Test Blu-ray / Kill, réalisé par Romain Gary

KILL réalisé par Romain Gary, disponible en Blu-ray depuis décembre 2022 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Jean Seberg, James Mason, Curd Jürgens, Stephen Boyd, Daniel Emilfork, Mauro Parenti, José María Caffarel, Carlos Montoya, Henri Garcin…

Scénario : Romain Gary

Photographie : Edmond Richard

Musique : Bert Pisano & Jacques Chaumont

Durée : 1h47 (Version intégrale)

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Années 1970, au Pakistan – Kidnappée, Emily Hamilton, femme d’un fonctionnaire d’Interpol, est délivrée par Brad Killian, un justicier solitaire. Ce dernier cherche à exterminer les membres d’un important trafic de drogue et de traite des blanches, ignorant qu’un certain Alan Hamilton fait partie de l’organisation. Emily, quant à elle, sera confrontée à la violence et à la corruption et devra faire face à la vérité concernant son mari.

Romain Gary (1914-1980), parfois Émile Ajar, a été aviateur et résistant, romancier bien évidemment (deux fois prix Goncourt), diplomate, scénariste et, on le sait moins, réalisateur. Le monde du cinéma s’intéresse très vite à l’écrivain, car avant que Romain Gary passe lui-même derrière la caméra, ce dernier signera le scénario des Racines du ciel The Roots of Heaven (1958), tiré de son roman et pour le compte de John Huston. D’autres transpositions suivront, comme L’Homme qui comprend les femmes The man Who Understood Women (1959) de Nunnally Johnson, avec Leslie Caron et Henry Fonda, ainsi que Lady L (1965) de Peter Ustinov, avec Sophia Loren, Paul Newman, David Niven et Philippe Noiret. Le premier coup d’essai de Romain Gary à la mise en scène est Les Oiseaux vont mourir au Pérou (1968), d’après un scénario original, passé à la postérité pour avoir été le premier film classé dans la catégorie X par la Motion Picture Association of America et qui connaîtra un succès d’estime avec près de 900.000 entrées. Alors que Jules Dassin adapte La Promesse de l’aube, Romain Gary décide de réitérer l’expérience au cinéma avec Kill, également connu sous le titre Police Magnum et même Kill ! Kill ! Kill ! Kill ! aux États-Unis. Il confie une fois de plus le rôle principal à sa compagne Jean Seberg et la plonge dans une histoire d’espionnage se déroulant au Pakistan. Tous les ingrédients du genre sont réunis : un pays exotique, des faux-semblants, des trahisons, des agents troubles, un aventurier chaud comme la b(r)aise, des poursuites (réglées et exécutées ici par Rémy Julienne), des fusillades, des suspects potentiels…On sent que le réalisateur se fait plaisir en enchaînant volontairement les clichés et Kill peut se voir comme un roman pulp en live action. Si l’on fait fi de certains effets kitschs, pour ne pas dire psychédéliques propres à son époque, Kill est une savoureuse découverte pour les cinéphiles.

Menacée de mort, perdue à des kilomètres de toute civilisation au Pakistan, Emily, la jeune épouse d’un haut fonctionnaire d’Interpol, ne doit son salut qu’à l’intervention de l’étrange et mystérieux Brad Killian, alias Kill, un homme (dont elle ne tarde pas à s’éprendre) prêt à tout pour réduire à néant un gang de trafiquants de drogue dirigé par le Coordinator. Une véritable guerre dans laquelle il implique Emily, propulsée malgré elle dans un monde de violence et de corruption qui lui fera comprendre que son mari n’est pas vraiment le policier incorruptible qu’il semblait être.

Ils sont comme ça les trafiquants internationaux de drogue, ils organisent un congrès pour se réunir et passer du bon temps ! Le Pakistan les accueille, mais heureusement l’agent Alan Hamilton est envoyé sur place pour découvrir qui trône sur cette organisation mondiale. Romain Gary réunit un casting hétéroclite composé (rien que ça) de Jean Seberg, Stephen Boyd, James Mason, Curd Jürgens, Daniel Emilfork, Henri Garcin (pour ne citer que ceux-là) et sème le doute sur la bonne foi de chacun. Les rebondissements s’enchaînent sur un rythme assez bien géré du début à la fin, les points de vue s’alternent, donnant parfois cette impression que ce que l’on voit est un mirage, à l’instar de la rencontre entre Emily et Kill. Le second, incarné par Stephen Boyd (Bravados, Ben-Hur, La Chute de l’empire romain, Genghis Khan, Shalako) a fort à faire pour nous faire croire à son personnage, que l’on pense tout d’abord échappé de l’imaginaire d’Emily, tant celle-ci a l’air de s’ennuyer dans sa vie et qui apparaît subitement quand elle se retrouve face à un cadavre. Son costume improbable, pantalon et veste en cuir, poitrail saillant offert au vent, le teint hâlé (ou tout simplement crasseux) a de quoi faire sourire, mais on découvre finalement que Kill n’est pas un fantasme d’Emily, même si celle-ci couche très vite avec lui, et qu’il mène sa barque avec son flingue, à la recherche des trafiquants. Mais qui est-il vraiment ? Romain Gary donne ce qu’il faut d’indications, mais pas trop, avant de se focaliser sur un autre pion du récit, en l’occurrence celui interprété par l’immense James Mason.

Le monstre britannique, qui s’amusait à passer d’un univers à l’autre, est ici entre De la part des copains Cold Sweat de Terence Young et Les Yeux de SatanChild’s Play de Sidney Lumet, et accepte d’embarquer dans cette histoire d’action rocambolesque tournée entre l’Afghanistan, l’Espagne et la Tunisie. Il est impeccable dans la peau de l’indiscernable Alan, dont la tranquillité quelque peu pépère pourrait bien dissimuler en fait de sombres activités. Marié depuis cinq ans avec Emily, Alan voit son couple voler en éclats et l’on ne peut s’empêcher de penser aux véritables scènes de ménage qui ponctuaient quotidiennement la vie de Romain Gary et de Jean Seberg lors des affrontements entre le mari et sa jeune épouse, surtout que James Mason adopte le même look que l’écrivain. Là-dessus, le grand Curd Jürgens promène son regard bleu laser et son mètre 92, passe ses hommes de main au rayon X, dont l’inquiétant Daniel Emilfork, qui la même année que Kill prêtait ses traits singuliers à Satan dans le sympathique Au service du diable (ou La Plus longue nuit du diable) de Jean Brismée. Forcément, on se dit d’emblée que son personnage, Mejid, a quelque chose à se reprocher et qu’il n’a pas l’air catholique, mais Romain Gary parvient justement à instaurer cette ambiguïté pour tous les protagonistes.

Cette production franco-italo-germano-espagnole mise en route par les frères Alexander et Ilya Salkind (Austerlitz d’Abel Gance, Superman de Richard Donner, Le Procès d’Orson Welles, Les Trois Mousquetaires de Richard Lester) surfe sur la mode des films d’exploitation. Pas étonnant donc de se retrouver avec des plans topless totalement gratuits au cours de digressions qui apparaissent comme des apartés sous LSD, quand les salopards sont montrés dans leurs repaires qui s’apparentent à des saunas peuplés de nanas à moitié à oilp. Et encore, ce n’est rien comparé à la scène finale, quand Alan, sur le point de caner (oui bon, on se permet un spoiler pour une fois), se met à imaginer tous ceux qu’il vient de tuer avec Emily et Killian (attention, un ball-trap filmé au ralenti avec beaucoup de sang à l’écran et de rires nerveux de la part des spectateurs), en train de sauter sur des trampolines ou d’échapper à la gravité, tout en riant aux éclats. On ne sait pas d’où sort cette idée saugrenue (certains diront même grotesque), mais Romain Gary, qui avait (on le cite) « une horreur, du mépris, du dégoût, de la haine » pour les trafiquants de drogue, paraît avoir pensé à cette séquence sous substance.

Kill n’est évidemment pas parfait, mais on lui pardonne volontiers certaines erreurs techniques et maladresses, des lieux communs et poncifs, car l’ensemble est animé par une envie de cinéma et celle de dénoncer les agissements des narcotrafiquants, notamment quand ces activités touchent et tuent des enfants. Il y a indubitablement une folie contagieuse qui anime ce Police Magnum, thriller d’espionnage vraiment attachant et par ailleurs très bien photographié par Edmond Richard (Le Charme discret de la bourgeoisie, À mort l’arbitre), mais nullement désastreux comme on a pu le lire ici et là.

LE BLU-RAY

Kill avait connu plusieurs vies en DVD, avant d’être présenté en HD chez le Chat qui fume. Exit les anciennes éditions Standard sorties chez ESI en 1999, Antartic en 2003 et Bach Films en 2013 ! Place au félin le plus connu de la vidéo hexagonale, qui dégaine un boîtier Scanavo, dans lequel une magnifique et alléchante jaquette a été glissée ! Le menu principal est animé et musical. Version intégrale. Notons une erreur quant à la durée indiquée sur la jaquette, 1h33, alors que Kill dure en réalité 1h47.

Le premier module est un montage (mis en musique) composé de plans censurés (2’), les actrices dénudées dans la version finale étant ici très légèrement vêtues, histoire de ne pas heurter la sensibilité des plus puritains dans certains pays où le film a été exploité.

L’autre supplément est un autre montage plus conséquent (et muet), composé cette fois de rushes de tournage (23’). Il s’agit essentiellement des prises de vue issue de la séquence de la course-poursuite, montrant entre autres James Mason au volant, ainsi que les cascadeurs de l’équipe de Rémy Julienne. Ce bonus s’avère redondant sur la durée…

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Superbe ! Entièrement restauré, Kill est enfin proposé dans une édition digne de ce nom, en Blu-ray au format 1080p. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce lifting lui sied à ravir. Tout d’abord, la copie affiche une propreté incontestable, aucune scorie (ou presque, un poil en bord de cadre aperçu ici et là) n’a survécu à l’attention des restaurateurs, la clarté HD et la colorimétrie pimpante flattent les rétines sur les séquences en extérieur. Les contrastes trouvent une fermeté inédite, le piqué est renforcé et les noirs plus denses, les détails sur les décors abondent, sans oublier la profondeur de champ. Certes, quelques plans peuvent paraître plus doux en matière de définition, à l’instar des images tournées au moyen d’une caméra embarquée sur les véhicules lors des poursuites, avec de sensibles fourmillements et flous intempestifs, mais jamais le film de Romain Gary n’avait jusqu’alors bénéficié d’un tel traitement de faveur.

Une fois n’est pas coutume, la piste française DTS-HD master Audio 2.0 s’en tire beaucoup mieux que la version originale ! Le confort acoustique y est plus agréable, les ambiances plus fermes, aucun souffle n’est à déplorer, les voix sont reportées avec plus de fluidité et de coffre. La piste anglaise s’en sort honorablement on va dire, mais manque singulièrement de dynamisme. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Le Chat qui fume / OB Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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