Test Blu-ray / Texas Adios, réalisé par Ferdinando Baldi

TEXAS ADIOS (Texas, addio) réalisé par Ferdinando Baldi, disponible en DVD et Blu-ray chez Frenezy.

Acteurs : Franco Nero, Alberto Dell’Acqua, Elisa Montés, José Guardiola, Livio Lorenzon, Hugo Blanco, Luigi Pistilli…

Scénario : Ferdinando Baldi & Franco Rossetti

Photographie : Enzo Barboni

Musique : Antón García Abril

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

Voulant se venger de Delgado qui a tué leur père, Burt Sullivan et son frère Jim quittent le Texas pour parcourir le Mexique. Les deux hommes retrouvent Delgado qui est devenu un riche et puissant propriétaire foncier. Mais la découverte d’un secret familial calme soudainement leur désir de vengeance…

Faut-il dire Texas Adios ou Texas, addio ? Les deux sont valables, cela dépend si vous désirez vous la jouer cinéphile pointilleux ou non. Toujours est-il que Texas Adios a très largement contribué à la renommée, puis au mythe de Franco Nero dans le paysage cinématographique transalpin et plus spécialement dans le western dit « spaghetti ». Le comédien n’attendra pas longtemps après ses débuts sur le grand écran pour devenir une star. Quatre ans après son premier long-métrage (La Peau à vif Pelle viva de Giuseppe Fina) et diverses apparitions chez Antonio Margheriti (Les Criminels de la galaxie I Criminali della galassia, La Guerre des planètes I Diafanoidi vengono da Marte), Django de Sergio Corbucci débarque et remplit les salles du monde entier, propulsant Franco Nero au top des acteurs les plus reconnus et convoités. Les deux westerns qu’il tourne à la suite – et qui sortiront aussi en 1966 à quelques semaines d’intervalle – assiéront sa réputation, Le Temps du massacre Tempo di massacro de Lucio Fulci et Texas Adios de Ferdinando Baldi. Ce dernier, peut-être moins connu que les autres, est pourtant une immense réussite du genre, que le comédien principal qualifiera lui-même comme étant « le plus américain des westerns italiens ». Et comme on dit de l’autre côté des Alpes, c’est un capolovoro, autrement dit un chef d’oeuvre.

Burt Sullivan est le shérif de Widow Rock. Un jour, il décide de rendre son étoile et part pour le Mexique. En chemin, il est rejoint par son frère Jim, qui décide de le suivre dans sa mission : tuer l’assassin de leur père, Cisco Delgado. Après avoir traversé la frontière, ils arrivent dans une ville où règne le silence à cause de la poigne de fer avec laquelle la justice est rendue par un truand. Pachita, un barman, lui confie le nom d’un pasteur qui aurait pu les aider à trouver l’antre de Cisco. Ils trouvent alors le corps de Pachita attaché à un arbre et en un rien de temps, se retrouvent entourés de neuf hommes armés. Ceux-ci, les hommes de Cisco, les forcent à creuser la tombe de la fille, mais ils ne les tuent pas. Les deux frères profitent d’un moment de distraction pour tous les tuer…

Ferdinando Baldi (1917-2007) est un artisan du cinéma italien, un vrai de vrai, qui aura oeuvré pendant 35 ans « au service » des spectateurs en livrant des films aux titres représentatifs des modes et des goûts du moment. On peut citer pêle-mêle Les Horaces et les Curiaces Orazi e Curiazi, El Kebir, fils de CléopâtreIl figlio di Cleopatra, Mission suicide à Singapour Goldsnake ‘Anonima Killers’, T’as le bonjour de TrinitaLittle Rita nel West, Django ! Prépare ton cercueilPreparati la bara!, Le Salaire de la haine Odia il prossimo tuo, Les Pirates de l’île verteLos Corsarios, Blindman, Le Justicier aveugleBlindman, Si ce n’est toi, c’est donc ton frèreCarambola, filotto… tutti in buca et Opération commandoWar Bus. Des titres qui frappent d’emblée l’imaginaire des cinéphiles/ages, qui donnent l’eau à la bouche ou l’envie d’y revenir. Même sans avoir vu tous les opus qui composent la filmographie conséquente du metteur en scène, on peut clairement affirmer que Texas Adios fait incontestablement partie de ses meilleurs. Impressionnant par sa rigueur formelle, magistralement orchestré par Ferdinando Baldi, par ailleurs scénariste aux côtés de Franco Rossetti (qui avait déjà travaillé sur Django), mené sans temps mort, encore ultra-divertissant plus d’un demi-siècle après sa sortie, on en prend plein les mirettes, on en redemande, c’est violent à souhait, sec comme un coup de trique et surtout, l’émotion est aussi présente qu’inattendue. C’est ce dernier élément que l’on retient étonnamment et qui participe – entre autres – à la singularité de Texas Adios.

Outre la magnifique photographie signée Enzo Barboni, qui passera plus tard à la réalisation (Attention les dégâts, Quand faut y aller, faut y aller, Deux Super-flics, Les Anges mangent aussi des fayots, On l’appelle Trinita et sa suite) et la composition marquante du prolifique Antón García Abril (Les Crocs du Diable d’Antonio Isasi-Isasmendi, Pancho Villa d’Eugenio Martín), Texas Adios est aussi et avant tout un festival Franco Nero. Alors âgé de seulement 25 ans, le comédien au regard laser impose déjà un charisme hors normes doublé d’une étonnante maturité dans sa palette de jeu. Loin des ersatz de Clint Eastwood qui ont pu se succéder suite au triomphe international de la Trilogie des Dollars (l’un des plus fades restant sans doute Tony Anthony), Franco Nero crève l’écran par sa sensibilité, sa belle gueule, son élégance, sa démarche, sa dextérité et sa crédibilité lors des bagarres ou des gunfights. Il donne ici la réplique à Alberto Dell’Acqua, connu sous divers pseudonymes (Robert Widmark, Cole Kitosh, Al Waterman et Albert Nova), dans une de ses premières apparitions au cinéma, que l’on reverra beaucoup par la suite dans le cinéma d’exploitation, aussi bien chez Alfonso Brescia (Calibre 32) que Joe D’Amato (Le Gladiateur du futur), en passant par Antonio Margheriti (Avec Django, la mort est là), Giuseppe Colizzi (Trinita va tout casser – La Colline des bottes) et Enzo G. Castellari (Tuez-les tous… et revenez seul !). L’alchimie entre les deux partenaires, qui interprètent des frères, fonctionne très bien et s’avère même l’un des gros points forts de Texas Adios, donnant au film une dimension shakespearienne, renforcée par le rôle tenu par l’impeccable José Suárez (Une raison pour vivre, une raison pour mourirUna ragione per vivere e una per morire de Tonino Valerii). En effet, sans trop « divulgâcher », Cisco Delgado apparaît comme un personnage torturé dans ses sentiments, ambigu, loin des habituels salopards prêts à tout pour étendre leur pouvoir et leur territoire.

Sur un montage virtuose de Sergio Montanari (Starcrash, le choc des étoiles, Malicia, La Poursuite implacable, Django), Texas Adios, premier western de Ferdinando Baldi est devenu une grande référence du genre et reste d’ailleurs l’un des films préférés de Franco Nero lui-même.

LE BLU-RAY

Les présentations avec Frenezy ayant été faites sur notre chronique de La Victime désignée, nous passons désormais aux choses (encore plus) sérieuses. Jadis, en juillet 2006 plus précisément, Texas Adios avait bénéficié d’une sortie en DVD dans les bacs français, sous les couleurs de Seven7 Éditions. Le film était alors proposé dans sa version intégrale. Après la collection « Giallo », s’ouvre ainsi celle consacrée au « Western » pour le jeune éditeur et le moins que l’on puisse dire, c’est que Frenezy réalise une entrée fracassante dans le monde du support physique. La galette HD repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un fourreau cartonné. Le visuel est superbe, hérité des affiches d’exploitations originales. A noter que la jaquette est réversible et que le verso présente un autre visuel du même acabit. A vous de choisir ! Le menu principal est animé et musical. Ah oui, on adore le logo Frenezy et son apparition en début de programme. Enfin, saluons là aussi l’élégance de l’habillage des menus, de la navigation et cette idée rare de chapitrer les interventions disponibles en bonus.

Pour nous présenter Texas Adios, l’éditeur s’est tourné vers un spécialiste du western, Jean-François Giré (22’). Plus prolixe et étonnamment plus intéressant que sur les titres Sidonis chez qu’il officie habituellement, notre expert partage tout d’abord ses souvenirs liés à la découverte du film (« Une immense surprise ») qui nous intéresse aujourd’hui, dans un cinéma de quartier parisien. Puis, Jean-François Giré mettra en relief la beauté plastique de Texas Adios, parlera longuement de la carrière du réalisateur Ferdinando Baldi, du casting (de Franco Nero surtout, qui espérait alors faire carrière dans le cinéma dit d’auteur et qui avait du mal à s’imaginer dans le « sous-genre » représenté par le western), de la musique d’Antón García Abril, des costumes de Carlo Simi (et du port du colt sur le manteau du personnage). Enfin, l’historien du cinéma explique pourquoi Texas Adios apparaît pour lui comme étant un film-charnière des genres, le western classique américain et celui apparu en Italie en 1964.

Nous passons ensuite à monsieur Franco Nero en personne, interview reprise de l’édition HD de Texas Adios sortie en 2020 chez Arrow et enregistrée en 2018. Quel plaisir d’écouter ce monstre du cinéma italien (en anglais dans le texte), parler non seulement de Texas Adios, mais aussi de diverses rencontres avec certains grands noms du septième art, acteurs et réalisateurs de renommée internationale (Clint Eastwood, John Wayne, John Huston, ou Robert Aldrich et James Caan avec qu’il a failli faire un film), qu’il aura croisé tout au long de sa carrière. Peu importe s’il s’éloigne parfois du film de Ferdinando Baldi, car Franco Nero, dont les yeux bleus transpercent encore son interlocuteur à près de 80 ans, vous embarque à ses côtés pour évoquer soixante ans de cinéma en quelques minutes. Au cours de cet entretien, le comédien déclare que dans toute sa carrière, « Texas Adios est le seul western qui ressemble à une production américaine ». Il évoque les conditions de tournage à Almería (avec quasiment la même équipe que pour Django), le travail avec Ferdinando – Il Professore – Baldi, son personnage dans le film (dans lequel il incarne un shérif, pour la seule fois de sa carrière), la création des costumes, son partenaire Alberto Dell’Acqua, sans oublier son implication dans les scènes physiques (à cheval notamment, ainsi que dans le maniement des armes, qu’il déteste précise-t-il).

L’autre interview reprise de l’édition Arrow est celle de l’acteur, cascadeur, acrobate, trapéziste et clown Alberto Dell’Acqua (34’). Outre ses très nombreux souvenirs liés au tournage de Texas Adios, celui-ci revient aussi sur l’ensemble de sa carrière atypique, sur ses rencontres déterminantes, sur son partenaire Franco Nero, sur ses films les plus emblématiques (« j’en ai fait pour rendre service à des amis… »), ainsi que sur ses très nombreuses blessures survenues lors des séquences d’action.

Le dernier entretien se fait avec Austin Fisher, historien du cinéma et universitaire (16’). Si divers éléments font forcément redondance avec ce qui a été entendu au cours des suppléments précédents, l’analyse faite ici de Texas Adios est particulièrement pertinente. Il replace ce film dans l’histoire du western italien (« le film débarque au moment où le genre prouve son potentiel commercial dans le marché transalpin, et avant la prolifération de celui-ci dès l’année suivante »), évoque les conditions de tournage, le réalisateur, compare Texas Adios au western classique américain, évoquant leurs ressemblances, mais en pointant aussi leurs différences. Austin Fisher clôt sa brillante intervention en indiquant que « Texas Adios est un document fascinant du cinéma italien des années 1960 ».

L’interactivité contient également une large galerie de photographies, ainsi que la bande-annonce de Texas Adios (en VF et VOST).

L’Image et le son

« Nous en avons bavé sur Texas Adios, sur lequel nous avons tout refait, y compris le cadrage et l’étalonnage » annonce Frenezy. Que l’éditeur soit rassuré, le résultat est ma-gni-fi-que. Cette nouvelle restauration tirée d’un master 2K, issu du négatif original est ébouriffante de beauté. On se souvenait de la définition médiocre du DVD Seven7, ainsi que de la présence de scories, tâches, rayures et autres pétouilles diverses et variées. Exit tous ces défauts, le lifting numérique a nettoyé en profondeur toutes ces impuretés (beaucoup plus efficace que le Biactol ou que l’Eau Précieuse), la copie présentée est miraculeuse, d’une clarté confondante, stable, toujours impressionnante. Le grain argentique est non seulement préservé, mais également très bien géré, les détails sont légion aux quatre coins du cadre large, le piqué est assez dingue et la profondeur de champ subjuguante. Quelques plans flous certes, mais rien de rédhibitoire. Blu-ray au format 1080p.

Ceux qui auraient découvert Texas Adios en version française (avec la voix du monumental Jean-Claude Michel, mais aussi celle de Jean-Pierre Leroux et même de Jean Amadou), pourront se ruer sur le mixage de fort bonne qualité et au doublage amusant. La piste italienne n’est évidemment pas en reste et offre de belles séquences d’action très dynamiques, avec également un bon report des dialogues et des effets annexes. Pistes présentées en PCM 2.0.

Crédits images : © Frenezy / B.R.C. Produzioni / Surf Film / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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