Test Blu-ray / Les Ombres persanes, réalisé par Mani Haghighi

LES OMBRES PERSANES (Subtraction) réalisé par Mani Haghigui, disponible en DVD et Blu-ray le 21 novembre 2023 chez Diaphana.

Acteurs : Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Ali Bagheri, Vahid Aghapour, Saeed Changizian, Esmail Poor Reza, Farham Azizi, Soheyla Razavi, Gilda Vishki…

Scénario : Mani Haghighi & Amir Reza Koohestani

Photographie : Morteza Najafi

Musique : Ramin Kousha

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

À Téhéran, un homme et une femme découvrent par hasard qu’un autre couple leur ressemble trait pour trait. Passé le trouble et l’incompréhension, va naître une histoire d’amour… et de manipulation.

Quand on pense au cinéma iranien, le nom d’Asghar Farhadi, d’Abbas Kiarostami, de Jafar Panahi viennent tout de suite à l’esprit. Mani Haghighi, né en 1969, est réalisateur, scénariste (La Fête du feu) et acteur occasionnel (À propos d’Elly), qui passe derrière la caméra en 2004 avec Abadan. Mais la consécration arrive deux ans plus tard avec Kārgarān mashghul-e kārand (ou Men at Work), écrit par Abbas Kiarostami, comédie absurde considérée comme une étape primordiale dans le cinéma iranien. Depuis, Mani Haghighi a continué son chemin et ses films ont très souvent été sélectionnés dans les festivals du monde entier. Les Ombres persanes est son huitième long-métrage. Comme à son habitude, le cinéaste jongle avec les genres, avec une histoire qui oscille constamment entre le drame social, le film fantastique et même le thriller d’horreur dans son étonnant dernier acte. S’il n’y a rien à redire sur la qualité de l’interprétation, la mise en scène laisse sérieusement à désirer et l’ennui pointe souvent, d’autant plus que Mani Haghighi semble lui-même ne plus savoir quoi faire de ses personnages principaux quand ceux-ci entrent en confrontation avec leurs sosies. Un résultat très mitigé, qui tente de s’extraire du réalisme social « farhadien » en flirtant avec le surnaturel proche d’un David Lynch, mais qui se prend les pieds dans le tapis par trop de maladresses, voire même d’amateurisme.

Dans le centre de Téhéran, Farzaneh, jeune monitrice d’auto-école, aperçoit son mari, Jalal, entrant dans l’appartement d’une femme. Lorsqu’elle le confronte, Jalal prétend qu’il avait quité la ville pour son travail. Il décide alors de visiter le bâtiment par lui-même. Là, il rencontre une femme qui est le portrait craché de Farzaneh. Elle s’appelle Bita. Abasourdis, les deux comparent les photos de famille : le mari de Bita ressemble également à Jalal…

On est clairement plus dans la mouvance d’un Lost Highway que d’Une séparation. Si Mani Haghighi plante son récit dans un réalisme social, il s’en écarte très rapidement en mettant face à face deux couples qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau, mais – analyses de sang à l’appui – ne sont ni jumeaux/jumelles, ni des clones. C’est ainsi, et les protagonistes vont avoir du mal à l’accepter. Les Ombres persanes vaut essentiellement pour la prestation du couple vedette, Taraneh Alidoosti, actrice fétiche d’Asghar Farhadi (Le Client, À propos d’Elly, La Fête du feu, Les Enfants de Belle Ville) et Navid Mohammadzadeh (La Loi de Téhéran), qui la même année jouaient un frère et une sœur dans le très remarqué Leila et ses frères de Saeed Roustaee. Subtilement, ils composent chacun deux rôles diamétralement opposés, avec d’un côté le couple Farzaneh et Jalal, et de l’autre Bita et Mohsen. Ou deux visions alternatives d’un même couple qui entreraient en collision, projetant ainsi des fantasmes inavoués, mettant à jour des frustrations, dévoilant frontalement le temps qui passe, la passion qui s’émousse, l’amour qui subsiste aussi malgré tout. Un sujet ô combien passionnant, déjà bien exploité au cinéma (Persona, Le Dictateur, Sueurs froides, Persona, L’Autre, Monsieur Klein, Possession, La Part des ténèbres, Black Swan) ou mal aussi d’ailleurs (Looper, Enemy, The Neon Demon, L’Amant double) et dont l’inspiration souvent première demeure Le Double, le deuxième roman de l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski.

Dommage cependant que Les Ombres persanes soit platement réalisé et marqué par une photographie peu reluisante, dont la pauvreté des partis pris reste souvent dissimulée par une pluie abondante et omniprésente. Quelques séquences sortent du lot et marquent les esprits, surtout durant le dernier acte, dont la brutalité et la perversité sont aussi étonnantes qu’inattendues (certains diront gratuites et ils n’auraient peut-être pas tout à fait tort), mais le rythme pépère, la mise en scène plan-plan (il y en a marre des champs-contrechamps utilisés soit-disant dans un désir de simplicité) et l’absence de réels enjeux pèsent lourds et font pencher la balance du mauvais côté. Décevant donc.

LE BLU-RAY

Un peu plus de 44.000 spectateurs (qu’on imagine surtout parisiens) se sont déplacés dans les salles en août 2023 pour découvrir Les Ombres persanes au cinéma. C’est Diaphana qui se charge de la sortie du film de Mani Haghighi dans les bacs, qui bénéficie d’une édition Standard, mais aussi d’un master Haute-Définition. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Deux suppléments sur ce disque. Le premier est la bande-annonce, mais le second est plus intéressant, puisqu’il s’agit d’un entretien passionnant avec Mani Haghighi (24’), à l’occasion de la sortie française de son film. Le réalisateur revient ainsi sur la genèse des Ombres persanes (il avait découvert son sosie parfait lors d’une exposition consacrée à la guerre Iran-Irak, où était présenté le portrait d’un soldat ensanglanté), la longue gestation du scénario (qui aura demandé neuf ans), le thème du double (un double double en réalité), les partis-pris et ses intentions (« reproduire le monde tel qu’il est n’est pas fait pour moi […] je préfère utiliser la métaphore et demeurer à la frontière des genres ») et le casting (le film a été écrit spécialement pour Taraneh Alidoosti).

L’Image et le son

Les Ombres persanes bénéficie d’un beau traitement de faveur avec ce master HD élégant. Les contrastes profitent de cette promotion en Haute-Définition, les noirs sont denses, le piqué agréable. La palette chromatique est volontairement atténuée avec la présence de la pluie du début à la fin. La luminosité des séquences diurnes est on ne peut plus plaisante, les détails sont plus acérés (voir les gros plans) bien que la profondeur de champ demeure limitée.

Le film n’est présenté qu’en version originale sous-titrée en français. Rien à redire du point de vue dynamique et de la vivacité des dialogues en 5.1. Ce mixage harmonieux respecte l’ambiance intimiste du film, se révèle fluide et crée un confort acoustique plaisant. Quelques ambiances et effets se font bien entendre sur les latérales avec cette fois encore la pluie torrentielle qui s’abat sur Téhéran, ainsi que l’orage dans la dernière partie. La Stéréo fait également son office et s’avère même particulièrement percutante.

Crédits images : © Diaphana / FILMS BOUTIQUE – MAJID FILM PRODUCTION – DARK PRECURSOR PRODUCTIONS / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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