Test Blu-ray / Le Prince et le Pauvre, réalisé par Richard Fleischer

LE PRINCE ET LE PAUVRE (Crossed Swords – The Prince and the Pauper), réalisé par Richard Fleischer, disponible en combo Blu-ray/DVD le 31 janvier 2024 chez Studiocanal.

Acteurs : Oliver Reed, Raquel Welch, Mark Lester, Ernest Borgnine, George C. Scott, Rex Harrison, David Hemmings, Harry Andrews…

Scénario : Berta Domínguez D., Pierre Spengler & George MacDonald Fraser, d’après le roman de Mark Twain

Photographie : Jack Cardiff

Musique : Maurice Jarre

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 1977

LE FILM

Un jeune voleur, pour échapper à la police, escalade un mur et se retrouve face à face avec le prince Edward, dont il est le parfait sosie. Pour une nuit, les deux garçons vont échanger leur vie. Mais il est aussi difficile pour le prince de se retrouver dans la rue que pour le pauvre d’être au palais !

Quand il réalise Le Prince et le PauvreThe Prince and the Pauper (ou bien encore Crossed Swords aux États-Unis) en 1977, Richard Fleischer a déjà trente ans de cinéma derrière-lui et amorce la toute dernière partie de sa carrière. Deux ans après le terrible échec critique de l’extraordinaire Mandingo, le cinéaste, qui était alors toujours en quête de reconnaissance et qui misait sur ce film qu’il attendait comme étant celui qu’il avait voulu faire toute sa vie, dépose les armes et retourne à son « simple » statut de metteur en scène, à défaut d’être considéré comme un auteur. Il enchaîne avec un biopic consacré à Sarah Bernhardt, The Incredible Sarah, interprété par Glenda Jackson, puis il est appelé par les producteurs Pierre Spengler et Ilya Salkind, qui avaient financé l’étonnant Kill de Romain Gary et qui prévoyaient de monter un budget conséquent pour Superman, pour prendre les manettes du Prince et le Pauvre. Ilya Salkind et son père Alexander avaient connu deux triomphes dans le monde entier avec Les Trois Mousquetaires et On l’appelait Milady, divertissements quasi-anachroniques, qui avaient pourtant explosé le box-office aussi bien en Europe que sur le sol américain. La tentation était trop grande de surfer sur ce genre inattendu et cette adaptation du roman de Mark Twain, écrite par le même scénariste George MacDonald Fraser, tombait à point nommé. S’il ne fait pas et ne fera jamais partie des films les plus célèbres de Richard Fleischer, Le Prince et le Pauvre n’en reste pas moins un spectacle mené à cent à l’heure, porté par un casting exceptionnel (en dehors de Mark Lester certes, nous y reviendrons) et marqué par des scènes d’action solidement emballées par un artiste et artisan, qui s’il avait dû mettre ses ambitions de côté, n’a jamais renié son travail et s’est toujours acquitté élégamment de la tâche qui lui était confiée.

Dans le Londres du XVIe siècle, un jeune homme pauvre, Tom Canty, se retrouve face à son père cruel. John Canty menace de battre son fils ; à moins qu’il ne vole cinq shillings avant l’heure du souper. Tom se rend sur la place de la ville et vole la bourse d’un homme riche, mais la laisse tomber. Pensant que Tom a toujours ce qui lui appartient, la victime et d’autres le poursuivent dans les rues de Londres. Tom parvient à s’échapper en escaladant un mur et tombe dans le jardin du palais, devant le roi Henri VIII. Cependant, Tom les évite en se rendant sur le toit du château et en se cachant dans une cheminée. Dans l’enceinte, Henri VIII donne l’ordre d’arrêter le duc de Norfolk lors du bal masqué du soir. Dans sa chambre royale, Édouard, prince de Galles, refuse de porter un costume pour le bal masqué et ses serviteurs le quittent. Tom tombe dans la cheminée, devant Edward. Tom se présente et explique sa situation. Intrigué par la ressemblance de Tom avec lui, Edward décide qu’ils devraient échanger leur apparence et leurs vêtements pour assister au bal masqué, ajoutant que le sceau du prince reste avec son vrai propriétaire. Prenant Edward pour Tom, le duc de Norfolk ordonne qu’il soit escorté hors du palais.

Débarrassons-nous immédiatement du gros bémol du Prince et le Pauvre, sa tête d’affiche, doublement tête à claques pour le coup, en la personne de Mark Lester. Ce nom ne dira pas grand-chose à la plupart des cinéphiles, à moins que vous vous souveniez du générique de fin du génial Allez France ! (1964) de Robert Dhéry, où il était mentionné et campait le petit garçon qui poursuivait Henri. Après une apparition dans Fahrenheit 451 de François Truffaut et dans Chaque soir à neuf heures de Jack Clayton, il tient le haut de l’affiche dans la comédie-musicale Oliver ! de Carol Reed. Le jeune homme a alors le vent en poupe et tourne pour Richard C. Sarafian, John Hough et Kirk Douglas. Ce que le comédien n’avait pas prévu, c’était de grandir et celui-ci espérait que le double-rôle dans Le Prince et le Pauvre allait lui permettre de dire au revoir à ses personnages d’éternel gamin ou adolescent. Seulement voilà, sa prestation fait pâle figure (euphémisme) à côté du reste (prestigieux) de la distribution et, sans doute impressionné de tenir le rôle principal d’une production confortable (7 millions de dollars), Mark Lester ne convainc jamais et même au-delà de ça, irrite au plus haut point par son surjeu que même Richard Fleischer n’aura pas su gérer. Ce dernier critiquera également cette erreur de casting…

Quant au reste, rien à redire et l’on retrouve avec un immense plaisir certaines stars ayant déjà officié chez le réalisateur, de Raquel Welch (Le Voyage fantastique) à Charlton Heston (Soleil vert), en passant par Ernest Borgnine (Les Inconnus dans la ville, Les Vikings, Barabbas), Rex Harrison (L’Extravagant docteur Dolittle) et George C. Scott (Les Complices de la dernière chance, Les Flics ne dorment pas la nuit). Chacun possède plus ou moins SON moment dans Le Prince et le Pauvre et se porte garant de ce projet qui bénéficie en plus de la présence du mythique Oliver Reed, qui venait d’interpréter Athos dans le diptyque Les Trois MousquetairesOn l’appelait Milady. Un atout majeur dans Le Prince et le Pauvre, dans lequel il vole la vedette à chaque apparition.

Mais on aurait tort de réduire le film à ses stars, car Crossed Swords est aussi très plaisant à regarder, la photographie étant imputable au talentueux Jack Cardiff (Le Narcisse Noir, Les Chaussons Rouges, Pandora, La Comtesse aux pieds nus), qui avait déjà collaboré avec Richard Fleischer sur Les Vikings. Quant à la musique, la baguette est tenue rien de moins que par le maestro Maurice Jarre, qui retrouvait également le cinéaste pour la quatrième fois de son illustre carrière après Drame dans un miroir, Le Grand risque et Mandingo.

À l’exception de quelques scènes de comédie un peu lourdes et de dialogues trop pesants, Le Prince et le Pauvre n’a rien de déshonorant, bien au contraire et demeure aussi séduisant que mené tambour battant, avec un vrai capitaine à la barre, qui connaît son boulot et apporte à cette histoire somme toute banale, un souffle, une patte, un regard et une âme.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Voici le premier Make My Day ! de 2024 et le 67è titre de la collection, Le Prince et le Pauvre de Richard Fleischer, deuxième titre du réalisateur à rejoindre cette anthologie exceptionnelle créée en septembre 2018 par le critique et journaliste Jean-Baptiste Thoret chez Studiocanal, dont nous vous avons offert une grande partie des chroniques, que vous retrouverez facilement sur notre site. Rien ne change, les deux disques sont contenus dans un Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné au visuel clinquant. Le menu principal est très légèrement animé et muet.

L’historien du cinéma et critique présente tout naturellement le film qui nous intéresse au cours d’une préface en avant-programme (9’). Comme il en a l’habitude, Jean-Baptiste Thoret replace de manière passionnante Le Prince et le Pauvre dans son contexte, autrement dit « un film tardif de Richard Fleischer, après l’échec critique et cinglant de Mandingo ». L’adaptation du roman de Mark Twain (la troisième ici), le casting, les points faibles du film (la « prestation » de Mark Lester), les intentions (des producteurs surtout) et les partis-pris esthétiques sont abordés au cours de cette intervention rapide, mais toujours très riche en informations.

Nous ne nous attendions pas à retrouver Olivier Assayas dans cette interactivité. Pourtant, le réalisateur d’Irma Vep, des Destinées sentimentales, de Demonlover et de Clean intervient ici tout simplement pour avoir officié comme troisième assistant de Richard Fleischer sur le tournage du Prince et le Pauvre. Durant près d’une demi-heure, Olivier Assayas explique comment il s’est retrouvé à 21 ans à jouer les interprètes entre le personnel hongrois et espagnol (il parlait les deux langues couramment), entre l’Angleterre et la Hongrie, à observer de grands acteurs jouer dans un film qui lui paraissait alors à mille lieues de celui qu’il rêvait de faire. Assayas partage ses souvenirs personnels, évoque sa rencontre déterminante avec Laurent Perrin (également assistant), avec lequel il allait se lier d’amitié jusqu’à la mort de ce dernier en 2012. Il se souvient des frasques d’Oliver Reed, qui n’avait pas hésité à débarquer avec une prostituée pour « l’offrir » à Mark Lester à l’occasion de ses 18 ans. Enfin, Olivier Assayas donne son avis (négatif) sur l’interprétation du jeune comédien, mais déclare avoir revu le film sans déplaisir.

Le dernier bonus de cette section est une présentation du Prince et le Pauvre par Nicolas Tellop (44’, la jaquette indiquant 35 minutes). L’écrivain, essayiste et critique, auteur de Richard Fleischer, une œuvre (Marest, 2021) était tout indiqué pour nous parler de ce film méconnu du grand cinéaste. Tour à tour, Nicolas Tellop replace cette œuvre dans la carrière du réalisateur, explique pourquoi Le Prince et le Pauvre est irrigué de motifs et de questionnements chers au metteur en scène (l’imposture, la filiation), puis se penche sur l’adaptation du roman de Mark Twain (tout d’abord refusée par George Cukor, qui n’acceptait pas le changement d’âge du personnage principal), donne des détails sur les conditions de production et de tournage, mais aussi sur le casting (Mark Lester en prend pour son grade), le côté théâtral de l’ensemble, la griffe Richard Fleischer visible dans Crossed Swords (notamment dans les scènes d’action filmées caméra à l’épaule, au plus près des corps), ainsi que sur la réception plutôt bonne du Prince et le pauvre par la critique, Nicolas Tellop précisant que la presse ne mentionnait alors jamais le nom du cinéaste…

L’Image et le son

Studiocanal reprend évidemment le même master HD édité aux États-Unis chez Kino Lorber en 2021. Une copie qui n’est pas de première jeunesse, mais qui fait le job, surtout pour un film souvent oublié de Richard Fleischer. On accueille donc volontiers ce Blu-ray, même si la palette chromatique aurait mérité d’être rééquilibrée. Néanmoins, Le Prince et le Pauvre profite de cette promotion HD au niveau des décors et des costumes, nettement plus détaillés que sur le master Standard sorti chez le même éditeur il y a quinze ans. La texture argentique est préservée et bien gérée, la densité des contrastes est bonne, la profondeur de champ est éloquente, le piqué étant parfois aléatoire, acéré dans une scène, plus émoussé dans la suivante. Le cadre est quant à lui stable, hormis durant le générique d’ouverture, plus chancelant. Enfin, la propreté est de mise, même si là aussi demeurent des poussières diverses.

Les mixages anglais et français Dolby Digital 2.0 instaurent un très bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches, sans aucun souffle. Au jeu des différences, la version originale l’emporte sur son homologue car plus aérée, naturelle et franche dans son rendu, y compris du point de vue musical. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Studiocanal / Film Export AG / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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