LE TUEUR réalisé par Denys de la Patellière, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 14 octobre 2019 chez Coin de mire Cinéma
Acteurs : Jean Gabin, Bernard Blier, Fabio Testi, Ushi Glas, Felix Marten, Jacques Richard, Gérard Depardieu, Ginette Garcin, Jacques Debary…
Scénario : Denys de La Patellière, Pascal Jardin
Photographie : Claude Renoir
Musique : Hubert Giraud
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1972
LE FILM
Quand l’assassin Georges Gassot parvient à s’évader d’un asile, le commissaire Le Guen, responsable de son arrestation, se remet à sa poursuite. Toutefois, Le Guen doit, cette fois, s’adapter aux méthodes modernes de son supérieur François Le Tellier alors que Gassot tue de nombreuses personnes sur son passage.
Près de cent films tournés en cinquante ans, une carrière comme il n’y en aura probablement plus. Jean Gabin (1904-1976) restera l’un des comédiens français ayant attiré le plus de spectateurs dans les salles avec Fernandel, Louis de Funès, Jean-Paul Belmondo et Bourvil. Si l’on regarde en arrière, il collaborera la plupart du temps avec les cinéastes en qui il avait entièrement confiance, comme Julien Duvivier, Jean Renoir, Jean-Paul le Chanois, Henri Verneuil, Gilles Grangier, Jean Delannoy. L’une de ses associations les plus prolifiques de sa carrière reste celle démarrée à la fin des années 1950 avec le réalisateur Denis Dubois de La Patellière aka Denys de la Patellière (1921-2013). Six films réuniront le comédien et le metteur en scène : Les Grandes Familles (1958), Rue des prairies (1959), Le Tonnerre de Dieu (1965), Du Rififi à Paname (1966), Le Tatoué (1968) et Le Tueur (1972). Un tandem gagnant qui attirera près de 18 millions de français. Le dernier film qu’ils tourneront ensemble – et l’avant-dernier réalisé par Denys de la Patellière pour le cinéma – restera pourtant le vilain petit canard. Soyons honnêtes, Le Tueur est probablement l’un des plus mauvais films interprétés par Jean Gabin.
Polar brumeux marqué par quelques scènes étonnamment violentes, ce thriller mou du genou vaut essentiellement aujourd’hui bien plus pour ses images d’un Paris défiguré par les travaux, que pour son intrigue très peu convaincante. Et Jean Gabin dans tout cela ? Il apparaît étrangement de façon sporadique, en pointillés, fatigué comme rarement, ayant l’air de trouver le temps long (comme nous) et n’a de toute façon pas grand-chose à défendre. Le Tueur tourne surtout autour de l’acteur italien Fabio Testi, qui se démène comme il peut, qui n’arrête pas de courir en flinguant ceux qui croisent sa route, tandis que Gabin reste les mains dans les poches, le regard bas.
Transféré dans un hôpital psychiatrique, Gasso, un tueur impénitent, s’évade fort adroitement et, avec l’aide de son frère – spécialisé dans les faux films pornographiques – s’enfuit à Marseille, espérant partir à l’étranger. Il rencontre une demoiselle de petite vertu, Gerda, dont il tombe amoureux. Il l’arrache à ses « protecteurs » en les assassinant froidement. Comme le départ s’avérait impossible, Gasso revient à Paris. L’inspecteur Le Guen – breton, donc têtu – a de son métier une conception personnelle que ne partage pas le nouveau patron de la Sûreté Nationale, féru d’ordinateurs et… d’humanité. Le Guen, flanqué de son fidèle Campana, aux costumes trop voyants et aux fréquentations (volontairement) louches – suit Gasso à la trace… celle cadavres que celui-ci sème allègrement sur sa route. Cependant, Le Guen parvient peu à peu à isoler le tueur en emprisonnant tous ses alliés et en dressant contre lui le Milieu.
Cela démarre bien avec des images impressionnantes de la Tour Montparnasse en pleine construction, perdue dans le brouillard épais de l’hiver 1971, avec les ouvriers qui s’affairent à chaque étage. Plus tard, nous verrons également le Trou des Halles, devenu un immense terrain-vague sur lequel s’acharnent les machines infernales. Paris est en plein bouleversement, la capitale mute, se transforme. Le personnage (dés)incarné par Jean Gabin déambule autour de ces chantiers et jamais le comédien aura eu l’air aussi anachronique. Ces partis pris auraient pu donner quelque chose de bon à l’écran, ce qui n’est pas le cas, car le commissaire Le Guen, représentant la vieille école, n’a quasiment rien à faire au cours de ce récit, si ce n’est arrivé (doucement) sur les lieux du crime, faire resserrer l’étau autour des déplacements du tueur éponyme, puis débarquer une fois que les rabatteurs auront fait leur boulot.
Pendant 85 minutes, Jean Gabin semble amorphe, peu convaincu lui-même de ce qu’il est en train de tourner, s’en remettant entièrement au réalisateur Denys de la Patellière, qui bien que coscénariste avec Pascal jardin (qui signe aussi les dialogues, assez pauvres), n’était vraisemblablement pas l’homme de la situation – n’est pas Georges Lautner ou Jacques Deray qui veut – pour tourner un polar. Incapable d’insuffler un rythme à son film, le réalisateur compile les scènes sans véritable intérêt, avec d’un côté Fabio Testi (jusque-là apparu dans Il était une fois dans l’Ouest de Serge Leone et Le Jardin des Finzi-Contini de Vittorio De Sica) qui abuse de son Colt Cobra tout en emballant une prostituée au grand coeur (Uschi Glas, caution de cette coproduction franco-italo-allemande), et de l’autre Jean Gabin et l’immense Bernard Blier qui se regardent en chiens de faïences.
Le Tueur s’anime dès que les deux monstres du cinéma français se font face. Deux mondes s’affrontent, deux procédures, deux époques. Dommage que l’affiche soit finalement trompeuse car non seulement Blier et Gabin ont finalement peu de scènes en commun, mais Gabin semble lui-même disparaître bien trop souvent, laissant le spectateur sur le bas côté, en prise avec une intrigue peu enthousiasmante. C’est aussi l’une des premières apparitions au cinéma d’un jeune acteur, Gérard Depardieu.
A sa sortie, Le Tueur déconcerte non seulement la critique, comme d’habitude, mais également le public en raison de son absence d’action, d’enjeux et de rebondissements. Le film peine à attirer un peu plus de 900.000 spectateurs, un des scores les plus bas dans la carrière de Jean Gabin depuis trente ans et son deuxième échec successif après Le Drapeau noir flotte sur la marmite de Michel Audiard. Il fera heureusement son grand retour l’année suivante dans L’Affaire Dominici de Claude Bernard-Aubert.
LE DIGIBOOK
Deuxième titre de la troisième salve de l’éditeur Coin de Mire Cinéma. Pour en savoir plus sur la collection La Séance et sur la composition de chaque Digibook prestige numéroté et limité à 3000 exemplaires, nous vous invitons à (re)découvrir nos nos treize précédentes chroniques consacrées aux sorties Coin de Mire Cinéma https://homepopcorn.fr/category/coin-de-mire-cinema/ ! Le menu principal est fixe et musical.
Au programme de cette édition, les infos Pathé (9’) de cette neuvième semaine de 1972 proposent tout d’abord un reportage sur l’écrivaine Elsa Triolet, première femme à obtenir le prix Goncourt et compagne de Louis Aragon, disparue en juin 1970. Puis, direction en Irlande du Nord où les manifestations se développent et sont réprimées dans la violence. Nous nous rendons ensuite sur le tournage du film Les Soleils de l’Ile de Pâques de Pierre Kast, en compagnie d’Alexandra Stewart. Enfin, petit détour par l’Ile de Pâques en question, dans un reportage réalisé en couleurs.
Avant la séance, place aux réclames (6’) ! Les esquimaux Gervais, les gâteaux Bahlsen, les barres chocolatées Nuts, les caramels Dupont d’Isigny, la bière Skansen (avec Gérard Jugnot en prise avec des Vikings) vous donneront faim et soif ! « En vente dans cette salle ! »
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Vous pouvez d’ores et déjà mettre votre ancien DVD du Tueur au placard. Anciennement disponible chez LCJ Editions, cette nouvelle restauration 4K, réalisée à partir du négatif original par TF1 Studio, avec la participation de Coin de Mire Cinéma donne un sérieux coup de jeune au film de Denys de la Patellière. Alors certes, tout n’est pas parfait puisque nous dénotons encore quelques points noirs et des tâches (surtout durant le générique), ainsi que diverses baisses de la définition et des flous occasionnels. Toutefois, l’éditeur ne se moque pas des spectateurs et des cinéphiles puisque Le Tueur a connu un véritable lifting de fond en comble. L’élévation HD est frappante, la restauration est éloquente, les contrastes revus à la hausse, la stabilité de mise. Les détails sur les visages étonnent souvent par leur précision, les couleurs très froides et ouatées retrouvent un éclat inespéré et le piqué demeure acéré. Du bon travail de la part du laboratoire VDM.
La piste française DTS-HD Master Audio Mono est plutôt agréable, même si un léger souffle se fait entendre. Les dialogues sont vifs, toujours bien détachés. L’ensemble est aéré, fluide et dynamique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.