ATTENTION AU DÉPART ! réalisé par Benjamin Euvrard, disponible en DVD le 18 décembre 2021 chez M6 Vidéo.
Acteurs : André Dussollier, Jérôme Commandeur, Jonathan Lambert, Nils Othenin-Girard, Charly de Witte, Léo Dussollier, Marie-Julie Baup, Ferdinand Leclère…
Scénario : Benjamin Euvrard, Charly De Witte, Benjamin Dumont & Ingrid Morley-Pegge
Photographie : Vincent Gallot
Musique : Matthieu Gonet
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Rater le train, c’est moche. Alors le voir partir avec vos enfants et ceux de vos amis dont vous avez la charge, c’est une autre histoire… Celle de la folle course-poursuite de Benjamin, papa poule un peu dépassé et Antoine, grand-père fantasque, qui doivent trouver une solution avant qu’on apprenne… qu’ils ont perdu les gosses ! Rattraper le train est leur seule chance de se rattraper…
Mal vendue, sortie face à Bac Nord et Baby Boss 2, la comédie Attention au départ ! s’est tapée un méchant bide dans les salles avec seulement 187.000 entrées. Un score on ne peut plus décevant pour ce genre de divertissement estival, même si la concurrence n’excuse pas tout. Le premier long-métrage de Benjamin Euvrard, créateur de la série Zap Story (2009), mais aussi scénariste, producteur et réalisateur de la série What Ze Teuf, première tweet série française diffusée à la télévision, manque de…bah de tout en fait. De rythme, d’intérêt, d’écriture, de mise en scène, de direction d’acteurs, d’humour aussi sans doute. Si l’ensemble est loin d’être antipathique, Attention au départ ! a du mal à maintenir le spectateur éveillé et parvient trop rarement à tirer profit de son postulat de départ, qui aurait pu donner quelques situations beaucoup plus cocasses. Demeure la fraîcheur absolue du magistral André Dussollier, qui s’amuse comme un gamin du haut de ses 75 ans. Il est incontestablement la raison d’être du film.
LES MÉCHANTS réalisé par Mouloud Achour & Dominique Baumard, disponible en DVD et Blu-ray le 26 janvier 2022 chez Le Pacte.
Acteurs : Roman Frayssinet, Djimo, Ludivine Sagnier, Anthony Bajon, Kyan Khojandi, Mathieu Kassovitz, Alban Ivanov, Samy Naceri…
Scénario : Mouloud Achour & Dominique Baumard
Photographie : Marco Graziaplena
Musique : Nikfurie (La Caution)
Durée : 1h24
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Patrick et Sebastien passent la pire journée de leur vie. En quelques heures, ils deviennent les méchants les plus recherchés de France. La raison ? Une fake news montée de toutes pièces par Virginie Arioule, présentatrice d’une chaine de débat prête à tout pour faire de l’audience, quitte à pactiser avec des trafiquants de clics.
« La France a peur » disait Roger Gicquel en 1976. Et en 2021 il y a des films qui donnent aussi ce sentiment. Les Méchants en fait partie, c’est même le haut du panier. Des trucs filmés qui compilent tout ce qui ne faut pas faire au cinéma. Deux réalisateurs sont crédités. Le premier, Dominique Baumard, qui avait « commis » le scénario de Roulez jeunesse, comédie poussive, pour ne pas dire nulle de Julien Guetta, ainsi que divers épisodes de la série Le Bureau des Légendes. Le second est le « journaliste » et animateur Mouloud Achour, dont on se demandera toujours comment il a fait pour en arriver là, à vouloir s’incruster dans notre foyer par la petite lucarne, où à travers le vide de ses émissions il participe à créer un courant d’air avec la fenêtre de notre cuisine restée ouverte. Ils cosignent Les Méchants, leur premier long-métrage, à la fois au « scénario » et à la « mise en scène », gigantesque accident industriel d’une platitude confondante, laide à regarder, vide d’intérêt, interprété par des acteurs en carton (et toute une série de caméos du style Omar Sy, Vincent Cassel, même si Camelia Jordana et Assa Traoré manquent à l’appel), d’une immaturité assez dingue et surtout d’une vulgarité tellement gratuite qu’elle en devient pathétique et finalement représentative des deux instigateurs de ce gigantesque navet. Vous cherchiez le pire film de l’année passée ? Le voici.
PERDITA DURANGO réalisé par Álex de la Iglesia, disponible en édition 4K Ultra HD + Blu-ray depuis le 22 novembre 2021 chez Extralucid Films.
Acteurs : Rosie Perez, Javier Bardem, Harley Cross, Aimee Graham, James Gandolfini, Screamin’ Jay Hawkins, Carlos Bardem, Demián Bichir…
Scénario : Barry Gifford, David Trueba, Álex de la Iglesia & Jorge Guerricaechevarria, d’après le roman de Barry Gifford
Photographie : Flavio Martínez Labiano
Musique : Simon Boswell
Durée : 2h10
Année de sortie : 1997
LE FILM
Perdita Durango, une femme solitaire venu au Mexique répandre les cendres de sa soeur, rencontre l’étrange Roméo Dolorosa un tueur sans scrupule adepte de magie noire vaudou. Les deux protagonistes deviennent amants Dans leur périple de sexe et violence ils kidnappent un jeune couple américain en vacances au Mexique. Toujours sur un mauvais coup, Dolorosa se voit confier le transport d’un camion rempli de fœtus pour le compte de la mafia. Mais la route menant jusqu’à Las Vegas sera parsemée de policiers, d’assassins, de journalistes et par les parents des jeunes gens enlevés…
Quasiment deux ans jour pour jour après LeJour de la bête, Álex de la Iglesia livrait son troisième long-métrage, Perdita Durango, nouvelle bombe cinématographique comme lui seul en a le secret, même si le réalisateur reprenait ici un projet destiné auparavant à son compatriote Bigas Luna. Le film devait à la base réunir Javier Bardem, Madonna et Dennis Hopper, puis dans un deuxième temps Victoria Abril, Johnny Depp et Ray Liotta. Finalement, après la reprise en main par Álex de la Iglesia, Javier Bardem est confirmé, mais le rôle-titre est confié à la torride Rosie Perez, d’origine portoricaine, découverte en 1989 dans Do the Right Thing de Spike Lee, vue ensuite en 1991 dans Night on Earth de Jim Jarmusch, et surtout en 1992 dans Les Blancs ne savent pas sauter – White Men Can’t Jump de Ron Shelton, dans lequel elle interprète la petite amie explosive et caliente de Woody Harrelson. Dans Perdita Durango, elle trouve l’un des rôles de sa vie et signe une prestation flippante, qui n’a rien à envier à celle de son partenaire, qui repousse les limites une fois de plus. Álex de la Iglesia embarque son audience dans les aventures mouvementées et violentes de ces « tueurs nés latinos », dans un environnement qui rappelle beaucoup celui de U Turn – Ici commence l’enfer d’Oliver Stone, pourtant sorti en même temps, le même mois, la même année. Particulièrement dérangeant, Perdita Durango n’est certainement pas un film « aimable », le cinéaste s’amusant à pousser les spectateurs dans ses retranchements, son empathie pour des personnages non seulement outranciers, mais aussi criminels et agressifs. C’est une expérience à part entière, pas forcément réussie du début à la fin, comme la plupart des œuvres du metteur en scène qui comme d’habitude a cette fâcheuse tendance à s’éparpiller, mais force est de constater que Perdita Durango n’a absolument rien perdu de sa force et de son aura un quart de siècle après sa sortie.
LES AMOURS D’ANAÏS réalisé par Charline Bourgeois-Tacquet, disponible en DVD le 6 janvier 2022 chez France Télévisions Distribution.
Acteurs : Anaïs Demoustier, Valeria Bruni Tedeschi, Denis Podalydès, Jean-Charles Clichet, Xavier Guelfi, Christophe Montenez, Anne Canovas, Bruno Todeschini…
Scénario : Charline Bourgeois-Tacquet
Photographie : Noé Bach
Musique : Nicola Piovani
Durée : 1h38
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Anaïs a trente ans et pas assez d’argent. Elle a un amoureux qu’elle n’est plus sûre d’aimer. Elle rencontre Daniel, à qui tout de suite elle plaît. Mais Daniel vit avec Émilie… qui plaît aussi à Anaïs. C’est l’histoire d’une jeune femme qui s’agite. Et c’est aussi l’histoire d’un grand désir.
On la découvre au cinéma en 2000 dans Le Monde de Marty de Denis Bardiau, dans lequel elle joue aux côtés de Camille Japy et Michel Serrault. Elle a alors 12 ans. Trois ans plus tard, Michael Haneke lui offre un rôle de choix dans Le Temps du loup, aux côtés d’Isabelle Huppert, Maurice Bénichou et Béatrice Dalle. Puis, en 2006 et 2007, tout s’accélère. On la voit chez Raphaël Jacoulot (Barrage), elle obtient son premier grand rôle chez Isabelle Czajka (L’Année suivante), tâte du divertissement grand public chez James Huth (Hellphone) et Alexandre Leclère (Le Prix à payer), avant de devenir une égérie du cinéma d’auteur hexagonal. En peu de temps, Anaïs Demoustier passera devant la caméra de Christophe Honoré (La Belle personne), Pascal-Alex Vincent (Donne-moi la main), Rebecca Zlotowski (Belle Épine), Robert Guédiguian (Les Neiges du Kilimandjaro), Claude Miller (Thérèse Desqueyroux), Bertrand Tavernier (Quai d’Orsay), Pascale Ferran (Bird People) et bien d’autres. Tout le monde se l’arrache depuis plus de dix ans et elle est devenue l’une de nos comédiennes les plus brillantes et attachantes. Un César de la meilleure actrice viendra la couronner en 2020 pour Alice et le maire de Nicolas Pariser. Les Amours d’Anaïs est une ode à la comédienne née en 1987. Dans le premier long-métrage de Charline Bourgeois-Tacquet (née en 1986), elle est de tous les plans, filmée sous tous les angles, y compris en tenue d’Ève, illumine le cadre comme un rayon de soleil quand elle le traverse de façon fulgurante, la caméra ayant même du mal à la suivre dans sa course folle contre la peur, l’ennui et le réel. Comédie légère et estivale, à la fois burlesque, sentimentale, pour ne pas dire initiatique, Les Amours d’Anaïs est une première œuvre très prometteuse, doublée d’un hommage à l’un des astres du cinéma français hexagonal contemporain.
LA BÊTE DE GUERRE (The Beast of War) réalisé par Kevin Reynolds, disponible en DVD et Blu-ray le 5 janvier 2022 chez ESC Editions.
Acteurs : George Dzundza, Jason Patric, Steven Bauer, Stephen Baldwin, Don Harvey, Kabir Bedi, Erick Avari, Chaim Jeraffi…
Scénario : William Mastrosimone, d’après sa pièce
Photographie : Douglas Milsone
Musique : Mark Isham
Durée : 1h49
Année de sortie : 1988
LE FILM
En 1981, un détachement soviétique investit un village afghan soupçonné d’abriter des résistants. Après avoir été sommé de parler, un homme est écrasé par un char sous les yeux de sa fille. Les villageois jurent alors de venger leurs morts et se lancent à la poursuite du char. A bord de l’engin, la tension monte entre le commandant Daskal, une véritable brute, et le pilote Koverchenko, en proie au doute.
Attention, film coup de poing ! Juste avant Robin des Bois, prince des voleurs – Robin Hood: Prince of Thieves (1991) et bien sûr Waterworld (1995), Kevin Reynolds (né en 1952) signait un coup de maître avec son deuxième long-métrage, La Bête de guerre – The Beast of War, réalisé en 1988. Trois ans après son premier coup d’essai, Une bringue d’enfer – Fandango, comédie-dramatique dans laquelle il dirigeait pour la première fois Kevin Costner, le cinéaste se penche sur un sujet brûlant, la guerre d’Afghanistan, en se focalisant sur un char russe au début des années 1980. Si l’on oublie le fait que les soviétiques s’expriment dans la langue de Shakespeare, La Bête de guerre est un véritable uppercut, un film de guerre inoubliable, souvent classé dans les hits des plus grands films du genre, qui a pour particularité d’adopter les deux points de vue opposés. Sans doute l’une des chasses à l’homme les plus prenantes et implacables de l’histoire du cinéma.
BEETHOVEN réalisé par Brian Levant, disponible en Blu-ray et combo Blu-ray + DVD le 2 février 2022 chez Elephant Films.
Acteurs : Charles Grodin, Bonnie Hunt, Dean Jones, Oliver Platt, Stanley Tucci, Nicholle Tom, Christopher Castile, Sarah Rose Karr, David Duchovny…
Scénario : John Hughes & Amy Holden Jones
Photographie : Victor J. Kemper
Musique : Randy Edelman
Durée : 1h25
Date de sortie initiale: 1992
LE FILM
La famille Newton a tout pour être heureuse … Pourtant, elle sent qu’il lui manque quelque chose. Ce manque va être comblé par un chiot, tout juste échappé des griffes de ravisseurs de chiens. Les Newton baptisent le chiot Beethoven et celui-ci grossit, grossit … au point d’atteindre 85 kilos ! Pendant ce temps, le docteur Varnick, un terrible vétérinaire, met au point en secret des produits qui nécessitent des expériences sur les chiens. Et l’adorable Saint Bernard figure sur la liste du vétérinaire …
Bien loin de Cujo (1983) de Lewis Teague, adapté du roman éponyme de Stephen King, et encore plus loin (dans le temps) de Barry (1949) de Richard Pottier, avec Pierre Fresnay et Simone Valère, voici Beethoven, gros carton inattendu de l’année 1992, produit pour 19 millions de dollars et qui allait en engranger près de 150 millions à travers le monde. Trente ans après sa sortie, Beethoven demeure un très grand spectacle familial, qui repose autant sur le « charisme » de son énorme toutou affectueux, maladroit, courageux et cinglé, que sur l’immense talent du regretté Charles Grodin, de la douce Bonnie Hunt et de leurs trois rejetons. Réalisé par Brian Levant, futur metteur en scène de La Famille Pierrafeu – The Flintstone (1994) version live et de La Course au jouet – Jingle All the Way (1996) avec Arnold Schwarzenegger, qui venait de signer Junior le terrible 2 – Problem Child 2 (ça y est, vous avez la scène du vomi à la fête foraine dans la tête), Beethoven est on peut le dire un classique de la comédie américaine des années 1990, dont le succès allait engendrer pas moins de sept suites (dont six sorties directement en vidéo, avec un autre casting) jusqu’en 2014, mais aussi une série animée de 26 épisodes en 1994. Intemporel, Beethoven, créé par John Hughes (au scénario) et Ivan Reitman (à la production), n’a eu de cesse de faire de nouveaux adeptes auprès des générations suivantes et reste pour les autres ce qu’on appelle un « film-doudou ».
George Newton est catégorique. Il ne cédera pas aux suppliques de ses trois enfants, Ryce, Ted et Emily, et jamais ne les autorisera à adopter un chien, quelle que soit sa race. Mais voilà qu’un ravissant petit saint-bernard sans feu ni lieu vient pleurer à la porte du domicile familial. George commence par faire montre de la même inflexibilité puis, subjugué par les caresses de ses enfants et de sa femme, Alice, il finit par offrir un accueil provisoire au canidé. Il se met en quête du maître de l’animal et découvre un sinistre vétérinaire, spécialisé dans les expériences sur les gros animaux. Le chien, baptisé Beethoven, fait tout ce qu’il peut pour se rendre utile. George, cependant, continue de le détester violemment…
TOUT S’EST BIEN PASSÉ réalisé par François Ozon, disponible en DVD et Blu-ray le 1er février 2022 chez Diaphana.
Acteurs : Sophie Marceau, André Dussollier, Géraldine Pailhas, Charlotte Rampling, Éric Caravaca, Hanna Schygulla, Grégory Gadebois, Judith Magre, Jacques Nolot, Daniel Mesguich, Nathalie Richard
Scénario : François Ozon, d’après le roman d’Emmanuèle Bernheim
Photographie : Hichame Alaouie
Durée : 1h48
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Emmanuèle, écrivaine épanouie, se précipite à l’hôpital. Son père André vient de faire un AVC. Fantasque, aimant passionnément la vie mais diminué, il demande à sa fille de l’aider à en finir. Avec l’aide de sa sœur Pascale, elle va devoir choisir : accepter la volonté de son père ou le convaincre de changer d’avis.
Vingtième long-métrage du prolifique François Ozon mis en scène depuis 1998, Tout s’est bien passé est l’adaptation du roman éponyme d’Emmanuèle Bernheim (décédée en 2017), inspiré de sa propre histoire, qui avait déjà fait l’objet du documentaire Etre vivant et le savoir, réalisé par Alain Cavalier en 2019. Cette dernière, coscénariste de Sous le sable (2000), Swimming Pool (2003), 5×2 (2004) et Ricky (2009), avait proposé au cinéaste de transposer son livre à sa sortie en 2013, mais le réalisateur avait poliment décliné, ne se sentant pas prêt de s’y confronter, ou n’ayant tout simplement pas envie à ce moment de sa propre existence. Depuis, de l’eau a coulé les ponts sans doute et François Ozon (né en 1967) a décidé d’y revenir. Pour cela, il offre à Sophie Marceau l’un des meilleurs rôles de sa carrière. La comédienne retrouve en effet de sa superbe, d’ailleurs celle-ci n’avait pas été à pareille fête depuis L’Homme de chevet de Alain Monne et Ne te retourne pas de Marina de Van, tous les deux sortis en 2009. Elle est magnifique dans ce rôle complexe, attachant, déchirant et drôle, car contrairement à ce que l’on pourrait penser Tous s’est bien passé a beaucoup d’humour. Mais l’autre grande idée du film est d’avoir associé la star à la sublime Géraldine Pailhas, qui renoue avec François Ozon après 5×2 (2004) et Jeune et Jolie (2013). Les deux actrices sont confondantes de vérité dans le rôle de deux sœurs confrontées à la maladie soudaine de leur père, remarquablement interprété par André Dussollier, dans le rôle le plus complexe du film. Si la mise en scène est volontairement effacée, Tout s’est bien passé est assurément l’un des opus les plus « facile d’accès » du réalisateur, l’un des plus empathiques et simples, même si son sujet principal a pu rebuter une partie des spectateurs. Tout s’est bien passé n’aura attiré finalement que 256.000 spectateurs en septembre 2021, ce qui place le film en 14e position dans la carrière de François Ozon, derrière Le Temps qui reste (2005) et devant Ricky (2009). Espérons que sa sortie en DVD et Blu-ray lui donne une deuxième chance, ce dont nous ne doutons pas.
LA CHASSE (Cruising) réalisé par William Friedkin, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 19 janvier 2022 chez Colored Films.
Acteurs : Al Pacino, Paul Sorvino, Karen Allen, Richard Cox, Don Scardino, Joe Spinell, Jay Acovone, Randy Jurgensen…
Scénario : William Friedkin, d’après le roman de Gerald Walker
Photographie : James A. Contner
Musique : Jack Nitzche
Durée : 1h42
Année de sortie : 1980
LE FILM
Plusieurs crimes sont perpétrés à New York sur des homosexuels adeptes de pratiques sado-masochistes. Steve Burns, un jeune policier, est chargé de l’enquête et doit, pour ce faire, infiltrer le milieu gay de Greenwich Village…
Après French Connection (1971), récompensé par cinq Oscars, deux BAFTA et trois Golden Globes, puis L’Exorciste (1973), deux Oscars et quatre Golden Globes, William Friedkin peut faire tout ce qu’il souhaite à Hollywood. Cela va être le cas, mais rien ne va se passer comme prévu. Le Convoi de la peur – Sorcerer est un échec commercial très grave, qui sort dans l’ombre d’un certain Star Wars. Le temps fera son affaire, mais pour l’heure, le réalisateur doit absolument se refaire une santé au box-office. Pour ce faire, il accepte de prendre les manettes de Têtes vides cherchent coffres pleins – The Brink’s Job, comédie policière inspirée par un fait divers réel, avec un casting quatre étoiles, Peter Falk, Peter Boyle, Warren Oates, Gena Rowlands et Paul Sorvino. Mais cette fois encore, le public ne répond pas à l’appel. Le producteur Jerry Weintraub (Nashville de Robert Altman) lui propose alors la transposition du roman Cruising (Piège à hommes en France) de Gerald Walker (journaliste criminel au New York Times), publié en 1970, qui narre l’histoire d’un policier infiltré, à la recherche d’un tueur en série qui sévit dans le milieu gay sado-maso new-yorkais. Mais William Friedkin rechigne, trouvant que le livre a déjà vieilli. Certains éléments récents, quelques histoires sordides de corps ou de membres repêchés, vont toutefois éveiller sa curiosité et le cinéaste décide finalement de lier ces événements à l’intrigue du roman, tout en commençant à se documenter sur le milieu dans lequel se déroulerait le film. La suite, les cinéphiles la connaissent plus ou moins. Le tournage de Cruising – La Chasse est marqué par l’omniprésence d’activistes homosexuels, qui manifestent et perturbent les prises de vue, pensant que comme des gays sont tués dans le film, celui-ci ne peut être qu’homophobe. Au coeur de la controverse car acteur principal, Al Pacino est menacé et escorté par des gardes du corps. Il ne participera pas à la promotion de Cruising à sa sortie et gardera un souvenir amer, autant du tournage que du montage final de William Friedkin, qu’il accuse d’avoir trahi son personnage. Quarante ans après, La Chasse est probablement devenu l’un des opus préférés du réalisateur de la part des passionnés de cinéma. Véritable plongée asphyxiante et foncièrement ambiguë dans un monde interlope, complètement méconnu à l’époque, Cruising est un film peu aimable et très dérangeant, il le sera d’ailleurs toujours. Pourtant, thriller admirable, politiquement incorrect, qui malmène constamment le spectateur en l’emmenant sur un territoire où il n’a aucun repère, La Chasse est un film vers lequel on n’a de cesse de revenir, car il s’en dégage un mystère insondable, et lorsque l’on pense en avoir saisi la teneur, le regard face caméra d’Al Pacino réinitialise pour ainsi dire nos analyses et réamorcent nos certitudes. Chef d’oeuvre.
ON L’APPELLE CATASTROPHE réalisé par Richard Balducci, disponible en DVD depuis le 21 août 2016 chez LCJ Editions & Productions.
Acteurs : Michel Leeb, Michel Galabru, Darry Cowl, Carol Lixon, Ibrahim Seck, Pierre Doris, Billy Kearns…
Scénario : Richard Balducci
Photographie : Marcel Combes
Musique : Cécil Maury
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1983
LE FILM
Alors qu’il pensait passer une soirée paisible en compagnie de sa fiancée, Antoine Malibran se retrouve malgré lui mis en cause dans un hold-up, et atterrit en prison. Sans le vouloir, il parvient à s’évader. Lorsqu’il retourne dans sa cellule de son propre gré, il fait l’étonnement des gardiens et des autres détenus.
Attention nanar ! Et celui-là il est beau hein ! Réalisation, Richard Balducci. Scénario, Richard Balducci. Dialogues, Richard Balducci. Cela devrait déjà suffire pour attirer votre curiosité et si ce n’est pas le cas, relisez la chronique de N’oublie pas ton père au vestiaire. Alors, quand on sait qu’On l’appelle Catastrophe est interprété par un Michel Leeb, 35 ans ici, livré à lui-même, on fonce tête baissée ou on met le nez dedans immédiatement plutôt. Navrant du début à la fin, donc forcément jubilatoire, mais pas comme le metteur en scène l’attendait, On l’appelle Catastrophe est pour ainsi dire un « véhicule de star » pour son acteur principal, dans le sens où celui-ci n’avait pas encore une grande renommée, puisqu’il ne fera son premier Olympia qu’un an après le film de Richard Balducci. Au moment où ce dernier sort sur les écrans, l’humoriste commence à se produire dans quelques émissions de télévision, où son sketch de l’Africain cartonne. 1983 est comme qui dirait une année matricielle dans la carrière de Michel Leeb, qui avait fait sa première apparition au cinéma dans Godefinger ou certaines chattes n’aiment pas le mou de Jean-Pierre Fougéa (ça ne s’invente pas), et revoir cette comédie quarante ans après sa sortie en dit long sur l’évolution de l’humour au fil des décennies, mais aussi et surtout sur celle des mœurs, car il est évident qu’un film comme On l’appelle Catastrophe compile TOUT ce que l’on ne pourrait plus faire aujourd’hui. Quant à savoir si c’est tant mieux ou dommage, cela serait sans doute trop long à étayer. Toujours est-il qu’on ne peut pas s’empêcher de sourire devant ce spectacle absolument consternant, piteusement emballé, mais ô combien rafraîchissant car complètement régressif.
Antoine Malibran, un jeune projectionniste trop influencé par les héros des films qu’il projette, se trouve entraîné, malgré lui, dans une suite d’aventures rocambolesques, à la suite d’une banale confusion de voiture. Il se trouve impliqué dans l’attaque à main armée de la banque de la Seine. Antoine ne faisait qu’attendre sa petite amie Carole, caissière de la banque, mais les apparences sont contre lui et il est mis en prison avant même d’avoir compris pourquoi. Coincé entre les quatre murs de sa cellule, il en sort, sans le vouloir, en s’endormant dans la voiture du directeur. Réintégrant sagement la prison par honnêteté, il en devient « le caïd ». Plus tard, grâce à un coup d’Etat, il se retrouve Conseiller Principal d’un nouveau Président africain, et son ambassadeur en France. Non sans avoir, sur le chemin du retour, maîtrisé un terroriste tentant vainement de détourner son avion.
Ah ça oui il se donne à fond Michel Leeb dans On l’appelle Catastrophe, probablement conscient de la chance qui lui est donnée de laisser libre cours à sa fantaisie, à ses grimaces et à ses imitations ! Tout y passe, Jean-Paul Belmondo, Jean Gabin, Jean-Pierre Marielle et même E.T. ! Mais la cerise sur le gâteau demeure évidemment sa rapide caricature du chinois (attention, grosse blague sur l’efficacité d’un tailleur asiatique) et surtout de l’Africain, puisque le dernier acte, qui se déroule au Gabon, amène le personnage principal aux côtés d’un dictateur frappadingue (pléonasme) génialement interprété par Ibrahim Seck (le domestique de Louis de Funès dans Le Tatoué), auprès duquel Antoine va se laisser imprégner par ce pays, ses couleurs locales et bien sûr son accent. Devenu le conseilleur du dictateur, Antoine va s’adresser aux responsables politiques, tout d’abord sobrement, avant de rouler des yeux, de montrer les dents et de rrrrouler les r. C’est là que la machine s’emballe, on ne sait pas s’il s’agit d’improvisation (mauvaise si c’est le cas) ou d’une scène réellement écrite (et très mauvaise cette fois encore), mais il faut le (re)voir pour le croire.
Des exemples comme celui-ci il y en a à la pelle dans On l’appelle Catastrophe, comme lorsqu’à deux reprises Antoine, essayant de se défendre déclare à ses adversaires « Je suis blanc comme neige ! », un homme noir apparaît derrière un poteau en déclamant (avec l’accent bien sûr) « Comment ? ». On peut ajouter à cela un casting de tronches avec Darry Cowl en juge d’instruction qui bégaye, comme c’est original, Michel Galabru qui vient toucher son chèque en directeur de la banque, Daniel Darnault qui se prend pour Louis de Funès, Pierre Doris en marchand d’armes, Guy Delorme, Ticky Holgado, Dominique Zardi…sans oublier la mignonne Carole Lixon, vue dans Le Cavaleur de Philippe de Broca, ici dans son avant-dernière apparition au cinéma, ainsi que quelques plans boobs bien gratos et les apparitions de Françoise Blanchard (muse de Jean Rollin et Bruno Mattei) et Alexandra Delli Colli (L’Éventreur de New York, Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu).
Bref, un Expendables de la comédie franchouillarde, dans laquelle Michel Leeb écarquille les yeux à outrance, incapable d’aligner une ligne de dialogues sans bafouiller, qui promène son absence de charisme en laissant ses camarades faire les débiles autour de lui quand il n’est pas en train de se prendre pour un personnage de cartoon comme le fera Michel Courtemanche dans La Ballade de Titus de Vincent De Brus. Si l’on ajoute aussi la laideur des décors et de la photographie de Marcel Combes (N’oublie pas ton père au vestiaire, La Nuit de la mort et…Le Deuxième souffle de Jean-Pierre Melville), la musique pouet-pouet de Cécil Maury qui nous met les tympans en sang, c’est trop de bonheur.
LE DVD
On l’appelle Catastrophe avait déjà bénéficié d’une édition DVD en 2006 chez Antartic, où le film était couplé avec celui d’Yvan Chiffre, Le Fou du Roi, aussi interprété par Michel Leeb. Première édition « single » donc pour ce grand nanar, désormais disponible chez LCJ Editions. La jaquette reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical.
Aucun supplément.
L’Image et le son
Sans surprise, On l’appelle Catastrophe est présenté au format 4/3. La copie est stable, mais les couleurs sont ternes, le piqué émoussé, la gestion des contrastes complètement aléatoire. Certaines poussières demeurent, c’est un peu mieux dans la dernière partie africaine aux teintes plus chatoyantes. Dans l’ensemble et d’après nos souvenirs, l’image est conforme à celle que l’on voyait lors des diffusions à la télévision.
Un mixage Stéréo sans esbroufe, propre, aux dialogues nets. Pas de sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.
LES INTRANQUILLES réalisé par Joachim Lafosse, disponible en DVD le 1er février 2022 chez Blaq Out.
Acteurs : Leïla Bekhti, Damien Bonnard, Gabriel Merz Chammah, Patrick Descamps, Jules Waringo, Alexandre Gavras, Joël Delsaut, Colette Kieffer…
Scénario : Juliette Goudot, Anne-Lise Morin, François Pirot, Chloé Léonil, Pablo Guarise, Lou Du Pontavic
Photographie : Jean-François Hensgens
Musique : Olafur Arnalds & Antoine Bodson
Durée : 1h54
Année de sortie : 2021
LE FILM
Leila et Damien s’aiment profondément. Malgré sa fragilité, il tente de poursuivre sa vie avec elle sachant qu’il ne pourra peut-être jamais lui offrir ce qu’elle désire.
Joachim Lafosse fait partie de ces réalisateurs dont chaque film est souvent une expérience douloureuse. Ce qui donne le rythme, le moteur pour ainsi dire de ses histoires, ce sont chaque fois ses personnages, de chair et de sang, animés par l’amour passionnel, aussi bien entre deux êtres que des parents envers leur progéniture, mais où le cocon peut être menacé par un climat affectif irrespirable. Dans Les Intranquilles, son neuvième long-métrage, le cinéaste se focalise sur un couple et leur petit garçon, à un carrefour de leur vie familiale. Contrairement à A perdre la raison, qui conduisait insidieusement les protagonistes vers une issue tragique, mais à l’instar L’Économie du couple, ceux-ci vont vivre le moment le plus difficile de leur existence, pour – peut-être – aller vers l’apaisement, l’inéluctable et l’acceptation. De la première à la dernière image, le Joachim Lafosse happe le spectateur, le prend à la gorge au moment où il s’y attend le moins et resserre son étreinte au fur et à mesure. Récit tragi-comique (les agissements dingues du Damien peuvent faire sourire autant que flipper) sur l’amour parasité par la maladie (ici la bipolarité), entraînant comme un lien pervers, des dysfonctionnements familiaux bien sûr, la question des limites (la femme est ici épuisée et apeurée), thèmes déjà explorés dans Nue propriété, A perdre la raison, ainsi que dans son magnifique moyen-métrage Folie privée (2004), Les Intranquilles cherche à faire partager aux spectateurs la vie de personnages complexes. Ceux-ci sont magistralement incarnés par le duo vedette, Damien Bonnard et Leïla Bekhti, qui devaient alors remplacer Matthias Schoenaerts et Jasmine Trinca. Avec sa mise en scène au cordeau, ses personnages filmés à hauteur d’homme sans fioritures, Joachim Lafosse suscite l’émotion et la réflexion pendant près de deux heures. On en ressort épuisés et bouleversés. Un des plus grands cinéastes de sa génération.