Test Blu-ray / L’Enquête est close – Circle of Danger, réalisé par Jacques Tourneur

L’ENQUÊTE EST CLOSE (Circle of Danger), réalisé par Jacques Tourneur, disponible en combo Blu-ray/DVD le 27 septembre 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Ray Milland, Patricia Roc, Marius Goring, Hugh Sinclair, Naunton Wayne, Edward Rigby, Marjorie Fielding, John Bailey…

Scénario : Philip MacDonald

Photographie : Oswald Morris

Musique : Robert Farnon

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1953

LE FILM

À la fin de la seconde guerre mondiale, Clay Douglas, citoyen américain, enquête sur la mort de son jeune frère, Hank, tué d’une balle alors qu’il combattait aux côtés des forces britanniques. Pour Clay, le tir ne venait pas des lignes allemandes mais bien du commando dont Hank était membre. Du Pays de Galles à l’Angleterre en passant par l’Écosse, Clay tente de retrouver la trace des membres survivants pour comprendre ce qui a pu se passer.

Du cinéaste franco-américain Jacques Tourneur, on connaît surtout Cat People (La Féline, 1942), Vaudou (I walked with a zombie, 1943) ou encore The Leopard Man (1943), emblèmes flamboyants du cinéma fantastique de l’âge d’or. Nettement moins ses films policiers, genre auquel Circle of danger semble appartenir. En apparence seulement. Car sous les oripeaux formels d’une enquête classique, voilà en réalité une comédie romantique qui ne dit pas son nom. C’est bien là la principale surprise d’un film qui nous en ménage une autre, et de taille, dans ses ultimes minutes. De fait, le protagoniste interprété par Ray Milland va au cours de son investigation en terres britanniques, faire la rencontre d’une illustratrice écossaise, Elspeth (Patricia Roc). Bien davantage que les membres du commando dont Clay remonte progressivement la piste, la jeune femme devient le pivot du récit, lequel prend une tournure sentimentale totalement décalée. Ce qui intéresse ici Jacques Tourneur, est donc autant l’évolution de l’enquête que la relation entre Clay et Elspeth, marquée par une série de rendez-vous manqués plutôt cocasse. Mais dans la résolution du meurtre comme dans les prémices de l’histoire d’amour, Jacques Tourneur déroule un seul et même fil rouge : la thématique du temps. Clay passe ainsi une bonne partie du sien à demander l’heure à ses interlocuteurs pour s’assurer de ne pas arriver en retard à ses rendez-vous avec Elspeth (le seul ressort comique du film consistant à le faire invariablement échouer). Entre l’obsession de la vérité et la liaison naissante, l’incompatibilité est manifeste et l’urgence signifiée : Tourneur filme explicitement les montres, les horloges et les injonctions verbales à l’empressement (tel personnage somme Clay de se dépêcher s’il ne veut pas rater son train, un autre lui demande d’abréger leur discussion car il manque de temps, Elspeth semble avoir toujours un pays d’avance sur Clay lors de leurs déplacements simultanés). Confère également cette scène magnifique où le couple en devenir se tient sur une falaise face à la mer, en réalité – trucage typique de l’époque – la photo en trompe-l’oeil d’un paysage écossais où rien, à part les acteurs, ne bouge. Ni les nuages ni les vagues. Et soudain… le silence. Tourneur utilise ici de façon très consciente l’artificialité de son décor non seulement à des fins techniques, mais aussi au profit de ce qu’il raconte : littéralement, il suspend le temps et invite les deux personnages (et le spectateur) au sursis.

Curieusement, alors que son propos même et cette propension à l’urgence à chaque nouvel indice récolté devraient naturellement le pousser à une certaine frénésie, le film prend son temps. Le montage, carré, posé, la contemplation de la campagne écossaise, la cinégénie des rues londoniennes et le vague vaudeville tracé en pointillés dans les séquences de séduction, concourent à l’apaisement. Un véritable paradoxe quand Clay ne cesse de verbaliser son besoin de savoir qui a causé la mort de son frère et de se déplacer d’un point à l’autre de la carte du Royaume-Uni en revenant plusieurs fois sur ses pas. C’est aussi parce que, outre le polar et le film romantique, Circle of danger balise un troisième chemin, celui de l’introspection. Clay Douglas croit enquêter sur la mort d’un proche, pour finalement questionner son propre rapport aux autres (il n’accorde sa confiance à quasiment personne), sa solitude subie ou assumée et surtout, ses origines écossaises, qu’on devine (sans trop comprendre pourquoi) problématiques pour lui.

Avec un tel foisonnement de niveaux de lecture, pas étonnant que le film ne coche aucune case précise ni n’impose une cadence propre au film noir puisque de fait, Circle of danger n’en est pas vraiment un. La dernière séquence n’en est que plus surprenante puisqu’elle introduit, alors qu’il ne reste que quelques minutes avant le carton de fin, la notion de peur et de danger affichée par le titre (qu’on était jusque là, bien en peine de comprendre). Alors que Clay identifie enfin le coupable, Tourneur les confronte dans la lande écossaise et évacue le charme, le bucolisme et le badinage pour ne conserver que la menace et l’effroi. Dans un duel à trois qui n’est pas sans rappeler, d’une certaine façon, les grandes heures du western, les masques tombent, la tension monte et la vérité éclate en même temps que le talent de Tourneur, ce petit malin, à nous prendre totalement au dépourvu. Et à remettre, enfin, les pendules à l’heure.

LE BLU-RAY

On n’arrête plus Jean-Baptiste Thoret, qui nous présente ici le 63e titre de sa collection Make my day ! pour StudioCanal. On connaît la formule, depuis le temps : un digipack combo Blu-Ray/DVD arborant un visuel imaginé par Vladimir Thoret (sûrement la famille), avec sur le rabat, la reproduction d’une affiche d’origine au titre français d’époque (L’Enquête est close).

Et évidemment en bonus, la présentation du film par JBT lui-même(10′). On y retrouve également une longue analyse (52′) de Charles Tesson, dont on ne prend pas la peine de nous préciser le métier (il est critique pour les Cahiers du cinéma, merci Wiki). Ce dernier s’attarde sur le style de Jacques Tourneur et sur les détails disséminés tout au long du film supposés nous mettre la puce à l’oreille concernant le génie du monsieur. Emporté par son amour pour le film et pour son réalisateur, Charles Tesson nous perd un peu mais on arrive ici et là à attraper au vol quelques remarques très intéressantes.

L’Image et le son

Soutenu par un encodage AVC solide, ce très beau master parvient à tirer parti de la HD et impose une clarté élégante ainsi qu’une restauration notable. La gestion des contrastes est équilibrée, les scories et accrocs comme les points blancs et noirs, les rayures verticales ont été éradiqués en grande partie, la propreté de l’image demeure souvent impressionnante. Les blancs sont lumineux, les yeux des comédiens brillent avec un nouvel éclat, le N&B est dense et stylisé, la palette de gris étant étendue tout du long jusqu’à la dernière bobine. Si le piqué demeure aléatoire, le grain est habilement restitué et les arrière-plans sont assurés. Hormis de très sensibles décrochages inhérents à l’âge du film, la qualité technique est indéniable. Blu-ray au format 1080p.

La version originale semble avoir été restaurée également, car peu de craquements sont à déplorer. Les dialogues, tout comme la musique, demeurent propres et distincts sur cette efficace piste Mono 2.0 qui ne comporte aucun souffle parasite. Certains échanges sont peut-être plus étouffés que d’autres, un petit souffle est parfois audible, mais le confort acoustique est très appréciable.

Crédits images : © Studiocanal / Critique du film et chronique du Blu-ray réalisées par Sabrina Guintini / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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