Test DVD / Il Medico della mutua, réalisé par Luigi Zampa

IL MEDICO DELLA MUTUA réalisé par Luigi Zampa, disponible en DVD le 16 juin 2020 chez Tamasa Diffusion.

Acteurs : Alberto Sordi, Sandro Merli, Leopoldo Trieste, Sara Franchetti, Bice Valori, Nanda Primavera, Evelyn Stewart, Claudio Gora…

Scénario : Sergio Amidei, Alberto Sordi, Luigi Zampa d’après le roman de Giuseppe D’Agata

Photographie : Ennio Guarnieri

Musique : Piero Piccioni

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1968

LE FILM

Guido Tersilli est un jeune médecin généraliste, dépourvu de patients mais désireux de faire carrière. Après avoir travaillé dans un hôpital, il prend conscience de la concurrence féroce qui agite le milieu médical. Il devient astucieux et décide de séduire la femme d’un médecin de la « Mutua », sur le point de rendre l’âme et qui a dans son portefeuille au moins 2000 patients…

Ce n’est un secret pour personne, du moins pour les cinéphiles, le cinéma italien a été l’un des plus inspirés, l’un des plus prolifiques et l’un des plus grands tout simplement dans les années 1960-70. Du cinéma d’auteur représenté entre autres par Michelangelo Antonioni et Pier Paolo Pasolini, au cinéma d’exploitation où tous les genres étaient abordés, du polar en passant par le western et les films érotiques, tous les passionnés du septième art n’auront jamais assez d’une vie pour découvrir toutes les perles connues ou dissimulées du cinéma transalpin. La comédie a évidemment connu ses grandes heures avec à la caméra les illustres Dino Risi, Mario Monicelli, Ettore Scola, et devant l’objectif les « monstres », Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi, Nino Manfredi et Alberto Sordi. Ce dernier demeure encore aujourd’hui l’un des comédiens les plus aimés de toute cette génération. Archétype, au sens noble du terme, du Romain dans le cinéma italien, Alberto Sordi aura magnifié l’homme lâche, mais pouvant faire acte de bravoure quand il s’agit de s’en sortir dans cette Italie du Boom économique qui en a laissé sur le carreau pendant que d’autres, mieux nés, pouvaient s’octroyer une part importante du gâteau. Dans sa filmographie on ne peut plus conséquente on peut citer Le Cheik blanc (1952) de Federico Fellini, Une fille formidable (1953) de Mauro Bolognini, Un héros de notre temps (1955) et La Grande Guerre (1959) de Mario Monicelli, Le Veuf (1959) et Une vie difficile (1961) de Dino Risi, Le Commissaire (1962) de Luigi Comencini, Il boom (1963) de Vittorio De Sica. Avant d’entamer les années 1970, qui seront marquées pour lui de rôles plus sombres et emblématiques de la situation politique et sociale de l’Italie, Alberto Sordi avait également collaboré avec un cinéaste moins renommé, Luigi Zampa (1905-1991). Les deux hommes s’associeront à six reprises, de 1954 avec L’Art de se débrouillerL’arte di arrangiarsi à Bello, onesto, emigrato Australia sposerebbe compaesana illibata en 1972. Sorti en 1968, Il Medico della mutua est le quatrième film mis en scène par Luigi Zampa avec Alberto Sordi en tête d’affiche. Chef d’oeuvre complètement méconnu en France où il a été exploité sous le titre infâme du Gynéco de la mutuelle, mais triomphe dans son pays, Il Medico della mutua est un constat implacable sur l’état de la médecine moderne, sur l’enrichissement de ceux qui l’exercent et sur celles et ceux qui profitent du système. Comme d’habitude, Alberto Sordi y est immense et sa prestation digne de figurer au panthéon du genre.

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Test DVD / In Fabric, réalisé par Peter Strickland

IN FABRIC réalisé par Peter Strickland, disponible en DVD le 17 mars 2020 chez Tamasa Diffusion.

Acteurs : Sidse Babett Knudsen, Marianne Jean-Baptiste, Julian Barratt, Steve Oram, Jaygann Ayeh, Zsolt Páll, Richard Bremmer, Deborah Griffin, Gwendoline Christie…

Scénario : Peter Strickland

Photographie : Ari Wegner

Musique : Cavern of Anti-Matter

Durée : 1h54

Année de sortie : 2018

LE FILM

La boutique de prêt-à-porter Dentley & Soper’s, son petit personnel versé dans les cérémonies occultes, ses commerciaux aux sourires carnassiers. Sa robe rouge, superbe, et aussi maudite qu’une maison bâtie sur un cimetière indien. De corps en corps, le morceau de tissu torture ses différent(e)s propriétaires avec un certain raffinement dans la cruauté.

Franchement, on ne sait pas ce que Peter Strickland fume en cachette, mais c’est de la bonne ! Avec In Fabric, son quatrième long métrage, le réalisateur et scénariste britannique repousse les limites de son dispositif, quitte à décontenancer de nombreux spectateurs, tout en comblant l’attente de celles et ceux qui le suivent depuis ses débuts. Après Katalin Varga (2009), primé au Festival de Berlin, Berberian Sound Studio (2012), primé à Locarno, et The Duke of Burgundy, film uniquement composé d’actrices, Peter Strickland (né en 1973) continue sur sa lancée et In Fabric témoigne une fois de plus de la singularité de son cinéma marqué par de nombreuses références au genre horrifique, en particulier le giallo. Et c’est une grande réussite.

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Test Blu-ray / Seuls sont les indomptés, réalisé par David Miller

SEULS SONT LES INDOMPTÉS (Lonely Are the Brave) réalisé par David Miller, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Kirk Douglas, Gena Rowlands, Walter Matthau, Michael Kane, Carroll O’Connor, George Kennedy, William Schallert, Karl Swenson…

Scénario : Dalton Trumbo d’après le roman d’Edward Abbey

Photographie : Philip H. Lathrop

Musique : Jerry Goldsmith

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

Au Nouveau-Mexique, Jack Burns, authentique cowboy perdu dans notre monde moderne, retourne volontairement en prison pour aider son ami Paul à s’échapper. Mais comme celui-ci a décidé de purger sa peine jusqu’au bout, Jack s’évade tout seul mais est poursuivi par le shérif Johnson…

Kirk Douglas n’a eu de cesse de le répéter tout au long de sa prestigieuse carrière et de sa très longue vie, Seuls sont les indomptésLonely Are the Brave est toujours resté son film préféré. Le comédien, également producteur, tourne ce faux western et vrai drame existentiel entre El Perdido de Robert Aldrich et Quinze jours ailleurs de Vincente Minnelli, adapté du roman d’Edward Abbey, The Brave Cowboy. Une transposition signée Dalton Trumbo, dont le vrai nom était réapparu au générique d’un film depuis Exodus d’Otto Preminger, après avoir été inscrit sur la liste noire d’Hollywood. Autant dire que Seuls sont les indomptés bénéficie de sérieux atouts, même si le réalisateur David Miller (1909-1992) demeure méconnu. Certaines rumeurs affirment que Kirk Douglas aurait mis en scène une bonne partie du film, mais cela a été démenti depuis. Le cinéaste, auteur de plusieurs pépites comme La Pêche au trésor (1949) avec les Marx Brothers, Le Masque arraché (1952) avec Joan Crawford et Jack Palance et Complot à Dallas (1973) avec Burt Lancaster (encore écrit par Dalton Trumbo) a certes été remplacé quelques jours pour lui permettre de se rendre aux côtés de son père mourant, mais c’est à lui que l’on doit une grande partie de la réussite de The Lonely Brave, chef d’oeuvre crépusculaire et désenchanté, quasi-inclassable, d’une richesse inouïe et merveilleusement interprété.

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Test Blu-ray / Tokyo Joe, réalisé par Stuart Heisler

TOKYO JOE réalisé par Stuart Heisler, disponible en DVD et Blu-ray le 16 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Humphrey Bogart, Alexander Knox, Florence Marly, Sessue Hayakawa, Jerome Courtand, Gordon Jones, Teru Shimada, Hideo Mori…

Scénario : Steve Fisher, Walter Doniger, Cyril Hume, Bertram Millhauser

Photographie : Charles Lawton Jr.

Musique : George Antheil

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1949

LE FILM

Joe Barrett revient à Tokyo après la guerre et retrouve la femme qu’il aimait et qu’il croyait morte. Pour donner un nom à l’enfant qu’elle attendait, Trina s’est mariée avec Mark Landis. Joe souhaite récupérer Trina. Celle-ci lui révèle que sa fille Anya est sa propre fille. Joe va alors accepter de travailler pour le compte du baron Kimura, un baron de la pègre locale…

Eh oui, même le grand Humphrey Bogart a fait des mauvais films ou des films passables ! C’est clairement le cas de Tokyo Joe (1949) qui clôt une décennie exceptionnelle pour le comédien, durant laquelle il aura entre autres enchaîné Le Faucon maltais (1941) de John Huston, Casablanca (1942) de Michael Curtiz, Le Port de l’angoisse et Le Grand Sommeil d’Howard Hawks (1944, 1946), En marge de l’enquête (1947) de John Cromwell, Les Passagers de la nuit (1947) de Delmer Daves, sans oublier Le Trésor de la Sierra Madre (1948) et Key Largo (1948), cette fois encore réalisés par John Huston. La même année que Les Ruelles du malheurKnock on any door de Nicholas Ray, Humphrey Bogart, qui à cette occasion venait de fonder sa société de production Santana, se lance dans l’aventure de Tokyo Joe et propose au cinéaste Stuart Heisler (1896-1971) de le mettre en scène. La seconde équipe est déjà sur le coup et part au Japon pour filmer quelques séquences dans les rues de Tokyo, où se déroule l’histoire, en prenant également une doublure dissimulée sous un chapeau et un Trench Coat bien reconnaissables pour montrer le personnage principal déambuler à droite à gauche. Rétrospectivement, Tokyo Joe sera le premier film américain à être tourné au Japon après la Seconde Guerre mondiale, même si encore une fois, Humphrey Bogart n’y aura jamais mis les pieds à cette occasion. En résulte un film déséquilibré, marqué par quelques jolies scènes entre la star et sa partenaire, la ravissante Florence Marly (vue dans Les Maudits de René Clément), mais qui s’éparpille trop dans sa deuxième partie où l’on finit par perdre le fil et même se désintéresser des personnages. Dommage, car Humphrey Bogart y est comme d’habitude parfait, y compris lorsqu’il fait du surplace devant de (trop) nombreuses transparences.

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Test Blu-ray / La Cible humaine, réalisé par Henry King

LA CIBLE HUMAINE (The Gunfighter) réalisé par Henry King, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Gregory Peck, Helen Westcott, Millard Mitchell, Jean Parker, Karl Malden, Skip Homeier, Anthony Ross, Verna Felton, Ellen Corby, Richard Jaeckel…

Scénario : William Bowers, William Sellers, Andre De Toth

Photographie : Arthur C. Miller

Musique : Alfred Newman

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1950

LE FILM

Considéré comme le meilleur tireur de la région, le hors-la-loi Jimmy Ringo, est constamment défié par des imprudents qui veulent se mesurer à lui. C’est dans cette situation que Jimmy va être obligé d’abattre Eddie. Désormais les trois frères d’Eddie sont à ses trousses, alors que Jimmy souhaite fuir son passé de violence et retrouver sa femme Peggy qu’il aime et dont il a un fils.

Quel merveilleux film ! La Cible humaineThe Gunfighter, ou bien encore L’Homme aux abois pour son titre français alternatif, est peut-être l’un des plus beaux westerns des années 1950. Réalisé par le prolifique Henry King (1886-1982), l’un des fondateurs de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, il s’agit avant tout d’un drame existentiel et psychologique centré sur un homme qui n’a pas choisi de devenir une légende, mais qui grâce à son talent de tireur hors pair est parvenu à se sortir de quelques situations dangereuses, du genre de celles où il vaut mieux tirer le premier plutôt que de ne pas avoir le temps de le faire. La Cible humaine scelle les retrouvailles du cinéaste avec Gregory Peck, deux ans après Un homme de fer Twelve O’Clock High, où les deux hommes avaient été enchantés de leur collaboration. C’est d’ailleurs le comédien qui a su imposer Henry King, après la défection d’Andre De Toth, même si ce dernier avait jusqu’à présent porté le projet depuis le début et participé à son écriture. Andre De Toth est toujours crédité au scénario, mais Henry King a su immédiatement s’approprier l’histoire de ce cowboy singulier, Jimmy Ringo, qui a par ailleurs existé et que l’on retrouvera dans d’autres westerns (Règlements de comptes à OK Corral, Tombstone, Wyatt Earp), qui porte le poids d’une malédiction, celle d’être devenu un mythe vivant en raison de sa dextérité aux armes à feu. Gregory Peck est parfait dans ce rôle d’anti-héros, dont le corps dégingandé paraît fatigué, usé par le fait de devoir être sur la route en permanence, afin d’échapper à ceux qui voudraient se mesurer à lui. La Cible humaine est certes un film court (à peine 1h25), mais il s’avère extrêmement riche et dense dans son approche et dans son portrait dressé du héros de l’Ouest américain. Un chef d’oeuvre absolu.

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Test Blu-ray / Quand les tambours s’arrêteront, réalisé par Hugo Fregonese

QUAND LES TAMBOURS S’ARRÊTERONT (Apache Drums) réalisé par Hugo Fregonese, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Stephen McNally, Coleen Gray, Willard Parker, Arthur Shields, James Griffith, Armando Silvestre, Georgia Backus, Clarence Muse…

Scénario : David Chandler d’après le roman d’Harry Brown

Photographie : Charles P. Boyle

Musique : Hans J. Salter

Durée : 1h15

Date de sortie initiale : 1951

LE FILM

En 1880, dans la ville de Spanish Boot, Sam Leeds se fait chasser car il a tué un de ses concitoyens. Bien que le meurtre ait eu lieu en état de légitime défense, le maire ne veut rien entendre. Ce dernier, du nom de Joe Madden, décide également de faire partir les prostituées. Alors que Sam quitte définitivement la ville, il retrouve les femmes sauvagement assassinées par des Apaches Mescaleros. Ce groupe est en route vers la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis pour rejoindre une guerre et son chemin passe par Spanish Boot…

Réalisateur argentin, Hugo Fregonese (1908-1987) est bien connu des amateurs de westerns, avec des titres aussi réputés que Le Signe des renégats (1951), Passage interdit (1952), Le Raid (1954) ou Les Cavaliers rouges (1964). Mais l’un des sommets de sa carrière demeure Quand les tambours s’arrêterontApache Drums (1951), pourtant totalement ignoré aux Etats-Unis, probablement parce que ce chef d’oeuvre privilégie le suspense et le huis-clos, là où la plupart des westerns de l’époque misaient sur les grands affrontements à ciel ouvert. Merveilleusement mis en scène, Quand les tambours s’arrêteront bifurque progressivement vers le film de genre, puisque toute la deuxième partie se focalise sur des habitants regroupés dans l’église du village, tandis que les indiens, que nous ne verrons qu’à la toute fin, encerclent la bâtisse. Quand on parle de film de genre, c’est qu’Apache Drums annonce pour ainsi dire le film de zombies, avec des indiens semblant assoiffés de sang qui n’apparaissent que sporadiquement et qui ne parviennent à s’introduire dans ce repaire improvisé que par quelques fenêtres dérobées. Ajoutez à cela un immense travail sur les couleurs et sur le son, et vous obtenez un des westerns les plus atypiques et peut-être même des plus ambitieux de l’histoire du cinéma, malgré un budget qu’on imagine restreint et des conditions drastiques de tournage.

A la fin du XIXè siècle, les Apaches Mescaleros, à l’instigation de leur chef Vittorio, sont sur le sentier de la guerre aux abords de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Dans cette zone se trouve la petite ville américaine de Spanish Boot, dont le maire Joe Madden expulse le joueur professionnel Sam Leeds qui vient d’abattre, en état de légitime défense, un autre joueur. Madden expulse dans le même temps les prostituées de la ville, que Leeds parti après elles retrouve non loin de là, massacrées par les Apaches. Il revient alors à Spanish Boot pour prévenir les citoyens du danger.

Quand les tambours s’arrêteront est un film que le spectateur ne peut oublier après l’avoir vu. Pourtant, l’histoire commence de façon standard, le décor est rapidement planté, les personnages suffisamment esquissés. Pas de grande star au générique, l’empathie est immédiate pour tel ou tel protagoniste et même un panneau en introduction indique la raison pour laquelle les indiens emploient la manière forte, non pas pour attaquer, mais au contraire pour défendre leur territoire et trouver de la nourriture. Puis la violence s’immisce progressivement, notamment quand Leeds (Stephen McNally, précédemment vu dans Winchester ’73 d’Anthony Mann) découvre les prostituées exterminées par les Apaches. Le rouge, par le sang versé et par les costumes, parasite l’ocre de la terre et le ciel bleu azur. Au fur et à mesure du récit, formidablement écrit par David Chandler, d’après le roman Stand at Spanish Boot de Harry Brown (L’Orchidée blanche, Iwo Jima, L’Homme à l’affût), l’action se resserre sur les personnages après un gunfight violent avec les Apaches, jusqu’au regroupement dans l’église. La nuit tombe, les fenêtres se colorent d’une teinte rouge orangée (magnifique photographie de Charles P. Boyle), provenant du feu qui brûle à l’extérieur, tandis que le fracas des tambours résonne de plus en plus, créant ainsi une forme de transe qui s’empare des personnages, mais aussi des spectateurs, en espérant que la cavalerie intervienne.

Dernière production du grand Val Lewton (La Féline, Vaudou, L’Homme-léopard, La Malédiction des hommes-chat, Le Récupérateur de cadavres), relativement peu connu des spectateurs, et pour cause puisque le film avait quasiment disparu des radars pendant très longtemps, Quand les tambours s’arrêteront désintègre les codes du western pour s’orienter à la mi-temps vers le film d’épouvante où la peur et l’angoisse vécues par les héros sont ressenties par les spectateurs, plongés comme eux dans cette église encerclée par un ennemi invisible et pourtant omniprésent. Une vraie merveille, dont le culte n’a cessé de s’étendre depuis.

LE BLU-RAY

Il aura donc fallu attendre près de dix ans pour que Quand les tambours s’arrêteront soit enfin disponible en Blu-ray chez Sidonis Calysta, après une première édition en DVD. Il s’agit ici d’une Édition Limitée Blu-ray + DVD. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur reprend les deux présentations disponibles sur le DVD sorti en septembre 2011. Bertrand Tavernier (25’) et Patrick Brion (11’) étaient déjà présents et disaient tout le bien (euphémisme) qu’ils pensaient du film d’Hugo Fregonese. Le premier indique sa rareté (jamais sorti en VHS, en DVD et aucune copie n’était disponible pour les cinémas), avant d’en venir à la carrière du producteur Val Lewton (décédé avant la sortie d’Apache Drums et dont l’influence est explicite sur le film de Fregonese) et d’analyser le film sur le fond comme sur la forme. Bertrand Tavernier déclare qu’il s’agit pour lui d’une des plus belles photographies d’un western des années 1950, tout en revenant sur le casting et le travail sur les couleurs.

Patrick Brion prend énormément de plaisir à parler de Quand les tambours s’arrêteront et de le faire découvrir à ceux qui ne connaîtraient pas encore ce film très rare. L’historien du cinéma aborde ici la carrière du scénariste, du réalisateur et surtout du producteur d’Apache Drums, tout en parlant de ses thèmes, ainsi que du travail du directeur de la photographie Charles P. Boyle.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

La propreté est évidente. Hormis quelques points blancs ici et là et des tâches, les autres poussières ont disparu, aucune griffure ne subsiste. Le cadre 1.37 (16/9) est superbe, la texture argentique préservée, les détails ne manquent pas et les trois bandes chromatiques du Technicolor sont bien alignées, hormis sur les nombreux plans sombres, qui occasionnent quelques flous sur les visages, mais rien de bien méchant. Les contrastes sont à l’avenant. Il s’agit de la première édition HD dans le monde pour Quand les tambours s’arrêteront.

La version française DTS-HD Master Audio 2.0. est quelque peu étriquée, accompagnée d’un souffle chronique et la musique frôle parfois la saturation. En revanche, la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0. instaure un grand confort acoustique, riche, dynamique et propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Universal Pictures / Sidonis Calysta/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Un pacte avec le diable, réalisé par John Farrow

UN PACTE AVEC LE DIABLE (Alias Nick Beal) réalisé par John Farrow, disponible en DVD le 16 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Ray Milland, Audrey Totter, Thomas Mitchell, George Macready, Fred Clark, Geraldine Wall, Henry O’Neill, Darryl Hickman…

Scénario : Jonathan Latimer

Photographie : Lionel Lindon

Musique : Franz Waxman

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1949

LE FILM

Frankie Faulkner, dont les activités sont liées au jeu, propose au procureur Joseph Foster de l’aider à devenir gouverneur. Foster refuse et, grâce au mystérieux Nick Beal, il obtient les livres de comptes qui lui permettent de faire condamner Hanson, un joueur. Cette condamnation conforte la notoriété de Foster à qui Nick Beal propose de l’argent pour sa campagne. Martha, la femme de Foster, lui demande de refuser, mais Foster rencontre Donna Allen, qui le séduit et le conduit à certaines compromissions…

Bien que méconnu en France, le réalisateur américain d’origine australienne John Farrow (1904-1963), né John Villiers Farrow, également scénariste, producteur et comédien, est l’auteur d’un des plus grands mélodrames issus des studios de la RKO, Quels seront les cinq ?Five came back (1939), co-écrit par Dalton Trumbo. Le cinéaste signera lui-même un remake de son propre film en 1956, Les Echappés du néant Back from Eternity, avec Robert Ryan, Anita Ekberg et Rod Steiger. Eclectique, érudit, John Farrow aura touché à tous les genres, du film policier au western, en passant par le film historique, les récits de guerre, le film d’aventure et le thriller. Californie, terre promise, est son premier western, mais aussi sa première collaboration avec le comédien britannique Ray Milland (1907-1986), avec lequel il fera quatre films, dont La Grande horlogeThe Big Clock (1948), Un pacte avec le diableAlias Nick Beal (1949) et Terre damnée Copper Canyon (1950). Aujourd’hui, c’est leur troisième et plus étrange association qui nous intéresse. A la fois film noir, drame politique et film fantastique, Un pacte avec le diable est ce qu’on pourrait qualifier un film de genre, puisque le scénario de Jonathan Latimer (le créateur du personnage de Bill Crane), collaborateur de John Farrow sur une bonne dizaine de longs-métrages, place le personnage de Lucifer, du Malin, du prince des ténèbres, de Belzébuth, de Satan ou comme vous voudrez l’appeler, au milieu d’hommes politiques, en particulier un, sur lequel il a jeté son dévolu. Un pari pour lui puisque l’individu en question est un modèle d’intégrité, d’impartialité, de vertu et de probité. Autant dire que ce n’est pas gagné d’avance mais c’est l’enjeu du diable et où le jeu de Ray Milland prend toute son ampleur. L’acteur se délecte dans ce rôle suintant et tiré à quatre épingles, manipulant les êtres humains comme des pions sur un échiquier dans un seul but, anéantir les valeurs de l’homme le plus honnête du monde, pour mieux s’approprier son âme. Un pacte avec le diable est une sacrée découverte à situer entre Tous les biens de la terreThe Devil and Daniel Webster (1941) de William Dieterle et Angel Heart : Aux portes de l’enfer (1987) d’Alan Parker.

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Test Blu-ray / Le Sillage de la violence, réalisé par Robert Mulligan

LE SILLAGE DE LA VIOLENCE (Baby the Rain Must Fall) réalisé par Robert Mulligan, disponible en DVD et Blu-ray le 7 juillet 2020 chez Rimini Editions.

Acteurs : Lee Remick, Steve McQueen, Don Murray, Paul Fix, Josephine Hutchinson, Ruth White, Charles Watts, Carol Veazie…

Scénario : Horton Foote

Photographie : Ernest Laszlo

Musique : Elmer Bernstein

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Un long voyage en car conduit Georgette Thomas et sa fille à Columbus, petite ville du Texas. Elle vient y retrouver son mari Henry, libéré sur parole, après avoir purgé une peine de prison. Henry partage sa vie entre un travail d’homme à tout faire le jour et des concerts dans des cabarets la nuit. Souvent, alcool et violence sont au rendez-vous.

Pour les cinéphiles, le cinéaste américain Robert Mulligan (1925-2008) reste avant tout le metteur en scène acclamé de Du silence et des ombresTo Kill a Mockingbird, nommé pour l’Oscar du meilleur réalisateur – il en remportera trois dont celui du meilleur acteur pour Gregory Peck – et le Golden Globe du meilleur film dramatique. Dans ce film de 1962 adapté de l’oeuvre de Harper Lee, Robert Mulligan adoptait le point de vue innocent d’une petite fille, témoin du racisme ambiant. Cette jeune protagoniste était alors confrontée à la violence du monde « réel ». L’enfance et l’adolescence sont au coeur de l’oeuvre de Robert Mulligan comme dans Un été 42 (1971), L’Autre (1972) ou Un été en Louisiane (1991). En fait, si le personnage principal du Sillage de la violenceBaby the Rain Must Fall (1965), produit par Alan J. Pakula, est un adulte interprété par Steve McQueen, celui-ci reste marqué et paralysé par son enfance extrêmement violente, en raison d’une mère – adoptive – tyrannique, qui le frappait à coup de ceinture en cuir, de le rabaisser constamment, tuant ses rêves qui se construisaient en lui. Avec sa délicatesse habituelle et son immense sensibilité, Robert Mulligan se focalise sur cet homme de 35 ans, dont le regard blessé et tragique foudroie dès son apparition. C’est là tout le talent de Steve McQueen, qui souhaitait montrer une autre facette de son jeu, en composant un personnage dramatique, poignant, pudique et à fleur de peau, comme un petit garçon emprisonné dans un corps d’adulte. Le Sillage de la violence, titre français pour une fois très intelligent, est une belle et grande découverte.

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Test Blu-ray / Au hasard Balthazar, réalisé par Robert Bresson

AU HASARD BALTHAZAR réalisé par Robert Bresson, disponible en DVD et Blu-ray le 3 mars 2020 chez Potemkine Films.

Acteurs : Anne Wiazemsky, François Lafarge, Philippe Asselin, Nathalie Joyaut, Walter Green, Jean-Claude Guilbert, Pierre Klossowski, François Sullerot, Marie-Claire Fremont, Jean Rémignard…

Scénario : Robert Bresson

Photographie : Ghislain Cloquet

Musique : Jean Wiener

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

La vie d’une petite ville de province aussi anonyme qu’universelle, vue et entendue par un animal, un âne, « Balthazar », à la merci de ses différents maîtres.

Quel film étrange et inclassable ! Quel chef d’oeuvre aussi. Réalisé par Robert Bresson (1901-1999) en 1966, entre Procès de Jeanne d’Arc (1962) et Mouchette (1967), Au hasard Balthazar, auréolé à sortie du prix Méliès, demeure l’un des opus les plus appréciés du réalisateur chez les cinéphiles du monde entier, mais aussi l’un de ses plus complexes, denses, troublants et insolites. En prenant un âne comme personnage principal, et dont le nom donne son titre au film, le cinéaste repousse une fois de plus les limites du Cinématographe comme il l’appelait lui-même, en mettant l’animal, les objets et les êtres humains sur un pied d’égalité, mais en démontrant ainsi la volonté de ces derniers à se croire supérieurs et donc à disposer de tout, y compris de leurs congénères. On suit ainsi l’âne Balthazar au fil d’un récit étiré sur plusieurs et longues années, témoin et victime de la bassesse, de la violence et de la lâcheté de l’homme. Et l’émotion naît de ces plans sur le regard de ce mammifère quadrupède, dont les braiments paraissent alors comme des cris de souffrance ou d’alerte sur les hommes et les femmes qui courent à leur perte et à l’autodestruction.

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Test DVD / Terminal Sud, réalisé par Rabah Ameur-Zaïmeche

TERMINAL SUD réalisé par Rabah Ameur-Zaïmeche, disponible en DVD le 12 mai 2020 chez Potemkine Films.

Acteurs : Ramzy Bédia, Amel Brahim-Djelloul, Slimane Dazi, Salim Ameur-Zaïmeche, Nabil Djedouani, Nacira Guénif-Souilamas, Marie Loustalot, Grégoire Pontécaille…

Scénario : Rabah Ameur-Zaïmeche

Photographie : Camille Clément, Irina Lubtchansky

Musique : Grégoire Pontécaille

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

Dans un pays plongé dans un climat d’insécurité et de conflit armé, un médecin tente malgré tout d’accomplir son devoir au sein d’un centre hospitalier, jusqu’au jour où son destin bascule…

Terminal Sud est le sixième long métrage du réalisateur algérien Rabah Ameur-Zaïmeche (né en 1968), découvert en 2001 avec Wesh Wesh, qu’est-ce qui se passe ?, auréolé du prix Louis-Delluc du premier film. Très vite, le cinéaste est soutenu par la critique et les festivals du monde entier, à l’instar de son second film, Bled Number One (2006), sélectionné dans la catégorie Un certain regard et qui repart avec le Prix de la jeunesse au Festival de Cannes. Deux ans plus tard, Dernier Maquis est à nouveau sélectionné sur la Croisette dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. En 2011, Les Chants de Mandrin se voit couronner par le prix Jean-Vigo. Son cinquième long métrage, Histoire de Judas, est sélectionné au Forum du nouveau cinéma du Festival de Berlin et reçoit le Prix du Jury œcuménique en 2015. Nous en venons donc à Terminal Sud. C’est la première fois que Rabah Ameur-Zaïmeche n’apparaît pas à l’écran dans un film qu’il met en scène. Il offre à Ramzy Bedia – qui faisait déjà une apparition dans Bled Number One – un rôle qui restera probablement l’un des plus beaux de sa carrière et avec lequel le comédien confirme son talent dramatique deux ans après sa belle prestation dans Une vie ailleurs d’Olivier Peyon, dans lequel il donnait la réplique à Isabelle Carré. En dehors du prologue, tendu et qui instaure d’emblée une atmosphère trouble et ambiguë, Ramzy Bedia est de tous les plans et ne cesse d’épater jusqu’au dénouement optimiste et solaire.

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