Test Blu-ray / La Petite soeur du diable, réalisé par Giulio Berruti

LA PETITE SOEUR DU DIABLE (Suor Omicidi) réalisé par Giulio Berruti, disponible en Blu-ray + CD-audio bande originale du film le 15 février 2022 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Anita Ekberg, Alida Valli, Massimo Serato, Daniele Dublino, Laura Nucci, Lou Castel, Paola Morra, Alice Gherardi, Ileana Fraia, Lee De Barriault…

Scénario : Giulio Berruti & Alberto Tarallo, d’après une histoire originale d’Enzo Gallo

Photographie : Antonio Maccoppi

Musique : Alessandro Alessandroni

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1979

LE FILM

Dans la région de Lugano, Soeur Gertrude travaille au sein d’un hôpital prenant en charge des personnes âgées. Après une récente opération d’une tumeur au cerveau, la religieuse a développé une addiction à la morphine, ainsi qu’au sexe, la plongeant peu à peu dans la paranoïa. Et, pour couronner le tout, des patients sont bientôt assassinés dans l’établissement. Très vite, une partie du personnel suspecte Soeur Gertrude d’être la criminelle.

Vous n’aimez pas Le Jour du Seigneur sur France 2 le dimanche matin ? Si comme nous vous n’en savez rien, car qui a pu regarder une fois ce programme dans sa vie, et si vous désirez en savoir plus sur ce qui peut tournebouler une nonne, nous ne saurons que trop vous conseiller de jeter un œil sur La Petite sœur du diable, aka La Nonne qui tue, ou bien encore Suor Omicidi en version originale, et même The Killer Non en anglais ! Il s’agit du deuxième et dernier long-métrage de fiction réalisé par Giulio Berruti (né en 1937), qui aura essentiellement consacré sa vie professionnelle à monter les films des autres, à l’instar du Baba Yaga (1973) de Corrado Farina, ou à assister d’autres cinéastes, comme Mario Amendola sur Mes ennemis, je m’en garde! Dai nemici mi guardo io! (1968), Bruno Corbucci sur I 2 pompieri (1970), quand il ne participait pas lui-même à l’écriture (Croc Blanc et le chasseur solitaire Zanna Bianca e il cacciatore solitario d’Alfonso Brescia), avant de s’adonner au documentaire. La Petite sœur du diable est un film d’exploitation tardif, 1979, dans lequel Anita Ekberg, approchant la cinquantaine, devient une religieuse maquillée comme une voiture volée, qui serait quelque peu dépassée par certains problèmes psychologiques, au point d’être accusée de meurtres. Près de vingt ans après La Dolce vita, la comédienne suédoise alors en pleine traversée du désert, apparaît bien fatiguée et même fracassée dans La Petite sœur du diable, qui peine à maintenir l’intérêt du spectateur du début à la fin, en dépit de bonnes idées de scénario et de mise en scène éparpillées ici et là pendant 1h30. Une curiosité, pas mémorable, mais qui saura tout de même plaire aux aficionados de cinéma Bis.

Sœur Gertrude (Anita Ekberg) découvre qu’elle est atteinte d’une tumeur au cerveau et, pour cette raison, subit une opération délicate. Celle-ci est une réussite, mais Sœur Gertrude est ensuite soumise à un traitement à base de morphine. La nonne finit par devenir toxicomane et mettre la main sur de la drogue devient une véritable obsession. Le comportement de sœur Gertrude semble très déséquilibré : de moments de dépression elle passe à des moments d’euphorie, de la relaxation complète elle passe, brusquement, à des moments de peur et de tension injustifiées. Elle travaille dans une maison de retraite et partage son travail avec des médecins, plusieurs infirmières et une autre religieuse, sœur Mathieu (Paola Morra), qui ressent en son for intérieur une attirance charnelle pour sœur Gertrude, et qui prend les inquiétudes de Gertrude au sérieux. Lorsque des cas de meurtre commencent à se produire dans la clinique, beaucoup soupçonnent que le coupable n’est autre que sœur Gertrude, dont le mode de vie, en raison de sa dépendance à la morphine, est devenu très peu fiable. Après plusieurs meurtres, sœur Gertrude est transférée dans un couvent voisin, où la mère supérieure (Alida Valli), pour éviter les scandales, va devoir prendre une décision disons peu catholique.

« Seigneur, pénètre mon corps ! ».

Ce que l’on retiendra surtout de La Petite sœur du diable, c’est tout d’abord son ambiance, très réussie, instaurée par une excellente utilisation des décors, mais aussi du cadre étrange planté dès le générique, l’ensemble étant très joliment photographié par Antonio Maccoppi (Il medico… la studentessa, Si douce, si perverse, Les polissonnes excitées et La Lycéenne a grandi de Silvio Amadio, La Professoressa di lingue de Demofilo Fidani). Ensuite, les plus polissons se souviendront également des apparitions dénudées de la belle Paola Morra, découverte l’année précédente chez Walerian Borowczyk dans Intérieur d’un couvent Interno di un convento, dans lequel elle revêtait déjà (ou pas) la soutane. La Petite sœur du diable est l’un des sept films que tournera la jeune actrice en l’espace de deux ans, et d’ailleurs dans toute sa carrière. Dans le film de Giulio Berruti, on peut dire qu’elle vole la vedette à Anita Ekberg, non seulement en étant on ne peut plus généreuse avec les spectateurs coquins (même si elle n’égalera jamais Laura Antonelli en douce nonne dans Le Sexe fou de Dino Risi), mais aussi en bénéficiant des scènes les plus marquantes. Anita Ekberg fait un peu de peine à voir dans La Petite sœur du diable, où ce qui lui reste de charisme ne parvient pas à rendre son personnage « attachant ». Ne reste que le côté pathétique de Gertrude, qui se perd de plus en plus dans les quelques voyages cauchemardesques orchestrés par son subconscient, allant jouer de ses charmes (« Soeur Gertrude meurt d’envie de baiser ! ») pour ensuite se mettre à la recherche de sa prochaine dose, tout en essayant de maîtriser ses instincts de violence, sauf quand elle se retrouve face au dentier d’une des pensionnaires…

Giulio Berruti s’inspire librement de l’histoire vraie de Cécile Bombeek, une nonne qui a commis une série de meurtres dans un hôpital gériatrique à Wetteren dans la région flamande de Belgique en 1977. Si le destin du personnage diffère dans le film par rapport à celui qui lui a été réservé dans la vie réelle, le réalisateur « récupère » une matière suffisante pour la remodeler et la façonner à sa guise, avec un manque de rigueur cependant, en inscrivant La Petite sœur du diable dans un registre à mi-chemin entre le giallo et la nunsploitation. Avis aux amateurs !

LE BLU-RAY

C’est donc chez Le Chat qui fume que La Petite sœur du diable fait son apparition (Alléluia !!!) remarquée, dans un magnifique Digipack à trois volets, comprenant bien sûr la galette HD, mais aussi le CD de la musique du film par Alessandro Alessandroni (13 titres pour une durée de près de 45 minutes), que l’auteur de ces mots écoute d’ailleurs en écrivant cette chronique. L’ensemble est confortablement lové dans un fourreau cartonné, dont les visuels font la part belle, non pas à Anita Ekberg, mais à Paola Morra, qui il faut bien le dire, relève le niveau du film. Ce coquin de Frédéric Domont ne s’y est donc pas trompé. Le menu principal est animé et musical. Édition limitée à 1000 exemplaires.

Outre la bande-annonce, cette édition ne comporte qu’un seul supplément, un entretien avec le réalisateur et scénariste Giulio Berruti (46’). Celui-ci démarre d’emblée son interview en revenant sur son éducation très catholique, marquée par la congrégation des Salésiens, sur son parcours professionnel pour le moins atypique et sur son arrivée comme qui dirait inopinée dans le monde du cinéma. Puis, Giulio Berruti évoque les étapes qui l’ont mené à l’écriture et à la mise en scène de La Petite sœur du diable, « dans un contexte de cinéma en crise », en disant qu’il était devenu « anticlérical bien avant ce film ». Puis, on apprend que l’église possédait à cette époque une bonne moitié des circuits de distribution, le Vatican ayant évidemment tenté de bloquer la sortie de son deuxième long-métrage. Les thèmes du film, ses intentions (la recherche de Dieu à travers la drogue, bien que le réalisateur indique n’avoir jamais voulu faire passer de message dans ses oeuvres), le casting, les conditions de tournage, le travail du chef opérateur Antonio Maccoppi, la musique d’Alessandro Alessandroni, les scènes coupées (il manquerait une bobine complète), la réception du film à sa sortie (de bonnes critiques, un bon accueil à Rome), avant que le film soit mis aux enchères en raison de la mise en faillite du distributeur. Puis, Giulio Berruti explique comment il s’est ensuite éloigné de la fiction, pour se consacrer au genre documentaire, même s’il possède encore dans un tiroir le scénario de son « chef d’oeuvre » et qu’il s’étonne de la pérennité de La Petite sœur du diable aujourd’hui.

L’Image et le son

Si le film semble avoir constamment le cul entre deux chaises, on ne peut pas en dire autant de ce superbe master Haute-Définition de La Petite sœur du diable, repris de l’édition Arrow restaurée 2K depuis le négatif original. Les amateurs de grain argentique seront aux anges (s’ils n’ont pas péché, ce dont on doute sérieusement) puisque la texture à la fois organique, fine, élégante à laquelle nous sommes forcément très attachés est bel et bien présente du début à la fin. Excellemment gérée, celle-ci n’entraîne aucun fourmillement et l’ensemble est même redoutablement stable. Ce qui frappe également dans la copie présentée, c’est la luminosité qui éclate dès le générique, et qui met en valeur le regard azur d’Anita Ekberg, avec sa peau diaphane. La gestion des contrastes est à l’avenant (le teint du toujours bronzé Massimo Serato vous aidera à régler la palette chromatique de votre écran), c’est très propre (quelques rayures verticales quand même…), c’est clair, c’est beau quoi !

Propre et dynamique, les mixages italien et français DTS-HD Master Audio 2.0 ne font pas d’esbroufe et restituent parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la partition d’Alessandro Alessandroni. A titre de comparaison, la VO demeure la plus riche et la plus équilibrée du lot. La version française est aussi dynamique, malgré un léger bruit de fond et un rendu forcément plus artificiel. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Le Chat qui fume /Surf Films / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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