Test Blu-ray / Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé, réalisé par Sergio Martino

TON VICE EST UNE CHAMBRE CLOSE DONT MOI SEUL AI LA CLÉ (Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave) réalisé par Sergio Martino, disponible en coffret Combo Blu-ray + DVD + Livre La Trilogie du vice – L’Étrange Vice de Madame Wardh + Toutes les couleurs du vice + Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé le 4 juin 2024 chez Artus Films.

Acteurs : Edwige Fenech, Anita Strindberg, Luigi Pistilli, Ivan Rassimov, Angela La Vorgna, Enrica Bonaccorti, Daniela Giordano, Ermelinda De Felice, Marco Mariani, Nerina Montagnani, Franco Nebbia…

Scénario : Ernesto Gastaldi, Adriano Bolzoni & Sauro Scavolini, d’après Le Chat noir d’Edgar Allan Poe

Photographie : Giancarlo Ferrando

Musique : Bruno Nicolai

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

Oliviero est un ancien grand écrivain qui a perdu son inspiration et vit dans une ferme avec sa femme, tandis que sa mère décédée domine son existence et son imagination. Parallèlement, il a des liaisons avec une ancienne écolière et la servante de leur maison. Lorsque son ancienne élève est retrouvée assassinée, la police le considère comme le suspect numéro un. Les choses se compliquent encore lorsque sa jeune, belle et confiante nièce, Floriana, vient vivre avec eux. Au milieu de tout cela, le chat noir d’Oliviero, qui fait horreur à sa femme Irène, joue un rôle curieux.

Dernier volet de la trilogie informelle dite « du vice » avec Edwige Fenech dirigée par Sergio Martino, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la cléIl tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave (ou L’Œil du chat noir, ou bien encore L’Escalade de l’horreur) est mis en route immédiatement après Toutes les couleurs du viceTutti i colori del buio, la sortie des deux films n’étant espacée que de six mois seulement en Italie. Autant dire que le scénariste Ernesto Gastaldi, alors très occupé (huit films qu’il a écrit sortent en 1972, dont Amigo!… Mon colt a deux mots à te dire de Maurizio Lucidi, Les Rendez-vous de Satan de Giuliano Carnimeo et La Mort caresse à minuit de Luciano Ercoli), a parfois été moins inspiré et c’est étrangement le cas pour Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé, d’après Le Chat noir d’Edgar Allan Poe. Le scénariste le reconnaîtra d’ailleurs lui-même, il s’agit là sans doute d’un des opus les plus faibles de son réalisateur, quand bien même celui-ci réserve quelques bons moments. Mais ils sont bien trop dispersés et l’ensemble manque cruellement d’originalité, surtout après la transposition de Roger Corman sortie dix années auparavant, la nouvelle de Poe ayant aussi déjà été adaptée en 1934 par Edgar G. Ulmer dans le cadre des Universal Monsters et le sera encore après par Lucio Fulci en 1981 (et 1977 si l’on compte aussi L’Emmurée vivante) et Dario Argento dans l’une des deux parties de Deux Yeux maléfiques (1990). Rétrospectivement, Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave n’a du giallo post-L’Oiseau au plumage de cristal que son tueur ganté, vêtu d’un chapeau, d’un imperméable et armé d’une lame courbée, car le dit assassin est expédié après cinquante minutes plutôt poussives. C’est alors qu’entre enfin en scène Edwige Fenech (au bout d’une demi-heure pour être exact), qui relance la machine et dont le personnage et les motivations renvoient au genre plus classique, nappé d’horreur gothique. Il faut donc attendre patiemment pour que l’histoire démarre, faire avec des protagonistes très antipathiques (à ce jeu-là, Anita Strindberg et Luigi Pistilli sont impeccables, car imbuvables) qui prennent un malin plaisir à s’humilier en permanence, même si le final s’avère décevant car trop prévisible. Demeure « la Fenech » comme on disait en Italie, qui explose une fois de plus l’écran de son talent et de son insolente sensualité.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé, réalisé par Sergio Martino »

Test Blu-ray / Toutes les couleurs du vice, réalisé par Sergio Martino

TOUTES LES COULEURS DU VICE (Tutti i colori del buio) réalisé par Sergio Martino, disponible en coffret Combo Blu-ray + DVD + Livre La Trilogie du vice – L’Étrange Vice de Madame Wardh + Toutes les couleurs du vice + Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé le 4 juin 2024 chez Artus Films.

Acteurs : George Hilton, Edwige Fenech, Ivan Rassimov, Julián Ugarte, George Rigaud, Maria Cumani Quasimodo, Nieves Navarro, Marina Malfatti, Luciano Pigozzi…

Scénario : Ernesto Gastaldi & Sauro Scavolini

Photographie : Giancarlo Ferrando

Musique : Bruno Nicolai

Durée : 1h31

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

Victime d’un traumatisme dans son enfance, Jane est sujette à des cauchemars où elle se voit la proie d’un meurtrier. De plus, elle croit reconnaître cet assassin dans la personne d’un inconnu qui semble la suivre. Sa soeur Barbara lui conseille de consulter un psychiatre. Jane, entraînée par une nouvelle voisine, s’adonne à des pratiques de sorcellerie avant d’être reprise en main par le psychiatre qui la confie à un couple âgé à la campagne. Ses protecteurs ayant été tués, Jane menace de sombrer dans une dépression et songe au suicide. Son amant arrive cependant à déceler dans ces divers incidents un complot criminel ourdi pour priver Jane d’un héritage.

Sergio Martino-Edwige Fenech deuxième ! Ciak motore ! Azione ! Après le triomphe international de L’Étrange Vice de Madame Wardh, le réalisateur enchaîne avec un autre giallo, La Queue du scorpionLa Coda dello scorpione, interprété par George Hilton et la suédoise Anita Strindberg, Edwige Fenech venant de mettre au monde son unique enfant et devant alors laisser sa place à sa consœur. Qu’à cela ne tienne, la belle Edwige revient pour Toutes les couleurs du vice (ou L’Alliance invisible, titre d’exploitation hexagonal à sa sortie), sorte de relecture italienne de Rosemary’s Baby, qui imprègne non seulement le scénario d’Ernesto Gastaldi et Sauro Scavolini (Le Cynique, l’infâme, le violent, Amour et mort dans le jardin des dieux, Cité de la violence), mais aussi la mise en scène même de Sergio Martino, alors sous influence. Cette référence forcément avouée se retrouve même dans le décor principal, celui de la résidence de Jane, immeuble édouardien, qui rappelle fortement le Dakota Building où se déroule le chef d’oeuvre de Roman Polanski. Voulant sans cesse se renouveler, malgré les difficultés liées au genre qui demandait de respecter un cahier des charges établi dans le but de livrer aux spectateurs ce qu’ils étaient venus chercher en payant leur place de cinéma, Sergio Martino parvient à tirer son épingle du jeu, tout en reprenant les mêmes ingrédients ou presque de son modèle. En renouant avec le même trio vedette de L’Étrange Vice de Madame Wardh, Edwige Fenech, George Hilton et Ivan Rassimov, le cinéaste emmène son public et ses protagonistes sur un territoire pour le moment peu exploré, en mêlant mystère, magie et épouvante, en entremêlant le rêve et la réalité, en faisant progressivement disparaître la frontière friable entre les deux dimensions, afin de mettre en relief la psyché perturbée de son personnage central. Encore une immense réussite imputable aussi bien au réalisateur qu’à ses scénaristes.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / Toutes les couleurs du vice, réalisé par Sergio Martino »

Test Blu-ray / L’Étrange Vice de Mme Wardh, réalisé par Sergio Martino

L’ÉTRANGE VICE DE MADAME WARDH (Lo strano vizio della Signora Wardh) réalisé par Sergio Martino, disponible en coffret Combo Blu-ray + DVD + Livre La Trilogie du vice – L’Étrange Vice de Madame Wardh + Toutes les couleurs du vice + Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé le 4 juin 2024 chez Artus Films.

Acteurs : George Hilton, Edwige Fenech, Conchita Airoldi, Manuel Gil, Carlo Alighiero, Ivan Rassimov, Alberto de Mendoza…

Scénario : Vittorio Caronia, Ernesto Gastaldi & Eduardo Manzanos Brochero

Photographie : Emilio Foriscot

Musique : Nora Orlandi

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Julie Wardh cache un secret derrière sa vie bourgeoise et son extraordinaire beauté. Pendant un séjour à Vienne avec son mari, elle doit faire face à son vice qu’elle croyait enterré dans son passé. Un mystérieux tueur au rasoir cherche à la tuer et sème la terreur dans la ville.

C’est clairement une étape, un film matriciel, une pierre angulaire. L’Étrange Vice de Madame WardhLo strano vizio della signora Wardh est le premier giallo de Sergio Martino (né en 1938), emblématique réalisateur du cinéma d’exploitation italien. Quelques titres en vrac ? Le Continent des hommes poissons L’Isola degli uomini pesce (1979), Le Grand alligator Il Fiume del grande caimano (1979), La Montagne du dieu cannibale La Montagna del dio cannibale (1978), Mort suspecte d’une mineureMorte sospetta di una minorenne (1975), Rue de la violenceMilano trema: La polizia vuole giustizia (1973), 2019 après la chute de New York 2019 – Dopo la caduta di New York (1983)…Il y en a tant, il y en a d’autres…Mais ce que les fans retiendront donc surtout en priorité de Sergio Martino, ce sont ses gialli. En l’espace de trois années, de 1971 à 1973, le cinéaste va signer cinq fleurons du genre, L’Étrange Vice de madame Wardh Lo Strano vizio della Signora Wardh, La Queue du scorpionLa Coda dello scorpione, Toutes les couleurs du vice Tutti i colori del buio, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave (dont le titre « apparaît » déjà dans L’Étrange Vice… par l’intermédiaire d’une lettre) et TorsoI corpi presentano tracce di violenza carnale, dont trois avec la sublime Edwige Fenech. Cette dernière, qui sortait de L’Île de l’épouvante5 bambole per la luna d’agosto de Mario Bava, allait voir sa carrière décoller véritablement, au point de devenir une icône du genre alors en pleine explosion, depuis sa remise à neuf par Dario Argento et L’Oiseau au plumage de cristalL’uccello dalle piume di cristallo en 1970. À mi-chemin entre le giallo dit à l’ancienne et celui récemment mis au goût du jour, L’Étrange Vice de Madame Wardh est un savoureux tour de force, aussi passionnant sur le fond que sur la forme, un mètre étalon en la matière, qui réunit tous les ingrédients attendus, les triture, les malaxe, pour livrer aux spectateurs un divertissement haut de gamme qui demeure encore aujourd’hui spectaculaire.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / L’Étrange Vice de Mme Wardh, réalisé par Sergio Martino »

Test Blu-ray / Au coeur de minuit – Heart of Midnight, réalisé par Matthew Chapman

AU COEUR DE MINUIT (Heart of Midnight) réalisé par Matthew Chapman, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Jennifer Jason Leigh, Brenda Vaccaro, Jack Hallett, Nicholas Love, James Rebhorn, Tico Wells, Sam Schacht, Nina Lora, Steve Buscemi, Frank Stallone, Denise Dumont, Peter Coyote…

Scénario : Matthew Chapman

Photographie : Ray Rivas

Musique : Yanni

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1988

LE FILM

Carol est une femme ayant récupéré d’une récente dépression nerveuse. Elle vient d’hériter de « Midnight », une boîte de nuit anciennement détenue par son oncle, le regretté Fletcher. Elle quitte le domicile familial et entreprend de rénover le Nightclub. Cependant, elle découvre rapidement que les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être… par le passé, une section du club semble avoir été réservée à une clientèle libertine et sadomasochiste.

Plus connu comme scénariste (Jeux d’adultes Consenting Adults de Alan J. Pakula, Color of Night de Richard Rush, Le Maître du jeu Runaway Jury de Gary Fleder) que comme réalisateur, Matthew Chapman (né en 1950) n’a il est vrai que peu tourné. Pourtant, dans sa poignée de films et téléfilms se distingue Au coeur de minuit Heart of Midnight, drame psychologique indéniablement sous influence de David Lynch dont le Blue Velvet a semble-t-il laissé quelques traces et qui annonce étrangement d’autres opus du cinéaste à venir comme Lost Highway (1997) et Mulholland Drive (2001). Au centre de Heart of Midnight, une comédienne, immense, magnétique, qui aura d’ailleurs attendu 2017 (la série Twin Peaks: The Return) pour tourner pour David Lynch avec lequel elle se devait de collaborer, Jennifer Jason Leigh, qui n’a eu de cesse d’impressionner et ce depuis sa première apparition au cinéma dans Appels au meurtre – Eyes of a Stranger de Ken Wiederhorn en 1981. Elle explose littéralement durant cette décennie et se montre tout aussi géniale dans la comédie (Ça chauffe au lycée Ridgemont Fast Times at Ridgemont High d’Amy Heckerling) et l’aventure médiévale (La Chair et le Sang Flesh and Blood de Paul Verheoeven), avant de bifurquer vers le thriller avec le mythique Hitcher de Robert Harmon. Dans Heart of Midnight elle crève l’écran une fois de plus et trouve l’un de ses rôles comme qui dirait matriciel, celui d’une jeune femme névrosée, fragile, dépressive, hyper-sensible, prête à sombrer définitivement dans la folie. Avec son récit labyrinthique, écrit par Matthew Chapman lui-même, Heart of Midnight entraîne le spectateur dans une spirale infernale, une psyché perturbée, les méandres d’un esprit malade et offre indiscutablement à sa tête d’affiche l’un des plus beaux et grands rôles.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / Au coeur de minuit – Heart of Midnight, réalisé par Matthew Chapman »

Test Blu-ray / Retour de manivelle, réalisé par Denys de La Patellière

RETOUR DE MANIVELLE réalisé par Denys de La Patellière, disponible en DVD & Blu-ray le 17 mai 2024 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Michèle Morgan, Daniel Gélin, Peter van Eyck, Bernard Blier, Michèle Mercier, François Chaumette, Pierre Leproux, Jean Olivier, Hélène Roussel…

Scénario : Denys de La Patellière, d’après le roman de James Hadley Chase

Photographie : Pierre Montazel

Musique : Maurice Thiriet

Durée : 1h59

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

Fréminger, un riche homme d’affaires se suicide après avoir supprimé la clause du suicide de son testament. Sa veuve, Hélène, tente alors de maquiller sa mort en meurtre après avoir fait croire que le défunt est encore en vie. Elle fait appel à Robert, le chauffeur, qui devient son amant. Mais le plan tourne mal…

Quand on évoque la grande carrière de Denys de La Patellière (1921-2013), le cinéphile pense instantanément à ses nombreuses et fructueuses collaborations avec Jean Gabin, six films tournés de 1958 à 1972, des Grandes familles au Tueur, près de 18 millions d’entrées au total. Parmi les autres succès du réalisateur on peut aussi citer son premier long-métrage, Les Aristocrates (2,9 millions), Un taxi pour Tobrouk (4,9 millions) et Retour de manivelle (2 millions). Moins connu que ses autres opus, ce dernier sorti en septembre 1957 apparaît comme un chaînon manquant entre Assurance sur la mort Double Indemnity (1944) de Billy Wilder et Les Diaboliques (1955) de Henri-Georges Clouzot. Avouez qu’on a déjà fait pire comme références, surtout que ce thriller dramatique et psychologique parvient sans mal à trouver sa propre identité et ce grâce à un formidable trio d’acteurs au sommet de leur art, Michèle Morgan, Daniel Gélin et Bernard Blier, exceptionnels et qui se délectent des répliques concoctées par Michel Audiard. Une très belle année pour le dialoguiste puisqu’il signait également en même temps celles de Trois Jours à vivre et Le Désordre et la Nuit de Gilles Grangier, Maigret tend un piège de Jean Delannoy et aussi celles des Grandes familles du même Denys de La Petellière. Le cinéaste n’est pas en reste et livre un quasi-huis clos étouffant, prenant du début à la fin, un film noir à la française qui vaut assurément d’être réhabilité.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / Retour de manivelle, réalisé par Denys de La Patellière »

Test DVD / Un silence, réalisé par Joachim Lafosse

UN SILENCE réalisé par Joachim Lafosse, disponible en DVD le 21 mai 2024 chez Blaq Out.

Acteurs : Daniel Auteuil, Emmanuelle Devos, Matthieu Galoux, Jeanne Cherhal, Louise Chevillotte, Nicolas Buysse, Karim Barras, Larisa Faber…

Scénario : Chloé Duponchelle, Paul Ismael, Joachim Lafosse, Thomas Van Zuylen, Sarah Chiche, Valérie Graeven & Matthieu Reynaert

Photographie : Jean-François Hensgens

Musique : Ólafur Arnalds

Durée : 1h35

Année de sortie : 2024

LE FILM

Silencieuse depuis 25 ans, Astrid la femme d’un célèbre avocat voit son équilibre familial s’effondrer lorsque ses enfants se mettent en quête de justice.

Chaque film du réalisateur belge Joachim Lafosse est pour ainsi dire un événement. Nombreux sont ceux qui sont restés dans la mémoire des cinéphiles à l’instar d’À perdre la raison (2012), L’Économie du couple (2016) et dernièrement Les Intranquilles (2021). Ce ne sera probablement pas le cas pour Un silence, son dernier opus en date, inspiré par un fait divers réel, l’affaire Hissel. En 2007, Victor Hissel, ancien avocat (très présent dans les médias) des familles des victimes de Marc Dutroux, avait été inculpé pour détention de pédopornographie en 2007. Il sera condamné à 10 mois de prison. Deux ans plus tard, Roman, le fils de Hissel, poignarde son père, ancien symbole de la lutte contre les violences sexuelles en Belgique, à plusieurs reprises en 2009, le blessant grièvement. Alors pourquoi cela ne fonctionne pas cette-fois ci ? Sans doute parce qu’on a furieusement l’impression d’avoir déjà vu ce genre d’histoire et que le récit (pourtant écrit par sept scénaristes, dont le fidèle Thomas Van Zuylen) n’est guère aidé par une mise en scène non seulement redondante (toutes les scènes en voiture…), mais qui manque surtout d’originalité. Nous sommes ici entre L’Adversaire (2002) et le cinéma austère de Michael Haneke, un univers froid comme la glace, tranchant, sec, peu empathique, difficile d’accès pour certains. En fait, le problème d’Un silence est – contre toute attente – la présence de Daniel Auteuil. Si ce dernier est évidemment excellent, le comédien renvoie immédiatement au film de Nicole Garcia susmentionné, dans lequel il donnait déjà la réplique à Emmanuelle Devos, et son rôle n’est pas sans rappeler celui qu’il campait dans Au nom de ma fille (2016) et dans Le Mensonge (2020), tous les deux signés Vincent Garenq. Pas ou peu de surprises dans Un silence, où le spectateur navigue à vue, anticipe le déroulement des scènes (un long flashback, la scène finale en fondu en noir après lequel nous laissons la justice faire son travail), ainsi que les réactions (ou leur absence plutôt) des personnages, pour lesquels nous n’avons aucun attachement. Demeure le boulot de Joachim Lafosse, qui lui aussi paraît peu inspiré sur ce coup-là, joue avec les plans-séquences, le non-dit, le hors-champ et le ressenti, mais en manquant sa cible. Dommage.

Continuer la lecture de « Test DVD / Un silence, réalisé par Joachim Lafosse »

Test Blu-ray / La Corruption de Chris Miller, réalisé par Juan Antonio Bardem

LA CORRUPTION DE CHRIS MILLER (La Corrupción de Chris Miller) réalisé par Juan Antonio Bardem, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Jean Seberg, Marisol, Barry Stokes, Perla Cristal, Rudy Gaebel, Gérard Tichy, Alicia Altabella, Mariano Vidal Molina…

Scénario : Santiago Moncada

Photographie : Juan Gelpí

Musique : Waldo de los Ríos

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

Années 1970, dans le Pays basque espagnol – Ruth Miller réside dans sa propriété avec sa belle-fille, Chris, psychologiquement instable à la suite d’un viol. Ruth, quant à elle, souffre de névrose après avoir été abandonnée par son mari. Les deux femmes vivent dans un climat de peur, d’autant que, depuis plusieurs mois, la région est le théâtre d’une série de meurtres. Lors d’une nuit d’orage, un vagabond, Barney Webster, vient se réfugier dans la grange des Miller. Après un moment d’hésitation, Ruth l’engage comme homme à tout faire…

Quelle étrange filmographie que celle de Jean Seberg…Après les années 1960 où elle a collaboré avec Claude Chabrol, Philippe de Broca, Robert Rossen, Jean Becker et Jacques Besnard, la comédienne s’exporte à l’international et apparaît dans Airport de George Seaton, La Kermesse de l’Ouest Paint Your Wagon de Joshua Logan, dans lequel elle pousse la chansonnette auprès de Clint Eastwood (énorme four au box-office). Après deux films mis en scène par son compagnon Romain Gary (Les Oiseaux vont mourir au Pérou et Kill), Jean Seberg se promène aussi bien en Italie (Un amour insolite Questa specie d’amore d’Alberto Bevilacqua, Les Tueurs à gages Camorra de Pasquale Squitieri) qu’en Espagne, où elle tourne La Corruption de Chris Miller La Corrupción de Chris Miller, réalisé par Juan Antonio Bardem. Ce giallo ibérique, rejeté par Jean Seberg qui n’accepta le film que pour le gros cachet qu’on lui proposait, est une grande découverte et s’avère même marquant à plus d’un titre. D’une part pour son ambiance étouffante et immersive, d’autre part pour la prestation de son trio vedette, Jean Seberg donc, peu importe ce qu’elle a pu en dire par la suite, Josefa Flores González, plus connue sous le pseudo de Marisol, chanteuse très célèbre dans son pays, et Barry Stokes, impeccable dans la peau de l’énigmatique Barney Webster, qui va s’immiscer dans le quotidien de Ruth Miller et de sa belle-fille Chris…Une expérience cinématographique à part entière, à mi-chemin entre le film de genre et le film d’auteur expérimental.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / La Corruption de Chris Miller, réalisé par Juan Antonio Bardem »

Test DVD / Le Bonheur est pour demain, réalisé par Brigitte Sy

LE BONHEUR EST POUR DEMAIN réalisé par Brigitte Sy, disponible en DVD le 19 juin 2024 chez Blaq Out.

Acteurs : Laetitia Casta, Damien Bonnard, Béatrice Dalle, Guillaume Verdier, Coralie Russier, Sarah Le Picard, Malik Tadj, Félix Verhaverbeke…

Scénario : Christine Dory, Frédéric Serve & Brigitte Sy

Photographie : Frédéric Serve

Musique : Béatrice Thiriet

Durée : 1h35

Année de sortie : 2024

LE FILM

Sophie a un enfant, un conjoint, mais son quotidien lui semble désespérément plat, sans plaisir, sans envies. Jusqu’au jour où elle rencontre Claude. Il est drôle, séduisant, intelligent. Elle tombe immédiatement sous le charme. Mais Claude n’est pas un prince charmant. C’est un braqueur. Or, au cours d’une attaque de banque, un homme est tué. Claude est arrêté et condamné à une lourde peine de prison. Ce qui aurait dû être la fin devient alors le début d’une histoire folle, passionnelle et sans limites. Soutenue par Lucie, la mère de Claude, Sophie ne renonce pas à son amour pour Claude. Elle est prête à aller jusqu’au bout. Quelles qu’en soient les conséquences.

En 2010, Brigitte Sy signe Les Mains libres, un magnifique premier long métrage inspiré de sa propre histoire à l’époque où elle dirigeait des ateliers de théâtre en prison avec les détenus. Loin des clichés liés aux films se déroulant en milieu carcéral mais avec une extrême pudeur ainsi qu’une émotion constamment à fleur de peau, la réalisatrice dressait le portrait d’un homme et d’une femme, solitaires et abîmés par la vie, dont la rencontre dans un milieu inattendu allait les ressusciter tous les deux. Avec leurs personnalités faites de force nerveuse et d’une sensibilité fragile comme du cristal, Ronit Elkabetz (sublime) et Carlo Brandt (immense comédien de théâtre) incarnaient ces deux êtres troublants avec une rare intensité qui nous bouleversaient tout du long jusqu’à la poignante séquence finale où brillait également l’indispensable Noémie Lvovsky. Avec sa mise en scène sobre, sans concession et épurée, Brigitte Sy allait droit à l’essentiel, et saisissait directement le spectateur en plein coeur. On en ressortait complètement retourné. Après L’Astragale (2015), adaptation de l’autobiographie éponyme d’Albertine Sarrazin, qui évoquait aussi un couple (Leïla Bekhti et Reda Kateb) autour du thème de la prison, Brigitte Sy revient une fois de plus à ses thèmes de prédilection (pour ne pas dire obsessions) avec Le Bonheur est pour demain, qui aborde encore l’incarcération, l’amour empêché, la cavale, l’évidence entre deux êtres, avec un romanesque assumé. Et l’on se retrouve à nouveau sur les rotules, emportés que nous sommes par le souffle de cette histoire d’amour aussi contrariée que passionnée, magistralement interprétée par Laetitia Casta et Damien Bonnard, l’un des plus beaux couples vus dernièrement au cinéma.

Continuer la lecture de « Test DVD / Le Bonheur est pour demain, réalisé par Brigitte Sy »

Test Blu-ray / Le Député, réalisé par Eloy de la Iglesia

LE DÉPUTÉ (El Diputado) réalisé par Eloy de la Iglesia, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 7 mai 2024 chez Artus Films.

Acteurs : José Sacristán, María Luisa San José, José Luis Alonso, Enrique Vivó, Agustín González, Queta Claver, Ángel Pardo, Juan Antonio Bardem…

Scénario : Eloy de la Iglesia & Gonzalo Goicoechea

Photographie : Antonio Cuevas

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 1978

LE FILM

Roberto Orbea est député dans un parti de gauche. Homosexuel, il a épousé une camarade du parti, en espérant rester fidèle. Mais il est emprisonné pour ses activités politiques, et il devient l’amant de Nes, un prostitué. À sa sortie de prison, Orbea est élu député, et mène une politique contre le terrorisme. Un groupe de terroriste tardofranquiste paie Nes pour qu’il piège Orbea, afin de le faire tomber politiquement.

Eloy Germán de la Iglesia (1944-2006) est à un tournant de sa carrière quand il coécrit avec son complice Gonzalo Goicoechea et met en scène Le DéputéEl Deputado à la fin des années 1970. Le cinéaste espagnol n’est pas encore pleinement inscrit dans le sous-genre dit du quinqui, sur lequel nous sommes déjà revenus à plusieurs reprises avec les sorties physiques d’El Pico, Colegas, El Pico 2 et Navajeros chez Artus Films. Néanmoins, quelques éléments commencent à apparaître dans ce remarquable drame politique, à l’instar des personnages de Nes et Juanito, deux jeunes délinquants, obligés de vendre leur cul pour survivre dans l’Espagne post-franquiste. Eloy de la Iglesia parle donc ouvertement de politique, de sexe, d’homosexualité et Le Député a fait l’effet d’une bombe à sa sortie, tandis que le cinéaste allait progressivement adopter pleinement le point de vue des outsiders deux ans plus tard dans Navajeros, tout en conservant un fond engagé. En l’état, Le Député est une étape primordiale dans la filmographie de son auteur, incontestablement un sommet, un coup de poing dans la tronche, un chef d’oeuvre.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / Le Député, réalisé par Eloy de la Iglesia »

Test Blu-ray / L’Homme qui voulait savoir, réalisé par George Sluizer

L’HOMME QUI VOULAIT SAVOIR (Spoorloos) réalisé par George Sluizer, disponible en Combo Blu-ray + DVD + Livret – Édition limitée chez Sidonis Calysta le 7 juin 2024.

Avec : Bernard-Pierre Donnadieu, Gene Bervoets, Johanna Ter Steege, Gwen Eckhaus, Bernadette Le Saché, Tania Latarjet, Lucille Glenn, Roger Souza…

Scénario : Tim Krabbé & George Sluizer, d’après le roman L’Oeuf d’or de Tim Krabbé

Photographie : Toni Kuhn

Musique : Henny Vrienten

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1988

LE FILM

Sur la route des vacances, Rex et Saskia s’arrêtent sur une aire d’autoroute. L’homme s’éloigne du véhicule pendant quelques minutes. À son retour, sa compagne a disparu. Fou de douleur, il renonce à sa vie professionnelle et sociale pour se consacrer exclusivement à la recherche de la disparue. Après trois années d’une quête infructueuse, il reçoit une étrange carte postale, dont l’auteur prétend connaître la vérité sur la disparition…

Film culte des années 1980, récompensé dans tous les festivals, L’Homme qui voulait savoir est une oeuvre éprouvante pour les nerfs, qui continue de hanter les mémoires bien longtemps après. Bernard-Pierre Donnadieu livre une admirable prestation tandis que la mise en scène de George Sluizer (1932-2014) dissèque le mécanisme mental et les agissements d’un esprit malade avec originalité, renvoyant à nos peurs les plus primaires et universelles. Vous connaissez peut-être le remake, La Disparue The Vanishing, avec Jeff Bridges, Sandra Bullock et Kiefer Sutherland réalisé par George Sluizer lui-même – à l’instar d’Alfred Hitchcock pour L’Homme qui en savait trop, Ole Bornedal pour Le Veilleur de nuit et Michael Haneke pour Funny Games – en 1993, mais pas forcément le film original sorti cinq ans auparavant. Alors jetez-vous immédiatement dessus, vous ne le regretterez jamais. Le cinéaste néerlandais (mais né à Paris) George Sluizer demeure encore aujourd’hui peu connu du grand public et reste un cas atypique dans le cinéma. À l’origine de L’Homme qui voulait savoir, il y a un roman, Het Gouden Ei L’Œuf d’Or, écrit par Tim Krabbé, néerlandais comme George Sluizer, qui a participé à l’adaptation de son livre avec le réalisateur, avant d’être remercié par ce dernier pour divergences artistiques. Si le remake est étonnamment plus diffusé, L’Homme qui voulait savoir est un thriller dramatique aussi sensationnel qu’insoutenable. Bernard-Pierre Donnadieu trône de façon impériale sur ce film diabolique. Sa présence est de celle qu’on ne peut oublier et qui marque à vie l’esprit des cinéphiles.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / L’Homme qui voulait savoir, réalisé par George Sluizer »