Test Blu-ray / Le Sexe fou, réalisé Dino Risi

LE SEXE FOU (Sessomatto) réalisé par Dino Risi, disponible en DVD et Blu-ray le 24 juin 2020 chez LCJ Editions.

Acteurs : Giancarlo Giannini, Laura Antonelli, Alberto Lionello, Duilio Del Prete, Paola Borboni, Carla Mancini…

Scénario : Ruggero Maccari, Dino Risi

Photographie : Alfio Contini

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

Un valet amoureux de sa patronne, un jeune homme qui souhaite séduire une femme de 70 ans, un couple qui ne prend du plaisir que dans l’agressivité, un autre qui aime les lieux publics pour faire l’amour, un employé qui remplace sa femme par une prostituée, un donneur de sperme, une veuve qui venge son mari en épuisant sexuellement l’assassin, un paysan trompé par la femme qu’il aime, un couple qui invite un employé du mari pour raviver la flamme qui les unit… Tant d’histoires tournant autour de la question de l’érotisme en Italie.

Après Les Monstres (1963), Une poule, un train… et quelques monstres (1969) et Moi, la femme (1971), Dino Risi réalise un nouveau film à sketches en 1973 intitulé Le Sexe fou – Sessomatto. Il y dirige Giancarlo Giannni et Laura Antonelli dans neuf segments à travers lesquels ce magnifique couple endosse plusieurs personnages drôles, mélancoliques, monstrueux, en changeant d’apparences physiques à chaque fois. Avec son sens unique et acéré de la satire, Dino Risi égratigne dans Le Sexe fou les pratiques sexuelles de ses concitoyens tout en dressant un portrait au vitriol de l’être humain.

Madame, il est huit heures ! : dès le réveil, une maîtresse de maison fait l’amour à un serveur.

Deux cœurs et une bicoque : deux pauvres se soupçonnent mutuellement de se tromper. Ils font la paix à chaque fois, puis font l’amour tout en parlant de ce qu’ils vont manger le lendemain.

Il n’est jamais trop tard : un avocat néglige sa jeune et belle épouse car il aime les vieilles femmes et une en particulier. Il parvient enfin à faire l’amour avec elle, et même avec la mère nonagénaire de celle-ci.

Lune de miel : deux jeunes mariés font leur voyage de noces à Venise, mais ils ne peuvent pas consommer le mariage à cause de lui. Elle découvre qu’il ne peut faire l’amour que dans les transports publics et ils le feront pour la première fois dans l’ascenseur de leur immeuble.

Reviens, ma poulette : un homme, dont la femme a quitté la maison pour un autre, habille une prostituée pour recréer son épouse dont il est encore amoureux.

Travailleurs italiens à l’étranger : un Italien qui a émigré au Danemark, travaille comme donneur de sperme. Ce jour-là, à l’hôpital, il se masturbe en pensant à la sœur en cornette qui assure le service.

La Vendetta : une veuve sicilienne dont le mari a été tué par la mafia, tue le chef après une nuit d’amour torride. Son cœur n’a pas résisté au traitement. Son mari est ainsi vengé.

Un amour difficile : Saturnino, dit Nino, un jeune homme originaire des Pouilles vient d’arriver à Milan en quête de fortune. Il croit qu’il peut compter sur son frère. Arrivé chez ce dernier, il apprend par l’ancienne femme de son frère que celui-ci a disparu depuis longtemps. Avant de retourner au pays, Saturnino se rend à une soirée dansante, où il rencontre Gilda, une dame fascinante de Milan dont il tombe éperdument amoureux. Les rapports entre eux se révéleront très houleux et Nino subit un premier revers lorsqu’il se rend compte que Gilda est une prostituée. Juste assez de temps pour faire la paix, et le couple souffre d’un autre avatar quand Nino découvre que Gilda n’est pas une femme, mais un travesti. Ce nouvel obstacle surmonté, les choses se compliquent fortement, lorsque les deux réalisent qu’en fait ils sont frères.

L’Invité : la femme d’un industriel, séduit un invité qui est venu à sa maison pour le dîner. Finalement le mari va chasser l’invité et remercier sa femme d’avoir fait ce qu’il demandait. Excité par elle, l’homme saute sur la femme de chambre.

A travers neuf histoires, Dino Risi se penche sur le sujet du sexe pour traiter une fois de plus des relations humaines. Se défendant de faire du cinéma militant, le réalisateur transalpin n’épargne personne, toutes les couches sociales sont touchées, et peu importe le sexe, tous les êtres humains sont des monstres, de gauche comme de droite, de la grande bourgeoisie au prolétariat. Cinéaste humaniste mais profondément ironique, considéré comme le plus pessimiste des réalisateurs italiens, Dino Risi donne à réfléchir sur la place prépondérante du sexe dans la société et se sert de la puissance du cinéma populaire pour lancer des débats après la projection.

Comme le disait le metteur en scène du Fanfaron  « tout est grave mais rien n’est sérieux » , et l’on peut se permettre de rire (facilement) face au jeu survolté de Giancarlo Giannini, véritable homme-orchestre, souvent méconnaissable physiquement mais toujours magnifique. Il s’offrait alors une récréation bien méritée entre Film d’amour et d’anarchieFilm d’amore e d’anarchia, ovvero ‘stamattina alle 10 in via dei Fiori nella nota casa di tolleranza… (1973) et Chacun à son poste et rien ne vaTutto a posto e niente in ordine (1974), tous deux réalisés par sa complice Lina Wertmüller. Face à lui, Laura Antonelli, à l’apogée de sa beauté, profitait de ce film pour renforcer son image de sex-symbol auprès de la gent masculine. Tour à tour Madame Juliette, Celestina, Grazia, Tamara, une nonne, Tiziana et bien d’autres, la comédienne est au sommet de sa carrière, Le Sexe fou faisant suite à Ma femme est un violonIl merlo maschio (1971) de Pasquale Festa Campanile et MaliciaMalizia (1973) de Salvatore Samperi qui l’ont hissé au rang des plus belles actrices du mondes et les plus désirables. Dans le film de Dino Risi, elle nous gratifie de ses charmes affriolants, même si les sketches reposent plus sa prestation multiple que sur sa magnifique poitrine qui apparaît ici et là pour contenter les spectateurs les plus coquins. Le couple est sublime d’alchimie et se retrouvera pour l’oeuvre ultime de Luchino Visconti, L’InnocentL’Innocente (1976).

Si la qualité des segments est inégale, certains sont même un peu longs, on passe un excellent moment et Le Sexe fou n’a rien perdu de sa verve (ou de sa verge) grinçante.

LE BLU-RAY

Quasiment dix ans après sa première édition en DVD chez M6 Vidéo, Le Sexe fou revient dans les bacs en édition standard, mais aussi pour la première fois en Haute-Définition. C’est cette seconde que nous avons eu entre les mains et qui se présente sous la forme d’un boîtier classique de couleur rouge. La jaquette arbore un visuel qui aurait pu être plus attractif, misant entre autres sur la pose coquine de la belle Laura Antonelli vêtue de son costume de nonne. Le menu principal est animé et musical.

Essayiste, historien du cinéma et professeur des universités, Christian Viviani présente Le Sexe fou (19’) et répond aux questions (peu inspirées) d’Henry-Jean Servat. L’invité de LCJ Editions aborde l’histoire du film à sketches dans le cinéma italien, mais aussi la grande popularité des deux comédiens qui a évidemment largement contribué au succès du film dans les salles. Les thèmes, la sortie mondiale du Sexe fou (le film a été exploité dans quelques salles érotiques à New York), l’évolution des mœurs en Italie au début des années 1970 sont évoqués par Christian Viviani, qui indique que Le Sexe fou est sans doute un film plus inégal dans la carrière du grand Dino Risi, mais reste avant tout un témoignage très fort sur une époque révolue.

Le reste de l’interactivité laisse à désirer…

On reste dubitatif quant à l’interview de Philippe Labro (38’30). S’il a effectivement fait tourner Laura Antonelli dans le formidable Sans mobile apparent (sur lequel il revient largement et donne une impression de hors-sujet), le cinéaste semble étonné qu’on lui ait demandé de participer aux bonus du Sexe fou. Henry-Jean Servat, « l’ami des stars », n’aide pas son interlocuteur avec ses questions redondantes et sans véritable fond, d’autant plus qu’il n’évite pas les redondances en dirigeant son entretien vers ce qu’il affectionne le plus, le people, ce qui est totalement déplacé ici et pour ainsi dire vulgaire. Ce qui l’intéresse surtout c’est de faire bifurquer les propos de Philippe Labro vers le scabreux, Laura Antonelli ayant eu son lot de malheurs jusqu’à la fin de sa vie. Heureusement, Philippe Labro, toujours élégant, semble avoir compris ce petit jeu et répond avec courtoisie, tout en comprenant que l’homme en face de lui attendait sans doute des arguments plus croustillants. Tout cela pour dire qu’Henry-Jean Servat n’était indéniablement pas la personne à qui confier les suppléments de Sexe fou, ce qui se vérifie largement dans le bonus suivant.

Bon courage à celles et ceux qui écouteront le portrait de Laura Antonelli dressé par Henry-Jean Servat (28’30). Comme un frère jumeau de Jean-Marc Morandini, « l’ami des stars » présente la carrière de la comédienne, comme un scribouillard de Voici. Le « destin sublime et tragique » de l’actrice, les films qui l’ont révélés et son explosion en tant que sex-symbol sont rapidement évoqués, puis la présentation laisse place aux redondances (on ne sait combien de fois l’adjectif capiteuse est utilisé), aux propos déplacés, irrespectueux et vulgaire (« elle ressemblait à la fille de Quasimodo à la fin de sa vie »), bref, au secours ! Dommage que l’éditeur n’ait pas pu mettre la main sur les 45 minutes de scènes commentées par Jean-Baptiste Thoret disponibles sur l’ancien DVD !

L’Image et le son

Le Sexe fou a été restauré 4K à partir du négatif original, par l’Istituto Luce Cinecittà. Dès le générique, très poussiéreux et au grain hasardeux sur l’ancien DVD, la différence est de taille ! La restauration ne fait aucun doute, les couleurs retrouvent une fraîcheur et la clarté est surtout le gros point fort de cette édition HD. La texture argentique est également mieux gérée, même si des effets de montage occasionnent un léger grumelage lors des transitions entre chaque partie, le teint des comédiens plus naturel, mais les flous d’origine le restent forcément ici. Dans le segment du rêve dans la clinique, l’aspect vaporeux entraîne irrémédiablement une perte de la définition. La copie est également stable, y compris les arrière-plans qui fourmillaient pas mal sur le DVD M6 Vidéo. C’est donc un très beau master HD que nous propose LCJ Editions, qui restitue habilement les partis-pris esthétiques variant selon l’atmosphère – terne ou lumineuse – des sketches.

La version italienne en mono d’origine a été restaurée avec soin, bien que quelques saturations persistent sur les notes aiguës ou lors des cris fréquents des transalpins. Certains passages musicaux vrillent un peu les tympans mais aucun souffle ne dénature l’ensemble, les dialogues demeurent clairs et l’écoute plus que satisfaisante. Une piste française est également disponible et s’avère propre. Le doublage est amusant, l’ensemble dynamique. Le mixage original l’emporte néanmoins sur son homologue français avec une ardeur plus appuyée et un naturel plus évident. Un carton indique que quelques scènes qui avaient été coupées pour l’exploitation française, n’ont jamais été doublées et passent donc directement en version originale sous-titrée en français.

Crédits images : © LCJ Editions & Productions / Dean Films / Cinetirrena / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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