Test DVD / La Terre des hommes, réalisé par Naël Marandin

LA TERRE DES HOMMES réalisé par Naël Marandin, disponible en DVD le 4 janvier 2022 chez Ad Vitam.

Acteurs : Diane Rouxel, Finnegan Oldfield, Jalil Lespert, Olivier Gourmet, Bruno Raffaelli, Clémence Boisnard, Sophie Cattani, Yoann Blanc…

Scénario : Naël Marandin, Marion Doussot & Marion Desseigne-Ravel

Photographie : Noé Bach

Musique : Maxence Dussère

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Constance est fille d’agriculteur. Avec son fiancé, elle veut reprendre l’exploitation de son père et la sauver de la faillite. Pour cela, il faut s’agrandir, investir et s’imposer face aux grands exploitants qui se partagent la terre et le pouvoir. Battante, Constance obtient le soutien de l’un d’eux. Influent et charismatique, il tient leur avenir entre ses mains. Mais quand il impose son désir au milieu des négociations, Constance doit faire face à cette nouvelle violence.

On peut penser à l’excellent Petit paysan d’Hubert Charuel (il y avait aussi Au nom de la terre d’Edouard Bergeon et La Nuée de Just Philippot), joli succès dans les salles, récompensé par le César du Meilleur premier film, du Meilleur acteur pour Swann Arlaud et celui de la Meilleure actrice dans un second rôle pour Sara Giraudeau. Il y a en effet dans La Terre des hommes quelques similitudes, dont cette approche parfois documentaire associée à une intrigue qui lorgne sur le thriller psychologique. Mais le deuxième long-métrage de Naël Marandin, comédien vu dans Les Enfants du siècle de Diane Kurys, qui était passé derrière la caméra en 2015 avec La Marcheuse, trouve son originalité et un ton différent en se focalisant sur une figure féminine, en réalisant un portrait de femme, magistralement interprétée par la superbe et magnétique Diane Rouxel. Révélation de The Smell of Us de Larry Clark en 2014, la comédienne a ensuite très vite confirmé son talent dans La Tête haute d’Emmanuelle Bercot (dans lequel elle jouait la petite amie de Rod Paradot), Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico, Mes provinciales de Jean Paul Civeyrac et Volontaire d’Hélène Fillières. Avec La Terre des hommes, elle entre définitivement dans la cour des futures grandes, crève l’écran une fois de plus avec son regard azur enflammé qui contraste avec son visage fermé. L’histoire nous emmène là où on s’y attendait le moins. Mieux vaut en savoir le moins possible, évitez de visionner la bande-annonce donc, et laissez vous triturer les nerfs par cette œuvre hautement recommandable et prometteuse.

On est tout d’abord plongé dans la ferveur du marché à bestiaux, très bien capturé, dont l’effervescence se fait ressentir, le réalisateur connaissant son sujet puisqu’il avait déjà filmé des éleveurs bovins en Bourgogne, dans le cadre d’un spectacle. À l’instar d’Hubert Charuel, Naël Marandin saisit le potentiel cinégénique de cette arène où acheteurs et éleveurs s’observent, se toisent, s’affrontent, se crient dessus. C’est là que nous découvrons le jeune couple Constance et Bruno, interprétés par Diane Rouxel donc et Finnegan Oldfield (Exfiltrés d’Emmanuel Hamon, Marvin ou la Belle Éducation d’Anne Fontaine), qui espèrent monter leur propre affaire et doivent pour cela – pour résumer – créer un dossier, qui doit ensuite être validé par une commission. Ils comptent sur le soutien de Sylvain (Jalil Lespert, parfait), charismatique responsable syndical et directeur de la coopérative locale, qui pourrait appuyer leur demande, connaissant les bonnes personnes. Mais un soir, alors qu’il se retrouve seul avec Constance, Sylvain lui fait des avances, commence à la toucher, puis la déshabille…Une scène qui surprend, foncièrement ambiguë, dont on ne sait pas quoi penser en voyant la réaction stoïque de Constance, et dont on se demande ensuite s’il s’agit d’un acte « intéressé » ou si le choc l’a paralysé au point de ne pas pouvoir crier, malgré l’expression d’un premier refus. Rentrant chez elle, Constance garde pour elle ce qui vient de se passer, tandis que son père Bernard, agriculteur en fin de carrière, voit son terrain devenir la proie de ses confrères. Après le rejet de leur affaire, Constance décide finalement d’aller porter plainte à la police contre Sylvain.

On sent bien sûr la longue et difficile préparation des acteurs en amont pour être crédibles dans la peau d’agriculteurs et pour se familiariser avec les bêtes. Surtout que Naël Marandin prend le temps de montrer Constance et Bruno dans leur quotidien, au milieu du bétail, les traits déjà fatigués par le labeur et le lever avant l’aurore. Une immersion qui fonctionne du début à la fin, où l’on ressent aussi les difficultés annexes, financières notamment, surtout pour ceux déboulant officiellement dans le métier, qui doivent affronter l’hostilité et les railleries de leurs concurrents installés depuis toujours. Le réalisateur a vraisemblablement procédé à un long boulot d’investigation, en remarquant la présence des femmes dans ce monde souvent représenté par la gent masculine. Certains diront que le film surfe sur l’incontournable vague #MeToo, ce qui est sûrement vrai, mais La Terre des hommes ne « profite » pas non plus gratuitement de ce phénomène qui a déferlé aussi au cinéma.

Comme dans La Marcheuse, qui parlait d’une femme chinoise qui vendait ses charmes dans le quartier de Belleville, le cinéaste observe une femme prête à se battre dans un monde d’hommes (c’était aussi le cas de Diane Rouxel dans Volontaire), qui connaît parfaitement son métier, qui a grandi entourée des bêtes, auprès de son père bourru et de ses confrères souvent bourrins qui ont du mal à voir les femmes arriver dans les affaires agricoles. Ce petit bout de femme fonce comme une torpille au milieu de cet essaim de bourdons et n’est pas prête à se laisser marcher sur les pieds. C’est pour cette raison que la séquence centrale du film est inattendue et complexe et que l’on a sur le moment du mal à savoir s’il s’agit d’un acte consentant (car peut-être calculé de la part de la Constance) ou d’un viol. Il est évident que chaque spectateur passera par ce questionnement, même si celui-ci ne dure que quelques secondes, la réponse venant d’ailleurs très rapidement après. Cependant, Constance, comme si – connaissant la domination masculine du milieu – s’attendait à y passer, semble beaucoup plus calculatrice qu’on pouvait l’imaginer et va « profiter » de cette situation, pour la retourner à son « avantage ». Elle se rend plus tard chez Sylvain, qui est seul chez lui…

La Terre des hommes prend alors des allures de polar dans un cadre atypique, élégamment dressé par Naël Marandin, qui se révèle être un solide directeur d’acteurs et un brillant conteur, dont on entendra assurément parler ces prochaines années.

LE DVD

75.000 entrées…c’est tout, c’est peu…mais La Terre des hommes bénéficie tout de même d’une sortie en DVD chez Ad Vitam depuis janvier 2022. La jaquette, glissée dans un boîtier Amaray classique de couleur blanche, reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Pour cette édition, Ad Vitam propose deux courts-métrages, formidables, de Naël Marandin, qui annoncent ses longs-métrages :

Corps étrangers (21’, 2007) : Elle est chinoise, tout juste arrivée en France. Perdue dans ce pays dont elle ne parle pas la langue, elle erre dans la banlieue nord de Paris. Lui, fils d’immigrés espagnols, se laisse porter par une vie qui ne le satisfait pas. Sa frustration et le désarroi de la jeune fille les poussent l’un vers l’autre. C’est la rencontre de deux êtres qui n’ont que leur corps comme langage commun.

Sibylle (14’, 2011) : Sibylle peut-elle regagner l’estime d’elle-même aux dépens de l’inconnu qu’elle rencontre ?

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Pas de Blu-ray pour La Terre des hommes donc, mais un beau master Standard quand même. Le film de Naël Marandin, composé essentiellement de plans larges et de gros plans sur les visages des comédiens, est excellemment restitué grâce à un transfert de haute volée. Le piqué est minutieux, les détails fourmillent, le cadre est magnifique et la colorimétrie intense avec un mix de teintes chatoyantes et des gammes froides. Les contrastes sont denses et tranchants, la clarté éloquente. Ce master tient toutes ses promesses et offre de solides conditions pour se (re)plonger dans l’ambiance du film.

Certes ce n’est pas avec La Terre des hommes que vous réaliserez une démonstration acoustique, mais tout de même ! On ne s’attendait pas à un mixage Dolby Digital 5.1 aussi percutant dans son rendu des dialogues et de la musique dont certains pics donnent beaucoup de frissons. A ce moment-là, la spatialisation est ardente, le caisson de basses souligne la partition tandis que divers effets naturels savent plonger délicatement mais sûrement le spectateur dans l’atmosphère du film grâce à un usage intelligent des enceintes latérales. Même chose pour le mixage Stéréo, frontal par définition, les plages de silence sont particulièrement limpides et la balance gauche-droite savamment équilibrée. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Ad Vitam / Diligence Films / France 3 Cinéma / Kien Productions / Les Films Sauvages / L’Agence du court-métrage / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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