Test Blu-ray / La Double vie de Véronique, réalisé par Krzysztof Kieślowski

LA DOUBLE VIE DE VÉRONIQUE réalisé par Krzysztof Kieślowski, disponible en DVD et Combo Blu-ray + 4K UHD le 7 décembre 2021 chez Potemkine Films.

Acteurs : Irène Jacob, Halina Gryglaszewska, Kalina Jedrusik, Aleksander Bardini, Wladyslaw Kowalski, Jerzy Gudejko, Janusz Sterninski, Philippe Volter…

Scénario : Krzysztof Kieślowski & Krzysztof Piesiewicz

Photographie : Slawomir Idziak

Musique : Zbigniew Preisner

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 1991

LE FILM

«  J’ai l’impression que je ne suis pas seule » chuchote Weronika à son père, un soir, dans une petite ville de Pologne. La jeune fille chante avec une voix étrange, presque irréelle. Plus tard, elle aperçoit sur la place du Marché de Cracovie celle qui pourrait être son double : Véronique. Mais un accident de coeur foudroie Weronika lors d’un concert. En France, Véronique éprouve une douleur violente. Elle sent comme une absence. Puis des signes étranges surviennent : appels nocturnes, courriers et même une énigmatique cassette d’indices sonores…

Quel film merveilleux ! Une histoire d’amour, sur les trésors précieux de l’existence, sur le destin, la fatalité. Krzysztof Kieślowski (1941-1996) atteint le sublime avec La Double vie de Véronique. Le cinéaste polonais nous fait pénétrer dans la sphère intime de Véronique / Weronika, ou l’histoire d’une vie qui continue, quittant un être pour se perpétuer dans le corps et l’âme d’un autre. Kieslowski prend la main du spectateur et l’entraîne dans un univers charnel, rempli de désirs où l’être humain doit se fier aux signes et aux moindres détails qui jonchent son parcours. Hypnotique par sa fascinante musique signée Zbigniew Preisner, La Double vie de Véronique est construit autour des sensations, des impressions, avec une virtuosité et une pureté des images de chaque instant, rarement atteintes au cinéma. Comment ne pas tomber amoureux d’Irène Jacob ? La jeune comédienne récompensée par le prix d’interprétation à Cannes en 1991 élève le film vers l’irrationnel, incarne la fragilité à l’état pur, comme celle du cristal. Radieuse, lumineuse, elle devient alors fantasme intouchable, toujours auréolée d’une aura quasi-surnaturelle. Jamais les mystères de l’âme humaine n’auront été aussi troublants et l’on sort du film bouleversé, convaincu qu’un être sur Terre nous ressemble physiquement, psychologiquement. Beaucoup de sentiments passent par le non-dit et l’atmosphère érotico-sensuelle, qui nous font aimer le cinéma. Comment résumer la plus belle scène du film, où Weronika rend son dernier souffle durant l’envolée lyrique du récital, au même moment où Véronique se perd dans un orgasme ? Où l’on ressent une âme s’envoler vers un autre corps…La Double vie de Véronique est un film touché par la grâce, une expérience unique, une époustouflante ode à la vie, riche en symboles, sur la quête de soi. Un chef d’oeuvre absolu et sophistiqué sur les coïncidences, les intuitions, les connexions immatérielles et pourtant réelles entre les individus. Intemporel, envoûtant, furieusement poétique et mélancolique.

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Test Blu-ray / La Bête de guerre, réalisé par Kevin Reynolds

LA BÊTE DE GUERRE (The Beast of War) réalisé par Kevin Reynolds, disponible en DVD et Blu-ray le 5 janvier 2022 chez ESC Editions.

Acteurs : George Dzundza, Jason Patric, Steven Bauer, Stephen Baldwin, Don Harvey, Kabir Bedi, Erick Avari, Chaim Jeraffi…

Scénario : William Mastrosimone, d’après sa pièce

Photographie : Douglas Milsone

Musique : Mark Isham

Durée : 1h49

Année de sortie : 1988

LE FILM

En 1981, un détachement soviétique investit un village afghan soupçonné d’abriter des résistants. Après avoir été sommé de parler, un homme est écrasé par un char sous les yeux de sa fille. Les villageois jurent alors de venger leurs morts et se lancent à la poursuite du char. A bord de l’engin, la tension monte entre le commandant Daskal, une véritable brute, et le pilote Koverchenko, en proie au doute.

Attention, film coup de poing ! Juste avant Robin des Bois, prince des voleurs Robin Hood: Prince of Thieves (1991) et bien sûr Waterworld (1995), Kevin Reynolds (né en 1952) signait un coup de maître avec son deuxième long-métrage, La Bête de guerre The Beast of War, réalisé en 1988. Trois ans après son premier coup d’essai, Une bringue d’enfer Fandango, comédie-dramatique dans laquelle il dirigeait pour la première fois Kevin Costner, le cinéaste se penche sur un sujet brûlant, la guerre d’Afghanistan, en se focalisant sur un char russe au début des années 1980. Si l’on oublie le fait que les soviétiques s’expriment dans la langue de Shakespeare, La Bête de guerre est un véritable uppercut, un film de guerre inoubliable, souvent classé dans les hits des plus grands films du genre, qui a pour particularité d’adopter les deux points de vue opposés. Sans doute l’une des chasses à l’homme les plus prenantes et implacables de l’histoire du cinéma.

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Test Blu-ray / La Chasse – Cruising, réalisé par William Friedkin

LA CHASSE (Cruising) réalisé par William Friedkin, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 19 janvier 2022 chez Colored Films.

Acteurs : Al Pacino, Paul Sorvino, Karen Allen, Richard Cox, Don Scardino, Joe Spinell, Jay Acovone, Randy Jurgensen…

Scénario : William Friedkin, d’après le roman de Gerald Walker

Photographie : James A. Contner

Musique : Jack Nitzche

Durée : 1h42

Année de sortie : 1980

LE FILM

Plusieurs crimes sont perpétrés à New York sur des homosexuels adeptes de pratiques sado-masochistes. Steve Burns, un jeune policier, est chargé de l’enquête et doit, pour ce faire, infiltrer le milieu gay de Greenwich Village…

Après French Connection (1971), récompensé par cinq Oscars, deux BAFTA et trois Golden Globes, puis L’Exorciste (1973), deux Oscars et quatre Golden Globes, William Friedkin peut faire tout ce qu’il souhaite à Hollywood. Cela va être le cas, mais rien ne va se passer comme prévu. Le Convoi de la peur Sorcerer est un échec commercial très grave, qui sort dans l’ombre d’un certain Star Wars. Le temps fera son affaire, mais pour l’heure, le réalisateur doit absolument se refaire une santé au box-office. Pour ce faire, il accepte de prendre les manettes de Têtes vides cherchent coffres pleins The Brink’s Job, comédie policière inspirée par un fait divers réel, avec un casting quatre étoiles, Peter Falk, Peter Boyle, Warren Oates, Gena Rowlands et Paul Sorvino. Mais cette fois encore, le public ne répond pas à l’appel. Le producteur Jerry Weintraub (Nashville de Robert Altman) lui propose alors la transposition du roman Cruising (Piège à hommes en France) de Gerald Walker (journaliste criminel au New York Times), publié en 1970, qui narre l’histoire d’un policier infiltré, à la recherche d’un tueur en série qui sévit dans le milieu gay sado-maso new-yorkais. Mais William Friedkin rechigne, trouvant que le livre a déjà vieilli. Certains éléments récents, quelques histoires sordides de corps ou de membres repêchés, vont toutefois éveiller sa curiosité et le cinéaste décide finalement de lier ces événements à l’intrigue du roman, tout en commençant à se documenter sur le milieu dans lequel se déroulerait le film. La suite, les cinéphiles la connaissent plus ou moins. Le tournage de Cruising La Chasse est marqué par l’omniprésence d’activistes homosexuels, qui manifestent et perturbent les prises de vue, pensant que comme des gays sont tués dans le film, celui-ci ne peut être qu’homophobe. Au coeur de la controverse car acteur principal, Al Pacino est menacé et escorté par des gardes du corps. Il ne participera pas à la promotion de Cruising à sa sortie et gardera un souvenir amer, autant du tournage que du montage final de William Friedkin, qu’il accuse d’avoir trahi son personnage. Quarante ans après, La Chasse est probablement devenu l’un des opus préférés du réalisateur de la part des passionnés de cinéma. Véritable plongée asphyxiante et foncièrement ambiguë dans un monde interlope, complètement méconnu à l’époque, Cruising est un film peu aimable et très dérangeant, il le sera d’ailleurs toujours. Pourtant, thriller admirable, politiquement incorrect, qui malmène constamment le spectateur en l’emmenant sur un territoire où il n’a aucun repère, La Chasse est un film vers lequel on n’a de cesse de revenir, car il s’en dégage un mystère insondable, et lorsque l’on pense en avoir saisi la teneur, le regard face caméra d’Al Pacino réinitialise pour ainsi dire nos analyses et réamorcent nos certitudes. Chef d’oeuvre.

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Test DVD / Les Intranquilles, réalisé par Joachim Lafosse

LES INTRANQUILLES réalisé par Joachim Lafosse, disponible en DVD le 1er février 2022 chez Blaq Out.

Acteurs : Leïla Bekhti, Damien Bonnard, Gabriel Merz Chammah, Patrick Descamps, Jules Waringo, Alexandre Gavras, Joël Delsaut, Colette Kieffer…

Scénario : Juliette Goudot, Anne-Lise Morin, François Pirot, Chloé Léonil, Pablo Guarise, Lou Du Pontavic

Photographie : Jean-François Hensgens

Musique : Olafur Arnalds & Antoine Bodson

Durée : 1h54

Année de sortie : 2021

LE FILM

Leila et Damien s’aiment profondément. Malgré sa fragilité, il tente de poursuivre sa vie avec elle sachant qu’il ne pourra peut-être jamais lui offrir ce qu’elle désire.

Joachim Lafosse fait partie de ces réalisateurs dont chaque film est souvent une expérience douloureuse. Ce qui donne le rythme, le moteur pour ainsi dire de ses histoires, ce sont chaque fois ses personnages, de chair et de sang, animés par l’amour passionnel, aussi bien entre deux êtres que des parents envers leur progéniture, mais où le cocon peut être menacé par un climat affectif irrespirable. Dans Les Intranquilles, son neuvième long-métrage, le cinéaste se focalise sur un couple et leur petit garçon, à un carrefour de leur vie familiale. Contrairement à A perdre la raison, qui conduisait insidieusement les protagonistes vers une issue tragique, mais à l’instar L’Économie du couple, ceux-ci vont vivre le moment le plus difficile de leur existence, pour – peut-être – aller vers l’apaisement, l’inéluctable et l’acceptation. De la première à la dernière image, le Joachim Lafosse happe le spectateur, le prend à la gorge au moment où il s’y attend le moins et resserre son étreinte au fur et à mesure. Récit tragi-comique (les agissements dingues du Damien peuvent faire sourire autant que flipper) sur l’amour parasité par la maladie (ici la bipolarité), entraînant comme un lien pervers, des dysfonctionnements familiaux bien sûr, la question des limites (la femme est ici épuisée et apeurée), thèmes déjà explorés dans Nue propriété, A perdre la raison, ainsi que dans son magnifique moyen-métrage Folie privée (2004), Les Intranquilles cherche à faire partager aux spectateurs la vie de personnages complexes. Ceux-ci sont magistralement incarnés par le duo vedette, Damien Bonnard et Leïla Bekhti, qui devaient alors remplacer Matthias Schoenaerts et Jasmine Trinca. Avec sa mise en scène au cordeau, ses personnages filmés à hauteur d’homme sans fioritures, Joachim Lafosse suscite l’émotion et la réflexion pendant près de deux heures. On en ressort épuisés et bouleversés. Un des plus grands cinéastes de sa génération.

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Test Blu-ray / Le Prêteur sur gages – The Pawnbroker, réalisé par Sidney Lumet

LE PRÊTEUR SUR GAGES (The Pawnbroker) réalisé par Sidney Lumet, disponible en DVD et Blu-ray le 7 décembre 2021 chez Potemkine Films.

Acteurs : Rod Steiger, Geraldine Fitzgerald, Brock Peters, Jaime Sánchez, Thelma Oliver, Marketa Kimbrell, Baruch Lumet, Juano Hernandez…

Scénario : Morton S. Fine & David Friedkin, d’après le roman d’Edward Lewis Wallant

Photographie : Boris Kaufman

Musique : Quincy Jones

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

Un rescapé des camps de concentration nazis devenu propriétaire d’un magasin de prêt sur gage doit à la fois affronter les cauchemars de son passé et l’environnement hostile du ghetto new-yorkais dans lequel il vit.

Quand on évoque Sidney Lumet, on pense immédiatement à Douze Hommes en colère, Serpico, Un après-midi de chien, puis dans un second temps à Point limite, La Colline des hommes perdus, The Offence, Network : Main basse sur la télévision, Le Prince de New York, ou bien encore au Crime de l’Orient-Express, Family Business et peut-être même à 7 h 58 ce samedi-là comme il s’agit de son dernier film. Après, cela devient difficile non ? Pourtant, cette poignée de longs-métrages ne représente même pas la moitié de la carrière cinématographique du réalisateur. Qu’y trouve-t-on alors, notamment dans ses premiers opus ? Pêle-mêle les débuts de Christopher Plummer dans Les Feux du théâtre Stage Struck (1958), une escapade new-yorkaise avec Sophia Loren dans Une espèce de garce That Kind of Woman (1959), Marlon Brando, Anna Magnani et Joanne Woodward pris dans la tourmente d’une pièce de Tennessee Williams (L’Homme à la peau de serpent The Fugitive Kind, 1959), une fabuleuse adaptation d’Arthur Miller avec Raf Vallone (Vu du pont A View from the Bridge, 1961), ainsi qu’une fantastique transposition d’une pièce d’Eugene O’Neill (Long Voyage vers la nuit Long Day’s Journey Into Night, 1962) qui réunissait Katharine Hepburn, Ralph Richardson, Jason Robards et Dean Stockwell. Le septième film de Sidney Lumet est probablement un de ses plus rares, mais également un de ses plus viscéraux. Il s’agit du Prêteur sur gages The Pawnbroker, adapté d’un roman d’Edward Lewis Wallant, auréolé à sa sortie par le Prix FIPRESCI au Festival international du film de Berlin, tandis que sa tête d’affiche, Rod Steiger, se voyait remettre l’Ours d’Argent au même festival, ainsi que le BAFTA du Meilleur Acteur en Angleterre. Disparu des radars durant de longues années, jusqu’à sa résurrection dans les années 2010, Le Prêteur sur gages est un diamant noir dans la prolifique et éclectique filmographie de Sidney Lumet. Difficile d’accès, sombre et désespéré, The Pawnbroker met des mots et surtout des images sur la Shoah, tout en montrant la difficile (ré)adaptation de celles et ceux qui ont pu sortir indemnes des camps de concentration. Rod Steiger, méconnaissable, imprégné par la « méthode », livre une prestation ahurissante (et nommée à l’Oscar, que Lee Marvin obtiendra pour Cat Ballou d’Elliot Silverstein), qui vous prend aux tripes du début à la fin, qui s’imprime définitivement dans votre mémoire et à laquelle vous repenserez souvent avec le même mal de bide. Chef d’oeuvre totalement inconnu du maître Lumet, Le Prêteur sur gages, longtemps dissimulé, peut enfin éclater aux yeux des spectateurs.

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Test Blu-ray / Fear and Desire, réalisé par Stanley Kubrick

FEAR AND DESIRE réalisé par Stanley Kubrick, disponible en DVD et combo Blu-ray + DVD le 7 décembre 2021 chez Elephant Films.

Acteurs : Frank Silvera, Paul Mazursky, Kenneth Harp, Stephen Coit, Virginia Leith…

Scénario : Howard Sackler

Photographie : Stanley Kubrick

Musique : Gerald Fried

Durée : 1h02

Date de sortie initiale: 1953

LE FILM

Dans une guerre abstraite en terre inconnue, une patrouille militaire de quatre hommes, le lieutenant Corby, le sergent Mac et deux soldats, Fletcher et Sidney, se retrouvent derrière les lignes ennemies après que leur avion se soit écrasé. Ils avancent dans la forêt, surprennent deux militaires ennemis et les massacrent. Puis ils rencontrent une jeune fille et, craignant qu’elle ne les dénonce, l’attachent à un arbre. Pendant que ses trois camarades vont vers la rivière construire un radeau qui, espèrent-ils, les ramènera chez eux, Sidney garde la jeune femme. Il se révèle alors avoir l’esprit dérangé, autant à cause des violences de la guerre que de son désir naissant envers la prisonnière…

Réalisé en 1953, Fear and Desire, qui avait failli s’intituler The Trap ou The Shape of Fear, est le premier long métrage réalisé par Stanley Kubrick, alors âgé de 25 ans, qui jusqu’à présent gagnait sa vie comme photographe pour le magazine Look. Juste avant, il avait signé deux courts-métrages, Day of the Fight (1951), qui racontait une journée dans la vie du boxeur Walter Cartier, de la messe du matin jusqu’au match du soir, et Flying Padre (1951), qui parlait d’un prêtre catholique du Nouveau-Mexique, qui, trouvant la superficie de sa paroisse trop importante, se déplaçait avec un avion appelé Spirit of St. Joseph. Tourné avec une poignée d’acteurs inconnus venus du théâtre, une équipe technique réduite et peu de moyens (on parle de 60.000 dollars au final), par ailleurs issus de la tirelire de l’oncle pharmacien du réalisateur et de l’assurance-vie de son père, Fear and Desire prend pour cadre les montagnes de San Gabriel près de Los Angeles et a nécessité cinq semaines de tournage. Également directeur de la photographie, ingénieur du son et monteur, Stanley Kubrick a longtemps cherché à acheter, dans le but de les détruire par la suite, toutes les copies de ce premier essai – ce qu’il pensait avoir fait d’ailleurs – qu’il jugeait trop amateur et qu’il comparait à un « dessin d’enfant sur une porte de frigo » doublé d’un « effort prétentieux et inepte ». D’abord tourné dans le but de devenir un film muet (en fait plus dans un souci d’économie qu’artistique), Fear and Desire devient finalement parlant, le réalisateur ayant été obligé de trouver un apport supplémentaire de 20.000 $ pour le doublage de son film en postsynchronisation. Renié par son auteur qui ne l’incluait jamais dans les rétrospectives qui lui étaient consacrées, Fear and Desire, qui a enfin pu être dévoilé au public au début des années 2010, impose pourtant le perfectionnisme de Stanley Kubrick, son sens du cadre, de la composition des plans avec un magnifique N&B et une importance accordée aux gros plans.

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Test DVD / True Mothers, réalisé par Naomi Kawase

TRUE MOTHERS (Asa ga kuru – 朝が来る) réalisé par Naomi Kawase, disponible en DVD le 1er décembre 2021 chez Blaq Out.

Acteurs : Hiromi Nagasaku, Arata Iura, Aju Makita, Reo Sato, Hiroko Nakajima, Tetsu Hirahara, Ren Komai, Taketo Tanaka…

Scénario : Naomi Kawase & Izumi Takahashi, d’après le roman Mizuki Tsujimura

Photographie : Yûta Tsukinaga

Musique : Akira Kosemura & An Ton That

Durée : 2h14

Année de sortie : 2020

LE FILM

Satoko et son mari sont liés pour toujours à Hikari, la jeune fille de 14 ans qui a donné naissance à Asato, leur fils adoptif. Aujourd’hui, Asato a 6 ans et la famille vit heureuse à Tokyo. Mais Hikari souhaite reprendre le contact avec la famille, elle va alors provoquer une rencontre…

Autant le dire immédiatement, True Mothers est l’un des plus beaux films de l’année 2021. Quand on demande aux cinéphiles spécialisés dans le cinéma asiatique contemporain de citer un ou une cinéaste japonais(e) important(e), ceux-ci vous répondront d’emblée Naomi Kawase. Réalisatrice et scénariste née en 1969, celle-ci se fait tout d’abord remarquer avec ses documentaires autobiographiques au début des années 1990 (Dans ses bras / Étreinte, White Moon). Puis, son premier long-métrage de fiction, Suzaku (1997), est récompensé par la Caméra d’or au Festival de Cannes. C’est le début d’une grande histoire d’amour avec la Croisette, où elle obtiendra également le Grand prix du jury pour La Forêt de Mogari en 2007 et le prix du jury œcuménique pour Vers la lumière en 2017, où elle a aussi été en compétition officielle à cinq reprises à ce jour depuis Shara en 2003. Avec son dernier opus en date, True Mothers, Naomi Kawase se penche – comme son titre l’indique – sur le thème de la maternité et sur celui de l’adoption. Un sujet personnel, puisque la cinéaste avait été abandonnée par ses parents, puis élevée par ses grands-parents, ceux-ci ayant d’ailleurs inspiré plusieurs documentaires, jusqu’à Naissance et Maternité en 2006. True Mothers rappelle beaucoup La Voleuse de Jean Chapot (1966), dans lequel Romy Schneider incarnait une jeune femme, qui avouait à son époux avoir eu un enfant à dix-neuf ans, avant de l’abandonner à un couple stérile, et qui se mettait en tête six ans plus tard de nouer des liens avec le petit garçon, puis de le « récupérer », pour la plus grande douleur de son père nourricier. Avec ce drame psychologique magnifiquement réalisé, Naomi Kawase revient à la source de son cinéma, mais aussi à celle de la vie, souvent représentée par l’omniprésence d’une eau, vitale, qui entoure les personnages comme un liquide amniotique, qui berce, qui reflète les états d’âme, qui apaise, tout comme cette couleur bleue, où le ciel et la mer se (con)fondent comme un éden terrestre. Et c’est sublime.

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Test Blu-ray / Profession du père, réalisé par Jean-Pierre Améris

PROFESSION DU PÈRE réalisé par Jean-Pierre Améris, disponible en DVD et Blu-ray le 7 décembre 2021 chez Ad Vitam.

Acteurs : Benoît Poelvoorde, Audrey Dana, Jules Lefebvre, Tom Lévy, Nicolas Bridet, Martine Schambacher, Jean-Michel Molé, Eric Verdin…

Scénario : Jean-Pierre Améris, d’après le roman de Sorj Chalandon

Photographie : Pierre Milon

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Emile, 12 ans, vit dans une ville de province dans les années 1960, aux côtés de sa mère et de son père. Ce dernier est un héros pour le garçon. Il a été à tour à tour était chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d’une Église pentecôtiste américaine et conseiller personnel du général de Gaulle. Et ce père va lui confier des missions dangereuses pour sauver l’Algérie, comme tuer le général.

Troisième collaboration entre Jean-Pierre Améris et Benoît Poelvoorde après Les Émotifs anonymes (2010) et Une famille à louer (2015), Profession du père est l’adaptation du roman homonyme de Sorj Chalandon, récit inspiré de l’enfance de l’écrivain. L’affiche n’est pas du tout représentative du film. Si vous pensez qu’il s’agit d’une comédie douce et tendre, détrompez-vous. Profession du père est un drame sombre et même parfois violent, où la mythomanie d’un père va bouleverser l’existence de son petit garçon. A travers cette histoire quasi-autobiographique, le réalisateur a su également reconnaître quelques pans de sa propre vie et n’a d’ailleurs pas hésité à tourner son film à Lyon, ville où il est né. On est tout d’abord surpris en découvrant l’atmosphère (faussement) légère de Profession du père, cette famille visiblement équilibrée avec une mère attentionnée (merveilleuse Audrey Dana), un père débordant d’énergie et leur fils Emile tout mignon. Seulement voilà, le paternel, ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale et anti-gaulliste, va se perdre petit à petit dans ses délires ambigus et mensonges récurrents, jusqu’à entraîner Emile dans ses dérives et ses conspirations, dont le but ultime serait d’éliminer le chef de l’état. Profession du père dresse à la fois le portrait d’un homme au bout du rouleau et celui d’un garçon, partagé entre la fascination et le dégoût pour celui qui lui sert alors de modèle. S’il n’a connu aucun succès dans les salles avec 37.500 entrées au compteur, il serait dommage de passer à côté de ce film étonnant.

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Test DVD / L’Évadée, réalisé par Arthur D. Ripley

L’ÉVADÉE (The Chase) réalisé par Arthur D. Ripley, disponible en DVD le 7 décembre 2021 chez Artus Films.

Acteurs : Robert Cummings, Michèle Morgan, Steve Cochran, Jack Holt, Lloyd Corrigan, Don Wilson…

Scénario : Philip Yordan, d’après le roman de Cornell Woolrich

Photographie : Franz Planer

Musique : Michel Michelet

Durée : 1h21

Date de sortie initiale : 1946

LE FILM

Chuck Scott, vétéran de guerre, tombe amoureux de Lorna, la femme d’un gangster. Ils décident de s’enfuir ensemble, provoquant la colère sadique du truand.

Il arrive parfois, souvent même, qu’un film dont on n’attendait pas forcément grand-chose, vous cueille au point de vous laisser une grande et insoupçonnée impression. C’est le cas de L’Évadée The Chase, réalisé en 1946 par un certain Arthur fD. Ripley, dans lequel Robert Cummings donne la réplique à notre Michèle Morgan nationale. C’est un petit thriller étrange, qui lorgne un peu vers le fantastique, en bifurquant à mi-chemin vers un rêve pour ainsi dire d’opium, le personnage principal, atteint de troubles du stress post-traumatique, se gavant de médicaments l’aidant à aller de l’avant. Mais c’était sans compter sur la propriété des calmants, qui entraînent Chuck Scott dans un cauchemar prémonitoire. Si à l’époque la structure avait pu troubler les spectateurs, au point d’en perdre certains, qui ne comprenaient pas pourquoi le récit prenait une autre dimension à mi-parcours, aujourd’hui les codes sont mieux assimilés par une audience abreuvée d’histoires du même acabit. Toutefois, L’Évadée demeure un film noir particulier et singulier, classique dans sa mise en scène, mais qui reste ponctué par quelques éléments originaux et encore très modernes. Une belle découverte donc.

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Test DVD / La Femme déshonorée, réalisé par Robert Stevenson

LA FEMME DÉSHONORÉE (Dishonored Lady) réalisé par Robert Stevenson, disponible en DVD le 7 décembre 2021 chez Artus Films.

Acteurs : Hedy Lamarr, Dennis O’Keefe, John Loder, William Lundigan, Morris Carnovsky, Natalie Schafer, Paul Cavanagh, Douglass Dumbrille…

Scénario : Edmund H. North, d’après une pièce de Edward Sheldon et Margaret Ayer Barnes

Photographie : Lucien N. Andriot

Musique : Carmen Dragon

Durée : 1h21

Date de sortie initiale : 1947

LE FILM

Directrice de presse, Madeleine Damien fait une tentative de suicide. Le docteur Caleb la prend en charge et la convainc de changer de vie. Elle emménage alors à Greenwich Village et se met à la peinture. Elle rencontre David, un scientifique, qui va lui redonner peu à peu goût à la vie. Un soir, elle retrouve Félix, un ancien amant.

La dernière fois que nous évoquions Hedy Lamarr, c’était pour parler du Démon de la chair The Strange Woman (1946) d’Edgar G. Ulmer, thriller viscéral adapté d’un roman de Ben Ames Williams, produit et interprété par la sublimissime Hedy Lamarr (1914-2000), femme fatale, vénéneuse et à se damner dans un rôle taillé sur mesure, dans lequel elle enflammait l’écran et les sens. Si vous désirez en savoir plus sur la comédienne, ainsi que sur sa vie et son parcours atypiques, vous saurez retrouver notre chronique. Nous reprendrons donc où nous en étions, puisque le film qui nous intéresse aujourd’hui, La Femme déshonoréeDishonored Lady (1947) est le long-métrage tourné dans la continuité par Hedy Lamarr. Également productrice sur cet opus, cette dernière est toujours aussi magnétique et foudroie par la modernité de son jeu, sur lequel le temps semble ne pas avoir d’emprise. Confié au légendaire Robert Stevenson (1905-1986), réalisateur des mythiques productions Disney Un Amour de coccinelle et Un Nouvel amour de coccinelle, L’Apprentie sorcière, Mary Poppins,L’Espion aux pattes de velours, L’Île sur le toit du monde, Le Fantôme de Barbe-Noire et Professeur tête en l’air, La Femme déshonorée est un drame psychologique saupoudré de quelques petites touches de film noir, qui conserve un charme fou. Et c’est encore une fois l’occasion d’admirer l’une des plus belles actrices de l’histoire du cinéma.

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