Test Blu-ray / I…comme Icare, réalisé par Henri Verneuil

I…COMME ICARE réalisé par Henri Verneuil, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 30 août 2017 chez LCJ Editions

Acteurs : Yves Montand, Michel Etcheverry, Roger Planchon, Jacques Denis, Pierre Vernier, Jacques Sereys…

Scénario : Henri Verneuil, Didier Decoin

Photographie : Jean-Louis Picavet

Musique : Ennio Morricone

Durée : 2h02

Date de sortie initiale : 1979

LE FILM

Jarry, un chef d’état, est abattu au cours d’une visite officielle, alors qu’il circulait dans une voiture décapotable, son assassin, Karl Eric Daslow, est retrouvé mort dans l’ascenseur de l’immeuble d’où il a tiré. Après une année d’investigations, l’hypothèse du tueur psychopathe et isolé semble s’imposer. Cependant, l’un des membres de la commission d’enquête, le procureur Volney, refuse de se rallier à la version officielle et décide de poursuivre seul l’enquête, avec l’aide de ses assistants. Or, au fur et à mesure que ses investigations avancent, les témoins du crime meurent tous les uns après les autres, dans de troublantes circonstances…

« Cette histoire est entièrement vraie, puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre ». Boris Vian, L’écume des jours .

Habitué à sortir un film tous les deux ans, Henri Verneuil mettra un an supplémentaire pour écrire et mettre en scène I…comme Icare, sublime thriller très largement inspiré de l’assassinat de JFK et de l’enquête qui a suivi, la célèbre Commission Warren. Carré, passionnant, froid comme l’acier, magistralement interprété par Yves Montand dans un de ses plus grands rôles et par toute une ribambelle de comédiens talentueux, I…comme Icare propose certaines pistes de réflexion, joue avec un aspect documentaire inattendu (voire l’expérience de Milgram en milieu de film) et n’oublie jamais sa dimension divertissante. Du grand art, du cinéma populaire au sens le plus noble. Du Verneuil quoi !

Dans un pays indéterminé, sur la terrasse d’un building, un homme ajuste un fusil à lunette. Debout dans sa voiture, un homme d’État fête sa réélection et répond aux ovations de la foule. L’homme appuie sur la détente de son fusil mais deux secondes s’écoulent avant que le président ne s’effondre, la poitrine inondée de sang. L’assassin présumé ayant été retrouvé mort, l’affaire serait classée si l’un des membres de la commission d’enquête, le procureur Volney (Yves Montand) ne refusait de cautionner le rapport de ses collègues. Intègre et scrupuleux, il estime qu’un mystère demeure. Très vite, il découvre que d’importants témoins ont trouvé, eux aussi, la mort après le drame. D’autres personnes mentent ou se dérobent. Volney est maintenant sûr d’avoir affaire à un cerveau et non à un médiocre fou. Une expérience montre d’ailleurs qu’un individu normal peut accomplir des actes contraires à sa conscience s’il estime être couvert par une autorité supérieure. C’est le test de « soumission aux ordres ». A partir de cette ultime découverte, le procureur Volney sera désormais très près de la vérité, jusqu’à mettre sa propre vie en danger.

Dès le premier plan, dès le générique, dès que retentit la partition d’Ennio Morricone, Henri Verneuil happe le spectateur pour ne plus le lâcher durant deux heures. Véritablement anxiogène, I…comme Icare nous prend à la gorge et l’étreinte ne fait que se resserrer à mesure que le personnage interprété par Yves Montand approche du but. Si l’on peut penser au cinéma d’André Cayatte, Yves Boisset ou Costa-Gavras, Henri Verneuil n’avait pas son pareil pour filmer une ville et la rendre angoissante et dangereuse. Au début des années 1970, le réalisateur bifurque vers un cinéma plus minéral. Si Le Clan des Siciliens fermait les années 1960 en beauté avec ce que l’on appellerait aujourd’hui un blockbuster qui réunissait les trois plus grands acteurs du moment, le cinéaste prend le train en marche en misant essentiellement sur le thriller. Le Casse (1971) est comme dirait un film de transition, une chrysalide qui conduira au Serpent (1973) puis à Peur sur la ville (1975), immense chef d’oeuvre très inspiré par la giallo italien, dans lequel le cinéaste donne une vraie personnalité à Paris, une ville tentaculaire, glaciale et sombre, impression renforcée par la partition métallique et grinçante d’Ennio Morricone. Après Le Corps de mon ennemi (1976), dans lequel il faisait perdre ses repères au spectateur en jouant sur différentes temporalités, I…comme Icare agit comme un film-somme à la fin de cette décennie et la conclut de façon profondément pessimiste.

Les passionnés d’histoire et de théories du complot s’amuseront à reconnaître les éléments repris de l’affaire JFK, du rapport final, en passant par le meurtrier présumé (y compris avec la photo truquée où l’individu pose avec une arme), ainsi que son nom Daslow qui est l’anagramme d’Oswald, le film de Zapruder, jusqu’à l’architecture de la Défense et de Cergy-Pontoise qui rappelle le quartier de Dallas où JFK a trouvé la mort. Henri Verneuil joue avec la grande Histoire, tout en insufflant un côté romanesque lié à l’espionnage proche d’un roman de John le Carré. Les scènes cultes et anthologiques s’enchaînent comme des perles sur un collier, à l’instar de cet étrange aparté qui détaille longuement l’expérience sur la soumission à l’autorité appelée expérience de Milgram, destinée à démontrer ici que le tireur présumé avait été soumis aux ordres d’une instance supérieure qu’il respectait, même si ces consignes étaient contraires au respect humain.

Avec son Grand prix du cinéma français en 1980, ses cinq nominations aux César et ses quasi-deux millions d’entrées, Henri Verneuil inscrivait une fois de plus un succès (et chef d’oeuvre) à son incroyable palmarès. L’une des plus belles filmographies du cinéma français.

LE BLU-RAY

Il aura fallu attendre août 2017 pour voir débarquer I…comme Icare d’Henri Verneuil dans les bacs, sous les couleurs de LCJ Editions. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film, mais où la couleur rouge remplace la couleur noire originale. Même le boîtier est ici couleur sang. Le menu principal est animé sur une séquence du film.

Un seul supplément à se mettre sous la dent. Il s’agit d’un extrait (18’) de l’émission Les rendez-vous du dimanche, diffusée le 16 décembre 1979. Michel Drucker reçoit Henri Verneuil, Yves Montand, ainsi que Michel Sardou qui écoute en ayant l’air de s’emmerder royalement. Le réalisateur et le comédien sont ici pour présenter I…comme Icare, dont la sortie est prévue trois jours plus tard. Les thèmes du film sont ici abordés, tout comme les points communs avec l’assassinat de JFK, tandis qu’Yves Montand revient sur la création de son personnage, qui est d’abord passée par l’aspect physique, inspiré des « attorney ». Dommage que les trois longs extraits du film viennent faire office de remplissage.

L’Image et le son

Ce qui a fait grincer les dents des cinéphiles et amateurs de home-cinéma, c’est que I…comme Icare est proposé en Blu-ray au format 1080i. Mais l’éditeur ne s’en est jamais caché, d’ailleurs c’est indiqué noir sur blanc sur la jaquette. Le film d’Henri Verneuil s’offre néanmoins à nous en HD dans une copie entièrement restaurée. La photo froide et élégante signée Jean-Louis Picavet (L’Argent des autres, Mille milliards de dollars) n’a jamais été aussi claire à l’écran. Le codec AVC consolide l’ensemble, même si certains visages peuvent paraître trop blafards et les couleurs un poil ternes. L’image est stable, entièrement débarrassée de scories diverses et variées, les scènes en extérieur affichent une luminosité inédite, tout comme un relief inattendu, un piqué parfois. Hormis quelques saccades notables et de légères pertes de la définition, revoir I…comme Icare dans de telles conditions ravit souvent les yeux !

Le mixage Dolby Digital Stéréo 2.0 instaure un très bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté. La propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La superbe composition d’Ennio Morricone, est également excellemment restituée. Pas de sous-titres pour le public sourd et malentendant.

Crédits images : © L.C.J. Editions & Productions / V Films – SFRP – Antenne 2 / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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