Test Blu-ray / Tandem, réalisé par Patrice Leconte

TANDEM réalisé par Patrice Leconte, disponible en combo DVD/Blu-ray le 21 octobre 2020 chez Pathé.

Acteurs : Gérard Jugnot, Jean Rochefort, Sylvie Granotier, Julie Jézéquel, Jean-Claude Dreyfus, Marie Pillet, Albert Delpy, Philippe Dormoy, Anne-Marie Pisani…

Scénario : Patrice Leconte, Patrick Dewolf

Photographie : Denis Lenoir

Musique : François Bernheim

Durée : 1h30

Année de sortie : 1987

LE FILM

Michel Mortez anime depuis 25 ans un jeu radiophonique, « La langue au chat ». Cabotin saltimbanque, il ne vit plus que pour et par son émission et le public des villes qu’il traverse. Sa vie ne serait que vide et solitude s’il n’y avait Bernard Rivetot, qui lui sert d’homme à tout faire ! Mortez tutoie Rivetot qui le vouvoie, tout en surveillant les excès d’orgueil ou de boisson de son patron. Un jour, Bernard apprend que sa direction de la station va supprimer l’émission. Bouleversé, Rivetot tait la nouvelle à Mortez, en attendant le moment opportun…

Difficile pour un réalisateur de se lancer un nouveau challenge après avoir rassemblé plusieurs millions de spectateurs dans les salles. En 1985, Les Spécialistes de Patrice Leconte attire 5,3 millions de français au cinéma, ce qui le place sur la troisième marche du podium cette année-là derrière les dix millions de Trois hommes et un couffin et les 5,8 millions de Rambo 2 : la mission. Plutôt que de rechercher un nouveau succès à tout prix et facilement, le cinéaste décide d’aller au contraire vers quelque chose de diamétralement opposé, un tout petit film, une équipe réduite, une comédie mélancolique, un road-movie inattendu qui se concentre sur un nouveau duo d’acteurs, Jean Rochefort (déjà présent dans le premier long métrage du réalisateur, Les Vécés étaient fermés de l’intérieur) et Gérard Jugnot. Tandem est un nouveau tournant dans la carrière de Patrice Leconte, dont l’immense sensibilité éclate cette fois au grand jour, comme s’il était temps pour lui à désormais 40 ans de trouver un nouveau langage cinématographique, qui exprimerait une nouvelle facette de sa personnalité. Merveilleux film, doux, tendre, drôle, émouvant et désabusé, pourtant optimiste, Tandem est sans doute l’oeuvre du réalisateur qui lui ressemble le plus.

La route. Soudain le chauffeur freine. Le passager s’écrase le nez sur le pare-brise. Le fautif : un grand chien rouge… invisible. Rivetot (Gérard Jugnot) et Mortez (Jean Rochefort) arrivent cependant dans la petite ville où ce dernier doit animer sa célèbre émission radiophonique « La Langue au chat ». Avant, ils s’installent dans une chambre à deux lits d’un hôtel médiocre. Economies obligent! Et chaque jour le tandem quitte une ville pour en rejoindre une autre, toujours par les invariables routes et autoroutes où Rivetot craint que l’inévitable cycliste accoudé sur le pont au-dessus ne jette son vélo sur leur voiture et où Mortez s’étouffe de colère à la vue des familles pique-niquant dans la poussière. Un jour Rivetot apprend que la direction a décidé de supprimer l’émission ; il le cache le plus longtemps possible à Mortez qui déjà ne surmonte ses multiples malaises qu’à force de piqûres. Pour combien de temps encore les soirées chez les notables pour Mortez ? les nuits chez les femmes affranchies pour Rivetot ? C’est après l’une d’entre elles qu’un matin Mortez prend le volant, trouve enfin un vélo sur la voie et dit ce qu’il pense aux imbéciles installés sur le bas-côté. Mais, bientôt, pour cause de panne de voiture, il lui faut improviser l’émission avec eux.

Peut-on vraiment abandonner ce qui nous a fait vivre et ce pour quoi on vit depuis toujours ? Tandem est un film introspectif qui confronte deux hommes que tout semble séparer, le physique, le caractère, l’attrait pour les femmes, les désirs, la vie quoi. Pourtant, Mortez et Rivetot sont inséparables, car leur boulot et donc la route les réunit. Alors quand le premier, technicien, chauffeur, ingénieur du son, conseiller, bref homme à tout faire du second, brillant, extravagant et fantasque, apprend que l’émission de radio de ce dernier ne sera pas renouvelée (car jugé trop ringarde), Mortez va non seulement essayer de tout faire pour le cacher jusqu’au dernier moment, mais aussi faire en sorte qu’il puisse partir en beauté.

Patrice Leconte et son coscénariste Patrick Dewolf (Marche à l’ombre) s’attachent aux petits riens qui font le quotidien de ces grands voyageurs qui sillonnent les routes de France pour donner quelques minutes de plaisir aux habitants des coins les plus reculés de l’Hexagone. Tandem s’inspire ainsi de la carrière de l’animateur Lucien Jeunesse et de son Jeu des mille francs, même si le cinéaste s’est toujours défendu d’avoir mis en scène un biopic. Ici, La Langue au chat est le jeu qui unit Mortez et Rivetot, qui après avoir posé leurs questions et offert des t-shirts de l’émission, repartent aussitôt à bord de leur bagnole déglinguée, un break Ford poussiéreux, vers quelques destinations obscures et hôtels bon marché. Arrivés dans la dernière ligne droite de leur long périple, Mortez et Rivetot se dévoilent l’un à l’autre, mais aussi à eux-mêmes. Mortez est un comédien raté, un quinquagénaire épuisé, Bernard Rivetot, qui lui voue une admiration sans bornes est pour ainsi dire le punching-ball de la vedette, dont il surveille le penchant pour l’alcool.

Le « tandem », c’est aussi et surtout celui composé par Gérard Jugnot (moustache rasée et perruque bien ajustée) et Jean Rochefort, éblouissants, dont l’alchimie et la complicité sont évidentes. Les comédiens se délectent des magnifiques dialogues signés Patrick Dewolf et Patrice Leconte, surtout quand les deux protagonistes font le point sur leur existence et commentent le monde qui les entoure. Dès l’introduction où la chanson Il mio rifugio de Richard Cocciante résonne et le fera plusieurs fois tout au long du film, le cinéaste happe le spectateur et ses deux personnages en s’accrochant à leur bagnole, pour ne plus les lâcher. Ce « refuge » chanté par Richard Cocciante, c’est autant la route qui préserve Mortez du reste du monde, que Rivetot qui est là pour le protéger (et supporter ses caprices de diva) tout autant et qui s’occupe de les présenter à une libraire, à une serveuse d’un hôtel, à un conseiller municipal, toutes ces petites gens ou ces notables qui remplissent la vie de Mortez/Rivetot. Mais c’était sans compter l’arrêt de l’émission et le break Ford qui arrive aussi au bout du rouleau.

Nommé dans six catégories lors de la 13e cérémonie des César en 1988 (dont celles du meilleur film et du meilleur acteur pour le duo vedette), Tandem se prend une vraie gifle par l’académie (qui préfère récompenser Au revoir les enfants de Louis Malle) et ne récolte que la compression de la meilleure affiche, que Patrice Leconte a toujours déclaré détester. « Une vraie branlée » dira d’ailleurs Jean Rochefort. Tandem sera parvenu à attirer près de 600.000 spectateurs à sa sortie en juin 1987, un score tout à fait honorable pour Patrice Leconte, certes plus habitué à franchir la barre du million voire des deux millions de spectateurs, mais dont le changement de cap aurait pu se solder par un rejet total. Depuis, Tandem est devenu un vrai film culte chéri par les cinéphiles.

LE COMBO

Parallèlement à ses sorties classiques, L’Enfer des anges, La Mariée est trop belle et Par un beau matin d’été, Pathé a décidé de rendre hommage à Patrice Leconte à travers l’édition de trois de ses longs-métrages, Tandem, Monsieur Hire et Tango, restaurés en 4K et disponibles également en combo Blu-ray+DVD. Le menu principal est animé et musical, sur lequel on regrettera une fois de plus l’absence du titre du film.

Avec Bertrand Tavernier et Jean-Jacques Annaud, Patrice Leconte fait partie des réalisateurs français que l’on écouterait pendant des heures. Cela tombe bien, Pathé est allé à sa rencontre ! Durant près de 50 minutes, le cinéaste se livre sur ce que représente Tandem dans sa carrière aussi éclectique que prolifique. Les thèmes du film (la radio a toujours tenu une place importante dans sa vie), les références au Jeu des mille francs (« Lucien Jeunesse a mal pris le film en pensant qu’on se moquait de lui »), la genèse de Tandem (qui s’est d’abord intitulé « Chers amis, bonjour ! » et dont la première mouture remontait à 1981), la psychologie des deux personnages principaux, l’entente entre les deux comédiens, les conditions de tournage (Patrice Leconte s’occupait du cadre pour la première fois), la chanson de Richard Cocciante et d’autres éléments sont racontés à travers ce module passionnant.

L’éditeur a ensuite pu mettre la main sur une interview de Jean Rochefort (13’35) réalisée lors de la huitième semaine de tournage de Tandem. Les questions d’un journaliste sont quasiment inaudibles, mais apparaissent via quelques sous-titres. Le comédien aborde les personnages et explique que sa première collaboration avec Patrice Leconte sur Les Vécés étaient fermés de l’intérieur (1976) s’était très mal passée, au point que les deux hommes ne s’étaient plus adressés la parole depuis (« un contentieux assez sérieux était resté »), jusqu’au jour où le cinéaste l’a rappelé pour lui proposer Tandem, dont il a trouvé le scénario extraordinaire. Jean Rochefort loue aussi le caractère unique du récit, ainsi que de son ambiance.

L’Image et le son

Tandem a bénéficié d’une restauration 4K en 2020. Malgré tout le boulot d’Hiventy et si la propreté est immaculée, la définition demeure aléatoire du début à la fin avec un grain très épais, parfois plus doux sur les scènes lumineuses, mais qui reste globalement assez grumeleux. Le cadre large est élégant, le master stable, mais l’ensemble oscille entre le bon et le médiocre sur toutes les séquences sombres et tamisées.

La piste française DTS-HD Master Audio Mono 2.0 de Tandem est plutôt percutante. Aucun souffle n’est à déplorer, ni aucune saturation dans les aigus. Les dialogues sont vifs, toujours bien détachés, la musique est délivrée avec une belle ampleur. L’ensemble est aéré, fluide et dynamique. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Pathé / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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