Test Blu-ray / Benedetta, réalisé par Paul Verhoeven

BENEDETTA réalisé par Paul Verhoeven, disponible en DVD et Blu-ray le 17 novembre 2021 chez Pathé.

Acteurs : Virginie Efira, Charlotte Rampling, Daphne Patakia, Lambert Wilson, Olivier Rabourdin, Louise Chevillotte, Hervé Pierre, Clotilde Courau…

Scénario : David Birke & Paul Verhoeven, d’après le livre de Judith C. Brown

Photographie : Jeanne Lapoirie

Musique : Anne Dudley

Durée : 2h11

Année de sortie : 2021

LE FILM

Au XVIIe siècle, alors que la peste se propage en Italie, la très jeune Benedetta Carlini rejoint le couvent de Pescia, en Toscane. Dès son plus jeune âge, Benedetta est capable de faire des miracles et sa présence au sein de sa nouvelle communauté va changer bien des choses dans la vie des sœurs.

Revoilà Paulo, notre hollandais préféré, l’un des réalisateurs les plus fous de l’histoire du cinéma. On attendait de pied ferme (et pas queue) son dernier film en date Benedetta, depuis son affiche teaser révélée à Cannes, où une religieuse, incarnée par Virginie Efira, était vêtue d’un voile qui dévoilait un sein généreux. Repoussé plusieurs fois en raison de cette satanée pandémie et de problèmes de santé du réalisateur, Benedetta a pu enfin connaître une sortie sur les écrans. Heureusement d’ailleurs, car il y a plus d’audace durant ces deux heures que dans tous les films français réunis sortant une même année. N’y allons pas par quatre chemins, si Benedetta n’a peut-être pas l’impact des œuvres précédentes de Paul Verhoeven, cette production belgo-néerlando-française est une grosse claque qu’on aimerait se prendre bien plus souvent dans la tronche. Évidemment provocateur, parfois kitsch (tout ce qui concerne ce cher Jésus, sujet de fascination du cinéaste), totalement assumé, drôle (on pense même à Novices libertines de Bruno Mattei, fleuron de la nunsploitation), avec même quelques petites touches scatos, mystérieux, sensuel, sexuel, réflectif et intelligent, Benedetta ne laisse pas indifférent et, encore mieux, ne fera jamais l’unanimité. Avec ce seizième long-métrage, le metteur en scène prouve qu’à plus de 80 ans, son cinéma reste éternellement jeune, car rebelle, tout en offrant sûrement à Virginie Efira l’un des rôles de sa vie et dont le personnage rejoint naturellement la « faune féminine verhoevenienne » aux côtés de Katie Tippel, Fientje, Agnes, Catherine Tramell, Nomi Malone et bien d’autres.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / Benedetta, réalisé par Paul Verhoeven »

Test Blu-ray / Christmas Evil, réalisé par Lewis Jackson

CHRISTMAS EVIL réalisé par Lewis Jackson, disponible en DVD et Blu-ray le 1er décembre 2021 chez Carlotta Films.

Acteurs : Brandon Maggart, Jeffrey DeMunn, Dianne Hull, Andy Fenwick, Brian Neville, Joe Jamrog, Wally Moran, Gus Salud…

Scénario : Lewis Jackson

Photographie : Ricardo Aronovich

Musique : Don Christensen, Joel Harris & Julia Heyward

Durée : 1h30

Année de sortie : 1980

LE FILM

Enfant, Harry surprend sa mère en plein ébat avec le Père Noël. Cette vision le hantera toute sa vie. Trente ans plus tard, Harry travaille dans une usine de jouets et son existence entière tourne autour du Père Noël. Il souhaite incarner l’innocence que représente à ses yeux cette figure, mais l’époque a changé et le cynisme règne en maître. Harry va alors endosser son costume et distribuer lui-même les cadeaux… ou les châtiments…

Cette année, vous avez intérêt à croire au Père Noël, sinon il vous « hottera » la vie. Si la tagline exagère un brin, puisque le film est assez sage, Christmas Evil, connu aussi sous le titre You Better Watch Out, ou bien encore Terreur au royaume des jouets chez nos amis canadiens, est à ce jour le dernier long-métrage du réalisateur Lewis Jackson. Sorti discrètement en 1980, cet opus a en fait été vendu comme un slasher, dans lequel un homme arbore le costume du Père Noël et s’en va trucider quelques individus qui n’ont sûrement pas été sages, alors qu’il ne s’agit pas du tout de ça. Christmas Evil est un thriller dramatique psychologique qui narre la folie d’un homme, à la fois fasciné et traumatisé par Noël, qui a tout simplement décidé de devenir celui par qui – normalement – le bonheur arrive le 25 décembre de chaque année. Sauf qu’à l’exception des gamins innocents, même si certains ne confirment pas cette règle, la plupart des adultes semblent avoir perdu leur fantaisie, leur joie de vivre et n’arrivent pas à profiter de ce jour unique. Un homme décide alors de revêtir l’habit rouge, de transformer son van en traîneau et d’aller fureter en ville le soir du réveillon, dans l’espoir de donner du plaisir à ses concitoyens. Mais évidemment, cela ne va pas se passer comme prévu. Christmas Evil n’est pas exempt de faiblesses et de maladresses. Toutefois, on comprend pourquoi le film de Lewis Jackson, très joliment photographié par Ricardo Aronovich (Le Souffle au cœur de Louis Malle, L’Attentat de Yves Boisset, L’important c’est d’aimer d’Andrzej Żuławski), a su marquer les esprits des spectateurs depuis quarante ans. En raison de son ton désabusé, par le portrait à la fois effrayant et bouleversant d’un homme au bout du rouleau, qui va se perdre en vivant son fantasme jusqu’au bout. « Cette année, laissez la cheminée allumée ! » disait la bande annonce. C’est un conseil auquel nous adhérons.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / Christmas Evil, réalisé par Lewis Jackson »

Test DVD / The Son, réalisé par Ivan Kavanagh

THE SON (Son) réalisé par Ivan Kavanagh, disponible en DVD le 2 novembre 2021 chez Rimini Editions.

Acteurs : Andi Matichak, Emile Hirsch, Luke David Blumm, Cranston Johnson, Blaine Maye, J. Robert Spencer, Rocco Sisto, Kristine Nielsen…

Scénario : Ivan Kavanagh

Photographie : Piers McGrail

Musique : Aza Hand

Durée : 1h34

Année de sortie : 2021

LE FILM

Laura, enceinte, s’enfuit de la secte satanique où elle a grandi. Huit ans plus tard, elle vit en toute tranquillité avec son fils David quand, un soir, Laura voit des inconnus réunis autour du lit du jeune garçon. Après une étrange cérémonie, ce dernier développe des troubles inquiétants et est hospitalisé en urgence. La santé mentale de Laura intrigue rapidement les enquêteurs.

On vous avait bien dit de retenir le nom du réalisateur irlandais Ivan Kavanagh à la sortie de Never Grow Old, western crépusculaire, sombre et poisseux, noir anthracite, jusque dans sa sublime photographie. En effet, celui-ci revient avec son septième long-métrage, un thriller d’épouvante, Son ou bien The Son dans certains pays, dont il signe une fois de plus le scénario, récompensé au Festival International du film fantastique de Bruxelles et au Festival International du film de Dublin. Il retrouve à cette occasion Emile Hirsch (impeccable, même s’il commence bizarrement à ressembler à Jack Black), qu’il avait dirigé dans son précédent opus, mais confie le premier rôle à l’américaine Andi Matichak, qui incarne la petite fille de Laurie Strode dans la trilogie Halloween de David Gordon Green. La comédienne crève l’écran ici dans un rôle ambigu et difficile, troublant et émouvant, celui d’une mère traumatisée par un passé extrêmement violent, qui revient perturber son quotidien et qui pourrait bien attenter à la vie de son fils. Mieux vaut en savoir le moins possible cette fois encore sur les multiples rebondissements qui jalonnent le récit et pour mieux se laisser porter par ce conte macabre souvent virtuose. Une grande claque.

Continuer la lecture de « Test DVD / The Son, réalisé par Ivan Kavanagh »

Test Blu-ray / What Keeps You Alive, réalisé par Colin Minihan

WHAT KEEPS YOU ALIVE réalisé par Colin Minihan, disponible en DVD et Blu-ray le 3 novembre 2021 chez Blaq Out.

Acteurs : Hannah Emily Anderson, Brittany Allen, Martha MacIsaac & Joey Klein

Scénario : Colin Minihan

Photographie : David Schuurman

Musique : Brittany Allen

Durée : 1h35

Année de sortie : 2018

LE FILM

Pour leur premier anniversaire de mariage, Jackie emmène Jules dans le coin reculé où son père et elle allaient chasser, quand elle était petite. Personne à la ronde, à part la luxueuse demeure de son amie d’enfance de l’autre côté du lac. Toutes les conditions sont réunies pour un week-end idyllique en amoureuses. Pour une plongée dans l’horreur, aussi.

Né en 1985, le canadien Colin Minihan se fait remarquer en 2011 avec Grave Encounters, film d’horreur devenu culte qu’il réalise avec Stuart Ortiz, sous le nom des Vicious Brothers. Une suite sera vite mise en chantier suite au succès du premier épisode, que les deux complices écriront, mais pour laquelle ils confieront les manettes à John Poliquin. De son côté, Colin Minihan écrit et met en scène Extraterrestrial avec Michael Ironside et Brittany Allen, cette dernière, compagne du cinéaste, sera aussi à l’affiche de Bloody Sand en 2016. Avant de le retrouver aux commandes du remake-reboot d’Urban Legend, le réalisateur signe un petit bijou qui s’inscrit dans le registre du survival, What Keeps You Alive, projeté au Paris International Fantastic Film Festival en 2018. Afin de mieux l’apprécier, évitez tout d’abord la bande-annonce qui révèle beaucoup, pour ne pas dire trop d’éléments de l’histoire. Contentez-vous de lire le résumé ci-dessus ou le suivant si vous voulez en savoir un minimum, mais n’allez pas au-delà. Car What Keeps You Alive est une sacrée bonne surprise qui contient son lot d’émotions fortes, qui cueille le spectateur à plusieurs reprises et qui laisse un goût amer dans la bouche après la projection. Un opus très largement conseillé.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / What Keeps You Alive, réalisé par Colin Minihan »

Test DVD / Villa Caprice, réalisé par Bernard Stora

VILLA CAPRICE réalisé par Bernard Stora, disponible en DVD le 6 octobre 2021 chez M6 Vidéo.

Acteurs : Niels Arestrup, Patrick Bruel, Irène Jacob, Paul Hamy, Michel Bouquet, Laurent Stocker, Sophie Verbeeck, Eva Darlan…

Scénario : Bernard Stora & Pascale Robert-Diard

Photographie : Thomas Hardmeier

Musique : Vincent Stora

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 2020

LE FILM

Gilles Fontaine, l’un des patrons les plus puissants de France, est suspecté d’avoir acquis dans des conditions douteuses une magnifique propriété sur la Côte d’Azur, la « Villa Caprice ». Il choisit alors pour le défendre un avocat célèbre et redouté, Maître Luc Germon. En principe alliés, une relation de rivalité s’installe bientôt entre les deux hommes. Qui détient le pouvoir, de l’avocat ou de celui qui le paie ? Derrière l’affaire qui les a réunis s’en profile une autre, plus obscure.

En toute honnêteté, on ne misait pas un kopeck sur Villa Caprice. Au vu de la bande-annonce, on pouvait s’attendre à un énième pseudo-thriller juridico-psychologique tourné sur la Côte d’Azur, où les décors naturels secs capturés sous un soleil de plomb refléteraient les rapports tendus et fiévreux entre les personnages. Que nenni ! En effet, pour son retour au cinéma, 22 ans après Un dérangement considérable, Bernard Stora (né en 1944) livre un film de cet acabit, mais qui s’avère particulièrement brillant, excellemment écrit, aux dialogues même exceptionnels et servi par un casting parfait sur lequel trône l’impérial Niels Arestrup. A ses côtés, Patrick Bruel n’avait pas été à pareille fête depuis bien longtemps et se révèle être impeccable en homme d’affaires impitoyable. Le comédien-chanteur a l’air de se délecter en incarnant une vraie saloperie, prêt à tout pour défendre ses intérêts (conséquents), sa place (privilégiée) dans le monde, prêt pour cela à utiliser comme des pions ceux qu’il considère inférieurs à lui et donc obligés de se mettre à son service. Très belle réussite que cette Villa Caprice, chaudement recommandé aux amateurs de bons mots et de grands numéros d’acteurs.

Continuer la lecture de « Test DVD / Villa Caprice, réalisé par Bernard Stora »

Test Blu-ray / Mare of Easttown, réalisé par Craig Zobel

MARE OF EASTTOWN réalisé par Craig Zobel, disponible en DVD le 15 septembre 2021 chez HBO et Warner Bros.

Acteurs : Kate Winslet, Julianne Nicholson, Jean Smart, Angourie Rice, David Denman, Neal Huff, Guy Pearce, Cailee Spaeny, John Douglas Thompson, Joe Tippett, Evan Peters, Sosie Bacon, James McArdle…

Scénario : Brad Ingelsby

Photographie : Ben Richardson

Musique : Lele Marchitelli

Durée : 7 heures (7 épisodes)

Date de sortie initiale : 2021

LA MINI-SÉRIE

Mare Sheehan, héroïne locale et inspectrice de police d’une petite ville de Pennsylvanie enquête sur un mystérieux meurtre, alors que sa propre vie s’effondre autour d’elle. L’exploration du côté sombre d’une petite communauté proche l’amènera à découvrir que les histoires de famille et les tragédies antérieures peuvent définir notre présent.

Si elle a peu tourné dans les années 2010, Kate Winslet prouvait qu’on pouvait encore compter sur elle dans le magnifique Wonder Wheel (2017) de Woody Allen et surtout que cela nous manquait de la voir dans des rôles forts. Mais finalement c’est à la télévision que la comédienne aura le plus brillé, en 2011, dans la somptueuse mini-série Mildred Pierce de Todd Haynes. Dix ans plus tard, Kate Winslet fait son retour sur le petit écran avec Mare of Easttown, une autre mini-série créée par Brad Ingelsby (Les Brasiers de la colère Out of the Furnace (2013) de Scott Cooper et Night Run (2015) de Jaume Collet-Saura), entièrement réalisée par Craig Zobel, remarqué en 2012 avec Compliance, puis avec Les Survivants Z for Zachariah (2015) et dernièrement avec The Hunt (2020). Une solide collaboration qui débouche sur un polar en sept épisodes d’une heure, une future référence du genre comme avait pu l’être la première saison de True Detective en 2014, récompensée à quatre reprises aux Emmy Awards, dont un pour chacun des trois acteurs principaux, Kate Winslet, Julianne Nicholson et Evan Peters. Mare of Easttown est ni plus ni plus l’un des événements de l’année 2021.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / Mare of Easttown, réalisé par Craig Zobel »

Test Blu-ray / L’Oeuf du serpent, réalisé par Ingmar Bergman

L’OEUF DU SERPENT (The Serpent’s Egg) réalisé par Ingmar Bergman, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 5 octobre 2021 chez Rimini Editions.

Acteurs : Liv Ullmann, David Carradine, Gert Fröbe, Heinz Bennent, Glynn Turman, James Whitmore…

Scénario : Ingmar Bergman

Photographie : Sven Nykvist

Musique : Rolf A. Wilhelm

Durée : 1h55

Année de sortie : 1977

LE FILM

Berlin, 1923, Abel Rosenberg se sent triplement étranger puisqu’il est juif, américain et chômeur. Alors qu’il se perd dans l’alcool, il découvre le corps de son frère Max, suicidé d’une balle dans la bouche. Interrogé par le commissaire, il a l’intuition qu’on le soupçonne de plusieurs meurtres perpétrés dans le quartier. Il se réfugie auprès de Manuela, ancienne compagne de son frère qui joue un numéro dans un cabaret des bas-fonds. Ensemble, ils font une rencontre perfide et s’égarent dans la peur, menacés par un mal innommable qui « tel un œuf de serpent, laisse apparaître à travers sa fine coquille la formation du parfait reptile. »

Avec les années, les admirateurs du réalisateur suédois Ingmar Bergman (1918-2007) n’ont eu de cesse de réévaluer L’Oeuf du serpent The Serpent’s Egg(1977). Classique pourtant méconnu, doté d’un budget colossal servi par son ami Dino De Laurentiis, de décors faramineux et de nombreux figurants, cet opus se situe alors entre Face à face Ansikte mot ansikte et Sonate d’automne Höstsonaten, avant que le cinéaste délaisse petit à petit le cinéma pour la télévision. L’Oeuf du Serpent est une véritable superproduction MGM européenne mettant en scène la muse du cinéaste Liv Ullmann et David Carradine (après la défection de Dustin Hoffman) dans l’un de ses rôles les plus marquants. Si cet opus est inhabituel pour Ingmar Bergman, entre autres son seul film tourné quasi-intégralement en langue anglaise (ce qu’il avait refusé jusqu’à présent), il n’en demeure pas moins passionnant et prenant, ouvertement politique puisque le metteur en scène y évoque une Allemagne troublée et lessivée, avec la montée de l’antisémitisme en filigrane. D’une admirable richesse visuelle et proche de l’univers de Rainer Werner Fassbinder (qui reprendra le décor principal pour son fabuleux Berlin Alexanderplatz), L’Oeuf du Serpent est un film sur la peur, le vide et la psychose, thèmes fondamentaux de l’œuvre « bergmanienne ». Un grand film à redécouvrir et à réhabiliter.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / L’Oeuf du serpent, réalisé par Ingmar Bergman »

Test Blu-ray / Des hommes, réalisé par Lucas Belvaux

DES HOMMES réalisé par Lucas Belvaux, disponible en DVD et Blu-ray le 5 octobre 2021 chez Ad Vitam.

Acteurs : Gérard Depardieu, Catherine Frot, Jean-Pierre Darroussin, Yoann Zimmer, Félix Kysyl, Édouard Sulpice, Fleur Fitoussi, Ahmed Hammoud…

Scénario : Lucas Belvaux, d’après le roman de Laurent Mauvignier

Photographie : Guillaume Deffontaines

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Ils ont été appelés en Algérie au moment des « événements » en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d’autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d’une journée d’anniversaire, d’un cadeau qui tient dans la poche, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.

Cinéaste moraliste, mais jamais moralisateur, Lucas Belvaux n’a eu de cesse à travers ses films d’explorer les thèmes qui lui sont chers comme le mensonge, la lâcheté, le couple, la peur, les souvenirs, la culpabilité, en confrontant souvent deux êtres que tout oppose. Le réalisateur a su trouver plusieurs accroches liées à son cinéma dans le roman de Laurent Mauvignier (publié en 2009), Des hommes, lauréat à sa sortie du prix Virilo et celui des libraires. Des films sur la guerre d’Algérie, il en existe une flopée et ce depuis la fin des années 1950. On peut citer en vrac Le Petit Soldat (1960, mais interdit jusqu’en 1963) de Jean-Luc Godard, Adieu Philippine (1962) de Jacques Rozier, La Belle Vie (1964) de Robert Enrico, Muriel ou le Temps d’un retour (1964) d’Alain Resnais, Les Parapluies de Cherbourg (1964) de Jacques Demy, La Bataille d’Alger (1966) de Gillo Pontecorvo, R.A.S. (1973) d’Yves Boisset, et plus proche de nous La Trahison (2006) de Philippe Faucon, Mon colonel (2006) de Laurent Herbiet, L’Ennemi intime (2007) de Florent-Emilio Siri, Cartouches gauloises (2008) de Mehdi Charef et Loin des hommes (2014) de David Oelhoffen. Donc oui, le sujet n’a jamais été écarté du cinéma, bien au contraire. Pour Des hommes, Lucas Belvaux dévoile ce qui se cache derrière les silences, dissèque le traumatisme d’une poignée de personnages, un en particulier, celui de Bernard alias Feu-de-Bois, magistralement interprété par Gérard Depardieu, qui retrouve de sa superbe ici, comme dernièrement dans Les Confins du monde de Guillaume Nicloux et de Fahim de Pierre-François Martin-Laval. Magnétique, magnifique, imposant (euphémisme) au sens propre comme au figuré, le comédien crève l’écran du haut de ses 71 ans, et livre une fantastique prestation. Face à lui, Catherine Frot et Jean-Pierre Darroussin ne sont pas en reste et l’on remarquera aussi la participation du jeune acteur belge Yoann Zimmer, dont nous avions déjà croisé le visage dans Été 85 de François Ozon, La Fille inconnue des frères Dardenne et Les Fauves de Vincent Mariette.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / Des hommes, réalisé par Lucas Belvaux »

Test Blu-ray / Les Amants traqués, réalisé par Norman Foster

LES AMANTS TRAQUÉS (Kiss the Blood Off My Hands) réalisé par Norman Foster, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 5 octobre 2021 chez Rimini Editions.

Acteurs : Joan Fontaine, Burt Lancaster, Robert Newton, Lewis L. Russell, Aminta Dyne, Grizelda Hervey, Jay Novello, Colin Keith-Johnston…

Scénario : Leonardo Bercovici, Ben Maddow, Walter Bernstein & Hugh Gray, d’après le roman de Gerald Butler

Photographie : Russell Metty

Musique : Miklós Rózsa

Durée : 1h16

Année de sortie : 1948

LE FILM

Marqué par la guerre, Bill Saunders traîne dans Londres, qui porte encore les traces des bombardements aériens. Un soir, au cours d’une bagarre, il tue malencontreusement un patron de bar. Il s’enfuit et trouve refuge chez une jeune femme, Jane Wharton. Celle-ci va l’aider à se cacher…

Quand il décide de se lancer dans le cinéma et de laisser tomber sa carrière d’acrobate de cirque, Burt Lancaster (1913-1994) a déjà 33 ans. Il était loin d’imaginer obtenir le succès dès son premier long-métrage en tant que comédien avec Les Tueurs The Killers de Robert Siodmak en 1946. Tout s’enchaîne alors très vite. S’ensuivent Les Démons de la liberté Brute Force de Jules Dassin, La Furie du désert Desert Fury de Lewis Allen, L’Homme aux abois I Walk Alone de Byron Haskin, Ils étaient tous mes fils All My Sons d’Irving Reis et Raccrochez, c’est une erreur ! Sorry, Wrong Number d’Anatole Litvak, qui prouvent une prédisposition de l’acteur pour le film noir et dramatique, ainsi que pour les personnages tourmentés et même violentés, comme ce sera encore le cas ici avec une séquence de punition à base de coups de fouet, qui a fait grincer les dents des censeurs du Code Hays. En 1948, Burt Lancaster s’associe avec Harold Hecht (son agent artistique) pour fonder la société de production Norma Films (du nom de la femme du premier), dans un désir d’indépendance. Leur premier opus sera Les Amants traqués, auquel on préférera le titre original Kiss the Blood Off My Hands, que l’on pourrait traduire par « retire le sang de mes mains avec tes baisers ». Cette adaptation d’un roman de Gerald Butler, publié en 1940 et sorti en France sous le titre Les Mains pures en 1946 puis Du sang sur les mains après la sortie du film, est tout d’abord proposée à Robert Siodmak, qui refuse. Puis, le projet atterrit dans les mains de Norman Foster (1900-1976), comédien venu à la mise en scène, qui a fait ses débuts derrière la caméra à la fin des années 1930 avec la série des M.Moto (alias Peter Lorre). Un parfait « yes-man » à qui Burt Lancaster confie son bébé et qui saura suivre ses directives. Les Amants traqués est un film noir à l’intrigue resserrée sur 76 minutes, qui va droit à l’essentiel, sans une once de gras. Les personnages sont classiques, torturés à souhait, tant physiquement que psychologiquement, l’image est belle, la musique enivrante et surtout les deux têtes d’affiche, Burt Lancaster et Joan Fontaine sont aussi formidables que magnifiques.

Continuer la lecture de « Test Blu-ray / Les Amants traqués, réalisé par Norman Foster »

Test 4K UHD / Clash, réalisé par Raphaël Delpard

CLASH réalisé par Raphaël Delpard, disponible encombo Blu-ray + 4K UHD chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Catherine Alric, Pierre Clémenti, Bernard Fresson, Vjenceslav Kapural, Christian Forges, Jean-Claude Benhamou, Igor Galo, Iva Potocnik…

Scénario : Raphaël Delpard

Photographie : Sacha Vierny

Musique : Angélique & Jean-Claude Nachon

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

Martine accepte de passer la frontière avec l’argent d’un hold-up dont l’un de ses amis est l’organisateur. Alors qu’elle doit l’attendre dans une sinistre usine désaffectée, la jeune femme se laisse progressivement gagner par une angoisse de plus en plus vive, autant à cause de l’atmosphère de l’endroit que de confuses réminiscences de ses frayeurs enfantines. Surgit par ailleurs, après un ou deux jours, un mystérieux et inquiétant jeune homme, au mutisme infaillible et aux motivations incertaines. Se peut-il qu’il en veuille à la vie de Martine ou n’est-il que le fruit de son imagination torturée ?

Lors de notre chronique de La Nuit de la mort (1980)de Raphaël Delpard (né en 1942), nous n’avions pas été tendres, le taxant de film d’exploitation « franchouillard » qui retenait difficilement l’attention du spectateur et dans lequel rien ou presque ne fonctionnait. Après ce premier coup d’essai dans le genre, qui avait connu un petit succès à sa sortie doublé d’un triomphe en VHS après avoir été rebaptisé Les Griffes de la mort, le réalisateur signait deux comédies aux titres explicites, Les Bidasses aux grandes manœuvres, dans lequel il « dirigeait » Michel Galabru, Paul Préboist, Jacques Legras, Michel Modo et même Jean Reno dans une de ses premières apparitions au cinéma, puis Vive le fric dans lequel il se réservait un des rôles principaux aux côtés de Daniel Prévost et Evelyne Dress. Puis, grisé par l’engouement remporté par La Nuit de la mort, Raphaël Delpard décidait de revenir à l’épouvante avec Clash. Conspué par tous lors de sa présentation au Festival international du film fantastique d’Avoriaz en janvier 1984, ce sera son dernier long-métrage. Cet accueil glacial (euphémisme) atteindra personnellement le metteur en scène, qui consacrera le reste de sa carrière au documentaire, à la télévision et à la littérature. Pourtant, rétrospectivement, Clash apparaît comme une étape fondamentale dans l’horreur hexagonale. Oeuvre réflective, difficile d’accès, insondable, sombre, violente, baroque, désespérée, on en ressort lessivés, convaincus d’avoir visionné un film à part dans le cinéma français, qui ne cesse de trotter dans la tête longtemps après et vers lequel nous reviendrons souvent pour tenter d’y résoudre tous les mystères.

Continuer la lecture de « Test 4K UHD / Clash, réalisé par Raphaël Delpard »