My son John, avant de réaliser son propre remake d’Elle et lui avec cette fois Cary Grant et Deborah Kerr. La Brune brûlante est également la dernière comédie de Leo McCarey, qui mettra en scène son dernier long métrage en 1962, Une histoire de ChineSatan never sleeps avec William Holden. En 1958, Paul Newman est encore au tout début de sa carrière. Il vient d’enchaîner les tournages successifs de Marqué par la haine et Femmes coupables de Robert Wise, Les Feux de l’été de Martin Ritt, Le Gaucher d’Arthur Penn et La Chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks. Le comédien vient aussi d’épouser celle avec qui il passera le reste de sa vie, l’actrice Joanne Woodward. Réunis pour la première fois devant la caméra de Martin Ritt dans Les Feux de l’été, ils se retrouvent devant celle de Leo McCarey pour La Brune brûlante. Cela va sans dire que l’alchimie entre les deux crève l’écran et fait le sel de cette comédie débridée, même si l’histoire, riche en rebondissements, a tendance à partir un peu dans tous les sens.

Le générique composé de dessins donne le ton. Le Technicolor est lumineux, la musique entraînante et une voix-off formidablement ironique installent le décor. Les américains n’hésitent pas à faire 3 heures de train par jour pour aller travailler à New York. Ils profitent aussi de l’alcool servi à bord des transports avant de rentrer à la maison où les attendent leurs femmes permanentées, qui s’occupent des enfants (ou les laissent devant la télévision) tout en préparant le dîner. Nous sommes dans une petite et paisible bourgade de banlieue, Putnam’s Landing, située au nord de la Grosse Pomme. Contrairement à certains de ses camarades, Harry (Paul Newman) reproche à sa femme Grace (Joanne Woodward) de ne pas passer de temps avec lui à cause des enfants, mais surtout parce que Grace a son emploi du temps surchargé en raison de toutes ses activités civiques, assemblées écologistes et meetings féministes. Ils ont pour voisine Angela (Joan Collins, la fameuse brune éponyme), une femme voluptueuse, qui n’est pas insensible au charme de Harry. Lors d’une réunion municipale, les habitants apprennent l’implantation d’une base militaire dans les environs. Grace est à nouveau désignée comme porte-parole de la ville afin de contrecarrer ce projet. Au grand désespoir de Harry, qui se faisait une joie d’avoir enfin pu planifier un petit séjour avec son épouse. Femme délaissée, Angela, décide d’attirer Harry entre ses griffes. Devant cette femme fatale pétillante et séductrice, incendiaire et aux atours affriolants, Harry va devoir lutter pour ne pas succomber.

En dépit d’un rythme en dents de scie, de dialogues parfois trop abondants et d’une deuxième partie – celle avec les militaires – plutôt décevante, La Brune brûlante demeure largement conseillé. La satire sociale de l’American Way of Life, récurrente dans l’oeuvre de Leo McCarey, fonctionne très bien, tout comme le thème également cher au réalisateur de la relation homme/femme où la femme possède un fort tempérament et l’homme doit se plier et se taire devant elle. Les comédiens sont tous formidables (Jack Carson, hilarant dans le rôle du Capitaine Hoxie, Tuesday Weld en adolescente émoustillée pour un rien) et toute la première partie du film reflète tout le savoir-faire du cinéaste en matière de quiproquos cocasses, de joutes verbales, de slapstick à la limite du vaudeville, de direction d’acteurs, sans oublier évidemment la vivacité de la mise en scène et un montage percutant. Peu importent donc les faiblesses du film, car La Brune brûlante est l’occasion d’admirer l’immense talent et la beauté des trois acteurs principaux, notamment Paul Newman, survolté, qui s’avère remarquable dans le registre de la comédie et dont le jeu physique n’est pas sans rappeler celui du James Stewart des années 1930.

LE DVD

Le DVD de La Brune brûlante repose dans un boîtier Amaray classique, lui-même glissé dans un surétui cartonné. La jaquette est estampillée du logo de la collection Hollywood Legends, disponible chez ESC Conseils. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur joint une présentation du film par Olivier Père (22’), intitulée Dernier feu d’artifices. Le directeur du cinéma d’Arte France se penche tout d’abord sur la carrière du cinéaste Leo McCarey, qu’il qualifie – avec raison – comme étant un des plus grands réalisateurs hollywoodiens. Il évoque quelques-uns de ses films les plus célèbres, les grandes étapes de sa longue et prolifique carrière, avant d’en venir à La Brune brûlante, en analysant à la fois le fond et la forme. Olivier Père aborde également les thèmes et le casting du film.

L’Image et le son

Présenté dans un nouveau master restauré en Haute-Définition, La Brune brûlante ravit les yeux. Le grain original est respecté et on ne peut qu’apprécier de (re)découvrir cette comédie de Leo McCarey dans de telles conditions techniques. Les points forts de ce nouveau master restauré étant sans nul doute sa luminosité, sa stabilité et sa propreté irréprochable. Les contrastes sont traités avec une belle délicatesse, tout comme le Technicolor, formidablement restitué. N’oublions pas une compression solide comme un roc, ainsi qu’un piqué parfois étonnant.

L’acoustique de cette édition s’avère très plaisante, en anglais comme en français. La musique accompagne les dialogues de manière très harmonieuse, les voix des comédiens demeurent claires et l’ensemble possède une dynamique exquise dépourvue du moindre souffle. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © ESC Conseils – 20th Century Fox / Captures Blu-ray : Franck Brissard

Test Blu-ray / Larry le dingue, Mary la garce, réalisé par John Hough

LARRY LE DINGUE, MARY LA GARCE (Dirty Mary, Crazy Larry) réalisé par John Hough, disponible en DVD et Blu-ray le 7 septembre 2016 chez Esc Conseils

Acteurs : Peter Fonda, Susan George, Adam Roarke, Vic Morrow, Kenneth Tobey, Eugene Daniels, Lynn Borden

Scénario : Leigh Chapman, Antonio Santean d’après le roman de Richard Unekis

Photographie : Michael D. Margulies

Musique : Jimmie Haskell

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Larry, pilote de course féru de vitesse, Deke le mécanicien et Mary, l’amante de Larry sont tous les trois pourchassés par la police. Plus tôt, ils ont dévalisé les caisses d’un supermarché et se sont enfuis à bord d’un bolide qui fonce droit sur la route sans se soucier des dangers et des barrages placés par les forces de l’ordre. Parviendront-ils à quitter l’État et à participer au circuit international de course automobile ?

A l’instar de Point limite zéro Vanishing Point de Richard C. Sarafian (1971), Macadam à deux voiesTwo-Lane Blacktop de Monte Hellman (1971) et Electra Glide in Blue de James William Guercio (1973), Larry le dingue, Mary la garce Dirty Mary, Crazy Larry de John Hough (1974) demeure un symbole de la contre-culture américaine. A la fin des années 60, aux Etats-Unis, le road-movie prend son envol avec la sortie du film de Dennis Hopper, Easy Rider. C’est l’époque des grands chamboulements, la guerre du Vietnam a traumatisé l’Amérique, la révolution sexuelle bat son plein, les mœurs et les actes changent et se libèrent. Il y a eu Woodstock en 69 et l’affaire Charles Manson. Les films mentionnés se situent à une époque charnière de l’histoire de l’Amérique faite de bouleversements et de changements profonds. Le cinéma aussi se renouvelle avec la naissance du Nouvel Hollywood et l’émergence de jeunes réalisateurs : Coppola, Scorsese, Lucas, Spielberg. D’autres font figure d’outsiders et s’engouffrent dans la brèche du road-movie, parfois mystique et mélancolique. Si Easy Rider était un film sex, drug and rock n’roll, Macadam à deux voies se distinguait par son absence totale de violence, de sexe et de substances illicites.

Le pilote de course Larry et son mécanicien Deke réussissent de manière astucieuse à voler la recette d’un supermarché. Obligés d’emmener Mary Coombs, une rencontre d’un soir de Larry qui a été témoin du vol, ils parviennent à passer à travers tous les barrages que les policiers mettent sur leur route, grâce à leur bolide trafiqué, une Dodge Charger 1969 modèle sport. Le capitaine Franklin, qui dirige l’opération, commence à en faire une affaire personnelle et tente de les arrêter par tous les moyens possibles. Larry le dingue, Mary la garceDirty Mary, Crazy Larry marque la fin d’une époque, mais ne se résume pas à une des plus hallucinantes courses-poursuites de l’histoire du cinéma.

Durant 1h33, on ne saura quasiment rien des personnages, de leur vie et du but de ce voyage, à part celui de prendre la fuite avec le butin d’un casse, mis en scène de manière plutôt cool, afin de pouvoir concourir à une course sur un circuit professionnel. Ils se situent pleinement dans la contre-culture des années 70 avec un caractère bien trempé (Mary est d’ailleurs la plus explosive du trio), contestataire et provocateur. Larry le pilote (Peter Fonda, qui fait le lien avec Easy Rider), Deke son mécanicien (Adam Roarke) qui prend autant soin de la bagnole que de Larry quand il s’égare, et Mary (Susan George) la copine d’un soir de Larry qui s’est incrustée dans leur cavale, refusent d’obtempérer avec les autorités, qu’ils écoutent en étant branchés sur leurs ondes. D’où cette fuite éperdue où tous les coups sont permis, où Larry, lancé à fond sur le bitume, défie toutes les règles en tentant d’échapper à tous les flics – qui s’en donnent également à coeur joie sur la route – de la région, dont un en particulier, Everett Franklin (Vic Morrow, génial) qui les poursuit dans un hélicoptère, dans un affrontement encore très impressionnant aujourd’hui.

Larry et ses deux comparses, sont les derniers héros de l’Amérique, libres face aux forces répressives. Larry le dingue, Mary la garce est devenu pour de nombreux cinéphiles un vrai film de chevet et le mythe autour de ce film s’est construit avec le temps, certaines répliques vachardes étant même entrées dans le langage courant chez certains cinéphiles US. Grand fan de Larry le dingue, Mary la garce, Quentin Tarantino s’en est grandement inspiré (comme d’habitude) pour Boulevard de la mort. Pourtant ce n’est pas tant l’histoire qui nous captive mais les engueulades du couple principal, la splendeur des paysages américains, son rythme trépident, les routes longilignes à n’en plus finir, là où le réalisateur britannique John Hough (Les Sévices de Dracula, La Montagne ensorcelée, Les Yeux de la forêt), prend plaisir à nous égarer à fond la caisse, dans un nuage de poussière, pour son premier film américain. Approche palpable du chaos, dénouement brutal, désenchanté et étourdissant, film enragé, indispensable !

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Larry le dingue, Mary la garce, disponible chez ESC Conseils, repose dans un boîtier classique de couleur rouge. La jaquette aux couleurs flashy saura attirer l’oeil des cinéphiles. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur joint une présentation du film par Olivier Père (20’), intitulée En route vers la contre-culture. Le directeur du cinéma d’Arte France se penche tout d’abord sur la carrière du cinéaste John Hough. Il évoque ses films de genre et fantastiques, puis en vient ensuite au film qui nous intéresse en analysant à la fois le fond et la forme. Olivier Père considère Larry le dingue, Mary la garce comme un des films les plus intéressants du réalisateur, analyse les personnages, le dénouement et le casting.

L’Image et le son

Jusqu’alors inédit dans nos contrées en DVD et Blu-ray, Larry le dingue, Mary la garce nous arrive en Haute-Définition grâce aux bons soins d’ESC Conseils. Cette édition Blu-ray au format 1080p (AVC) nous propose des couleurs étincelantes, un piqué vif, des contrastes très élégants et une remarquable stabilité. L’élévation HD n’est pas négligeable pour un titre comme celui-là, loin de là. Saluons avant tout l’impeccable étalonnage qui rend justice aux tonalités originelles du film. L’image retrouve son caractère fluide et naturel, notamment au niveau des splendides décors, paysages et longues routes de l’Amérique profonde, mais également au niveau des visages. Le cadre est riche en détails. Chaque plan ou sujet d’arrière-plan est d’une qualité et d’une profondeur séduisantes. Aucune tâche ou défaut n’est constatable, si ce n’est quelques troubles et sensibles pertes de la définition sur les scènes sombres. Que les puristes soient rassurés, le superbe grain de la photo est savamment restitué. Larry le dingue, Mary la garce retrouve un éclat fantastique et la restauration demeure impressionnante.

Rien à redire à propos des pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio Mono, amplement suffisantes et accompagnant élégamment le film de John Hough. Aucun souffle constaté sur les deux pistes et les dialogues restent très clairs tout du long. La musique tient également une place prépondérante et aucun accroc ne vient perturber sa restitution. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue ne peut se faire à la volée.

Crédits images : © ESC Conseils/ Captures Blu-ray : Franck Brissard