Test DVD / Froide vengeance, réalisé par Shawn Ku

FROIDE VENGEANCE (A Score to Settle) réalisé par Shawn Ku, disponible en DVD et Blu-ray le 1er juillet 2020 chez Studiocanal.

Acteurs : Nicolas Cage, Benjamin Bratt, Noah Le Gros, Karolina Wydra, Mohamed Karim, Ian Tracey, Sean Owen Roberts, Dave Kenneth MacKinnon…

Scénario : John Stuart Newman

Photographie : Mark Dobrescu

Musique : John Kaefer

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

Après 19 ans passés derrière les barreaux pour un crime qu’il n’a pas commis, Frank est libéré en raison d’une maladie incurable. Sachant qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre, il décide d’essayer de se racheter aux yeux de Joey, son fils qu’il n’a pas vu grandir, tout en traquant ses anciens complices. Il les tient en effet pour responsable de son emprisonnement et se montre déterminé à les faire payer un par un cette trahison.

Même s’il enchaîne les films de façon frénétique, surtout depuis les années 2010, Nicolas Cage n’a que très rarement signé de mauvaises prestations. Oubliez TokarevRage de Paco Cabezas et Le ChaosLeft Behind de Vic Armstrong, probablement les deux pires films de sa carrière, car ce n’est pas parce que les œuvres du comédien se multiplient dans les bacs qu’elles sont mauvaises, loin de là. C’est le cas de cette Froide vengeanceA Score to Settle, un des six opus de Nicolas Cage tournés en 2019. Ce qui pose problème, c’est comment le film est vendu un peu partout dans le monde, à la manière d’un Taken avec un Nicky prenant la pose, visage fermé, tenant une batte de baseball ensanglantée. Froide vengeance n’est certainement pas un thriller d’action ou violent, même si le film contient une ou deux scènes quelque peu agitées, mais sans plus. Il s’agit plutôt d’un drame psychologique, où Frank, un mec un bout du rouleau, devenu gravement insomniaque après vingt ans de prison, décide de retrouver ceux pour lesquels il a sacrifié deux décennies, ainsi que son épouse et son fils Joey. Ce dernier vient le retrouver dès sa sortie. Frank décide de rattraper le temps perdu en faisant un point sur sa vie, tout en voulant retrouver ses anciens complices – dont le revenant Benjamin Bratt – qui l’ont laissé tomber. Froide vengeance est un film tout à fait étonnant, qui aurait pu être anecdotique s’il n’était pas porté par un immense Nicolas Cage qui accuse enfin son âge (55 ans au moment du tournage), dont la prestation laisse souvent pantois d’admiration. N’y allons pas par quatre chemins, le comédien trouve ici l’un de ses plus beaux personnages depuis longtemps. Il y est tragique, bouleversant, magnifique.

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Test DVD / Grand Isle, piège mortel, réalisé par Stephen S. Campanelli

GRAND ISLE, PIÈGE MORTEL (Grand Isle) réalisé par Stephen S. Campanelli, disponible en DVD le 22 juillet 2020 chez Program Store.

Acteurs : Nicolas Cage, KaDee Strickland, Luke Benward, Kelsey Grammer, Zulay Henao, Oliver Trevena, Emily Marie Palmer, Beatrice Hernandez…

Scénario : Iver William Jallah, Rich Ronat

Photographie : Eric Moynier

Musique : Josh Atchley

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

Alors qu’un ouragan arrive sur Grand Isle, Walter Franklin et sa séduisante épouse Fancy invitent Buddy, le jeune père de famille qui réparait la clôture du jardin, à se réfugier à la nuit tombée dans leur grande maison victorienne. Quand le lendemain, ce dernier va être suspecté de meurtre par la police, tous les événements de la nuit vont remonter à la surface, révélant de sombres secrets…

S’il n’est pas apparu au cinéma en tête d’affiche depuis 2013 dans Joe de David Gordon Green, Nicolas Cage n’a évidemment jamais arrêté de tourner et n’a de cesse de fleurir les bacs de DVD et de Blu-ray du monde entier. Sa dernière prestation vue sur le grand écran remonte à Snowden d’Oliver Stone, dans lequel il faisait une apparition, mais néanmoins, le comédien oscarisé en 2016 pour Leaving Las Vegas a fait parfois le bonheur de ses aficionados à travers ses multiples Direct To Video. Depuis 2015, Nicolas Cage aura emballé une bonne vingtaine de longs métrages, dont les fort recommandables The Runner d’Austin Stark, Le CasseThe Trust d’Alex et Benjamin Brewer, USS Indianapolis de Mario Van Peebles, Dog Eat Dog de Paul Schrader et Mom and Dad de Brian Taylor. Il y a eu surtout Mandy de Panos Cosmatos, présenté dans de nombreux festivals, Sundance et Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, où le film a fait sensation et démontré que le comédien en avait encore sacrément sous le capot. C’était encore le cas dernièrement avec Color Out of Space de Richard Stanley, un des six films emballés par Nicolas Cage en 2019. Outre le très bon et étonnant Froide vengeanceA Score to Settle de Shawn Ku, dont nous reparlerons très prochainement, se distingue également Grand Isle de Stephen S. Campanelli, thriller dans lequel l’acteur signe une prestation frappadingue comme lui seul en a le secret. Une série B tout ce qu’il y a de plus honnête et inattendue, portée par un Nicolas Cage en grande forme, comme au bon vieux temps.

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Test Blu-ray / Spasmo, réalisé par Umberto Lenzi

SPASMO réalisé par Umberto Lenzi, disponible en DVD et Blu-ray le 5 mars 2020 chez BQHL Editions.

Acteurs : Robert Hoffmann, Suzy Kendall, Ivan Rassimov, Adolfo Lastretti, Franco Silva, Mario Erpichini, Maria Pia Conte, Luigi Antonio Guerra…

Scénario : Massimo Franciosa, Umberto Lenzi, Pino Boller, Luisa Montagnana

Photographie : Guglielmo Mancori

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Playboy et fils d’un riche industriel décédé, Christian tombe sous le charme de Barbara, une jeune et jolie femme qu’il découvre évanouie sur une plage. Lorsque, peu après, il la retrouve sur un yacht, celle-ci l’entraîne dans un maelström d’événements étranges et cruels, de meurtres et de faux-semblants. Avec le sentiment d’être pris au piège d’une gigantesque toile d’araignée, Christian croit trouver la clef de l’énigme en se faisant passer pour mort, y compris auprès de son propre frère, quelqu’un qui paraît beaucoup plus stable que lui sur le plan psychologique…

Umberto Lenzi (1931-2017) est l’exemple typique du réalisateur qui a su suivre la mode, les goûts et les préférences des spectateurs, en passant successivement du film de pirates (Mary la rousse, femme pirate, Les Pirates de la Malaisie) au péplum (Maciste contre Zorro, Hercule contre les mercenaires) dans les années 1960, puis du giallo (Le Tueur à l’orchidée) au poliziottesco (Brigade spéciale, La Rançon de la peur, Le Cynique, l’Infâme et le Violent) dans les années 1970, pour terminer sa carrière dans le genre épouvante (La Secte des cannibales, L’Avion de l’apocalypse). Un cinéaste prolifique, diplômé du Centro Sperimentale di Cinematografia, avec plus de 60 films à son actif réalisés en 35 ans de carrière. Spasmo (1974) apparaît tout juste au milieu de sa carrière. Formidable thriller qui s’éloignait alors du giallo traditionnel, comme le réalisateur l’avait déjà fait avec Le Couteau de glaceIl Coltello di ghiaccio deux ans auparavant, Spasmo est un pur film de mise en scène, reposant sur un scénario machiavélique, intrigant, tortueux et pervers, kafkaïen en diable et incroyablement sombre, qui démontre une fois de plus toute la virtuosité d’Umberto Lenzi que la critique avait coutume de qualifier de simple faiseur.

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Test DVD / Le Désert de la peur, réalisé par J. Lee Thompson

LE DÉSERT DE LA PEUR (Ice Cold in Alex) réalisé par J. Lee Thompson, disponible en DVD le 16 juin 2020 chez Tamasa Diffusion.

Acteurs : John Mills, Sylvia Syms, Anthony Quayle, Harry Andrews, Diane Clare, Richard Leech, Liam Redmond, Allan Cuthbertson…

Scénario : T.J. Morrison, Christopher Landon

Photographie : Gilbert Taylor

Musique : Leighton Lucas

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 1958

LE FILM

Pendant la Seconde Guerre mondiale, un groupe de secours de l’armée anglaise se retrouve séparé des troupes dans le Sahara. Le chemin à parcourir est long et difficile. Le leader de l’équipe ne peut s’empêcher de rêver à la bière glacée qu’il pourra s’offrir en arrivant à Alexandrie.

Réalisateur britannique passé à la postérité avec Les Canons de Navarone (1961) et Les Nerfs à vif (1962), tous deux avec Gregory Peck, J. Lee Thompson (1914-2002) a déjà près de dix films à son actif quand il entreprend Ice Cold in Alex en 1958, connu en France sous le titre Le Désert de la peur. Excellent technicien et ayant dirigé les plus grands acteurs, on lui doit également Tarass Boulba (avec Tony Curtis et Yul Brynner), La Conquête de la planète des singes (1972) suivi l’année suivante de La Bataille de la planète des singes (1973), ainsi que moult longs métrages avec Charles Bronson, avec lequel il s’associera sur près d’une dizaine de films dont le désormais culte (malgré-lui) Le Justicier braque les dealers (1987). Pour l’heure, Ice Cold in Alex est visiblement inspiré d’une histoire vraie comme l’indique un carton en début de film, mais aussi du roman éponyme de l’auteur anglais Christopher Landon. Formidable thriller, road-movie, film de guerre et drame psychologique situé dans le désert de Libye pendant la guerre, Le Désert de la peur se focalise sur une poignée de personnages réunis par le destin, en raison d’une situation exceptionnelle, qui trouveront une forme de rédemption, un refuge, ainsi qu’une sécurité dans ce groupe improvisé. Des thèmes qui seront récurrents dans le cinéma de J. Lee Thompson, tout comme cette prédilection pour les antihéros complexes, qui se révéleront aux autres ainsi qu’à eux-mêmes après un long et périlleux voyage initiatique. Immense réussite, Le Désert de la peur a été un véritable triomphe à sa sortie en Angleterre. A connaître absolument.

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Test Blu-ray / Seuls sont les indomptés, réalisé par David Miller

SEULS SONT LES INDOMPTÉS (Lonely Are the Brave) réalisé par David Miller, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Kirk Douglas, Gena Rowlands, Walter Matthau, Michael Kane, Carroll O’Connor, George Kennedy, William Schallert, Karl Swenson…

Scénario : Dalton Trumbo d’après le roman d’Edward Abbey

Photographie : Philip H. Lathrop

Musique : Jerry Goldsmith

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

Au Nouveau-Mexique, Jack Burns, authentique cowboy perdu dans notre monde moderne, retourne volontairement en prison pour aider son ami Paul à s’échapper. Mais comme celui-ci a décidé de purger sa peine jusqu’au bout, Jack s’évade tout seul mais est poursuivi par le shérif Johnson…

Kirk Douglas n’a eu de cesse de le répéter tout au long de sa prestigieuse carrière et de sa très longue vie, Seuls sont les indomptésLonely Are the Brave est toujours resté son film préféré. Le comédien, également producteur, tourne ce faux western et vrai drame existentiel entre El Perdido de Robert Aldrich et Quinze jours ailleurs de Vincente Minnelli, adapté du roman d’Edward Abbey, The Brave Cowboy. Une transposition signée Dalton Trumbo, dont le vrai nom était réapparu au générique d’un film depuis Exodus d’Otto Preminger, après avoir été inscrit sur la liste noire d’Hollywood. Autant dire que Seuls sont les indomptés bénéficie de sérieux atouts, même si le réalisateur David Miller (1909-1992) demeure méconnu. Certaines rumeurs affirment que Kirk Douglas aurait mis en scène une bonne partie du film, mais cela a été démenti depuis. Le cinéaste, auteur de plusieurs pépites comme La Pêche au trésor (1949) avec les Marx Brothers, Le Masque arraché (1952) avec Joan Crawford et Jack Palance et Complot à Dallas (1973) avec Burt Lancaster (encore écrit par Dalton Trumbo) a certes été remplacé quelques jours pour lui permettre de se rendre aux côtés de son père mourant, mais c’est à lui que l’on doit une grande partie de la réussite de The Lonely Brave, chef d’oeuvre crépusculaire et désenchanté, quasi-inclassable, d’une richesse inouïe et merveilleusement interprété.

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Test Blu-ray / La Cible humaine, réalisé par Henry King

LA CIBLE HUMAINE (The Gunfighter) réalisé par Henry King, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Gregory Peck, Helen Westcott, Millard Mitchell, Jean Parker, Karl Malden, Skip Homeier, Anthony Ross, Verna Felton, Ellen Corby, Richard Jaeckel…

Scénario : William Bowers, William Sellers, Andre De Toth

Photographie : Arthur C. Miller

Musique : Alfred Newman

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1950

LE FILM

Considéré comme le meilleur tireur de la région, le hors-la-loi Jimmy Ringo, est constamment défié par des imprudents qui veulent se mesurer à lui. C’est dans cette situation que Jimmy va être obligé d’abattre Eddie. Désormais les trois frères d’Eddie sont à ses trousses, alors que Jimmy souhaite fuir son passé de violence et retrouver sa femme Peggy qu’il aime et dont il a un fils.

Quel merveilleux film ! La Cible humaineThe Gunfighter, ou bien encore L’Homme aux abois pour son titre français alternatif, est peut-être l’un des plus beaux westerns des années 1950. Réalisé par le prolifique Henry King (1886-1982), l’un des fondateurs de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, il s’agit avant tout d’un drame existentiel et psychologique centré sur un homme qui n’a pas choisi de devenir une légende, mais qui grâce à son talent de tireur hors pair est parvenu à se sortir de quelques situations dangereuses, du genre de celles où il vaut mieux tirer le premier plutôt que de ne pas avoir le temps de le faire. La Cible humaine scelle les retrouvailles du cinéaste avec Gregory Peck, deux ans après Un homme de fer Twelve O’Clock High, où les deux hommes avaient été enchantés de leur collaboration. C’est d’ailleurs le comédien qui a su imposer Henry King, après la défection d’Andre De Toth, même si ce dernier avait jusqu’à présent porté le projet depuis le début et participé à son écriture. Andre De Toth est toujours crédité au scénario, mais Henry King a su immédiatement s’approprier l’histoire de ce cowboy singulier, Jimmy Ringo, qui a par ailleurs existé et que l’on retrouvera dans d’autres westerns (Règlements de comptes à OK Corral, Tombstone, Wyatt Earp), qui porte le poids d’une malédiction, celle d’être devenu un mythe vivant en raison de sa dextérité aux armes à feu. Gregory Peck est parfait dans ce rôle d’anti-héros, dont le corps dégingandé paraît fatigué, usé par le fait de devoir être sur la route en permanence, afin d’échapper à ceux qui voudraient se mesurer à lui. La Cible humaine est certes un film court (à peine 1h25), mais il s’avère extrêmement riche et dense dans son approche et dans son portrait dressé du héros de l’Ouest américain. Un chef d’oeuvre absolu.

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Test Blu-ray / Quand les tambours s’arrêteront, réalisé par Hugo Fregonese

QUAND LES TAMBOURS S’ARRÊTERONT (Apache Drums) réalisé par Hugo Fregonese, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Stephen McNally, Coleen Gray, Willard Parker, Arthur Shields, James Griffith, Armando Silvestre, Georgia Backus, Clarence Muse…

Scénario : David Chandler d’après le roman d’Harry Brown

Photographie : Charles P. Boyle

Musique : Hans J. Salter

Durée : 1h15

Date de sortie initiale : 1951

LE FILM

En 1880, dans la ville de Spanish Boot, Sam Leeds se fait chasser car il a tué un de ses concitoyens. Bien que le meurtre ait eu lieu en état de légitime défense, le maire ne veut rien entendre. Ce dernier, du nom de Joe Madden, décide également de faire partir les prostituées. Alors que Sam quitte définitivement la ville, il retrouve les femmes sauvagement assassinées par des Apaches Mescaleros. Ce groupe est en route vers la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis pour rejoindre une guerre et son chemin passe par Spanish Boot…

Réalisateur argentin, Hugo Fregonese (1908-1987) est bien connu des amateurs de westerns, avec des titres aussi réputés que Le Signe des renégats (1951), Passage interdit (1952), Le Raid (1954) ou Les Cavaliers rouges (1964). Mais l’un des sommets de sa carrière demeure Quand les tambours s’arrêterontApache Drums (1951), pourtant totalement ignoré aux Etats-Unis, probablement parce que ce chef d’oeuvre privilégie le suspense et le huis-clos, là où la plupart des westerns de l’époque misaient sur les grands affrontements à ciel ouvert. Merveilleusement mis en scène, Quand les tambours s’arrêteront bifurque progressivement vers le film de genre, puisque toute la deuxième partie se focalise sur des habitants regroupés dans l’église du village, tandis que les indiens, que nous ne verrons qu’à la toute fin, encerclent la bâtisse. Quand on parle de film de genre, c’est qu’Apache Drums annonce pour ainsi dire le film de zombies, avec des indiens semblant assoiffés de sang qui n’apparaissent que sporadiquement et qui ne parviennent à s’introduire dans ce repaire improvisé que par quelques fenêtres dérobées. Ajoutez à cela un immense travail sur les couleurs et sur le son, et vous obtenez un des westerns les plus atypiques et peut-être même des plus ambitieux de l’histoire du cinéma, malgré un budget qu’on imagine restreint et des conditions drastiques de tournage.

A la fin du XIXè siècle, les Apaches Mescaleros, à l’instigation de leur chef Vittorio, sont sur le sentier de la guerre aux abords de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Dans cette zone se trouve la petite ville américaine de Spanish Boot, dont le maire Joe Madden expulse le joueur professionnel Sam Leeds qui vient d’abattre, en état de légitime défense, un autre joueur. Madden expulse dans le même temps les prostituées de la ville, que Leeds parti après elles retrouve non loin de là, massacrées par les Apaches. Il revient alors à Spanish Boot pour prévenir les citoyens du danger.

Quand les tambours s’arrêteront est un film que le spectateur ne peut oublier après l’avoir vu. Pourtant, l’histoire commence de façon standard, le décor est rapidement planté, les personnages suffisamment esquissés. Pas de grande star au générique, l’empathie est immédiate pour tel ou tel protagoniste et même un panneau en introduction indique la raison pour laquelle les indiens emploient la manière forte, non pas pour attaquer, mais au contraire pour défendre leur territoire et trouver de la nourriture. Puis la violence s’immisce progressivement, notamment quand Leeds (Stephen McNally, précédemment vu dans Winchester ’73 d’Anthony Mann) découvre les prostituées exterminées par les Apaches. Le rouge, par le sang versé et par les costumes, parasite l’ocre de la terre et le ciel bleu azur. Au fur et à mesure du récit, formidablement écrit par David Chandler, d’après le roman Stand at Spanish Boot de Harry Brown (L’Orchidée blanche, Iwo Jima, L’Homme à l’affût), l’action se resserre sur les personnages après un gunfight violent avec les Apaches, jusqu’au regroupement dans l’église. La nuit tombe, les fenêtres se colorent d’une teinte rouge orangée (magnifique photographie de Charles P. Boyle), provenant du feu qui brûle à l’extérieur, tandis que le fracas des tambours résonne de plus en plus, créant ainsi une forme de transe qui s’empare des personnages, mais aussi des spectateurs, en espérant que la cavalerie intervienne.

Dernière production du grand Val Lewton (La Féline, Vaudou, L’Homme-léopard, La Malédiction des hommes-chat, Le Récupérateur de cadavres), relativement peu connu des spectateurs, et pour cause puisque le film avait quasiment disparu des radars pendant très longtemps, Quand les tambours s’arrêteront désintègre les codes du western pour s’orienter à la mi-temps vers le film d’épouvante où la peur et l’angoisse vécues par les héros sont ressenties par les spectateurs, plongés comme eux dans cette église encerclée par un ennemi invisible et pourtant omniprésent. Une vraie merveille, dont le culte n’a cessé de s’étendre depuis.

LE BLU-RAY

Il aura donc fallu attendre près de dix ans pour que Quand les tambours s’arrêteront soit enfin disponible en Blu-ray chez Sidonis Calysta, après une première édition en DVD. Il s’agit ici d’une Édition Limitée Blu-ray + DVD. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur reprend les deux présentations disponibles sur le DVD sorti en septembre 2011. Bertrand Tavernier (25’) et Patrick Brion (11’) étaient déjà présents et disaient tout le bien (euphémisme) qu’ils pensaient du film d’Hugo Fregonese. Le premier indique sa rareté (jamais sorti en VHS, en DVD et aucune copie n’était disponible pour les cinémas), avant d’en venir à la carrière du producteur Val Lewton (décédé avant la sortie d’Apache Drums et dont l’influence est explicite sur le film de Fregonese) et d’analyser le film sur le fond comme sur la forme. Bertrand Tavernier déclare qu’il s’agit pour lui d’une des plus belles photographies d’un western des années 1950, tout en revenant sur le casting et le travail sur les couleurs.

Patrick Brion prend énormément de plaisir à parler de Quand les tambours s’arrêteront et de le faire découvrir à ceux qui ne connaîtraient pas encore ce film très rare. L’historien du cinéma aborde ici la carrière du scénariste, du réalisateur et surtout du producteur d’Apache Drums, tout en parlant de ses thèmes, ainsi que du travail du directeur de la photographie Charles P. Boyle.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

La propreté est évidente. Hormis quelques points blancs ici et là et des tâches, les autres poussières ont disparu, aucune griffure ne subsiste. Le cadre 1.37 (16/9) est superbe, la texture argentique préservée, les détails ne manquent pas et les trois bandes chromatiques du Technicolor sont bien alignées, hormis sur les nombreux plans sombres, qui occasionnent quelques flous sur les visages, mais rien de bien méchant. Les contrastes sont à l’avenant. Il s’agit de la première édition HD dans le monde pour Quand les tambours s’arrêteront.

La version française DTS-HD Master Audio 2.0. est quelque peu étriquée, accompagnée d’un souffle chronique et la musique frôle parfois la saturation. En revanche, la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0. instaure un grand confort acoustique, riche, dynamique et propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Universal Pictures / Sidonis Calysta/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Sillage de la violence, réalisé par Robert Mulligan

LE SILLAGE DE LA VIOLENCE (Baby the Rain Must Fall) réalisé par Robert Mulligan, disponible en DVD et Blu-ray le 7 juillet 2020 chez Rimini Editions.

Acteurs : Lee Remick, Steve McQueen, Don Murray, Paul Fix, Josephine Hutchinson, Ruth White, Charles Watts, Carol Veazie…

Scénario : Horton Foote

Photographie : Ernest Laszlo

Musique : Elmer Bernstein

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Un long voyage en car conduit Georgette Thomas et sa fille à Columbus, petite ville du Texas. Elle vient y retrouver son mari Henry, libéré sur parole, après avoir purgé une peine de prison. Henry partage sa vie entre un travail d’homme à tout faire le jour et des concerts dans des cabarets la nuit. Souvent, alcool et violence sont au rendez-vous.

Pour les cinéphiles, le cinéaste américain Robert Mulligan (1925-2008) reste avant tout le metteur en scène acclamé de Du silence et des ombresTo Kill a Mockingbird, nommé pour l’Oscar du meilleur réalisateur – il en remportera trois dont celui du meilleur acteur pour Gregory Peck – et le Golden Globe du meilleur film dramatique. Dans ce film de 1962 adapté de l’oeuvre de Harper Lee, Robert Mulligan adoptait le point de vue innocent d’une petite fille, témoin du racisme ambiant. Cette jeune protagoniste était alors confrontée à la violence du monde « réel ». L’enfance et l’adolescence sont au coeur de l’oeuvre de Robert Mulligan comme dans Un été 42 (1971), L’Autre (1972) ou Un été en Louisiane (1991). En fait, si le personnage principal du Sillage de la violenceBaby the Rain Must Fall (1965), produit par Alan J. Pakula, est un adulte interprété par Steve McQueen, celui-ci reste marqué et paralysé par son enfance extrêmement violente, en raison d’une mère – adoptive – tyrannique, qui le frappait à coup de ceinture en cuir, de le rabaisser constamment, tuant ses rêves qui se construisaient en lui. Avec sa délicatesse habituelle et son immense sensibilité, Robert Mulligan se focalise sur cet homme de 35 ans, dont le regard blessé et tragique foudroie dès son apparition. C’est là tout le talent de Steve McQueen, qui souhaitait montrer une autre facette de son jeu, en composant un personnage dramatique, poignant, pudique et à fleur de peau, comme un petit garçon emprisonné dans un corps d’adulte. Le Sillage de la violence, titre français pour une fois très intelligent, est une belle et grande découverte.

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Test DVD / Les Envoûtés, réalisé par Pascal Bonitzer

LES ENVOÛTÉS réalisé par Pascal Bonitzer, disponible en DVD le 5 août 2020 chez Blaq Out.

Acteurs : Sara Giraudeau, Nicolas Duvauchelle, Nicolas Maury, Anabel Lopez, Iliana Lolic, Josiane Balasko, Jérôme Kircher, José Luis Gomez, Laurent Pedebernard…

Scénario : Pascal Bonitzer, Agnès de Sacy d’après une nouvelle d’Henry James

Photographie : Julien Hirsch, Pierre Milon

Musique : Bruno Coulais

Durée : 1h37

Année de sortie : 2019

LE FILM

Pour le “récit du mois”, Coline, pigiste pour un magazine féminin, est envoyée au fin fond des Pyrénées interviewer Simon, un artiste un peu sauvage qui aurait vu lui apparaître le fantôme de sa mère à l’instant de la mort de celle-ci… Interview qu’elle est d’autant plus curieuse de faire que sa voisine la belle Azar prétend, elle, avoir vu le fantôme de son père ! Simon, au cours de la nuit de leur rencontre, tente de séduire Coline, qui lui résiste mais tombe amoureuse…

A chaque film, ou presque, réalisé par Pascal Bonitzer, il se crée comme une réaction chimique, une empathie immédiate pour les personnages souvent animés par une fureur de vivre dissimulée derrière un masque de mélancolie. Pour son huitième long-métrage en tant que réalisateur, le scénariste de Raoul Ruiz (La Vocation suspendue, Trois vies et une seule mort), d’André Téchiné (Les Soeurs Brontë, Ma saison préférée), de Jacques Rivette (L’Amour par terre, La Belle Noiseuse) et de Chantal Akerman (Golden Eighties) se frotte au genre fantastique à travers une histoire d’amour contrariée par une présence, celle de la mort, qui happe sans crier gare celles et ceux qui nous sont proches, mais dont l’aura demeure omniprésente. Epaulé par sa coscénariste Agnès De Sacy (Il est plus facile pour un chameau…, Je l’aimais), avec laquelle il avait déjà signé ses deux précédents films, Chercher Hortense (2012) et Tout de suite maintenant (2016), Pascal Bonitzer confirme encore et toujours l’originalité de son cinéma, sa solide direction d’acteurs, son sens pour les dialogues et la délicatesse de sa mise en scène.

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Test Blu-ray (édition Le Chat qui fume) / Laurin, réalisé par Robert Sigl

LAURIN réalisé par Robert Sigl, disponible en combo Blu-ray+DVD le 21 avril 2020 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Dóra Szinetár, Brigitte Karner, Károly Eperjes, Hédi Temessy, Barnabás Tóth, Kati Sir, Endre Kátay, János Derzsi, Zoltán Gera…

Scénario : Robert Sigl

Photographie : Nyika Jancsó

Musique : Hans Jansen, Jacques Zwart

Durée : 1h23

Année de sortie : 1989

LE FILM

Mars 1901, dans un village portuaire allemand, Laurin, âgée d’une douzaine d’années, entend l’appel au secours, à la nuit tombée, d’un petit garçon qu’elle voit, depuis sa fenêtre, se faire enlever par un adulte. Au cours de la même nuit, Flora, la mère de Laurin, aperçoit sur un pont le corps inerte du garçonnet et le visage de son assassin ; on la retrouve morte au matin, son corps gisant au bas du pont. Le père de Laurin, marin, étant souvent absent, la fillette, en proie à d’étranges visions, est désormais confiée à sa grand-mère. Elle se lie bientôt d’amitié avec un camarade de classe, Stefan, qui disparaît à son tour. Un tueur d’enfants rôde dans les alentours, et la curiosité de Laurin la met en grand danger…

Quelle immense découverte ! Quelle beauté ! Chef d’oeuvre dissimulé du cinéma allemand, Laurin, est le premier long métrage (à ce jour le seul pour le cinéma) réalisé en 1989 par Robert Sigl, après deux courts-métrages, Die Hütte (1981) et Der Weihnachtsbaum (1983). Né en 1962, le cinéaste, également comédien, signe un film exceptionnel, à la frontière de plusieurs genres, qui s’inscrit dans la droite lignée de L’Esprit de la ruche (1973) de Victor Erice. Film fantastique, drame sur le deuil, thriller teinté de giallo avec certains éclairages baroques qui rappellent le cinéma de Dario Argento et de Mario Bava, Laurin laisse pantois le spectateur par sa beauté plastique et se révèle par strates jusqu’à un final bouleversant.

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