Test Blu-ray / Luz, la fleur du mal, réalisé par Juan Diego Escobar Alzate

LUZ (Luz, la fleur du mal) réalisé par Juan Diego Escobar Alzate, disponible en Blu-ray depuis décembre 2022 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Yuri Vargas, Jim Muñoz, Andrea Esquivel, Sharon Guzman, Marcela Robledo, Conrado Osorio, Johan Camacho, Daniel Páez…

Scénario : Juan Diego Escobar Alzate

Photographie : Nicolás Caballero Arenas

Musique : Brian Heater

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

De nos jours, dans un petit village isolé au milieu des montagnes colombiennes – Une communauté vit comme au Moyen-Âge sous le joug d’un prédicateur nommé El Senor, qui dirige la population et retient prisonnier un enfant nommé Jesus, censé être le Nouveau Messie. Le comportement d’El Senor finit par semer le trouble et le chaos au sein des villageois, et notamment ses trois propres filles.

Quel étrange film que ce Luz, la fleur du mal, réalisé par le colombien Juan Diego Escobar Alzate (né en 1987), auteur d’une demi-douzaine de courts-métrages, de quelques épisodes de séries télévisées, d’un téléfilm et de clips musicaux. Imaginé comme un segment manquant entre le cinéma de Terrence Malick et celui d’Alejandro Jodorowsky, Luz, la fleur du mal n’est certes pas un coup de maître et ce en raison de défauts souvent liés à un premier long-métrage, mais n’en reste pas moins intéressant à plus d’un titre. Magnifiquement photographié par Nicolás Caballero Arenas, le film fait penser à une succession de tableaux éclatants ou crépusculaires, en jouant sur le contraste entre les scènes diurnes aux couleurs pastel et célestes, et les séquences de nuit anxiogènes, particulièrement oppressantes. Multi-récompensé dans les festivals du monde entier, au Buenos Aires Rojo Sangre au Buffalo Dreams Fantastic Film Festival, en passant par l’Horrible Imaginings Film Festival, le Lonely Wolf: London International Film Festival, et présenté aussi à Sitges, Luz, la fleur du mal a connu une vraie petite renommée à sa sortie, même s’il demeurait jusqu’alors inédit en France. Sans doute trop proche de l’impressionnant The Witch de Robert Eggers gagne d’être découvert et dévoile la sensibilité d’un artiste à suivre de près.

Au milieu des montagnes perdues de la Colombie, près de la cordillère des Andes, une communauté isolée dirigée d’une main de fer par un prédicateur veuf connu sous le nom de El Señor est chamboulée par l’arrivée d’un petit garçon blond présenté au village comme étant la réincarnation du Christ. Mais avec son arrivée les maux commencent. Non seulement pour le village, mais aussi dans la maison du prédicateur, où ses trois filles, Laila, Uma et Zion commenceront à remettre en question le vrai sens de la foi, déclenchant une vague de violence et de douleur.

En réalité, il est presque impossible de résumer au-delà, car Luz, la fleur du mal est une expérience cinématographique, un trip sensoriel dont le ressenti sera unique, personnel, propre à chaque spectateur. On peut trouver le temps long, car le gros problème ici est l’inexistence de rythme, qui mérite un plein investissement du début à la fin. L’absence totale d’empathie fait qu’on peut difficilement se raccrocher aux personnages. Toutefois, les comédiens sont exceptionnels, en premier lieu Conrado Osario, une vraie gueule de cinéma qui rappelle Pierfrancesco Favino et Ricardo Darín, imposant dans le rôle d’El Senor, totalement imprévisible, rongé par la douleur d’un deuil insurmontable, qui s’exprime par une violence prête à exploser à n’importe quel moment. Mention spéciale également aux trois jeunes actrices qui interprètent les filles du prédicateur illuminé (pléonasme), Andrea Esquivel (Laila), Yuri Vargas (Uma) et Sharon Guzman (Zion), dont l’investissement reste saisissant, surtout au cours du dernier acte, quand les événements se précipitent.

On en prend plein les yeux et ce dès le générique qui plante le décor, avec des paysages naturels extraordinaires situés à la périphérie de la ville de Manuzales, où Juan Diego Escobar Alzate a d’ailleurs vu le jour. Puis, avec une sensation de léthargie, on observe le père couper du bois comme Charles Ingalls, ses filles qui traient les vaches ou qui se baignent nues près des colossales cascades, tandis qu’une pesante voix-off très malickienne commente ce qui se passe ou évoque la religion qui régit ce beau petit monde. Mais honnêtement, on regarde tout cela avec un ennui poli, de belles – et même de somptueuses – images ne font pas tout. On peine franchement à trouver un point d’ancrage dans Luz, la fleur du mal. Oui, c’est de temps en temps hypnotique, cela donne matière à réflexion sur le fanatisme religieux, mais on décroche au fur et à mesure que le « récit » avance, l’usage des guillemets signifiant que le metteur en scène apparaît bien trop occupé à chiader la forme, sans forcément penser à intéresser celui ou celle qui voudra bien lui accorder 100 minutes.

Si la « Luz » est la communion de toutes les choses et arrive quand tout est en harmonie, comme on nous le dit en cours de route, le film ne réunira pas tous les spectateurs et ses airs quelque peu poseurs qui ne parviennent pas à aller au-delà du simple exercice de style contemplatif en irriteront beaucoup. Malgré tout, le dénouement, même s’il peut laisser perplexe, vaut le coup d’oeil et montre que Juan Diego Escobar Alzate en a vraiment sous le capot. De nombreux photogrammes s’impriment sur nos rétines, ainsi que dans notre mémoire et c’est déjà pas mal.

LE BLU-RAY

C’est assez rare pour être signalé, Le Chat qui fume édite Luz, la fleur du mal en Blu-ray, un film contemporain qui tranche avec son habituelle ligne éditoriale, qui n’a eu de cesse de muter, de s’étoffer avec une véritable et enthousiasmante ambition. Le film de Juan Diego Escobar Alzate est donc présenté en Blu-ray, le disque étant confortablement disposé dans un luxueux Digipack à trois volets, glissé dans un sublime fourreau cartonné liseré bleu. Le menu principal est animé et musical. Édition limitée à 1000 exemplaires. Montage intégral.

Le premier bonus est un making of tourné en fausse VHS (un filtre ou logiciel agaçant, qui finit par faire très mal aux yeux) et d’une durée de près d’une heure. Il s’agit d’une vraie plongée sur le plateau, situé dans un coin perdu en Colombie, où les portables demeurent silencieux (pas de réseau sur place) et où les bruits de la ville semblent loin. Le réalisateur (vêtu d’un pull de Noël), les comédiens et d’autres membres de l’équipe interviennent face caméra pour parler des conditions de tournage (qui s’étalera sur trois semaines), des personnages, des thèmes du film. On y voit aussi la préparation des maquillages/effets spéciaux. La forme est plus étonnante que le fond et l’ensemble est aussi longuet que redondant.

Dans le même style, un documentaire tourné par l’équipe du film nous plonge en plein coeur du Festival de Sitges, où Luz, la fleur du mal était présenté en première mondiale, ainsi qu’en compétition officielle. Durant 49 minutes précisément, on suit les acteurs et le réalisateur déambuler au milieu des fans de cinéma d’épouvante et fantastique, s’immiscer dans un cosplay, faire du tourisme, des emplettes et surtout sur scène devant 1200 spectateurs venus découvrir le film, ainsi que durant une conférence de presse. Après le Festival, la troupe fait un petit crochet par Barcelone, avant de s’envoler à nouveau vers la Colombie.

L’interactivité se compose aussi de la bande originale (47’), de la bande-annonce, ainsi que du clip vidéo de The Scum – Dead Eyes (6’), dispo en karaoké pour les plus courageux (du métal bien bourrin) et réalisé par Juan Diego Escobar Alzate.

L’Image et le son

L’univers visuel foisonnant de Juan Diego Escobar Alzate sied à merveille au support Blu-ray. Le Chat qui fume livre un magnifique master HD. Les sublimes partis pris esthétiques du chef opérateur Nicolás Caballero Arenas passent remarquablement le cap du petit écran et les détails foisonnent aux quatre coins du cadre. Les contrastes affichent une densité impressionnante, le piqué est tranchant comme un scalpel y compris sur les scènes sombres. La profondeur de champ demeure abyssale, les détails se renforcent et abondent en extérieur jour, la colorimétrie est vive, bigarrée et étincelante, le relief est palpable tout du long. On ne sait pas si les quelques poussières et griffures constatées sont volontaires, mais il semblerait que oui et réalisées en postproduction. En l’état, voici un transfert estomaquant de beauté, un léger grain cinéma respecté, une clarté voluptueuse, le tout conforté par un encodage AVC solide comme un roc, voilà un nouveau Blu-ray de démonstration. Le label rouge Le Chat qui fume en quelque sorte.

La bande-son participe également au caractère expérimental de l’oeuvre de Juan Diego Escobar Alzate. Point de version française à l’horizon, le film n’ayant jamais été doublé, mais seulement le mixage original espagnol ponctué par des dialogues bien posé sur la centrale, livrés dans un emballage DTS-HD Master Audio 5.1. Ce mixage instaure un réel confort acoustique en spatialisant ardemment les limpides effets annexes, avec des latérales intelligemment mises à contribution, tandis que la balance frontale demeure constamment en activité.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Afasia Media & Films SAS / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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