Test Blu-ray / La Poudre d’escampette, réalisé par Philippe de Broca

LA POUDRE D’ESCAMPETTE réalisé par Philippe de Broca, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 9 avril 2021 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Marlène Jobert, Michel Piccoli, Michael York, Louis Velle, Amidou, Jean Bouise, Hans Verner, Didi Perego…

Scénario : Philippe de Broca & Jean-Loup Dabadie

Photographie : René Matthelin

Musique : Michel Legrand

Durée : 1h51

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

En 1942, contraint de quitter la France occupée, Valentin, qui, en temps de paix était horticulteur, s’est installé en Afrique du Nord où il est devenu trafiquant d’armes. C’est ainsi qu’une nuit, au large de la Libye, il repêche un jeune officier anglais, Basil, dont l’avion a été abattu. De retour sur la côte, arrêtés par la police militaire italienne, Valentin et Basil réussissent à s’échapper aidés par Lorène, la femme du Consul de Suisse. Leur fuite les entraîne de plus en plus loin dans le désert du Sud tandis que les deux hommes tombent amoureux de Lorène…

La Poudre d’escampette n’est pas vraiment le film le plus connu du grand Philippe de Broca, loin de là. Depuis sa mise en orbite (et celle de Jean-Paul Belmondo) avec Cartouche (1962) et L’Homme de Rio (1964), sa filmographie enchaîne les succès et les échecs commerciaux à raison d’un film sur deux. Un monsieur de compagnie (semi-échec), Les Tribulations d’un chinois en Chine (grand succès), Le Roi de coeur (gigantesque bide), Le Diable par la queue (succès) et Les Caprices de Marie (un autre échec impressionnant) viennent confirmer cette étrange et malheureuse logique. En 1971, le réalisateur s’associe pour la première fois avec Jean-Loup Dabadie pour écrire une comédie d’aventure destinée à Jean-Paul Belmondo et Marthe Keller, alors la compagne du cinéaste. Le comédien décline, craignant sans doute que Philippe de Broca accorde plus d’importance au rôle de celle qui partage sa vie. C’est là que le personnage féminin change de destinataire, en l’occurrence Marlène Jobert. Mais comme Bebel et cette dernière s’étaient extrêmement mal entendus sur le tournage des Mariés de l’an II de Jean-Paul Rappeneau, Jean-Paul Belmondo se retire bel et bien du projet et se voit remplacer par Michel Piccoli. Le troisième élément de ce triangle amoureux sera incarné par Michael York, révélé au cinéma dans La Mégère apprivoisée – The Taming of the Shrew (1967) et Roméo et Juliette (1968) de Franco Zeffirelli, ainsi que dans Accident (1967) de Joseph Losey. Juste avant de tourner Cabaret de Bob Fosse, l’acteur anglais rejoint cette grande production franco-italienne. C’est un petit bijou à la fois sous-estimé et méconnu dans la prolifique carrière de Philippe de Broca. Si l’on pense forcément à La Grande vadrouille (1966) de Gérard Oury et à La Valise (1973) de Georges Lautner, La Poudre d’escampette s’en démarque, s’inscrit logiquement et facilement aux côtés des divertissements bondissants plus célèbres du réalisateur et n’a pas pris une seule ride en cinquante ans. Assurément une magnifique redécouverte pleine d’humour, de rebondissements, d’émotions et de gags visuels, où brille le fabuleux trio de comédiens vedettes Piccoli-Jobert-York.

Décembre 1942, Afrique du Nord. Un soir, au large de la côte libyenne, Valentin, un ancien horticulteur devenu trafiquant d’armes pendant le conflit, sauve et recueille sur son rafiot un jeune officier de l’armée britannique, Basil, dont l’avion a été abattu en mer. Valentin, qui a un rendez-vous d' »affaires » et qui passe son temps à « oublier » la guerre, lui conseille de mettre le cap vers le sud où les troupes britanniques avancent en territoire italien à une centaine de kilomètres de là. Mais le jeune homme le suit jusqu’à une auberge et lui demande asile. Les Italiens, qui recherchent Basil, tentent d’emmener Valentin mais le jeune Anglais sort de sa cachette et tire sur un soldat. Malheureusement, les deux hommes tombent entre les mains de l’armée transalpine, qui s’apprête à leur réserver un mauvais sort. Ils parviennent à prendre la fuite avec l’aide de Lorène, la femme du consul de Suisse. Elle cache les deux fugitifs dans sa voiture et tente de passer au barrage établi par les Allemands. Un officier allemand veut obliger les deux hommes à sortir de la voiture et Valentin l’abat. Le trio arrive à semer les poursuivants allemands et fonce dans le désert pour trouver les lignes britanniques.

Comme souvent chez Philippe de Broca, l’amour et l’amitié se mêlent à l’aventure. Et l’on comprend pourquoi les deux hommes du trio (qui peut alors faire penser à Jules et Jim) tombent amoureux de celle qui leur a sauvé la vie, puisque celle-ci est interprétée par la sublime Marlène Jobert. Révélée par Jean-Luc Godard dans Masculin féminin (1966) de Jean-Luc Godard et après une apparition chez Michel Deville (Martin Soldat), la comédienne explose dans Alexandre le Bienheureux d’Yves Robert en 1967. Elle deviendra très vite l’une des actrices les plus convoitées du cinéma français, enchaînant les rôles de premier plan chez Louis Malle (Le Voleur), Michel Audiard (Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages), Guy Casaril (L’Astragale), José Giovanni (Dernier Domicile connu) et René Clément (Le Passager de la pluie). Après le tournage houleux des Mariés de l’an II, Marlène Jobert s’envole pour l’Afrique du Nord où elle prendra visiblement beaucoup de plaisir à donner la réplique à ses deux partenaires masculins. L’osmose, l’alchimie entre les trois comédiens est palpable dans La Poudre d’escampette, où les deux immenses sensibilités de Philippe de Broca et de Jean-Loup Dabadie s’accordent parfaitement. On ressent la griffe respective des deux coscénaristes dans cette comédie, à la fois le côté bande dessinée propre à Philippe de Broca, la mécanique implacable des dialogues de Jean-Loup Dabadie, la mélancolie des deux collaborateurs, qui se retrouveront d’ailleurs l’année suivante pour Chère Louise, qui ne connaîtra pas le même succès…

En ce qui concerne Michel Piccoli, rarement le monstre du cinéma français aura eu l’occasion d’être aussi explosif à l’écran. Conscient qu’il n’a évidemment pas la souplesse, ni le caractère intrépide de Jean-Paul Belmondo, Michel Piccoli donne néanmoins de sa personne dans La Poudre d’escampette, que l’action place sur un vélo, sur un bateau, sur une moto, dans un avion (l’un des grands moments du film), dans une jeep, aux commandes d’un tank, tout cela en tentant d’échapper aussi en courant à ses ennemis et en gardant une savoureuse décontraction décalée. Son association avec Michael York est donc impeccable et les deux personnages qui n’avaient à priori rien en commun, découvrent qu’ils se ressemblent beaucoup, qu’ils voient la vie de la même façon, tombent d’ailleurs amoureux de la même femme. C’est sans doute en raison de l’issue incertaine de leur cavale qui leur fait aimer doublement la vie et ces moments de liberté avec Lorène, même s’ils se trouvent au milieu de nulle part. Et qui sait, s’ils s’en sortent et regagnent leurs pays respectifs, peut-être se reverront-ils après la guerre, même si personne n’est dupe.

Du point de vue formel, La Poudre d’escampette est typique du cinéma de de Broca. La mise en scène est élégante, épaulée par la superbe photographie de René Mathelin (Adieu Philippine, Clérambard, Max et les Ferrailleurs, Un éléphant ça trompe énormément), la musique romanesque et émouvante de Michel Legrand trotte dans la tête bien après la projection, les seconds rôles sont formidables, en particulier Amidou et Louis Velle, avec même une petite apparition de Jean Bouise. En adaptant le roman La Route au soleil de Robert Beylen, Jean-Loup Dabadie et Philippe de Broca y puisent la matière idéale pour parler de ce qu’ils connaissent le mieux, les relations entre les hommes et les femmes, le caractère éphémère de l’existence, le plaisir à vivre le moment présent, avec autant d’humour que de spleen et même de poésie.

LE DIGIBOOK

Troisième titre de cette septième vague Coin de Mire Cinéma, La Poudre d’escampette était l’un des films les plus attendus, tout simplement parce-qu’il demeurait introuvable et inédit en France, en DVD et en Blu-ray, en raison d’une éternelle histoire de droits, appartenant alors à Columbia – Sony Pictures. Toujours est-il que La Poudre d’escampette rejoint ainsi Les Granges brûlées de Jean Chapot, Souvenirs perdus et Fanfan la Tulipe de Christian-Jaque, Brelan d’as de Henri Verneuil et Les Grandes manoeuvres de René Clair dans la collection La Séance en Édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret. Le menu principal est fixe et musical.

Comme pour tous les titres Coin de Mire Cinéma, L’édition de La Poudre d’escampette prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la bio-filmographie de Philippe de Broca avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, et la reproduction en fac similé des matériels publicitaires et promotionnels, dont l’affiche hongroise, un extrait de « Ciné Revue » du 5 août 1971, la pochette du 45 tours de la B.O.F., l’affichette italienne du film…

Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce du film La Veuve Couderc, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores.

Cette séance se compose donc des journaux des actualités de la 35e semaine de l’année 1971 (12’). Des « regards sur le monde » qui évoquent la crise monétaire qui frappe alors le dollars américain (qui s’écroule) avec quelques commentaires de l’économiste Jacques Rueff (on ne comprend rien, mais c’est sûrement intéressant), le tourisme à Saint-Tropez (avec un beau gros plan sur la nouvelle mode du topless), un focus sur le Maroc (entre tradition et modernisme). Ce flash infos se clôt sur des images impressionnantes (et sans commentaires) du massacre de Ballymurphyn, ayant entraîné la la mort de onze civils causée par le régiment de parachutistes de l’Armée britannique à Belfast, en Irlande du Nord, entre le 9 et le 11 août 1971. Des rues détruites, où les enfants s’amusent dans les carcasses des voitures calcinées.

Un peu plus de légèreté ne fait pas de mal avec les réclames publicitaires de l’année 1971 (8’30) qui font la promo des glaces Gervais, des bonbons La Pie qui chante, des barres chocolatées Topset, des Crackers Belin, de la vinaigrette Saladina d’Amora, de Coca Cola (avec la chanson Soif d’aujourd’hui). Et n’oublions pas la publicité pour la Volkswagen WK70, probablement réalisée par Georges Lautner, puisqu’on y retrouve ses complices Harry Cogan, Jean Luisi, Dominique Zardi et Serge Sauvion, ainsi qu’une parodie de Columbo justement pour Grundig.

Déjà présent sur l’édition du Monocle rit jaune et celle de Des pissenlits par la racine, Julien Comelli, journaliste en culture pop, est de retour chez Coin de Mire Cinéma, pour nous présenter La Poudre d’escampette (19’30) à travers une présentation intitulée Philippe de Broca, ou l’art de l’aventure romanesque. Le film, qui avait disparu de la circulation (au même titre que Chère Louise, toujours indisponible et dont les droits appartiennent à Warner) est longuement replacé dans la carrière de Philippe de Broca, avant d’être analysé, tant sur le fond que sur la forme. Les conditions de tournage y sont abordées, tout comme le casting (ou comment trouver la bonne équation des trois comédiens principaux) et d’autres éléments, sans aucun temps mort. Vous en saurez donc plus sur les problèmes de droits ayant entraîné la disparition de La Poudre d’escampette, mais aussi sur les films refusés par Jean-Paul Belmondo comme Le Clan des Siciliens, Il était une fois dans l’Ouest, César et Rosalie).

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

N’y allons pas par quatre chemins, le master restauré en 4K par Sony Pictures (avec le soutien d’OCS) de La Poudre d’escampette est l’un des plus beaux présentés par Coin de Mire Cinéma depuis son apparition sur le marché du DVD-Blu-ray. Le nouvel étalonnage a été entièrement supervisé par Jean-François Robin, directeur de la photographie, ancien collaborateur de Philippe de Broca sur Le Bossu (1997) et Amazone (2000). Les couleurs sont absolument somptueuses, chaudes, profondes, la luminosité est omniprésente, le piqué pointu, les détails sont foisonnants, la profondeur de champ abyssale, la propreté ahurissante, le grain argentique excellemment géré. 50 ans et pas une ride nous disions dans la critique, et ce nouveau master participe largement à la (re)découverte de La Poudre d’escampette.

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0, dépourvu du moindre souffle a souvent l’occasion de briller. La musique de Michel Legrand, accompagne agréablement l’action. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Columbia Pictures / Sony Pictures / Photos 1971 Georges Pierre / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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