Test 4K UHD / Possession, réalisé par Andrzej Żuławski

POSSESSION réalisé par Andrzej Żuławski, disponible chez Le Chat qui fume en Combo Blu-ray + 4K UHD + CD, ainsi qu’en Box Ultra Collector limitée à 1500 exemplaires qui contient le film Possession en UHD et 2 Blu-ray, le CD de la musique du film, le livre Une histoire orale d’Andrzej Żuławski et la reproduction du dossier de presse d’origine.

Acteurs : Isabelle Adjani, Sam Neill, Margit Carstensen, Heinz Bennent, Johanna Hofer, Carl Duering, Shaun Lawton, Michael Hogben, Maximilian Rüthlein…

Scénario : Andrzej Żuławski & Frederic Tuten

Photographie : Bruno Nuytten

Musique : Andrzej Korzynski

Durée : 2h04

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Après un long et mystérieux voyage, Marc est de retour à Berlin où il retrouve son petit garçon Bob et son épouse Anna. Leur appartement est dans un état pitoyable et Anna est distante, agressive et sur les nerfs. Soupçonnant sa femme d’avoir un amant, Marc l’a fait suivre par un détective privé qui est assassiné dans des conditions particulièrement horribles.

Possession est une œuvre jusqu’au-boutiste. Un film qui pousse à la fois ses comédiens et les spectateurs dans leurs derniers retranchements, qui joue constamment avec les nerfs, mis alors à vif avec une caméra virevoltante, en quasi-lévitation, qui reflète l’hystérie individuelle et collective des protagonistes et qui semble souvent les caresser. Ce rapport amour/haine, se fait ressentir durant les deux longues heures de Possession, qui peuvent passer vite autant qu’elles paraissent parfois interminables. Le réalisateur polonais Andrzej Żuławski (1940-2016) met l’intellect de son audience à rude épreuve, en surfant sur un genre, le fantastique, mais qui le réfute finalement en voulant parler d’un sentiment pourtant bien universel, celui de l’amour et de la séparation. Il épuise également le corps de celui ou celle qui tente, tentera ou retentera l’expérience, celle de se concentrer et de donner toute son attention à ce film hors-normes et inclassable. Possession, c’est une vivisection, celle du coeur d’un artiste, qui observe les dégâts causés par une rupture conjugale, du point de vue anatomique, physique, sur la raison, sur la création, sur l’inspiration. On ressort lessivé, bouleversé, énervé, complètement sonné de Possession, qui emmène les spectateurs au bord du gouffre, qui lui fait voir les plus grandes saloperies. A l’instar de Maurice Pialat, autre tyran perfectionniste du cinéma, Andrzej Żuławski dresse le portrait d’hommes et de femmes en détresse d’amour, qui voient leur vie s’échapper et leurs repères s’écrouler, dans un monde – caractérisé par la présence du mur de Berlin, auprès duquel le tournage s’est déroulé – qui part aussi à vau-l’eau, qui se déchire et fait subir le même sort aux individus. Et c’est aussi magnifique que terrifiant. Enfin, même si Sam Neill n’a absolument rien à envier à sa partenaire, Possession c’est aussi l’une des plus grandes interprétations féminines de tous les temps, celle d’Isabelle Adjani, qui met ses tripes à l’air – autant que le metteur en scène, qui s’inspire très largement de sa situation personnelle – et marque à jamais les esprits.

Marc rentre à Berlin après avoir été mêlé à de mystérieuses affaires. Il promet à sa femme Anna d’arrêter ses activités et de rester avec elle et leur fils Bob. Mais Anna, constamment absente, n’est plus la même, au point d’intriguer son mari, qui découvre bientôt qu’elle a une liaison avec un certain Heinrich. De disputes en querelles, le couple se désagrège peu à peu. La séparation devient inévitable. Mais Anna revient souvent au domicile pour préparer les repas, suscitant de nouveaux conflits à chacun de ses passages. Un matin qu’il mène son fils à l’école, Marc découvre que l’institutrice est le parfait sosie d’Anna, mais en plus douce et plus attentionnée. Il noue une brève liaison avec elle…

C’est peu dire que l’on passe par tous les sentiments devant Possession, qu’une partie de notre cerveau pousse aussi à écrire Obsession ou Répulsion, ce qui pourrait d’ailleurs totalement convenir, résumer ou illustrer l’oeuvre dantesque, insondable, kafkaïenne, labyrinthique et allégorique d’Andrzej Żuławski. Il faudrait probablement des heures et des rediffusions multiples pour essayer de comprendre, ou tout du moins tenter de percevoir une infime partie de ce que le cinéaste souhaite faire comprendre. Non, Possession n’est pas un film d’épouvante, ou s’il l’est, il s’agit uniquement de celle se retrouver séparé de l’être aimé. En voyant sa femme transformée, devenir l’ombre d’elle-même ou un spectre dont le visage diaphane paraît flotter dans leur appartement froid comme la glace, le personnage de Sam Neill calque sa propre psyché sur celle qui lui a donné un fils, comme s’il voulait l’accompagner dans sa folie. Après son absence de plusieurs années, Marc ne reconnaît plus rien. Il y a d’abord son enfant, Bob, qu’il retrouve à moitié abandonné, puis sa femme Anna, qui s’est organisée une autre vie, notamment auprès d’un autre homme prénommé Henrich, un illuminé adepte du New Age. C’est la rupture de tout. Sentimentale, professionnelle, psychologique, sexuelle. Quand Marc apprend qu’Anna trompe également Henrich, le mari et père désemparé engage un détective, qui parvient à pénétrer le secret de la jeune femme, mais y laisse la vie. Que cache Anna dans cet appartement sombre ? Quelle est cette masse informe sur laquelle poussent des tentacules et dans lesquels Anna se love, avec autant de désir que de dégoût ? Marc vacille, Marc s’effondre et tente de suivre Anna, qui le menace de se suicider s’il continue.

Possession traite aussi du reflet de l’être aimé et perdu que l’on retrouve chez les autres, après la désintégration complète des sentiments. Comment un être humain se rend-il compte qu’il est épris ? Quand tout le monde lui rappelle celui ou celle qu’il aime. L’apparition d’Helen, l’institutrice de Bob, parfait sosie d’Anna, à l’exception de son regard vert émeraude, est une nouvelle étape dans le commencement de l’inévitable deuil amoureux de Marc. Celui-ci pense tout d’abord qu’il s’agit d’une blague d’Anna, avant de se rendre à l’évidence et d’accepter le fait qu’Helen ressemble comme deux gouttes d’eau à celle qui est en train de lui échapper définitivement. Le thème du double est présent, dans la rivalité avec l’amant et ce dernier aussi dupé, autant que dans l’image fantasmée à laquelle Anna donne vie avec Helen et le nouveau Marc, représentés avec leurs yeux différents, deux monstres aux yeux verts. Deux êtres « parfaits » qui auraient accepté de se ranger et de se soumettre à un ordre nouveau, ici celui provenant de l’autre côté du mur, celui qui sépare les capitalistes et les communistes. La caméra suit Anna dans sa chute personnelle, avec comme point d’orgue la légendaire séquence tournée dans le couloir d’une station de métro à Berlin, celle où Anna entre en transe, comme si son corps était profané par une présence invisible ou interne, un parasite – ne dit-on pas d’ailleurs qu’on a quelqu’un dans la peau quand on est transi d’amour – qui gangrène douloureusement la jeune femme. Anna lutte avec elle-même, percute le mur à plusieurs reprises, avant de tomber et d’inonder le sol bétonné d’un mélange de sang et de foutre, tandis que son visage cramoisi semble sur le point d’imploser littéralement. C’est probablement en raison de cette scène qu’Isabelle Adjani s’est vue couronner du Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 1981 (y compris pour Quartet de James Ivory par la même occasion), ainsi que par son premier César de la meilleure actrice.

On peut détester Possession, autant qu’on peut le trouver incroyable, louer ses qualités (l’interprétation, sa beauté plastique, sa mise en scène hypnotique et frénétique, son intelligence, la musique d’Andrzej Korzynski) autant que ses défauts (sa fureur extrême et hallucinante, son délire psychotique et morbide, ses digressions bavardes et hermétiques), mais en aucun cas le film d’Andrzej Żuławski, que l’on pourrait rapprocher de Mulholland Drive de David Lynch, ne peut laisser indifférent.

LE COMBO

De mémoire, et cela fait maintenant plus de quinze ans que l’auteur de ces mots réalise les chroniques consacrées aux DVD, Blu-ray et désormais 4K UHD, jamais un coffret n’avait fait autant d’effets. Il y a tout d’abord le plaisir, la jouissance des yeux à la vue de ce sublimissime coffret aux couleurs sobres, d’où émerge le visage d’Isabelle Adjani alias Anna, dans l’une des poses les plus célèbres du film. Assurément une édition qui fera date. Il fallait au moins ça pour Possession. Cette Box Ultra Collector limée à 1500 exemplaires contient l’édition combo Blu-ray + Blu-ray de bonus + Édition 4K UHD + la bande originale du film (16 titres), répartis dans un Digipack à quatre volets, lovés dans un fourreau cartonné qui arbore le visuel de l’affiche originale du film. Autant dire que la simple édition Standard sortie en 2009 chez TF1 Studio est littéralement pulvérisée. L’éditeur ajoute à cela un magnet représentant l’affiche originale, ainsi que le fac similé du dossier de presse original, évoqué par Andrzej Żuławski au cours d’un supplément en vidéo, qui contient entre autres quelques clichés du film (en N&B et couleur) et de son tournage, illustrés par des citations de Platon, John Fowles, Héraclite…Enfin, last but not least, la Box présente l’imposant ouvrage coécrit par François Cau et Matthieu Rostac, Une histoire orale d’Andrzej Żuławski, qui rejoint ainsi la Collection Nitrate du Chat qui fume. 274 pages pleines à craquer d’entretiens et de citations de celles et ceux qui ont vécu avec le cinéaste, travaillé à ses côtés, qui l’ont côtoyé, à l’instar de Sophie Marceau, Mathieu Żuławski (frère d’ Andrzej), Dominique Garnier (co-scénariste de La Femme publique), Laurent Ferrier (premier assistant sur L’Important c’est d’aimer), Jean-François Balmer (acteur dans Cosmos), Christopher Cheysson (premier assistant sur La Fidélité), Christiane Lack (monteuse de L’Important c’est d’aimer), Andrzej J. Jaroszewicz (chef opérateur historique d’Andrzej Żuławski), Daniel Bird (collaborateur d’Andrzej Żuławski et restaurateur de ses films polonais), Nicolas Boukhrief (collaborateur d’Andrzej Żuławski), Marie-Laure Reyre (productrice de Possession) et bien d’autres, qui reviennent sur les films, sur les conditions de tournage, sur la vie et l’oeuvre du réalisateur. Le menu principal des disques est animé et musical. Vous êtes prêts maintenant ? Alors, on passe aux choses sérieuses, autrement dit à la tonne de suppléments disponibles sur cette sensationnelle édition.

Le premier supplément, qui regroupe pour ainsi dire toutes les informations qui seront reprises dans les bonus suivants, est un documentaire rétrospectif réalisé par David Bind, intitulé De l’autre côté du mur, histoire du film (52’). On y croise Andrzej Żuławski (en anglais dans le texte), le coscénariste Frederic Tuten, la productrice Marie-Laure Reyre et le cameraman Andrzej J. Jaroszewicz. Tout ce beau petit monde revient successivement sur la genèse de Possession (qui découle de l’arrêt brutal du tournage de Sur le globe d’argent, nous en reparlerons plus tard), sur les éléments autobiographiques qui ont nourri le scénario (l’explosion de la vie privée du réalisateur surtout), les thèmes, sur le casting (ou comment Judy Davis a été envisagée après le premier refus d’Isabelle Adjani), sur le choix de Bruno Nuytten (et comme celui-ci a réussi à remettre sa compagne Isabelle Adjani en lice pour obtenir le premier rôle), sur les conditions de tournage (au plus près du mur de Berlin), sur les partis-pris, sur les effets spéciaux, sur les personnages, sur la sortie du film (et son succès très relatif) et sur sa redécouverte près de trente ans plus tard. Quelques photos de plateau viennent illustrer ce formidable module, par ailleurs blindé d’anecdotes.

Le Chat qui fume reprend l’interview d’Andrzej Żuławski, réalisée par Jérôme Wybon en 2009 à l’occasion de la sortie de Possession en DVD chez TF1 Studio (36’). En introduction, un carton indique qu’après L’Important c’est d’aimer, Andrzej Żuławski revient en Pologne et tourne en 1976-1977 un ambitieux film de science-fiction intitulé Sur le globe d’argent, qui raconte la vie d’un groupe de cosmonautes venus fonder une nouvelle civilisation sur la face cachée de la Lune. Un tournage chaotique, marqué par des prises de vues effectuées par segments et finalement interrompues après l’arrivée d’un nouveau Ministre du Cinéma, durant l’effondrement des blocs communistes. Après un an et demi de tournage, Andrzej Żuławski doit tout arrêter, puisque Sur le globe d’argent est jugé contraire à tous les principes communistes. Les décors sont détruits, ainsi que les costumes, les bobines confisquées (près de 3h30 de métrage) et destinées à disparaître. Andrzej Żuławski indique lui-même qu’il pensait alors devenir fou et décide d’écrire cette « histoire qui lui a permis de sauver son âme » qui deviendra Possession. Après cette présentation, le réalisateur en vient plus précisément au film qui nous intéresse aujourd’hui en abordant les conditions de prises de vue (il voulait être le plus proche possible du Mur), celles du financement (une productrice française, avec de l’argent américain issu de la Paramount), le casting (« dès le début je voulais Isabelle Adjani, qui a d’abord refusé, car elle ne voulait pas jouer une mère »), sa relation avec la comédienne sur le plateau (« elle peut être facilement insupportable »), le choix d’un tournage en langue anglaise. Andrzej Żuławski parle également de Sam Neill et comment l’acteur australien a construit son rôle, du travail du chef opérateur Bruno Nuytten et de ses partis-pris (le cinéaste indique lui en vouloir pour avoir raté un effet sur les yeux de Sam Neill lors de l’apparition finale, qui devaient être verts, comme ceux de l’institutrice), de la création des effets spéciaux par Carlo Rambaldi, du montage, de la présentation du film à Cannes, de la sortie du film (« Très peu de spectateurs sont allés le voir. Il a fallu attendre 28 ans pour que Possession soit reconsidéré. Ce n’est pas un sentiment agréable, même si cela l’est plus qu’une vieillesse faite d’aigreur ! »). Andrzej Żuławski explique comment Possession a été « piraté » pour le marché américain, où le film a été vendu comme un film d’horreur, amputé de 45 minutes, remonté et auquel des effets visuels ont même été ajoutés, pour qu’il soit ensuite présenté en double-séance avec une série B d’épouvante. Ajoutez à cela quelques anecdotes fort intéressantes liées au tournage de la scène du couloir du métro (« Isabelle devait baiser avec l’air ambiant ! ») ou de celle où Adjani devait arborer des lentilles de couleur verte (elle prétextait y être allergique), à cause desquelles Andrzej Żuławski a dû « la menacer de la tuer si elle ne les portait pas ».

Nous enchaînons avec une interview d’époque d’Andrzej Żuławski et des acteurs Sam Neill et Heinz Bennent, réalisées pour la télévision belge (Le Carrousel aux images) en avril 1982 (25’). A tour de rôle et enregistrés séparément, chacun s’exprime sur les thèmes de Possession, sur la forme du film (y compris sur l’utilisation de la couleur), sur la difficulté du tournage, sur les personnages, sur l’investissement d’Isabelle Adjani, notamment lors des prises de la vue de la célèbre scène du couloir du métro, tournée à Berlin à 3 heures du matin. Dommage que ce module soit trop souvent entrecoupé par de très longs extraits du film.

L’éditeur présente ensuite huit scènes coupées (4’30), retrouvées lors de la restauration de Possession. Un carton indique que ces courtes séquences avaient dû être un temps intégrées au montage final, puisqu’elles apparaissent doublées en français, avant d’être finalement écartées juste avant la sortie du film dans les cinémas hexagonaux. On peut y voir une fouille plus longue des affaires d’Anna par Marc, ce dernier plonger dans une sorte de delirium tremens, ou quelques plans supplémentaires de la scène du couloir de métro.

Nous passons à l’interview du compositeur Andrzej Korzyński (19’), qui durant près de 20 minutes aborde sa fructueuse collaboration avec Andrzej Żuławski, soit sept longs-métrages. Le musicien se souvient de leur rencontre sur les bancs de l’école, parle longuement de leur amitié et de leur complicité, jusqu’au départ d’Andrzej Żuławski pour la France à la fin des années 1950, quand le réalisateur rejoint l’IDHEC. Puis, Andrzej Korzyński en vient à leur première association professionnelle, tout en parlant de ce que Żuławski souhaitait comme musique (« il avait de l’oreille pour cela ! ») et de leur travail, toujours en parfaite symbiose.

Le supplément intitulé Notre ami de l’Ouest (7’), donne la parole à Christian Ferry, producteur français décédé en 2011, qui a travaillé pour le compte de la Paramount et auprès de cinéastes reconnus comme Robert Parrish (Le Jour d’après), John Guillermin (La Fleur de l’âge, Le Crépuscule des aigles, King Kong, Sheena, reine de la jungle). Cette interview est intéressante puisqu’elle révèle comment Andrzej Żuławski a pu aider Christian Ferry pour le tournage d’un film et comment ce dernier lui a plus tard offert l’opportunité de venir travailler en France. En 1991, Christian Ferry produira son film La Note Bleue.

Une cité divisée (7 min) propose un retour et donc un comparatif avant/après (le mur ayant bien entendu disparu) des lieux de tournage de Possession à Berlin, le film de Żuławski n’ayant d’ailleurs jamais été distribué dans les salles allemandes jusqu’en 2009. Quelques photos de plateau dévoilent l’envers du décor.

Comme nous l’indiquions plus haut, la sortie américaine de Possession en 1983 s’est faite dans le dos du réalisateur, qui a découvert stupéfait son film raccourci de 40 minutes et remonté avec une nouvelle bande-sonore. Un bonus de 13 minutes (Repossédé : le remontage de Possession) dévoile les différences entre le Director’s cut et le montage américain. Si vous souhaitez découvrir ce montage complètement dingue, Le Chat qui fume le propose dans son intégralité (1h17, en basse-définition), en version originale non sous-titrée. En gros, les distributeurs américains ont ré-enregistré des dialogues pour transformer le sens des scènes (une voix démoniaque est entendue au téléphone), des choeurs ont été ajoutés à la musique pour donner un effet du style La Malédiction. L’ordre des scènes est bouleversé, quelques plans sur une représentation de Jésus Christ apparaissent de façon récurrente, des effets visuels ont été ajoutés vers la fin du film pour lui donner un aspect fantastique…bref, une expérience à part entière que nous vous conseillons pour découvrir comment l’oeuvre d’un réalisateur peut complètement être dénaturée, voire explosée littéralement, dans le seul but de faire du fric.

Nous aimons ce genre de supplément. Le Chat qui fume présente un bonus centré sur la création de la célèbre affiche du film Possession, que l’on doit à Basha, de son vrai nom Barbara Baranowska (6’). Il s’agit d’un portrait dressé de cette « héroïne méconnue » parmi les affichistes polonais, dont on découvre le parcours, les œuvres principales (Pic et pic et colégram de Rachel Weinberg, L’Alliance de Christian de Chalonge), ses intentions et partis-pris (« une approche brute, parfois violente, mais toujours intelligente de l’affiche de cinéma ») qui trouvaient systématiquement le parfait équilibre entre l’art et la publicité.

La Petite anatomie de la rupture (2020-15’) est une analyse pointue de Possession, écrite et réalisée par Vincent Capes, auteur sur Anima. C’est ici que vous trouverez la plus grande, la plus belle, la plus approfondie et la plus brillante dissection de Possession. Celle-ci vous apportera moult informations, des clés sur les éléments autobiographiques dispersés dans le film ou bien sur le tournage, sur la mise en scène, sur les thèmes explorés par Andrzej Żuławski et Frederic Tuten.

Stéphane Bouyer, grand manitou du Chat qui fume, est allé à la rencontre d’Etienne Rappeneau, qui s’est occupé de la restauration de Possession au sein du laboratoire VDM (25’30). Un document pointu qui revient sur toutes les étapes du lifting numérique du film d’Andrzej Żuławski, de la préparation du scan 5K (!) au résultat final, en passant par la découverte des scènes coupées susmentionnées. Ce petit tour dans les arcanes du laboratoire audiovisuel situé à Issy-les-Moulineaux s’adresse en priorité aux mordus de technique, mais son approche simple et directe pourra aussi intéresser les néophytes.

On pensait que la fin des suppléments approchait, mais il y a encore deux gros morceaux à découvrir. Le premier est la captation d’une rencontre avec Andrzej Żuławski à l’occasion du Festival de cinéma d’Arras en 2007, dirigée par Jean-Luc Douin, ancien journaliste ayant officié à Télérama et au Monde. Durant 1h45 (oui oui), le cinéaste revient sur l’ensemble de sa carrière, en demandant d’emblée aux spectateurs ce qu’ils attendent de cet échange et en disant qu’il estime son interlocuteur, qu’il qualifie de « très grand journaliste et historien du cinéma ». Les deux hommes, visiblement complices, abordent moult sujets, l’enfance du réalisateur, sa découverte du cinéma, sa première venue en France, sa formation à l’IDHEC, son travail en tant qu’écrivain, son admiration pour Andrzej Wajda (dont il a été l’assistant plusieurs années), Ingmar Bergman, Sam Peckinpah et John Ford. Si les extraits des films commentés sont coupés (à l’exception de L’Important c’est d’aimer), cette rencontre est absolument passionnante et revient aussi sur le processus créatif d’ Andrzej Żuławski, sur les conditions de tournage de ses films polonais, sur son travail avec les comédiens (il est d’ailleurs dithyrambique sur Romy Schneider, « proprement exceptionnelle »), raconte quelques anecdotes (« Fabio Testi, ce brave italien qui ne comprenait rien à ce qu’il tournait »), les thèmes récurrents dans sa filmographie, l’utilisation de la musique, tout en égratignant certains grands noms du cinéma, à l’instar de Manoel de Oliveira, « ce monsieur portugais qui continue de faire des films effroyablement mauvais à plus de 90 ans ». Andrzej Żuławski clôt cet entretien en indiquant « le seul sentiment de réussite que je peux avoir aujourd’hui, c’est que les films perdurent ».

On termine avec une autre captation, celle d’une rencontre avec la productrice Marie-Laure Reyre, l’autrice Dominique Schneidre (Trois verres de vodka, roman qui raconte l’enthousiasme d’une génération de Français pour la Pologne dans les années 1970, à travers la rencontre d’une jeune parisienne et d’ Andrzej Żuławski) et Daniel Bird, assistant d’Andrzej Żuławski et par ailleurs réalisateur des principaux modules de cette édition. Durant 42 minutes précisément, ces trois intervenants invités le 4 octobre 2020 par le cinéma (qui nous manque) Le Grand Action répondent aux questions de Nicolas Brevière et reviennent sur leurs rencontres respectives avec le réalisateur, ainsi que sur leur collaboration, le genèse de Possession, les effets spéciaux, les thèmes du film et bien d’autres sujets.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce internationale (2’45), la bande-annonce américaine (2’), sans oublier le commentaire audio (en anglais non sous-titré en revanche…) d’ Andrzej Żuławski et de Daniel Bird, ainsi que la piste isolée proposant uniquement la musique et les effets sonores.

L’Image et le son

Avouons-le, nous nous sommes précipités sur l’édition 4K UHD, qui présente le plus bel écrin possible avec ce nouveau master restauré supervisé par Le Chat qui fume. Ce qui frappe d’emblée, c’est la restitution de la photographie extraordinaire de Bruno Nuytten, « une photo de métal, de porcelaine, clinique », comme l’indiquait Andrzej Żuławski, incroyablement lumineuse, faisant la part belle aux teintes bleues (jusqu’aux yeux du couple principal) et jaunes (un nouvel étalonnage a été réalisé à l’occasion), sans aucune ombre, à l’exception de l’appartement secret d’Anna. La propreté est tout simplement hallucinante et ce dès la séquence du générique, ainsi que la stabilité de la copie. Les contrastes sont dingues, la texture argentique douce, palpable, vibrante, duvêteuse, le piqué sans doute inédit depuis la sortie du film au cinéma, sans oublier les détails à foison sur les gros plans, les costumes et les décors, multipliés par l’utilisation du grand angle, et une profondeur de champ à se damner dans les rues de Berlin.

Quatre pistes au choix sur cette édition, deux pistes françaises et anglaises, soit en 1.0, soit en 2.0, à vous de décider. Évidemment, privilégiez la version originale, forcément plus naturelle et pour profiter des différents accents qui participent à la musicalité étrange de Possession. Les plus puristes d’engtre vous se dirigeront vers la piste Mono d’origine, même si la Stéréo apporte avec elle une plus grande aération d’ensemble, de la musique d’Andrzej Korzynski, aux silences plus profonds, en passant par les dialogues ou cris divers qui parcourent le film.

Crédits images : © Le Chat qui fume / OLIANE PRODUCTIONS / SOMA FILM PRODUKTION / TF1 Films / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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