Test Blu-ray / Monsieur Hire, réalisé par Patrice Leconte

MONSIEUR HIRE réalisé par Patrice Leconte, disponible en combo DVD/Blu-ray le 21 octobre 2020 chez Pathé.

Acteurs : Michel Blanc, Sandrine Bonnaire, Luc Thuillier, André Wilms, Cristiana Réali, Eric Bérenger, Marielle Berthon, Philippe Dormoy…

Scénario : Patrice Leconte, Patrick Dewolf d’après le roman de Georges Simenon

Photographie : Denis Lenoir

Musique : Michael Nyman

Durée : 1h19

Année de sortie : 1989

LE FILM

Monsieur Hire est un tailleur misanthrope, qui espionne par la fenêtre sa voisine d’en face dont il est tombé amoureux. En arrière-plan se déroule une enquête sur le meurtre non résolu d’une jeune femme. Monsieur Hire est soupçonné par l’inspecteur chargé de l’affaire.

Patrice Leconte a toujours été admiratif du film Panique (1946), réalisé par Julien Duvivier, avec Michel Simon et Viviane Romance. L’idée d’un remake lui trottait dans la tête depuis quelques années. C’est alors qu’il apprend que le film est en réalité l’adaptation du roman de Georges Simenon, Les Fiançailles de M. Hire paru en 1933 chez Fayard. Il se rue alors sur le livre et y voit matière pour une nouvelle transposition qu’il entreprend avec son complice Patrick Dewolf, avec lequel il travaille depuis Les Spécialistes (1985). Monsieur Hire est l’un des films les plus atypiques de Patrice Leconte. Froid en apparence, il s’agit en fait d’une réelle histoire d’amour tragique où les sentiments sont tus, mais bouillonnent dans la tête du personnage principal. C’est là le coup de génie du réalisateur, avoir proposé le rôle-titre à Michel Blanc. Lauréat du Prix d’interprétation masculine obtenu au Festival de Cannes en 1986 pour Tenue de soirée de Bertrand Blier, le comédien va encore plus loin dans le registre dramatique avec Monsieur Hire, qui repose en grande partie sur son charisme, sur son visage, sa silhouette et son regard. Un rôle en or pour l’acteur, à voir comme une version sombre et mélancolique de Jean-Claude Dusse, une nouvelle étape dans la carrière respective de Michel Blanc et de Patrice Leconte, qui se retrouvaient pour leur sixième film en commun après Les Bronzés (1978), Les Bronzés font du ski (1979), Viens chez moi, j’habite chez une copine (1980), Ma femme s’appelle reviens (1981), Circulez y’a rien à voir (1983), leur septième en réalité puisque le comédien avait également signé le scénario et les dialogues des Spécialistes. Ils se retrouveront en 1996 avec Les Grands ducs, puis enfin en 2006 avec Les Bronzés 3 : Amis pour la vie.

Qui est Monsieur Hire ? On a du mal à lui donner un âge et on ne sait pas depuis combien de temps il habite cette pension de famille bon marché. Monsieur Hire n’a pas d’amis. Les gens ne l’aiment pas. Mais lui, de son côté, il n’estime pas beaucoup les autres. Il préfère qu’on le laisse tranquille. Il semble attendre son heure, attendre le grand événement qui fera exploser sa vie et le changera à tout jamais. Qui est Alice ? Alice a une vingtaine d’années. Sa chambre se trouve en face de celle de Monsieur Hire. Elle ne sait pas que depuis des semaines, voire des mois, Monsieur Hire passe ses soirées derrière sa fenêtre à la regarder, à épier chacun de ses gestes. Monsieur Hire connaît tous les secrets d’Alice. A son insu, il lui tient compagnie, heure après heure, jour après jour, nourrissant cette passion secrète qui sera le bouleversement tant attendu…

Pourquoi les gens ne vous aiment pas ? Qu’est ce que vous avez fait pour qu’on vous déteste à ce point ?

Difficile de mettre des mots sur Monsieur Hire, un drame introspectif, voire contemplatif, qui flirte bien évidemment avec une intrigue policière, tout en racontant une histoire d’amour impossible et vouée à l’échec dès le départ. Avec son teint blafard qui contraste avec son costume noir, monsieur Hire, Hirovitch de son vrai nom, est un homme discret, qui se fond dans la masse et même dans le décor, qui semble devenir invisible derrière sa fenêtre d’où il peut observer, admirer plutôt, sa belle voisine Alice, interprétée par Sandrine Bonnaire. Mais monsieur Hire est bel et bien distinct des autres individus, puisque la jeune femme l’aperçoit une nuit d’orage, un éclair révélant soudainement le visage fermé de cet homme étrange. Peut-être a-t-il aperçu quelque chose qu’il n’aurait pas dû voir ? Alice décide « d’organiser » une rencontre avec monsieur Hire, mais au fur et à mesure de leurs entrevues, un jeu trouble et complexe va s’instaurer entre les deux voisins. Au milieu de tout cela, traîne un flic retors interprété par André Wilms, qui lancé sur l’enquête d’un meurtre, s’avère prêt à tout pour faire tomber monsieur Hire, que tout, la rumeur surtout, désigne comme étant le tueur présumé.

Patrice Leconte signe un film magistral, préférant inscrire son récit dans une ville indéterminée et à une époque imprécise, justement afin de lui donner un caractère intemporel. Devenu lui-même cadreur de ses propres films depuis Tandem, le cinéaste colle au plus près de ses personnages, comme s’il voulait faire ressentir leur pouls et leur respiration, à l’instar de cette séquence devenue célèbre où monsieur Hire, derrière Alice, hume le parfum de ses cheveux, ou dans cette scène où lors d’un match de boxe, monsieur Hire glisse quelques doigts dans le chemisier d’Alice. Un moment intimiste, tendre et érotique au milieu du brouhaha de la foule qui les entoure.

Monsieur Hire est l’un des personnages incontournables du cinéma français des années 1980. Si Patrice Leconte a décidé d’en révéler le minimum sur son protagoniste, ni riche, ni pauvre, ni beau, ni laid, Michel Blanc (nommé aux César en 1990, la compression sera remise à Philippe Noiret pour La Vie et rien d’autre de Bertrand Tavernier), bouleversant, laisse passer une pléthore de sentiments exacerbés à travers ses yeux ou ses postures. Le personnage incarné par Sandrine Bonnaire, Alice, révèle monsieur Hire aux spectateurs à mesure qu’elle fait elle-même de plus en plus connaissance avec lui. L’envoûtante musique de Michael Nyman (Meurtre dans un jardin anglais de Peter Greenaway, Le Miraculé de Jean-Pierre Mocky) est un écrin parfait qui reflète et complète le personnage, tandis que la photographie parfois monochrome de Denis Lenoir rend compte du monde de monsieur Hire, comme enfermé sous cloche et que plus rien ne pourrait changer. Enfin, la mise en scène de Patrice Leconte est l’une des plus abouties et inspirées de toute sa carrière. En d’autres termes, Monsieur Hire est l’un de ses chefs d’oeuvre et un pilier de sa filmographie.

LE COMBO BLU-RAY/DVD

Parallèlement à ses sorties classiques, L’Enfer des anges, La Mariée est trop belle et Par un beau matin d’été, Pathé a décidé de rendre hommage à Patrice Leconte à travers l’édition de trois de ses longs-métrages, Tandem, Monsieur Hire et Tango, restaurés en 4K et disponibles également en combo Blu-ray+DVD le 21 octobre 2020. Le menu principal est animé et musical, sur lequel on regrettera une fois de plus l’absence du titre du film.

Dommage que Patrice Leconte et Sandrine Bonnaire aient été enregistrés séparément, tant on aurait aimé les écouter échanger sur Monsieur Hire. Néanmoins, ces 37 minutes d’entretiens sont évidemment indispensables et confirment une fois de plus que Patrice Leconte est un des réalisateurs français les plus passionnants. A travers ces propos croisés sont abordés la genèse de Monsieur Hire (tout est parti de la passion de Patrice Leconte pour le film Panique de Julien Duvivier), la découverte du roman de Georges Simenon, le casting et notamment la rencontre Leconte/Bonnaire, les conditions de tournage, la psychologie des personnages, les partis-pris (la photo, les décors), le travail avec Michel Blanc et la musique de Michael Nyman. L’ensemble est également ponctué ici et là de quelques anecdotes.

Nous trouvons aussi un extrait de la conférence de presse organisée à l’occasion de la présentation de Monsieur Hire, alors en compétition officielle au Festival de Cannes en 1989 (22’). En répondant aux journalistes, Patrice Leconte, accompagné ici de Michel Blanc, reprend peu ou prou les mêmes arguments entendus dans le module précédent, parfois même au mot près. De son côté, Michel Blanc est félicité pour son interprétation et parle de sa préparation pour le rôle.

Notons que le DVD de Monsieur Hire, édité par Pathé en 2006, comprenait un commentaire audio de Patrice Leconte, non repris ici, tout comme les essais des comédiens, la bande-annonce, ainsi que divers bonus liés à la présentation de Monsieur Hire au Festival de Cannes.

L’Image et le son

Restauré en 4K, Monsieur Hire fait peau neuve grâce aux bons soins du laboratoire Hiventy. Le cadre large n’a jamais été aussi resplendissant, l’image est lumineuse et les couleurs correspondent enfin aux volontés artistiques de Patrice Leconte et de son directeur de la photographie Denis Lenoir. Le pull bleu d’Alice ou les tomates rouges qu’elle fait tomber dans l’escalier détonnent dans l’environnement très sombre et monochrome de monsieur Hire. La propreté du master impressionne, tout comme le piqué à de multiples reprises, ainsi que la densité des contrastes et la finesse de la texture argentique. C’est stable, c’est beau, élégant, en un mot impeccable.

Exit la piste Dolby Digital 5.1 présente sur le DVD, Monsieur Hire est présenté ici uniquement en DTS-HD Master Audio 2.0, qui fait avant tout la part belle à la musique de Michael Nyman. Les dialogues sont solidement délivrés et le mixage est en parfaite adéquation avec le caractère souvent feutré du récit. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Pathé / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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