Test Blu-ray / L’Exécutrice, réalisé par Michel Caputo

L’EXÉCUTRICE réalisé par Michel Caputo, disponible en Blu-ray depuis décembre 2022 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Brigitte Lahaie, Michel Modo, Pierre Oudrey, Michel Godin, Betty Champeval, Dominique Erlanger, Jean-Hugues Lime, Dominique LeMonier…

Scénario : Michel Caputo

Photographie : Gérard Simon

Durée : 1h34 (Version intégrale, Director’s Cut)

Date de sortie initiale : 1986

LE FILM

Inspectrice à la brigade des moeurs de Paris, Martine cherche à inculper Nadine Wenders, patronne d’un night-club, le Cloître, mais surtout à la tête d’un vaste réseau où se mêlent trafic de drogue, tournages de films pornos clandestins et traite des blanches. Pour y parvenir, notre flic de choc pourra compter sur son équipe, qui aura fort à faire dans cette mission, d’autant plus que Madame Wenders bénéficie du soutien de la mafia chinoise et d’une personne haut placée au sein de la police.

Brigitte Lahaie n’a pas attendu de mettre fin à sa carrière dans le X pour apparaître dans le cinéma dit classique ou traditionnel à l’instar des Raisins de la mort et La Nuit des traquées de Jean Rollin, I…comme Icare d’Henri Verneuil, New Generation de Jean-Pierre Lowt-Legoff, Diva de Jean-Jacques Beineix, ainsi que Dans la peau d’un flic d’Alain Delon. La bougresse s’est aussi essayée à la pantalonnade bien de chez nous avec Les Bidasses aux grandes manœuvres de Raphaël Delpard, Te marre pas…c’est pour rire ! de Jacques Besnard et N’oublie pas ton père au vestiaire de Richard Balducci. Des pointures, des cadors, mais ça remplissait le frigo on va dire. Alors qu’elle vient de tourner le très bon Brigade des mœurs de Max Pécas et le sympathique Le Couteau sous la gorge de Claude Mulot, la divine Brigitte retrouve Michel Caputo, qui l’avait déjà « dirigé » dans Si ma gueule vous plaît… en 1981 et accède cette fois au haut de l’affiche avec L’Exécutrice. Tandis que Jean-Paul Belmondo s’apprêtait à raccrocher la pétoire suite au bide que connaîtra Le Solitaire de Jacques Deray, mademoiselle Lahaie revêtait elle aussi son blouson en cuir et peinait à soulever son flingue (même si celui-ci n’est volontairement pas chargé) des deux mains, dans une histoire nawak aussi passionnante qu’un épisode de Julie Lescaut, rythmée comme une enquête de l’Inspecteur Derrick et photographiée comme un Navarro. Mais ce bon vieux Caputo est malin puisqu’il entame – pour capter l’attention des spectateurs – et clôt son film en demandant à sa comédienne principale de prendre du bon temps dans un jacuzzi, ce qui met immédiatement dans le bain (rires), sauf que cet « élément narratif » n’a absolument aucun impact ni intérêt sur le récit, mais fait office de remplissage. Ce sera aussi le cas d’une poignée de scènes érotiques qui ne sont dispersées ici et là que pour réveiller une audience engourdie, probablement plombée par l’absence d’action et de rebondissements. Elle fait ce qu’elle peut Brigitte, elle est d’ailleurs loin d’être la plus mauvaise dans ce film, mais L’Exécutrice peine sérieusement à emballer…

Une jeune femme blonde guette des trafiquants de cassettes vidéo porno et… de came. C’est Martine, toute de cuir noir vêtue, inspecteur de police à la Brigade des Stupéfiants. Ce qu’elle veut, c’est coincer Nadine Wenders, propriétaire du Cloître, fournisseuse de sexe et de vices en tous genres qui a de hautes protections, au Ministère, et à la police. Justement, elle recrute un joueur pathologique, Luigi, le frère d’un de ses associés qui, lui, est obsédé sexuel, pour organiser un kidnapping, celui de Caroline, élève du Collège Sainte Marie. Martine est là, prévenue par Blake, l’une des « filles » droguées de Nadine. L’enlèvement a lieu; mais Nadine et son fils Antoine sont gardés à vue. Grâce à Blake, Caroline s’évade et témoigne contre Nadine, qui est emprisonnée. Le commissaire de la Brigade de Martine s’en mêle, libère Antoine et déplace Martine qui se retrouve à la Mondaine avec Valmont, un cynique, qui ne se sépare plus de son revolver. Ils deviennent amants. Joëlle, la petite soeur de Martine les surprend. Nadine organise son enlèvement, mais une idylle s’esquisse alors entre Antoine et elle. Le commissaire s’en mêle, et contacte la pègre chinoise, à laquelle est liée Nadine. Grâce au commissaire, un échange a lieu entre Nadine et Joëlle. Mais une fois libérée, Nadine ne marche plus, abat Blaque qu’elle vient de démasquer et enferme Joëlle dans une cahute pleine de dynamite. Martine et Valmont arrivent. Peut-être trop tard.

L’affiche de L’Exécutrice concoctée par René Chateau, compagnon de Brigitte Lahaie, est sans doute ce qu’il y a de plus réussi dans cette entreprise. L’actrice fait ce qu’elle peut pour donner un peu de chair (encore plus pulpeuse) à son personnage improbable d’inspectrice à la brigade des stupéfiants et du proxénétisme, qui met des bâtons dans les roues de trafiquants de jeunes adolescentes dans notre chère capitale. Bien moulée dans son blue-jean (sous lequel apparaît évidemment un porte-jarretelle qui sera gratuitement dévoilé lorsque Martine se fera agressée dans un parking), la punchline prête à être dégainée, tout comme le gros flingue, même si Brigitte pourrait dire que ce n’est pas la taille du calibre qui compte, notre fliquette est bad-ass et ce dès l’ouverture. Michel Caputo, qui s’accorde une récréation « normale » entre J’ai très envie de nymphettes à sodomiser et Baise les filles et sodomise-moi (décidément, c’est une obsession), peine d’entrée de jeu à rendre crédible ses protagonistes et se contente de filmer platement (même sa tête d’affiche, qui a pourtant un relief aussi naturel qu’impressionnant) sa femme-flic courir dans les champs après des dealers. C’est mou, peu engageant, photographié par un chef opérateur aveugle, ou borgne tout du moins (Gérard Simon prouvera le contraire chez Philippe Lioret, Gérard Corbiau et Jean-Pierre Améris) et l’ensemble s’avère une compilation de séquences cousues entre elles par un fil lâche.

On se lasse très vite de la soupe qu’on nous sert et L’Exécutrice devient au bout du compte plus intéressant pour ses défauts. De ce point de vue nous sommes gâtés, notamment en ce qui concerne l’interprétation. Michel Caputo a demandé à son pote Michel Modo (oui oui, le Berlicot de la saga du Gendarme) de troquer son costume d’adjudant Badubec des Planqués du régiment contre celui plus sobre du commissaire, qui entretient une relation trouble et ambiguë avec la proxénète Madame Wenders, incarnée quant à elle par Dominique Erlanger, complice du réalisateur et de Jean-François Davy, ici dans sa dernière apparition au cinéma. Le surjeu, ou le non-jeu c’est selon (digne d’une sitcom AB), est roi dans L’Exécutrice, avec également l’humoriste Jean-Hugues Lime, sortant du Petit théâtre de Bouvard, qui assure le côté « comique » de l’équipe, tandis que les plus coquins reconnaîtront Richard – Queue de béton – Allan, dans le rôle d’un salaud vicelard prêt à sauter sur tout ce qui bouge, ou même ce qui ne bouge pas, comme une collégienne assommée. Tout ce beau petit monde rivalise pour vraisemblablement obtenir la palme de la pire prestation, ce qui participe grandement au charme rétro de L’Exécutrice.

On ne sait pas ce qui est finalement le plus implacable dans ce polar hard boiled, Martine la justicière, les dialogues – « Aller Bamboula, va pointer dans ta savane ! » « Même si tu misais sur le lever du soleil, tu serais capable de perdre ! » – qui semblent avoir été écrits par Olivier Marchal (on se croirait presque dans Le Faucon de Paul Boujenah), la musique qui hésite entre singer le style de Vladimir Cosma ou celui d’Ennio Morricone…en fait, L’Exécutrice devient un objet filmique fascinant dans le sens où l’on ne peut s’empêcher d’être halluciné par ce qu’on pouvait faire au cinéma avec trois francs six sous, quand tout était alors encore permis. Rien que pour ça, le film de Michel Caputo mérite d’être vu.

LE BLU-RAY

Si comme nous, vous possédiez L’Exécutrice en DVD, celui sorti jadis chez Grenadine ou celui réédité par Tiffany, nous vous conseillons d’en faire un dessous de plat ou de l’accrocher dans votre jardin en guise de répulsif anti-oiseaux. En effet, Le Chat qui fume sort l’artillerie lourde (comme Brigitte Lahaie sur l’affiche) et présente le film de Michel Caputo en Haute-Définition, rien que ça. La rondelle (p’tits coquins) repose dans un Digipack à trois volets (excellemment illustré), glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet, liseré bleu, reprenant le célèbre visuel concocté par René Chateau. Édition limitée à 1000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical. Version intégrale, Director’s Cut.

Michel Caputo et Brigitte Lahaie sont réunis pour nous parler de L’Exécutrice (19’). le réalisateur revient sur la genèse du film (le désir de changer de genre après quelques comédies et bien sûr pour échapper momentanément au porno), le financement (« je l’ai fait avec mon livret de Caisse d’Épargne et celui de ma mère…qui n’ont jamais été renfloués »), l’envie d’offrir un vrai rôle différent à Brigitte Lahaie (qui avait déjà joué chez lui) et la création de l’affiche (par René Chateau, après un premier projet rejeté). La comédienne partage ses (bons) souvenirs, évoque son trac ressenti le premier jour des prises de vue et son implication dans les scènes physiques.

Après Terreur dans le Shanghaï Express, l’inénarrable Christophe Lemaire (né en 1960) fait son retour pour nous parler de L’Exécutrice (33’). Mais pas seulement. Ce dernier nous propose un voyage dans le temps, quand l’auteur de ces mots venait de naître et qui n’a donc pas connu ce dont nous parle Christophe Lemaire dans son intervention, l’exploitation au cinéma des films pornographiques. Le journaliste et critique se souvient avoir découvert L’Exécutrice en projection presse, qu’il n’avait d’ailleurs jamais revu avant cette présentation, « seul film traditionnel que Brigitte Lahaie a tourné en vedette, largement inspiré des œuvres avec Belmondo ». Puis, Christophe Lemaire déclare avoir fréquenté les salles X sur Paris, tout en abordant la difficulté pour se renseigner à l’époque sur l’identité des acteurs-actrices, Brigitte Lahaie étant bien sûr un nom récurrent, mais auquel il était difficile de rattacher un visage, jusqu’à sa découverte en couverture du magazine Lui. Enfin, dans la dernière partie de cette interview, l’invité du Chat qui fume se penche plus précisément sur L’Exécutrice, son casting, le bide dans les salles, le réalisateur, le tout agrémenté de digressions (qu’on excuse facilement) et d’une imitation de Michel Galabru. Bref, on se régale. 

Dans le dernier bonus (2 minutes), nous retrouvons Michel Caputo et Brigitte Lahaie, sur les lieux de tournage (en fait la propriété du producteur Jean-François Davy) de la scène où Martine transforme un tueur en torche humaine.

L’Image et le son

Qui aurait pu croire que nous disposerions de L’Exécutrice en version intégrale, dans son format d’origine, dans un nouveau master restauré en Haute-Définition 2K ? Nous sommes ici en présence d’une copie quasi-exemplaire, entièrement ou presque débarrassée de ses scories et poussières diverses. Les couleurs affichent une nouvelle vivacité, ainsi qu’une chaleur inédite, l’image est stable, lumineuse, propre, le grain argentique heureusement respecté. Les contrastes paraissent parfois un peu trop poussés, mais dans l’ensemble la qualité est impressionnante.

La piste DTS-HD Master Audio Mono délivre ses dialogues avec ardeur et fermeté, jamais parasités par un souffle chronique ou quelques craquements intempestifs. C’est nickel, dynamique, suffisamment riche et le confort appréciable.

Crédits images : © Le Chat qui fume / SND (Groupe M6) / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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