Test Blu-ray / Visage écrit, réalisé par Daniel Schmid

VISAGE ÉCRIT (Das geschriebene Gesicht) réalisé par Daniel Schmid, disponible en Blu-ray le 6 février 2024 chez Carlotta Films.

Acteurs : Tamasaburô Bandô, Han Takehara, Haruko Sugimura, Kazuo Ôno, Yajuro Bando, Kai Shishido, Toshiya Nagasawa, Asaji Tsutakiyokomatsu, Hiroyuki Koga…

Scénario : Daniel Schmid

Photographie : Renato Berta

Durée : 1h33

Année de sortie : 1995

LE FILM

Il y a bientôt quatre siècles, une loi impériale japonaise imposa que les rôles de femmes dans le théâtre kabuki soient tenus par des hommes, appelés onnagata. Visage écritde Daniel Schmid est une tentative d’approche de Tamasaburo Bando, le plus prestigieux onnagata contemporain. Ce grand acteur de kabuki qui a également tourné pour le cinéma est considéré comme un véritable « trésor vivant », acclamé aussi bien par Rudolf Noureev que par Yukio Mishima.

Dans ce film conçu en quatre parties, le réalisateur suisse livre une œuvre hybride qui abolit les genres et les codes, naviguant allègrement entre fiction et documentaire, Japon moderne et traditionnel. À travers les portraits croisés de Tamasaburo Bando et de ses illustres aînés, comme l’actrice Haruko Sugimura ou le danseur Kazuo Ohno, Visage écrit sonde l’âme de cet art en voie de disparition et rend hommage à ces figures éternelles de la culture nippone.

Bienvenue au kabuki, théâtre japonais traditionnel. Vous y croiserez Morita Shinichi alias Tamasaburo Bando (né en 1950), star en son pays, qui s’est produit dans le monde entier et qui est même apparu au cinéma devant la caméra d’Andrzej Wajda dans Nastasja (1994). Sur scène, mais aussi dans les coulisses et en parallèle en interview, Tamasaburo Bando se livre dans et sur son art à l’occasion de Visage écrit Das geschriebene Gesicht, réalisé par le cinéaste suisse Daniel Schmid. Ce dernier, également acteur apparu chez Wim Wenders (L’Ami Américain), Rainer Werner Fassbinder (Le Marchand des quatre saisons, Lili Marleen), Patrice Chéreau (Judith Therpauve), se glisse derrière et sous la scène, observe comment l’artiste qu’il a sous les yeux se met dans la peau de son personnage, un onnagata donc.

« Comme un peintre dessine une femme à travers sa propre perception, avec la distance d’un écrivain décrivant un sentiment féminin, je me sers de mon âme comme d’un intermédiaire pour mettre en scène mon image idéale de la femme, j’essaye de rendre symbolique l’essence de la femme » dit Tamasaburo Bando, avant de disparaître à nouveau sous le maquillage blanc typique du kabuki. Il ajoute discuter beaucoup avec les femmes, qu’il les observe, étudie leurs manies, la manière dont elles réagissent. Une incarnation inspirant même les femmes elles-mêmes, comme l’indique la comédienne Haruko Sugimura, vue dans Herbes flottantes, Voyage à Tokyo, Le Goût du Saké et Bonjour de Yasujiro Ozu, aussi interviewée peu de temps avant sa disparition.

Comme l’annonce le pitch en introduction, Visage écrit est une « tentative d’approche » de Tamasaburo Bando et même si l’artiste se confie sur son métier, celui-ci conserve toute son aura, son mystère, sa magie, les images de Daniel Schmid et de son chef opérateur Renato Berta (Le Grand chariot, Merci pour le chocolat, Rendez-vous) nous plonge dans une expérience unique, assurément dépaysante. De l’île de Kyushu à celle de Shikoku, d’Osaka à Tokyo, Visage écrit est une étude sur la condition des comédiens du théâtre kabuki dans le Japon d’aujourd’hui (ou plutôt celui d’il y a déjà trente ans) qui les oublie peu à peu. Forcément anachronique, l’art de Tamasaburo Bando détonne, contraste avec ce petit garçon accroché à sa Game Boy, bien qu’assis sur les marches à l’entrée du théâtre, comme posté entre deux mondes, celui qui l’attire avec ses pixels et sa possibilité de contrôler un monde rien qu’avec ses pouces, l’autre, quasi-silencieux, témoin d’une histoire qui se dissout. Les deux pouvant cohabiter.

Visage écrit est une œuvre fascinante, fait perdre ses repères au spectateur, à qui Daniel Schmid propose de prendre la main pour l’embarquer dans un univers extraordinaire et hypnotique.

LE BLU-RAY

Carlotta Films propose de (re)découvrir Visage écrit, pour la première fois en Blu-ray. Pas d’édition DVD pour le film de Daniel Schmid. Visuel sobre, comme le menu principal, fixe et musical.

Les amateurs de suppléments seront déçus d’apprendre que nous ne trouvons que la bande-annonce originale et celle de la restauration sur ce disque HD.

L’Image et le son

Pour la première fois, Carlotta Films présente la nouvelle restauration 4K de Visage écrit, un lifting réalisé sous la supervision de la Cinémathèque Suisse, à partir de différents éléments. Il en découle une copie quelque peu hybride, au piqué variable, à la texture argentique préservée, mais aléatoire, dans le sens où le grain est parfois excellemment géré et équilibré sur certaines scènes, et qui devient plus grumeleux sur d’autres. Les couleurs sont superbes, le niveau de détails impressionnant et la propreté irréprochable.

Seule la version originale, restaurée elle aussi, est disponible sur cette édition. Le mixage DTS-HD Master Audio Mono 1.0 est correct. Le rendu acoustique est aéré et ne manque pas de vivacité. Les propos sont clairs et distincts, la musique bien lotie. L’ensemble est très fluide et les sous-titres français non imposés.

Crédits images : © Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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