Test Blu-ray / Cité de la violence, réalisé par Sergio Sollima

CITÉ DE LA VIOLENCE (Città violenta) réalisé par Sergio Sollima, disponible en DVD et Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 16 février 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Charles Bronson, Telly Savalas, Jill Ireland, Michel Constantin, Umberto Orsini, George Savalas, Ray Saunders, Benjamin Lev, Peter Dane…

Scénario : Sauro Scavolini, Gianfranco Calligarich, Lina Wertmüller & Sergio Sollima, d’après une histoire originale de Dino Maiuri & Massimo De Rita

Photographie : Aldo Tonti

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h44

Date de sortie initiale: 1970

LE FILM

Tandis qu’il circule en voiture avec sa compagne Vanessa, le tueur à gages Jeff Heston tombe dans un piège. Blessé, il échoue en prison. Libéré, il ne poursuit désormais plus qu’un double objectif : se venger de ceux qui l’ont trahi et retrouver celle qu’il aime. Sa croisade sanglante débute à la Nouvelle Orléans où la mafia locale l’attend de pied ferme…

Quand on évoque le nom du cinéaste romain Sergio Sollima (1921-2015), le spectateur se souvient d’un cinéma carré, brutal, violent, sec, nerveux, qui a toujours su concilier le divertissement populaire et le cinéma dit d’auteur. Troisième Sergio aux côtés de Leone et Corbucci, Sollima est à la base journaliste et critique de cinéma, profession qu’il exerce en sortant de la Seconde Guerre mondiale, après ses études au mythique Centro sperimentale di cinematografia. En même temps, il commence à écrire pour le théâtre, puis devient scénariste (ainsi que script doctor) pour les plus grands « faiseurs » du moment de Luigi Capuano à Domenico Paolella (Le Secret de l’Épervier Noir), en passant par Gianfranco Parolini, avec une prédilection pour le péplum, qui remplit alors les salles. 1962, il passe lui-même derrière la caméra aux côtés de Nino Manfredi, pour un segment du film à sketches Les Amours difficiles. Sergio Sollima enchaîne rapidement en surfant sur la mode de l’Eurospy (Agent 3S3, passeport pour l’enfer, Agent 3S3, massacre au soleil, Un certain Monsieur Bingo), puis sur celle du western (Colorado, Le Dernier Face à face, Saludos hombre). Ce qui nous amène au début des années 1970 et Cité de la violenceCittà violenta, un des monuments de la filmographie de Sergio Sollima, dans lequel il dirige Charles Bronson et sa compagne Jill Ireland, mais aussi Telly Savalas, qui venait de camper Ernst Stavro Blofeld (et ses oreilles sans lobes) dans le fabuleux Au service secret de Sa Majesté de Peter Hunt. Contrairement à ce que certains ont tendance à penser, Cité de la violence n’est pas un poliziottesco, mais une œuvre qui condense toutes les influences du réalisateur, américaines surtout (il avait d’ailleurs écrit un ouvrage sur le cinéma US à la fin des années 1940), qui prend des allures de polar, analyse, dissèque et à la fois explose les codes du genre en vigueur, ainsi que le film noir traditionnel. Aussi passionnant sur le fond que sur la forme, Cité de la violence offre à Charles Bronson le rôle d’un tueur à gages, qui non seulement annonce Le FlingueurThe Mechanic de Michael Winner, qui sortira deux ans plus tard, mais se révèle être clairement l’une des pierres fondatrices de la carrière à venir du comédien. Un film remarquable, qui réussit à trouver cet équilibre souvent recherché en vain entre le spectacle et le contemplatif.

Iles Vierges fin des années 1960, Jeff Heston et Vanessa Shelton dans leur automobile sont poursuivis par une voiture. Quand soudain débouche en pleine ville une voiture qui coupe la route aux fuyards. Jeff reconnaît Coogan, il sort de la voiture pour lu parler, mais c’était un piège Coogan lui tire dessus. Jeff tombe au sol car les tueurs de la deuxième voiture cherchent à l’achever. Mais dans la confusion Jeff parvient à disparaître aux yeux des tueurs. Jeff a quand même le temps de voir Vanessa monter dans la voiture de Coogan. Blessé Jeff est pris par la police et jeté en prison. A sa sortie il se rend à La Nouvelle Orléans. Son ami Killain l’y attend. Mais il n’est pas le seul. Des hommes de main d’un certain Weber parrain de la mafia locale lui font savoir que celui-ci veut lui parler…

Après Les Sept Mercenaires The Magnificent Seven (1960) de John Sturges, Charles Bronson est convoité par les réalisateurs, mais il lui faudra attendre encore huit ans pour qu’il soit reconnu dans le monde entier avec le triomphe international d’Il était une fois dans l’OuestOnce Upon a Time in the West de Sergio Leone (qui avait déjà voulu faire de lui l’Homme sans nom). Dès lors, c’est surtout en Europe que le comédien âgé de 47 ans va voir sa carrière exploser et l’un des premiers cinéastes à lui faire reposer un film sur les épaules est Sergio Sollima avec Cité de la violence. Avant Terence Young (De la part des copains, Soleil rouge, Cosa Nostra), René Clément (Le Passager de la pluie), Nicolas Gessner (Quelqu’un derrière la porte) et Michael Winner donc (Les Collines de la terreur, Le Cercle noir, jusqu’à Un justicier dans la ville), l’ami Charlie s’en remettait à Sergio Sollima pour un film vraiment étonnant, ambitieux, presque inclassable en fait, ce qui démontre aussi que la filmographie pré-Death Wish de Charles Bronson était beaucoup plus audacieuse qu’on a tendance à le penser. Car même si l’acteur a eu souvent l’air de prendre son mal en patience devant la caméra, le personnage qu’il s’est créé, quasi-mutique, le visage fermé, un corps tout en muscles qui s’active et qui donnerait du fil à retordre à ses cadets prend forme véritablement dans Cité de la violence. De plus, derrière son charisme animal, félin, Charles Bronson fait passer énormément d’émotions dans Città violenta, puisque le tueur professionnel et solitaire Jeff Heston qu’il interprète voit son quotidien bouleversé par une femme, Vanessa Shelton, qui va ébranler et même faire s’effondrer toutes les retenues qui jusqu’à présent maintenaient son existence à flot.

Cité de la violence est moins un thriller, même si tous les ingrédients sont présents comme les poursuites automobiles, les gunfights, la mafia locale, qu’une véritable histoire d’amour où les faux-semblants sont rois. À ce titre, Jill Ireland, actrice critiquée (à juste titre, il faut bien l’avouer), trouve ici l’un de ses meilleurs rôles et trône même sur le film du début à la fin. Magistralement photographiée par Aldo Tonti (La Victime désignée, Belfagor le magnifique, Europe 51, Où est la liberté…?), celle qui partageait la vie de Charles Bronson n’a jamais été aussi bien filmée, sous tous les angles d’ailleurs et même dans le plus simple appareil (on suspecte l’utilisation d’une doublure à plusieurs reprises), certains gros plans révélant de façon impressionnante l’ambiguïté de cette femme fatale, notamment dans la dernière partie du film, quand sa nature se dévoile. Si comme d’habitude Telly Savalas vole toutes les scènes dans lesquelles il apparaît, on notera l’apparition de notre Michel Constantin national, qui allait devenir un des amis proches de Charles Bronson, et même un frère de sang dit-on (les deux hommes mourront à deux jours d’intervalle en août 2003), avant de se retrouver sur De la part des copains.

Parfois à la limite de l’expérimental avec la partition baroque d’Ennio Morricone et le montage hypnotique signé Nino Baragli, l’un des maîtres en la matière qui compte – entre autres – à son actif Black Journal, Un vrai crime d’amour, Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas !, Le Chat, La Mafia fait la loi, La Possédée du lac et La Grande pagaille, Cité de la violence laisse imaginer que le récit pourrait être en réalité les derniers instants d’un homme sur le point de passer de vie à trépas, ce qui indiquerait ainsi pourquoi l’imbrication de flashbacks semble anarchique. Città violenta est loin d’avoir livré tous ses secrets, titille toujours autant l’intellect des spectateurs (la présence de Lina Wertmüller au scénario n’est pas un hasard), tout en comblant leurs premiers désirs, à savoir être divertis.

L’ÉDITION COLLECTOR DVD-BLU-RAY-LIVRET

Certains d’entre vous possèdent encore l’ancienne édition TF1 Studio de Cité de la violence, dans la collection « DVD à la Une », avec son visuel hideux. Sidonis Calysta reprend tout cela en main en concoctant un superbe et attractif Combo Blu-ray + DVD + Livret (de 32 pages) du film de Sergio Sollima, un Mediabook dont la pièce maîtresse est signée Olivier Père. Ce dernier, qu’on ne présente plus et qui est un de nos chouchous sur Homepopcorn, y analyse de fond en comble Cité de la violence, évoque les précédents films de Sergio Sollima et parle des références de Città violenta. Le menu principal est animé et musical.

Jean-Baptiste Thoret a été convié pour nous parler de Cité de la violence. Comme un commentaire audio, le critique s’adonne à analyse (audio) du film de Sergio Sollima. Pendant 31 minutes exactement, la voix de l’historien du cinéma est posée sur un montage d’images de Città violenta. Une présentation souvent étourdissante, passionnante, érudite, remplie de pistes de réflexions, qui replace également cette œuvre dans la carrière du cinéaste. Le fond (ne pas se fier aux apparences) et la forme (le montage, la mise en scène) sont disséqués avec l’oeil d’un entomologiste (à l’instar de la scène d’exposition et le final, attention aux spoilers!), ainsi que la psychologie des personnages, leur évolution, le casting, la photographie, l’accueil et la pérennité du film, la B.O et bien d’autres sujets sont abordés ici.

Comme il s’agit également d’un film noir, l’expert en la matière, l’excellent François Guérif (13’), intervient également sur ce titre, avec notamment divers spoilers. Le complice de Sidonis Calysta revient surtout sur la singulière construction de Cité de la violence, ainsi que sur l’histoire d’amour du film (« presque contemplatif et envoûtant […] très à part dans la carrière de Charles Bronson »), qui pour lui apparaît avant tout comme étant le sujet central. François Guérif parle aussi du réalisateur (son parcours, ses thèmes de prédilection), des motivations des personnages et du casting.

Sidonis a pu récupérer une interview de Sergio Sollima, produite par Blue Underground en 2002 (15’). Trois ans avant sa disparition, le cinéaste évoquait la genèse de ce qui allait devenir Cité de la violence (« je voulais tourner aux États-Unis, mais le scénario qu’on m’avait proposé était mauvais »), les réécritures avec Lina Wertmüller, ses intentions (« un film d’action, mais plus que ça »), la structure en flashbacks, le casting (Jon Voight et Sharon Tate avaient tout d’abord été contactés), le travail avec Charles Bronson (« un personnage étrange et au caractère taciturne […] traumatisé par une enfance marquée par la misère »), les lieux de tournage, la poursuite (« non inspirée de Bullitt ! ») en voitures réglée par Rémy Julienne, la musique d’Ennio Morricone (« qui s’est endormi lors de la projection du film ! ») et la scène finale.

L’interactivité se clôt sur un rapide reportage télévisé (1’30) donnant la parole à Sergio Sollima sur le plateau, ainsi que sur les bandes-annonces américaine et italienne.

L’Image et le son

Disons-le tout de go, non, le master présenté ici par Sidonis Calysta n’est pas issu de la récente restauration 4K réalisée sur le montage italien par la Fondazione Cineteca et le laboratoire de L’Immagine Ritrovata di Bologna, à partir du négatif original Techniscope et du négatif sonore. Il s’agit présentement d’une ancienne copie 2K qui a déjà une bonne dizaine d’années d’ancienneté…Donc, quelques plans peuvent paraître plus doux en terme de définition, plus ternes aussi, d’ailleurs la colorimétrie n’est clairement pas le point fort de cette édition HD et nous notons divers fourmillements, ainsi que quelques flous intempestifs et un piqué aléatoire. Des poussières et des poils en bord de cadre subsistent. Forcément, nombreux fans de Charles Bronson seront déçus, même si l’ensemble se tient quand même avec un upgrade forcément conséquent par rapport à l’ancien DVD TF1 Studio. Blu-ray au format 1080p.

Revoir, ou plutôt réécouter Cité de la violence en version française, permet de se délecter de la confrontation entre deux cadors du doublage hexagonal, Claude Bertrand et André Valmy, qui prêtent respectivement leur voix à Charles Bronson et Telly Savalas. De plus, le confort acoustique est plaisant, sans souffle ni craquements intempestifs, dynamique à souhait. En revanche, qui a eu l’idée de trahir les intentions de Sergio Sollima lors du final ? Celui-ci voulait un dernier acte muet, sans musique ni dialogue…ce qui apparemment n’a pas été du goût du responsable de l’adaptation française…La version originale est de bon acabit, mais certaines répliques, vraisemblablement coupées pour l’exploitation US du film, passent automatiquement en langue italienne sous-titrée français ! Un aspect bricolé qui peut parfois irriter, surtout lorsqu’une séquence ne cesse d’alterner entre les deux langues. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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