LE RAYON INVISIBLE (The Invisible Ray) réalisé par Lambert Hillyer, disponible en DVD et combo Blu-ray + DVD le 10 mai 2022 chez Elephant Films.
Acteurs : Boris Karloff, Bela Lugosi, Frances Drake, Frank Lawton, Violet Kemble Cooper, Walter Kingsford, Beulah Bondi, Frank Reicher, Paul Weigel, Georges Renavent…
Scénario : John Colton, d’après une histoire originale de Howard Higgin & Douglas Hodges
Photographie : George Robinson
Musique : Franz Waxman
Durée : 1h16
Date de sortie initiale: 1936
LE FILM
Le docteur Rukh a réussi à retrouver une météorite tombée il y a 225 millions d’années. Il en sera contaminé, mais possédera le Radium X qui peut détruire ou guérir. Pouvant tuer au simple toucher, Rukh s’enfuit. Sa jeune épouse et ses collègues le laisseront tomber, mais la vengeance du savant, qui brille maintenant dans le noir, sera terrible…
Quand Boris Karloff affronte de nouveau Bela Lugosi ! Après Le Chat noir – The Black Cat (1934) d’Edgar G. Ulmer et Le Corbeau – The Raven (1935) de Lew Landers, les deux monstres sacrés du cinéma fantastique et d’épouvante se retrouvent dans le méconnu Le Rayon invisible –The Invisible Ray, réalisé par un certain Lambert Hillyer (1889-1969), prolifique cinéaste (et ce depuis la fin des années 1910), on va dire passé à la postérité avec La Fille de Dracula – Dracula’s Daughter (1936), suite du Dracula de Tod Browning, et Batman (1943), première adaptation en prise de vues réelles de la bande dessinée de Bob Kane. Le Rayon invisible rend compte de l’efficacité du metteur en scène, qui était capable d’emballer plus de dix films par an (avec une prédilection pour les westerns à petit budget), de son bagage technique et de sa solide direction d’acteurs, en allant droit à l’essentiel, en resserrant son intrigue sur 75 minutes. Pas un seul moment d’ennui donc durant The Invisible Ray, petit film de genre aux effets spéciaux par ailleurs très réussis, qui fera le bonheur des aficionados d’aventures vintage.
FRISSONS D’HORREUR (Macchie solari) réalisé par Armando Crispino, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Mimsy Farmer, Barry Primus, Ray Lovelock, Carlo Cattaneo, Angela Goodwin, Gaby Wagner, Massimo Serato, Ernesto Colli…
Scénario : Lucio Battistrada & Armando Crispino
Photographie : Carlo Carlini
Musique : Ennio Morricone
Durée : 1h41
Date de sortie initiale : 1975
LE FILM
Rome, années 1970 – La capitale italienne subit un été caniculaire et une vague de suicides inexplicable. Ce climat anxiogène a des effets néfastes sur Simona Sanna, jeune légiste à la morgue. Surmenée, elle commence à être victime d’hallucinations. Dans le même temps, ses rapports avec son petit ami Edgardo Fiorini, photographe, se dégradent. C’est alors qu’elle rencontre Paul Lenox, un prêtre persuadé que sa soeur ne s’est pas suicidée comme on le lui affirme. Simona accepte de l’aider dans ses investigations.
On connaissait le réalisateur Armando Crispino (1924-2003) grâce à son premier long-métrage, Les Nuits facétieuses – Le Piacevoli notti (1966), coréalisé avec Luciano Lucignani, porté par l’immense Vittorio Gassman, Gina Lollobrigida et Ugo Tognazzi. Un coup d’essai qui surfait sur la mode des comédies italiennes inspirées par le Moyen Âge, L’Armée Brancaleone et sa suite Brancaleone s’en va-t-aux croisades de Mario Monicelli, sans oublierBelfagor le Magnifique d’Ettore Scola cartonnaient dans les salles. Ancien assistant de Luigi Comencini (Les Volets clos, La Belle de Rome) et d’Antonio Pietrangeli (Le Célibataire, Souvenirs d’Italie, Les Époux terribles), Armando Crispino démarre donc en duo derrière la caméra, faux films à sketches, œuvre inégale, qui vaut bien plus pour le jeu de ses monstres survoltés et en pleine Commedia dell’arte, que pour ses qualités techniques. Mais le metteur en scène délaissera très vite ces farces médiévales et montrera son penchant pour diversifier les sujets. Suivront Johnny le bâtard, un western qui s’avère en fait une relecture de Dom Juan, avec John Richardson, le film de guerre Commandos avec Lee Van Cleef, d’après une histoire de Dario Argento et…Menahem Golan, mais c’est avec le giallo Overtime – L’Etrusco uccide ancora qu’Armando Crispino va réellement commencer à s’épanouir. Il dirige ensuite Barbara Bouchet dans L’Abbesse de Castro, adaptation de la nouvelle homonyme de Stendhal, avant de renouer avec le thriller en 1975. Ce sera Frissons d’horreur – Macchie solari, connu également en France sous le titre La Victime, formidable opus du genre, qui se démarque autant par son style que de son récit, qui annoncent ni plus ni moins Phénomènes – The Happening (2008) de M. Night Shyamalan, en beaucoup plus réussi d’ailleurs. Giallo foncièrement original et mené de main de maître, Frissons d’horreur jouit aussi et surtout d’un atout de taille en la personne de la mythique Mimsy Farmer, la même année que La Traquede Serge Leroy, alors installée en Italie où elle a épousé l’écrivain et scénariste Vincenzo Cerami (La Vie est belle de Roberto Benigni). Magnétique comme toujours, la comédienne livre une prestation de haute volée, comme l’année précédente dans le fameux Le Parfum de la dame en noir – Il Profumo della signora in nero de Francesco Barilli. A ne manquer sous aucun prétexte.
UN PAPILLON AUX AILES ENSANGLANTÉES (Una farfalla con le ali insanguinate)réalisé par Duccio Tessari, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Helmut Berger, Giancarlo Sbragia, Evelyn Stewart, Silvano Tranquilli, Wendy D’Olive, Günther Stoll, Wolfgang Preiss, Lorella De Luca…
Scénario : Duccio Tessari, d’après une histoire originale de Gianfranco Clerici
Photographie : Carlo Carlini
Musique : Gianni Ferrio
Durée : 1h39
Date de sortie initiale : 1971
LE FILM
Une jeune étudiante française est assassinée dans un parc. Tous les éléments pointent vers un suspect, le notable Marchi et l’issue du procès semble inéluctable. Mais la rigueur du travail de la police se voit battue en brèche par l’avocat de la défense, le témoignage du petit ami de la victime… et bientôt un second meurtre.
A l’instar de Luciano Ercoli dans notre précédente chronique, nous ne retracerons pas le parcours et la carrière de son confrère Duccio Tessari (1926-1994) et nous vous invitons à relire nos articles sur Zorroet Le Retour du Ringo. L’ancien assistant de Mario Bonnard et Sergio Leone sur Les Derniers jours de Pompéi – Gli ultimi giorni di Pompei (1959), de Vittorio Cottafavi (1960) sur Messaline, de Vittorio Sala sur La Reine des Amazones – La Regina delle Amazzoni (1960), et scénariste sur Pour une poignée de dollars – Per un pugno di dollari (1964) en est déjà à son quinzième long-métrage quand il entreprend Un papillon aux ailes ensanglantées – Una farfalla con le ali insanguinate. Connu en France sous le titre Cran d’arrêt, réalisé après le formidable Mort ou vif… De préférence mort – Vivi o preferibilmente morti avec Giuliano Gemma, Nino Benvenuti et Sydne Rome, qui posait les bases des futurs grands classiques immortalisés par Terence Hill et Bud Spencer, ce thriller surfe allègrement sur les gialli qui fleurissaient dans les salles de cinéma, non seulement italiennes, mais du monde entier. Dans le sillage du « giallo animalier » tracé par Le Chat à neuf queues – Il Gatto a nove code et L’Oiseau au plumage de cristal – L’Uccello dalle piume di cristallo de Dario Argento, L’Iguane à la langue de feu – L’Iguana dalla lingua di fuoco de Riccardo Freda et autres opus du genre aux titres emblématiques et facilement reconnaissables, Un papillon aux ailes ensanglantées débarque sur les écrans transalpins en septembre 1971. Soyons honnêtes, le film de Duccio Tessari vaut aujourd’hui bien plus pour sa forme que pour son récit il faut bien le dire peu enthousiasmant et passionnant, qui s’étire trop en longueur et qui commence réellement à devenir intéressant dans sa dernière partie, plus focalisée sur le personnage incarné par le légendaire Helmut Berger.
PHOTOS INTERDITES D’UNE BOURGEOISE (Le Foto proibite di una signora per bene) réalisé par Luciano Ercoli, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Dagmar Lassander, Pier Paolo Capponi, Simon Andreu, Osvaldo Genazzani, Salvador Huguet, Nieves Navarro…
Scénario : Ernesto Gastaldi & Mahnahén Velasco
Photographie : Alejandro Ulloa
Musique : Ennio Morricone
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 1970
LE FILM
Minou, jeune femme prude et insatisfaite, est mariée à l’industriel Peter. A l’opposé de Minou, son amie Dominique est une femme libre et sensuelle qui se livre à des jeux érotiques au cours desquels elle se photographie en compagnie d’amants. Accusant Peter de meurtre, un maître chanteur exige de Minou son corps pour prix de son silence.
Nous parlions il y a peu de temps de Luciano Ercoli (1929-2015), en raison de la sortie en Blu-ray de La Mort caresse à minuit –La Morte accarezza a mezzanotte (1972) chez Artus Films. Nous n’aurons pas l’outrecuidance de retracer le parcours du réalisateur et nous vous invitons à relire notre précédente chronique. Nous irons donc à l’essentiel pour évoquer aujourd’hui son premier long-métrage, Photos interdites d’une bourgeoise – Le Foto proibite di una signora per bene (1970), véritable coup de maître, non pas un giallo, mais un film à suspense, un thriller paranoïaque dans lequel le metteur en scène dévoile toute sa virtuosité et sa maîtrise de la grammaire cinématographique. Ne vous attendez surtout pas à des meurtres sanglants ou élaborés par quelques tueurs masqués munis d’une arme blanche, rien de tout ça ici, ce qui importe le plus étant l’ambiance oppressante, la science du cadre large (superbe), le rythme languissant (sans inspirer l’ennui) et l’excellence d’un casting solidement dirigé. Gros succès à sa sortie, qui avait d’ailleurs remis sur les rails la société de production du cinéaste, la PCM (autrement dit la Produzioni Cinematografiche Mediterranee), Photos interdites d’une bourgeoise peut se targuer d’avoir pris très peu de rides et reste un modèle du genre, ou allons-y carrément, une leçon de cinéma à part entière.
MAIGRET réalisé par Patrice Leconte, disponible en DVD et Blu-ray le 23 juin 2022 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Gérard Depardieu, Jade Labeste, Mélanie Bernier, Aurore Clément, Bertrand Poncet, Clara Antoons, Anne Loiret, André Wilms, Elizabeth Bourgine…
Scénario : Jérôme Tonnerre & Patrice Leconte, d’après le roman Maigret et la Jeune Morte de Georges Simenon
Photographie : Yves Angelo
Musique : Bruno Coulais
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
Maigret enquête sur la mort d’une jeune fille. Rien ne permet de l’identifier, personne ne semble l’avoir connue, ni se souvenir d’elle. Il rencontre une délinquante, qui ressemble étrangement à la victime, et réveille en lui le souvenir d’une autre disparition, plus ancienne et plus intime…
En dehors de Jean Richard et de Bruno Cremer qui ont su marquer l’esprit des téléspectateurs en l’incarnant respectivement 23 ans et 14 ans, le Commissaire divisionnaire Maigret prend immédiatement les traits de Jean Gabin dans l’inconscient collectif concernant l’adaptation cinématographique des aventures du célèbre personnage créé par Georges Simenon. Le comédien l’aura interprété à trois reprises dans Maigret tend un piège (Jean Delannoy, 1958), Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre (Jean Delannoy, 1959) et Maigret voit rouge (Gilles Grangier, 1963). Pourtant, Pierre Renoir (le premier Maigret du cinéma dans La Nuit du Carrefour de Jean Renoir, 1932), Harry Baur (La Tête d’un homme, 1932, de Julien Duvivier), Albert Préjean (Picpus, Les Caves du Majestic), Charles Laughton (L’Homme de la tour Eiffel, 1949, de Burgess Meredith) et même Michel Simon (Brelan d’as, 1952, d’Henri Verneuil), s’étaient entre autres déjà emparés de ce rôle mythique. Le commissaire Jules Maigret est un monument de la littérature mondiale. Créé en 1931 sous la plume de Georges Simenon, Maigret deviendra le héros de 75 romans et de 28 nouvelles écrits durant un peu plus de quarante ans, jusqu’en 1972. Après Jean Gabin, c’est au tour de l’italien Gino Cervi d’incarner le flic à la pipe dans Le Commissaire Maigret à Pigalle de Mario Landi (1966), mais aussi pour la petite lucarne, puis de l’allemand Heinz Rühmann dans Maigret fait mouche de Alfred Weidenmann, également sorti en 1966. Tout cela sans parler des transpositions à la télévision britannique avec tour à tour Rupert Davies, Michael Gambon et même Rowan Atkinson dans le rôle-titre. Quasiment soixante ans après Jean Gabin, qui d’autre que Gérard Depardieu pouvait se permettre de reprendre le flambeau ? Dans une archive, Georges Simenon décrivait ainsi sa « créature » « Il boit assez bien, (…) il aime beaucoup manger, (…). Maigret n’est pas un homme intelligent, il est uniquement intuitif, je dirais même que dans les tout premiers Maigret, il avait presque l’air bovin, c’est un type énorme, un peu pachyderme ». Qu’ajouter de plus ? Sobrement intitulé Maigret, le trentième long-métrage de Patrice Leconte, grand admirateur de Georges Simenon devant l’Éternel (on se souvient de Monsieur Hire), s’empare du roman Maigret et la Jeune Morte, prétexte pour plus se focaliser sur la personne du commissaire. Car Maigret est en effet moins une enquête policière qu’une radiographie complète du personnage. Le réalisateur observe son bloc de granite de 72 ans (au moment du tournage), le sculpte à la perfection en le faisant arborer la gabardine et sa pipe (même si dans ce cas précis, le toubib conseille à Maigret d’arrêter de fumer en raison de ses bronches encrassées) et le fait déambuler dans les rues parisiennes qu’il ne reconnaît plus, qui se transforment, tandis que lui-même commence à disparaître car devenu obsolète. Avant d’être définitivement absorbé par les pavés mouillés déchaussés comme les dents pourries d’un sans-le-sou, Maigret, rattrapé par l’âge, colosse aux pieds d’argile, ayant même perdu l’appétit, livre l’une de ses dernières enquêtes, tout en affrontant ses propres démons. Très grand film sur lequel plane également l’ombre du Dahlia noir de James Ellroy. Les amateurs de lecture noire et policière apprécieront, les autres aussi.
LES JEUNES AMANTS réalisé par Carine Tardieu, disponible en DVD et Blu-ray le 7 juin 2022 chez Diaphana.
Acteurs : Fanny Ardant, Melvil Poupaud, Cécile de France, Florence Loiret Caille, Sharif Andoura, Sarah Henochsberg, Martin Laurent, Olenka Ilunga…
Scénario : Carine Tardieu, Raphaële Moussafir & Agnès De Sacy, d’après une histoire originale de Sólveig Anspach & Agnès De Sacy
Photographie : Elin Kirschfink
Musique : Eric Slabiak
Durée : 1h53
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
Shauna, 70 ans, libre et indépendante, a mis sa vie amoureuse de côté. Elle est cependant troublée par la présence de Pierre, cet homme de 45 ans qu’elle avait tout juste croisé, des années plus tôt. Et contre toute attente, Pierre ne voit pas en elle “une femme d’un certain âge”, mais une femme, désirable, qu’il n’a pas peur d’aimer. A ceci près que Pierre est marié et père de famille.
A la base des Jeunes amants, il y a la cinéaste américano-islandaise Sólveig Anspach (Haut les cœurs !, Lulu femme nue), disparue en 2015 à l’âge de 54 ans, des suites d’un cancer. La dernière histoire sur laquelle elle aura planché s’inspire en fait de la passion amoureuse et charnelle que sa mère aura vécue avec un homme plus jeune qu’elle. Le scénario est alors coécrit avec la talentueuse Agnès De Sacy (Les Envoûtés, Tout de suite maintenant, Je vous souhaite d’être follement aimé), puis proposé à l’excellente Carine Tardieu (La Tête de maman, Du vent dans mes mollets, Ôtez-moi d’un doute), qui s’est réapproprié ce récit avec sa collaboratrice Raphaële Moussafir. Cette combinaison d’immenses sensibilités ne pouvait déboucher que sur un merveilleux long-métrage, Les Jeunes amants. Portée par des acteurs en état de grâce, sur lesquels trône l’une des reines du cinéma français, Fanny Ardant (Vanessa Redgrave avait premièrement été envisagée), cette romance éclatante, solaire, universelle, foudroie l’âme et les sens du début à la fin et échappe à toutes les boursouflures dans lesquelles se vautrent habituellement, très souvent du moins, le cinéma hexagonal. Un vrai et grand coup de coeur.
JUSTINE OU LES INFORTUNES DE LA VERTU (Marquis de Sade: Justine) réalisé par Jess Franco, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 17 mai 2022 chez Artus Films.
Acteurs : Klaus Kinski, Romina Power, Maria Rohm, Rosemary Dexter, Carmen de Lirio, Akim Tamiroff, Gustavo Re, Mercedes McCambridge, Jack Palance…
Scénario : Harry Alan Towers, Arpad DeRiso & Erich Kronte, d’après le roman du Marquis de Sade
Photographie : Manuel Merino
Musique : Bruno Nicolai
Durée : 1h59
Date de sortie initiale : 1969
LE FILM
Le marquis de Sade évoque des souvenirs. Il raconte l’histoire de deux soeurs, Juliette et Justine, chassées par leurs parents. Juliette, la sage, semble poursuivie par la malchance. Justine va de l’avant, sans scrupule, et rencontre ainsi des personnes fort intéressantes. Juliette se retrouve comme pensionnaire chez une certaine madame de Buisson, qui dirige une maison close. Justine refuse de tomber entre les mains de cette mère maquerelle et prend la fuite. C’est alors qu’elle croise le chemin de monsieur de Harpin, un vieillard ignoble, qui veut profiter de la détresse de la jeune femme pour servir ses propres desseins…
Ce qui est difficile dans la filmographie éclectique et prolifique de Jess Franco (plus de 200 films…), c’est de s’y retrouver avec les différents titres attribués à un seul long-métrage. Ainsi, Justine ou les infortunes de la vertu, est aussi connu sous l’appellation Marquis de Sade: Justine, Les Deux beautés, Justine de Sade, ou bien encore Justine and Juliet, et même Deadly Sanctuary. Nous en resterons à Justine ou les infortunes de la vertu, titre d’exploitation du film qui nous intéresse aujourd’hui, sorti sur les écrans hexagonaux en mars 1970 et un an plus tôt en Italie. L’ami Jess tourne à la suite Les Brûlantes – 99 femmes, Sumuru, la cité sans hommes, Le Château de Fu Manchu. On ne saurait être plus diversifié. Sur un scénario de Harry Alan Towers (Black Venus de Claude Mulot, Le Cirque de la peurde John Llewellyn Moxey, et par ailleurs producteur), Arpad DeRiso (Le Lion de Saint Marc et Le Tigre des mers de Luigi Capuano) et Erich Kronte, le cinéaste adapte pour la première fois le Marquis de Sade (ici son ouvrage rédigé à la Bastille en 1787, publié de son vivant en 1791), auquel il reviendra à plusieurs reprises, en 1970 avec Les Inassouvies (librement inspiré de La Philosophie dans le boudoir), trois ans plus tard avec Eugénie de Sade (d’après Eugénie de Franval), puis avec Plaisir à trois en 1974. Une obsession qui irriguera moult opus du réalisateur par la suite. Mais pour l’heure, il bénéficie d’un budget solide pour Justine ou les infortunes de la vertu. S’il n’est clairement pas le meilleur Franco, le film parvient encore à être divertissant et souvent plaisant, surtout dans ses délires que l’on pourrait volontiers qualifier de nawak, à l’instar de la prestation de Jack Palance (la même année que Che! de Richard Fleischer), perdu dans ses pensées, complètement en roue libre, vraisemblablement en totale improvisation. Au-delà de ça, le casting est aussi très attractif, avec un Klaus Kinski illuminé (pléonasme) dans la peau du Marquis de Sade (toutes ses scènes ont été visiblement emballées en une seule journée), un petit coucou d’Howard Vernon, sans oublier de superbes comédiennes (Romina Power, Maria Rohm, Rosemary Dexter, Carmen de Lirio, Sylva Koscina, Rosalba Neri), toujours très bien mises en valeur par le metteur en scène. Un bon cru.
LES GRANDS DUCS réalisé Patrice Leconte, disponible en DVD et Blu-ray le 3 mai 2022 chez Rimini Editions.
Acteurs : Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Philippe Noiret, Catherine Jacob, Michel Blanc, Clotilde Courau, Pierre-Arnaud Juin, Jacques Mathou…
Scénario : Patrice Leconte & Serge Frydman
Photographie : Eduardo Serra
Musique : Angélique et Jean-Claude Nachon
Durée : 1h24
Date de sortie initiale : 1996
LE FILM
Trois vieux comédiens, sans le sou, minables et au chômage, sont engagés dans une comédie de boulevard médiocre, qui part en tournée. Le spectacle est monté par un producteur escroc, bien décidé à le saboter afin de toucher l’argent des assurances. Mais les trois acteurs se prennent au jeu et s’investissent dans ce qui sera peut-être la dernière chance de leur vie.
S’il n’a pas connu de réel engouement à sa sortie de la part des spectateurs, en attirant « seulement » 500.000 français dans les salles en février 1996, Les Grands Ducs s’avère aujourd’hui l’un des films de Patrice Leconte les plus aimés des cinéphiles. Après l’échec cinglant du Parfum d’Yvonne et trois mois avant le triomphe critique et commercial de Ridicule, le réalisateur des Bronzés, de Viens chez moi j’habite chez une copine, de Tandem, deMonsieur Hire, du Mari de la coiffeuse et de Tangoréunissait trois monstres sacrés du cinéma français, Jean-Pierre Marielle, Philippe Noiret et Jean Rochefort, plus de vingt ans après Que la fête commence de Bertrand Tavernier. Hymne aux comédiens et à leur passion dévorante du jeu, au vaudeville qui le temps d’une soirée met du baume au coeur à une audience déjà conquise, Les Grands Ducs est un film mené tambour battant, animé par une énergie folle et dévastatrice, dont l’intrigue resserrée sur 75 minutes est prétexte à d’extraordinaires numéros d’acteurs, qui embarquent le public dans une tornade ininterrompue de rires et de tendresse.
LE VIEUX KHOTTABYCH (Starik Khottabych – Старик Хоттабыч) réalisé par Gennadiy Kazanskiy, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 7 juin 2022 chez Artus Films.
Acteurs : Nikolay Volkov, Aleksei Litvinov, Gennadi Khudyakov, Lev Kovalchuk, Valentina Romanova, Maya Blinova, Olga Cherkasova, Yefim Kopelyan…
Scénario : Lazar Lagin, d’après son roman
Photographie : Muzakir Shurukov
Musique : Nadezhda Simonyan
Durée : 1h24
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Le petit Volka découvre une bouteille au fond de la rivière. En la débouchant, il laisse apparaître le génie Khottabych, âgé de plus de 2000 ans. Pour le remercier, ce dernier exauce tous les vœux du garçon. Mais il ne connaît pas encore les techniques du monde moderne et ses tours de magie amènent des catastrophes en série.
Tandis que Doctor Strange in the Multiverse of Madness et Top Gun: Maverick déferlent sur les écrans en essayant de ramener les spectateurs dans les salles obscures, il fut un temps où les blockbusters se résumaient à l’arrivée d’un génie de la lampe dans le quotidien d’un petit garçon. C’est le cas d’un film russe intitulé Le Vieux Khottabych, Starik Khottabych, ou bien encore Старик Хоттабыч (ça c’est juste histoire de nous la péter), réalisé par un certain Gennadiy Kazanskiy (1910-1983), qui s’emparait alors d’un roman très connu des petits et des grands de Lazar Lagin, Starik Hottabych, publié en 1938, puis révisé près de vingt ans après, dont l’adaptation est d’ailleurs signée de l’auteur de lui-même. Mélange de bons sentiments, d’humour pour toute la famille (un gag annonce même le légendaire « jour, nuit, jour, nuit » de Jacquouille la Fripouille), d’effets spéciaux charmants et surtout irrigué de bonnes valeurs morales (A bas le capitalisme ! Vive la culture physique !), Le Vieux Khottabych enchaîne les péripéties de notre jeune héros, qui sera bien occupé à rattraper les bêtises d’un génie âgé de 3732 ans (et 5 mois), quelque peu allumé (une sorte d’Aladin gâteux) et bien sûr complètement paumé dans le monde contemporain, qui découvre les us et coutumes d’un pays qu’il ne connaît pas, après avoir passé près de 2000 années enfermé dans sa lampe. Un spectacle fantastique kitsch, plaisant, coloré, poétique et bourré d’aventures.
LE PARFUM D’YVONNE réalisé Patrice Leconte, disponible en DVD et Blu-ray le 3 mai 2022 chez Rimini Editions.
Acteurs : Jean-Pierre Marielle, Hippolyte Girardot, Sandra Majani, Richard Bohringer, Paul Guers, Corinne Marchand, Philippe Magnan, Claude Derepp…
Scénario : Patrice Leconte, d’après le roman Villa triste de Patrick Modiano
Photographie : Eduardo Serra
Musique : Pascal Estève
Durée : 1h26
Date de sortie initiale : 1994
LE FILM
À la fin des années 50, un jeune homme qui prétend être un comte d’origine russe, tombe amoureux d’une sublime jeune femme, toujours accompagnée d’un dogue allemand et d’un vieil excentrique. Tout le monde semble avoir quelque chose à cacher…
Tangoaura permis à Patrice Leconte de se remettre en selle après l’échec du Mari de la coiffeuse (350.000 entrées) sorti trois ans plus tôt. Mais la première et vraie déculottée arrivera l’année suivante pour le cinéaste avec Le Parfum d’Yvonne. Pourtant, cette fois encore rétrospectivement, le douzième long-métrage du réalisateur demeure un petit trésor caché, que l’on redécouvre totalement quand on se concentre plus attentivement sur sa filmographie, à l’instar du Nouveau Monde d’Alain Corneau ou Un, deux, trois, soleil de Bertrand Blier, par ailleurs tournés quasiment au même moment, au milieu des années 1990. Adaptation personnelle du roman Villa triste de Patrick Modiano, publié en 1975, Le Parfum d’Yvonne est et restera probablement l’un des opus les plus méconnus de Patrice Leconte, seulement vu par 160.000 spectateurs à sa sortie en mars 1994, devant s’incliner face à Sister Act, acte 2, L’Affaire Pélican d’Alan J. Pakua, La Cité de la peur d’Alain Berberian et Philiadelphia de Jonathan Demme. Rarement diffusé à la télévision, ce drame éthéré, psychologique et même existentiel, teinté d’érotisme, possède de très nombreux atouts dans sa musette et mérite donc toute l’attention du cinéphile averti, qui saura l’apprécier à sa juste valeur, puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’une des plus grandes réussites plastiques de Patrice Leconte.