TUEZ-LES TOUS…ET REVENEZ SEUL ! (Ammazzali tutti e torna solo) réalisé par Enzo G. Castellari, disponible en combo Blu-ray+DVD le 22 février 2023 chez Studiocanal
Acteurs : Chuck Connors, Frank Wolff, Franco Citti, Leo Anchóriz, Giovanni Cianfriglia, Alberto Dell’Acqua, Hércules Cortés, Antonio Molino Rojo, Furio Meniconi, Alfonso Rojas, Ugo Adinolfi, John Bartha…
Scénario : Tito Carpi, Enzo G. Castellari, Francesco Scardamaglia & Joaquín Romero Hernández
Photographie : Alejandro Ulloa
Musique : Francesco De Masi
Durée : 1h36
Date de sortie initiale : 1968
LE FILM
La guerre de Sécession fait rage. Loin du front, le capitaine Lynch dirige un camp de prisonniers. Le sergent Brian y fait régner une discipline de fer. Clyde, un prisonnier qui bénéficie de complicités nordistes, réussit à s’enfuir avec quelques bagnards, en volant un trésor caché dans une poudrière sudiste. Déserteur, le sergent Brian se joint à la petite troupe. Tous ne sont mus que par l’appât du gain. Les protagonistes de l’aventure commencent à s’entretuer. Qui conservera l’or ? Le capitaine Lynch lui-même a sa petite idée sur la question…
Enzo G. Castellari. Un nom qui fait immédiatement vibrer les amateurs de cinéma d’exploitation italien. Le réalisateur, né en 1938, détient l’une des filmographies les plus excitantes du cinéma Bis qui remplissait alors les salles. Quelques titres en vrac, Quelques dollars pour Django – Pochi dollari per Django, Je vais, je tire et je reviens – Vado… l’ammazzo e torno, Sur ordre du Führer – La Battaglia d’Inghilterra, Le Témoin à abattre – La Polizia incrimina, la legge assolve, Un citoyen se rebelle – Il Cittadino si ribella, Keoma, Big Racket – Il Grande racket, La Mort au large – L’Ultimo squalo, Les Nouveaux Barbares – I nuovi barbari, Les Guerriers du Bronx – 1990: I guerrieri del Bronx, Une poignée de salopards – Quel maledetto treno blindato (ou Inglorious Bastards)…Également scénariste la plupart du temps de ses films, Enzo G. Castellari ne s’est jamais caché de surfer allègrement sur les genres à la mode, western, polar, giallo, aventure, épouvante, post-apocalyptique, dans le seul et unique but (en dehors de remplir le tiroir-caisse) de divertir les spectateurs, qui lui ont bien rendu tout au long de sa carrière. C’est le cas de Tuez-les tous… et revenez seul ! – Ammazzali tutti e torna solo, western mis en scène en 1968, à la limite de la parodie et qui annonce donc les légendaires opus du fabuleux tandem Terence Hill et Bud Spencer, dont le mythique On l’appelle Trinita – Lo chiamavano Trinità d’Enzo Barboni ne sortira que deux ans plus tard. Enchaînement quasi-ininterrompu de gunfights et de bastons aux bruitages bourrins, Tuez-les tous… et revenez seul ! est un savoureux divertissement, une chasse au trésor menée sans aucun temps mort et interprété par une ribambelle de comédiens aux tronches patibulaires sur lesquels trône l’américain Chuck Connors (Soleil vert de Richard Fleischer, Pancho Villa d’Eugenio Martín), gueule célèbre du western, qui promène ses 2 mètres de hauteur, sans se forcer, le teint hâlé, les yeux bleus délavés et le sourire carnassier. Du spectacle à l’état pur.
Lors de la guerre de Sécession, le commandement sudiste confie à une poignée de mercenaires, la tâche de s’emparer d’un chargement d’or de l’Union, destiné à payer des armes et caché dans une mine où est entreposé un dépôt de munitions. Avec à sa tête Clyde, le commando déjoue les lignes ennemies, réussit à pénétrer dans la poudrière et à s’emparer du précieux butin. Clyde décide alors de se l’approprier et s’enfuit. Retrouvé par ses acolytes, une lutte impitoyable pour la possession de l’or s’engage alors, à laquelle participe Lynch, un capitaine traître sudiste du contre-espionnage, passé à l’ennemi.
Incrustez-vous dans la bande de Clyde Mac Kay (la tête pensante), au milieu de Deker (le plus futé, le roi de la dynamite), Bogard (qui peut casser le dos d’un homme à mains nues…et sans raison), Hoagy (un garçon bizarre, qui possède un doigté exceptionnel, surtout avec un flingue), Blade (qui n’aime pas les armes à feu, mi-indien, mi-mexicain, qui aime tailler la viande crue, des gens de préférence), Le Kid (agile comme un singe, qui en a aussi l’intelligence, un tueur dans l’âme) ! De bons gros salopards, très inspirés de ceux de Robert Aldrich, dont le film était sorti l’année précédente. Point de psychologie ici, chaque élément de l’équipe est réduit à une capacité physique particulière doublée d’une dextérité au flingue (ou au couteau pour Blade). Le groupe mené par Clyde est en route pour une mission qui consiste à dérober un million de dollars en or, dissimulé au fond de boîtes de dynamite entreposées dans une armurerie nordiste. Tout irait pour le mieux, si l’opération n’avait pas été récupérée par le capitaine Lynch, un agent des services de contre-espionnage infiltré dans le groupe, qui les fait capturer, dans le but de récupérer l’or. Enzo G. Castellari se fait plaisir avec un cadre large, une caméra qui ne tient jamais en place, des travellings en veux-tu en voilà, des gros plans, un usage récurrent du zoom (qui participe au rythme de cette aventure) et une photographie solaire signée Alejandro Ulloa, talentueux chef opérateur de California, Le Miel du diable, Terreur dans le Shanghaï Express et Photos interdites d’une bourgeoise.
S’ils s’y sont mis à quatre pour pondre le scénario, y compris Enzo G. Castellari lui-même, le récit est somme toute prétexte à une succession d’affrontements et de cascades extrêmement bien réglés. À ce titre, Alberto Dell’Acqua (connu sous divers pseudos comme Robert Widmark, Cole Kitosh, Al Waterman et Albert Nova) s’en donne à coeur joie et son passé d’acrobate, trapéziste et même de clown est mis à profit dans beaucoup de séquences, où le jeune acteur, qui avait fait ses débuts dans le formidable Texas Adios de Ferdinando Baldi, plonge, roule, saute dans tous les coins, tout en rendant inquiétant son rôle de Kid, qu’on imagine bien psychopathe avec ses yeux dingues passés au khôl. Se distinguent aussi Frank Wolff (La Mort marche en talons hauts, Le Grand silence, Il était une fois dans l’Ouest), toujours impeccable dans les rôles de fumier (ici le Capitaine Lynch), Hércules Cortés (ancien lutteur et acteur professionnel espagnol), Giovanni Cianfriglia (Marcucci dans Peur sur la ville) et Franco Citti (un des acteurs fétiches de Pier Paolo Pasolini, vu aussi dans Il gatto dagli occhi di giada d’Antonio Bido). Dix ans après la série L’Homme à la carabine, Chuck Connors, que certains ont trop vite qualifé d’Henry Fonda du pauvre ou de Jack Palance de pacotille, a une vraie présence à l’écran et vaut bien plus que les critiques ont pu dire sur lui durant une bonne partie de sa carrière.
Pur western « spaghetti » italo-espagnol (d’où le mélange d’acteurs ibériques et transalpins), Tuez-les tous… et revenez seul ! est proche du cartoon avec les multiples cabrioles invraisemblables des victimes des coups de feu ou des explosions (les catapultes sont légion), la musique de Francesco De Masi (L’Éventreur de New York) soulignant toute l’action et la violence, une balle pouvant facilement ruer une demi-douzaine d’ennemis. On ne s’ennuie pas une seconde et même on en redemande après ! Une valeur sûre.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
La collection Make My Day ! de Jean-Baptiste Thoret arrive déjà à son 56è titre ! Nous en avons déjà longuement parlé et vous savez donc ce qui vous reste à faire pour la découvrir. Toujours est-il que nous avons affaire ici à un double-programme composé de Tuez-les tous… et revenez seul ! d’Enzo G. Castellari et du magnifique long-métrage de Lucio Fulci, Les Quatre de l’apocalypse. Les quatre disques, deux DVD et deux Blu-ray, repose dans un Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné aux couleurs éclatantes typiques de cette anthologie. Le menu principal est très légèrement animé et musical.
Nous ne trouvons qu’une présentation très rapide de Jean-Baptiste Thoret (7’25). Ce dernier s’exprime sur le style d’Enzo G. Castellari, replace Tuez-les tous… et revenez seul ! dans sa carrière (1968, une année faste avec trois westerns à l’affiche), évoque les influences (Les 12 Salopards de Robert Aldrich), le casting, la caractérisation des personnages (« une psychologie réduite à l’os »), sans oublier l’art du divertissement propre au réalisateur.
L’Image et le son
Ce master HD permet aux spectateurs de redécouvrir Tuez-les tous… et revenez seul ! dans de superbes conditions techniques. Les volontés artistiques du chef opérateur Alejandro Ulloa sont respectées, tout comme le grain original heureusement conservé et élégant. Les noirs sont concis, la clarté fabuleuse, le piqué vif et acéré, la restauration impressionnante (quelques fils en bord de cadre subsistent tout de même), les détails sur le cadre large sont légion et les contrastes pointus, y compris sur les séquences en intérieur. Les gammes chatoyantes sont harmonieuses, le soleil cuisant se fait ressentir tout du long, et seuls quelques plans rapprochés plus ouatés témoignent d’une légère perte de la définition. Blu-ray au format 1080p.
L’éditeur propose les versions italienne, anglaise et française dans un Mono original. Passons rapidement sur ces deux dernières, qui se concentrent essentiellement sur le report des voix parfois au détriment des effets annexes. Les dialogues sont d’ailleurs parfois trop élevés sur certaines séquences, même à faible volume, mais l’écoute demeure suffisante. Elles ne sont pas aussi fluides et homogènes que la version transalpine, avec son report ardent des dialogues. Dans tous les cas, les séquences de fusillades sont merveilleusement restituées, dynamiques et vives, tout comme le génial score de Francesco De Masi qui profite d’une excellente exploitation.