Test Blu-ray / Kill, réalisé par Romain Gary

KILL réalisé par Romain Gary, disponible en Blu-ray depuis décembre 2022 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Jean Seberg, James Mason, Curd Jürgens, Stephen Boyd, Daniel Emilfork, Mauro Parenti, José María Caffarel, Carlos Montoya, Henri Garcin…

Scénario : Romain Gary

Photographie : Edmond Richard

Musique : Bert Pisano & Jacques Chaumont

Durée : 1h47 (Version intégrale)

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Années 1970, au Pakistan – Kidnappée, Emily Hamilton, femme d’un fonctionnaire d’Interpol, est délivrée par Brad Killian, un justicier solitaire. Ce dernier cherche à exterminer les membres d’un important trafic de drogue et de traite des blanches, ignorant qu’un certain Alan Hamilton fait partie de l’organisation. Emily, quant à elle, sera confrontée à la violence et à la corruption et devra faire face à la vérité concernant son mari.

Romain Gary (1914-1980), parfois Émile Ajar, a été aviateur et résistant, romancier bien évidemment (deux fois prix Goncourt), diplomate, scénariste et, on le sait moins, réalisateur. Le monde du cinéma s’intéresse très vite à l’écrivain, car avant que Romain Gary passe lui-même derrière la caméra, ce dernier signera le scénario des Racines du ciel The Roots of Heaven (1958), tiré de son roman et pour le compte de John Huston. D’autres transpositions suivront, comme L’Homme qui comprend les femmes The man Who Understood Women (1959) de Nunnally Johnson, avec Leslie Caron et Henry Fonda, ainsi que Lady L (1965) de Peter Ustinov, avec Sophia Loren, Paul Newman, David Niven et Philippe Noiret. Le premier coup d’essai de Romain Gary à la mise en scène est Les Oiseaux vont mourir au Pérou (1968), d’après un scénario original, passé à la postérité pour avoir été le premier film classé dans la catégorie X par la Motion Picture Association of America et qui connaîtra un succès d’estime avec près de 900.000 entrées. Alors que Jules Dassin adapte La Promesse de l’aube, Romain Gary décide de réitérer l’expérience au cinéma avec Kill, également connu sous le titre Police Magnum et même Kill ! Kill ! Kill ! Kill ! aux États-Unis. Il confie une fois de plus le rôle principal à sa compagne Jean Seberg et la plonge dans une histoire d’espionnage se déroulant au Pakistan. Tous les ingrédients du genre sont réunis : un pays exotique, des faux-semblants, des trahisons, des agents troubles, un aventurier chaud comme la b(r)aise, des poursuites (réglées et exécutées ici par Rémy Julienne), des fusillades, des suspects potentiels…On sent que le réalisateur se fait plaisir en enchaînant volontairement les clichés et Kill peut se voir comme un roman pulp en live action. Si l’on fait fi de certains effets kitschs, pour ne pas dire psychédéliques propres à son époque, Kill est une savoureuse découverte pour les cinéphiles.

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Test Blu-ray / Cité de la violence, réalisé par Sergio Sollima

CITÉ DE LA VIOLENCE (Città violenta) réalisé par Sergio Sollima, disponible en DVD et Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 16 février 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Charles Bronson, Telly Savalas, Jill Ireland, Michel Constantin, Umberto Orsini, George Savalas, Ray Saunders, Benjamin Lev, Peter Dane…

Scénario : Sauro Scavolini, Gianfranco Calligarich, Lina Wertmüller & Sergio Sollima, d’après une histoire originale de Dino Maiuri & Massimo De Rita

Photographie : Aldo Tonti

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h44

Date de sortie initiale: 1970

LE FILM

Tandis qu’il circule en voiture avec sa compagne Vanessa, le tueur à gages Jeff Heston tombe dans un piège. Blessé, il échoue en prison. Libéré, il ne poursuit désormais plus qu’un double objectif : se venger de ceux qui l’ont trahi et retrouver celle qu’il aime. Sa croisade sanglante débute à la Nouvelle Orléans où la mafia locale l’attend de pied ferme…

Quand on évoque le nom du cinéaste romain Sergio Sollima (1921-2015), le spectateur se souvient d’un cinéma carré, brutal, violent, sec, nerveux, qui a toujours su concilier le divertissement populaire et le cinéma dit d’auteur. Troisième Sergio aux côtés de Leone et Corbucci, Sollima est à la base journaliste et critique de cinéma, profession qu’il exerce en sortant de la Seconde Guerre mondiale, après ses études au mythique Centro sperimentale di cinematografia. En même temps, il commence à écrire pour le théâtre, puis devient scénariste (ainsi que script doctor) pour les plus grands « faiseurs » du moment de Luigi Capuano à Domenico Paolella (Le Secret de l’Épervier Noir), en passant par Gianfranco Parolini, avec une prédilection pour le péplum, qui remplit alors les salles. 1962, il passe lui-même derrière la caméra aux côtés de Nino Manfredi, pour un segment du film à sketches Les Amours difficiles. Sergio Sollima enchaîne rapidement en surfant sur la mode de l’Eurospy (Agent 3S3, passeport pour l’enfer, Agent 3S3, massacre au soleil, Un certain Monsieur Bingo), puis sur celle du western (Colorado, Le Dernier Face à face, Saludos hombre). Ce qui nous amène au début des années 1970 et Cité de la violenceCittà violenta, un des monuments de la filmographie de Sergio Sollima, dans lequel il dirige Charles Bronson et sa compagne Jill Ireland, mais aussi Telly Savalas, qui venait de camper Ernst Stavro Blofeld (et ses oreilles sans lobes) dans le fabuleux Au service secret de Sa Majesté de Peter Hunt. Contrairement à ce que certains ont tendance à penser, Cité de la violence n’est pas un poliziottesco, mais une œuvre qui condense toutes les influences du réalisateur, américaines surtout (il avait d’ailleurs écrit un ouvrage sur le cinéma US à la fin des années 1940), qui prend des allures de polar, analyse, dissèque et à la fois explose les codes du genre en vigueur, ainsi que le film noir traditionnel. Aussi passionnant sur le fond que sur la forme, Cité de la violence offre à Charles Bronson le rôle d’un tueur à gages, qui non seulement annonce Le FlingueurThe Mechanic de Michael Winner, qui sortira deux ans plus tard, mais se révèle être clairement l’une des pierres fondatrices de la carrière à venir du comédien. Un film remarquable, qui réussit à trouver cet équilibre souvent recherché en vain entre le spectacle et le contemplatif.

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Test Blu-ray / Mitraillette Kelly, réalisé par Roger Corman

MITRAILLETTE KELLY (Machine-Gun Kelly) réalisé par Roger Corman, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 16 février 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Charles Bronson, Susan Cabot, Morey Amsterdam, Richard Devon, Jack Lambert, Frank DeKova, Connie Gilchrist, Wally Campo…

Scénario : R. Wright Campbell

Photographie : Floyd Crosby

Musique : Gerald Fried

Durée : 1h23

Date de sortie initiale: 1958

LE FILM

Surnommé par sa maîtresse Mitraillette Kelly, le gangster George Kelly réussit un audacieux hold-up. Il en confie le butin à Fandango, un complice qui, en essayant de détourner une partie de l’argent à son profit, suscite sa colère. Plutôt que de se faire oublier, lui et son gang préparent un nouveau braquage. L’attaque des banques et transports de fonds présentant désormais des risques trop élevés, Kelly kidnappe la fille d’un riche industriel…

Si l’on considère souvent Mitraillette KellyMachine-Gun Kelly comme une « œuvre de jeunesse » de Charles Dennis Buchinsky aka Charles Bronson, ce dernier, déjà monstre de charisme, approche la quarantaine quand il collabore avec Roger Corman. Il a d’ailleurs derrière-lui Bronco Apache et Vera Cruz de Robert Aldrich, ainsi que L’Homme de nulle partJubal de Delmer Daves. En 1958, il accède en tête d’affiche, dans Syndicat du crimeGang War de Gene Fowler Jr, dans Confessions d’un tueurShowdown at Boothill de Gene Fowler Jr, dans L’Enfer des humainsWhen Hell Broke Loose de Kenneth G. Crane, mais l’histoire retiendra donc surtout ce Mitraillette Kelly, deux ans avant sa mise sur orbite définitive grâce aux 7 MercenairesThe Magnificent Seven de John Sturges. D’une part en raison de son légendaire réalisateur, qui en était alors qu’au début (autrement dit à son vingtième long-métrage) de sa prolifique (euphémisme) et éclectique carrière, d’autre part parce que Charles Bronson y incarne une véritable figure du crime américain, George Kelly Barnes alias George « Machine-Gun » Kelly alias George R. Kelly (1895-1954), célèbre bootlegger, kidnappeur et braqueur de banques qui a sévi durant la prohibition, qui fut ensuite incarcéré à vie à la prison d’Alcatraz. Tourné en une petite semaine avec un budget anémique, Machine-Gun Kelly peut compter sur le système D de génie du cinéaste, la mise en scène étant un vrai petit modèle du genre, couplée à un montage dynamique qui ne laisse pas un moment de répit aux spectateurs, ou tout simplement le temps d’apercevoir ce qui pourrait trahir une production fauchée ou des faux raccords inévitables. En l’état, Mitraillette Kelly est un excellent film de gangsters, une série B bourrée de charme et d’action, avec une touche d’humour et de psychologie.

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Test Blu-ray / Agent 077 : Operation Sexy, réalisé par Jess Franco

AGENT 077 : OPÉRATION SEXY (La Muerte silba un blues) réalisé par Jess Franco, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 7 mars 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Conrado San Martín, Danik Patisson, Perla Cristal, Georges Rollin, Manuel Alexandre, María Silva, Adriano Domínguez, Marta Reves…

Scénario : Jess Franco & Luis de Diego

Photographie : Juan Mariné

Musique : Antón García Abril

Durée : 1h18

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

En Amérique du Sud, le trompettiste Julius et son ami Castro passent en fraude un chargement d’armes pour le compte de Bekell. Alors que Castro est abattu par une patrouille, Smith va en prison. Quinze ans plus tard, il est enfin libéré et découvre que la veuve de son ami, Lina, est désormais mariée à Bekell. Julius devient gênant pour ce dernier. Se sentant menacé, il balance toute l’histoire au commissaire Fenton.

Quand on regarde le début de la carrière de Jess Franco, on se rend compte qu’il était déjà difficile de découvrir quel film avait été fait avant l’autre, certaines sources donnant des dates de sortie différentes, parfois à un ou deux ans près, souvent plus. En l’état, Agent 077, opération Jamaïque, ou Agent 077 : Opération Sexy, auquel on préférera le titre original ô combien plus approprié et par ailleurs poétique, La Muerte silba un blues se situe entre Le Sadique Baron Von KlausLa Mano de un hombre muerto et Les Maîtresses du Docteur JekyllEl Secreto del Dr. Orloff et s’avère un nouveau film noir pour le cinéaste. Comme ce sera le cas plus tard, cet opus apparaît quasiment comme un film miroir à Chasse à la mafia, puisqu’on y retrouve pour ainsi dire exactement les mêmes ingrédients, la même ambiance, l’atmosphère enfumée d’un night-club où officient bien sûr un orchestre de jazz et une chanteuse à la voix enivrante, mais aussi où se (dé)font certaines affaires louches. Plus maîtrisé que Rififí en la ciudad,La Muerte silba un blues est un solide polar, sur lequel plane encore l’ombre d’Orson Welles, mais avec lequel Jess Franco s’affranchit de plus en plus de ses références, peaufine sa direction d’acteurs, tout en livrant un formidable divertissement aux spectateurs.

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Test Blu-ray / Les Nuits de Mashhad, réalisé par Ali Abbasi

LES NUITS DE MASHHAD (Holy Spider) réalisé par Ali Abbasi, disponible en DVD et Blu-ray le 9 décembre 2022 chez Metropolitan Films.

Acteurs : Zar Amir-Ebrahimi, Mehdi Bajestani, Arash Ashtiani, Forouzan Jamshidnejad, Sina Parvaneh, Nima Akbarpour, Mesbah Taleb, Firouz Ageli, Sara Fazilat, Alice Rahimi…

Scénario : Sol Bondy & Jacob Jarek

Photographie : Nadim Carlsen

Musique : Martin Dirkov

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Iran 2001, une journaliste de Téhéran plonge dans les faubourgs les plus mal famés de la ville sainte de Mashhad pour enquêter sur une série de féminicides. Elle va s’apercevoir rapidement que les autorités locales ne sont pas pressées de voir l’affaire résolue. Ces crimes seraient l’œuvre d’un seul homme, qui prétend purifier la ville de ses péchés, en s’attaquant la nuit aux prostituées.

Attention, film choc ! Les Nuits de Mashhad est le troisième long-métrage réalisé par Ali Abbasi (né en 1981), né à Téhéran, remarqué avec Shelley, présenté à la Berlinale en 2016, mais réellement découvert en 2018 avec Border, récompensé dans le monde entier, y compris par le Prix Un certain regard au Festival de Cannes. L’ancien étudiant de l’Université Polytechnique de Téhéran, installé depuis en Suède, aborde un nouveau registre avec Les Nuits de Mashhad, inspiré d’un fait divers réel survenu au début des années 2000 dans sa ville natale, marquée par l’assassinat d’une quinzaine de prostituées par un tueur en série. Une œuvre à ne pas mettre devant tous les yeux, qui mixe à la fois le cinéma d’Asghar Farhadi, de Richard Fleischer et de David Fincher, mais qui trouve une identité propre, personnelle, unique. Le résultat est percutant, froid comme la glace, tranchant comme la lame d’un scalpel, profondément pessimiste et même nihiliste. On en ressort lessivés, frappés par cette violence brute et sèche, ainsi que par le propos forcément politique qui s’en dégage en évoquant la place des femmes en Iran. Prix d’interprétation féminines à Cannes largement mérité pour la comédienne Zar Amir Ebrahimi.

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Test Blu-ray / Le Temps des loups, réalisé par Sergio Gobbi

LE TEMPS DES LOUPS réalisé par Sergio Gobbi, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 22 juin 2022 chez LCJ Editions & Productions.

Acteurs : Robert Hossein, Charles Aznavour, Virna Lisi, Albert Minski, Geneviève Thénier, Monique Morisi, Henri Crémieux, Roger Coggio…

Scénario : Sergio Gobbi, Georges Tabet & André Tabet

Photographie : Daniel Diot

Musique : Georges Garvarentz

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

Amis d’enfance, le sanglant Robert, qui se fait appeler Dillinger en référence au truand américain des années 30 qu’il imite dans ses casses, et Kramer devenu chef de la brigade anti-gang s’affrontent. Après un dernier casse à Paris, Dillinger part se reposer sur la côte d’Azur avec son équipe et rencontre une femme qui lui sera fatale.

Sergio Gobbi. Pour beaucoup d’entre nous les cinéphiles, ce nom renvoie directement à L’Arbalète (1984) avec Daniel Auteuil, tandis que les amateurs de nanars se souviendront de La Nuit du risque (1986), chef d’oeuvre ultime du nawak que l’on pourrait se passer en boucle. Également scénariste, mais aussi producteur d’André Cayatte (La Raison d’État, L’Amour en question), de Marco Ferreri (Conte de la folie ordinaire), de Georges Lautner (Présumé dangereux), de Roman Polanski (La Jeune Fille et la Mort) et même de Dario Argento (Dracula 3D, le pauvre…), Sergio Gobbi (né en 1938) possède une vingtaine de mises en scène à son actif. L’un de ses opus les plus célèbres demeure sans nul doute Le Temps des loups, gros succès de l’année 1970 avec plus d’1,2 million de spectateurs, qui résistera au triomphe de La Nuit des morts vivants de George A. Romero. Le réalisateur coécrit ce formidable polar avec Georges et André Tabet (La Grande vadrouille, Le Vampire de Dusseldorf, Une ravissante idiote) et s’entoure d’un casting quatre étoiles mené par Charles Aznavour, Robert Hossein et Virna Lisi (co-production oblige, mais personne ne s’en plaindra), qui mélange étroitement une violence sèche et brutale, et une émotion inattendue puisque les deux ennemis du récit ont grandi ensemble et se connaissent par coeur. Le Temps des loups cumule certes plus de cinquante ans au compteur, mais sa fraîcheur et sa modernité ne cessent encore de laisser pantois.

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Test Blu-ray / Seul dans la nuit, réalisé par Christian Stengel

SEUL DANS LA NUIT réalisé par Christian Stengel, disponible en Combo Blu-ray + DVD Edition limitée le 23 novembre 2022 chez Pathé.

Acteurs : Bernard Blier, Sophie Desmarets, Jacques Pills, Jean Davy, Marcel André, Nathalie Nattier, Ginette Baudin, Annette Poivre, Ariane Murator, Robert Le Fort…

Scénario : Jacqueline Boisyvon, Yves Boisyvon & Marc-Gilbert Sauvajon

Photographie : Christian Matras

Musique : Louiguy & Francis Lopez

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1945

LE FILM

Une série de crimes affecte l’entourage d’un chanteur célèbre. Chaque fois que l’un d’eux est perpétré, la voix de l’artiste se fait entendre fredonnant sa chanson favorite. Les soupçons déterminent une poursuite dans un Paris nocturne qui aboutit à un théâtre désaffecté où l’assassin a attiré sa dernière victime.

Bernard Blier, à peine 30 ans, mince (depuis son retour d’un Stalag où il fut emprisonné en Autriche) dans la gabardine de l’inspecteur Robert Pascal ! C’est dans Seul dans la nuit, sorti sur les écrans français en novembre 1945 et réalisé par Christian Stengel (1902-1986). Si le nom de ce dernier demeure méconnu des cinéphiles, celui-ci obtiendra un beau succès avec Je chante en 1938, avec Charles Trenet en vedette, et La Famille Duraton, interprété par Jules Berry et Noël-Noël. Seul dans la nuit est un polar, forcément influencé par le film noir américain, qui en était alors à ses débuts, mais qui en cinq ans avaient vu se succéder Le Faucon maltais The Maltese Falcon de John Huston, Tueur à gages This Gun for Hire de Frank Tuttle, La Clé de verre The Glass Key de Stuart Heisler, même si la plupart débarqueront dans les salles françaises après la guerre. Cependant, le film policier hexagonal n’est pas en reste avec Les Inconnus dans la maison d’Henri Decoin, sans oublier L’Assassin habite au 21 et Le Corbeau d’Henri-Georges Clouzot. Tandis qu’il remonte progressivement sur les planches avec des pièces de Marcel Achard, de Georges Feydeau et même d’Anton Tchekhov, Bernard Blier réapparaît amaigri et le crane de plus en plus dégarni sur les écrans, un physique qui lui permet d’aborder de nouveaux registres devant la caméra de Christian-Jaque (L’Enfer des anges, L’Assassinat du père Noël, La Symphonie fantastique, Carmen), mais aussi celle de Marcel L’Herbier (La Nuit fantastique), Claude Autant-Lara (Le Mariage de Chiffon) et Marc Allégret (Les Petites du quai aux fleurs). Il est impeccable dans Seul dans la nuit, jeune flic idéaliste qui se voit confier sa première mission et qui va vite déchanter devant les agissements impitoyables d’un tueur qui s’en prend à des jeunes femmes. Le comédien apporte une vraie chaleur humaine à son personnage, ainsi qu’une savoureuse pointe de cynisme et un humour noir plaisant. On suit donc cette enquête « rétro », qui outre la qualité de sa distribution comporte encore quelques éléments qui n’ont pas trop souffert des années passées et qui font toujours leur petit effet. Une belle découverte.

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Test Blu-ray / Un flic explosif, réalisé par Stelvio Massi

UN FLIC EXPLOSIF (Un poliziotto scomodo) réalisé par Stelvio Massi, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 8 novembre 2022 chez Artus Films.

Acteurs : Maurizio Merli, Olga Karlatos, Massimo Serato, Mario Feliciani, Mimmo Palmara, Marco Gelardini, Attilio Duse, Piero Gerlini…

Scénario : Gino Capone & Teodoro Corrà, d’après une histoire originale de Danilo Massi

Photographie : Sergio Rubini

Musique : Stelvio Cipriani

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1978

LE FILM

Enquêtant sur un trafic de diamants ayant donné lieu à plusieurs meurtres crapuleux, le commissaire Olmi découvre que les commanditaires sont des membres de l’élite corrompue. Pour ses supérieurs, il fait un peu trop de zèle, et l’enquête lui est alors retirée. Il se retrouve muté en province, dans une ville paisible. Mais, face à la pègre locale, ses méthodes musclées vont vite lui revenir.

Quand on leur parle du comédien Maurizio Merli, les amateurs de Bis italien l’identifient immédiatement grâce à sa célèbre moustache et son faux-air à Franco Nero. Si certains considéreront toujours le premier comme un ersatz du second, il serait dommage de résumer ses vingt ans de carrière à cette ressemblance. Disparu prématurément en 1989 à l’âge de 49 ans des suites d’un infarctus, le romain Maurizio Merli aura essentiellement marqué les esprits dans le poliziottesco, après s’être fait connaître dans un rôle pourtant diamétralement opposé à celui qu’il tiendra dans les polars, en tenant l’affiche de la mini-série télévisée La Jeunesse de Garibaldi réalisée par Franco Rossi et diffusée sur la Rai 1 en 1974. Dès lors, les propositions se multiplient. D’emblée, il devient la vedette de films policiers sous la direction d’Umberto Lenzi (Brigade spéciale, Opération casseurs, Le Cynique, l’Infâme et le Violent, Corléone à Brooklyn), de Marino Girolami (Rome violente, Opération jaguar) et surtout de Stelvio Massi (1929-2004), réalisateur avec lequel Maurizio Merli tournera à six reprises. De SOS jaguar, opération casse gueule Poliziotto sprint (1977) à Un flic rebelle Poliziotto solitudine e rabbia (1980), les deux collaborateurs et amis surferont sur la mode d’un genre très prisé par le public de l’autre côté des Alpes (mais pas que) et connaîtront un succès retentissant. Un flic explosif Un poliziotto scomodo (que l’on pourrait traduire par « un flic mal à l’aise ») est leur second long-métrage en commun et un formidable opus comprenant de multiples scènes de règlements de comptes au flingue, le personnage qui peut être vu comme un Harry Callahan transalpin, n’hésitant pas à sortir la grosse pétoire pour affronter les salopards et les exécuter sans sommation. Il y a volontairement deux films en un dans Un flic explosif, ce qui peut décontenancer. Si notre préférence se tourne vers la première partie, polar urbain, la seconde, polar rural, ne démérite pas et le divertissement est total grâce à l’implication de son acteur principal et de l’efficacité de la mise en scène de Stelvio Massi.

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Test Blu-ray / Mort suspecte d’une mineure, réalisé par Sergio Martino

MORT SUSPECTE D’UNE MINEURE (Morte sospetta di una minorenne) réalisé par Sergio Martino, disponible en Blu-ray – Édition limitée chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Claudio Cassinelli, Mel Ferrer, Lia Tanzi, Gianfranco Barra, Patrizia Castaldi, Adolfo Caruso, Jenny Tamburi, Massimo Girotti…

Scénario : Sergio Martino & Ernesto Gastaldi

Photographie : Giancarlo Ferrando

Musique : Luciano Michelini

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Milan, années 1970 – Le commissaire Paolo Germi recherche une adolescente qu’il pense mêlée à un trafic de prostitution. Hélas, celle-ci est sauvagement assassinée avant qu’il ne puisse obtenir des informations. Afin de poursuivre son enquête, Germi s’associe avec un voleur à la tire, seul moyen de remonter la filière. Le duo improbable devra alors affronter bien des épreuves, et notamment un tueur implacable, pour mener à bien sa mission.

L’Étrange Vice de madame Wardh, La Queue du scorpion, Toutes les couleurs du vice, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé, Rue de la violence, Torso, La Montagne du dieu cannibale, Le Continent des hommes-poissons, Le Grand Alligator, 2019 après la chute de New York, Atomic Cyborg…le dénominateur commun est bien sûr Sergio Martino (né en 1938). L’un des plus grands représentants du cinéma Bis transalpin aura touché à tous les genres alors vogue, du western au film de science-fiction, en passant par le giallo, la comédie érotique, l’épouvante et le poliziottesco. Celui qui nous intéresse aujourd’hui est Mort suspecte d’une mineureMorte sospetta di une minorenne, connu en France sous le titre À en crever, formidable polar hybride, dans le sens où le réalisateur s’amuse à inclure de l’humour inattendu, voire burlesque et même cartoonesque à plusieurs reprises, sans doute pour faire comprendre aux spectateurs que tout ceci n’est pas à prendre au sérieux. Pourtant, le sujet abordé, la prostitution adolescente, est traité avec suffisamment d’ambition pour que l’on suive cette intrigue avec un réel intérêt, Sergio Martino proposant alors diverses soupapes humoristiques pour détendre l’atmosphère. À ce titre, le personnage principal incarné par Claudio Cassinelli, est une vraie figure de flic qui possède ses propres méthodes, qui n’hésite pas à agir comme il le dit lui-même en « légitime attaque », avec un cynisme revigorant qui lui permet de tenir le coup et d’aller au bout de son enquête, mais aussi rendant ce Paolo Germi extrêmement attachant. Sur un rythme trépident et soutenu du début à la fin, les cascades et les poursuites s’enchaînent, les répliques sont délicieusement vachardes, l’émotion est présente, quelques belles demoiselles flattent les sens, Mort suspecte d’une mineure demeure un très grand spectacle et n’a pas pris une ride.

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Test Blu-ray / Le Coup de l’escalier, réalisé par Robert Wise

LE COUP DE L’ESCALIER (Odds Against Tomorrow) réalisé par Robert Wise, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 20 septembre 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Harry Belafonte, Robert Ryan, Shelley Winters, Ed Begley, Gloria Grahame, Will Kuluva, Kim Hamilton, Mae Barnes…

Scénario : John O. Killens & Nelson Gidding, d’après le roman de William P. McGivern

Photographie : Joseph C. Brun

Musique : John Lewis

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Dave Burke, ancien policier licencié injustement, décide de préparer un cambriolage dont le plan semble facilement réalisable. Pour cela, il a besoin d’Earle Slater, un ancien soldat ne réussissant pas à retrouver sa place dans la société, et de Johnny Ingram, un chanteur noir criblé de dettes. Mais Slater est un raciste et Ingram est réticent à l’idée de sombrer dans la criminalité…

Ce n’est pas tous les jours que nous pouvons parler de Robert Wise (1914-2005), qui avec Richard Fleischer reste probablement l’un des plus grands artisans éclectiques et prolifiques de l’histoire du cinéma hollywoodien. Plus de soixante-cinq ans de carrière, dix ans au banc de montage, cinquante-cinq passés derrière la caméra, plus de quarante films au compteur. Quelques titres emblématiques ? Est-ce vraiment nécessaire ? D’accord, rien que pour le plaisir de les nommer et histoire de convoquer quelques extraits dans les mémoires : La Malédiction des hommes-chats, Le Récupérateur de cadavres, Né pour tuer, Nous avons gagné ce soir, Le Jour où la Terre s’arrêta…, Je veux vivre !, West Side Story, La Maison du diable, La Mélodie du bonheur, La Canonnière du Yang-Tsé, Le Mystère Andromède, L’Odyssée du Hinderburg, Audrey Rose, Star Trek, le film…Prenez un petit moment pour savourer ces réminiscences…C’est bon ? Si la liste ne saurait être exhaustive, il y en a un que l’on ne saurait omettre quand on évoque Robert Wise. Il s’agit d’Odds Against Tomorrow, plus connu en France sous le titre Le Coup de l’escalier, le dernier opus du cinéaste mis en scène dans les années 1950, son dix-huitième long-métrage de la décennie, emballé juste avant West Side Story, qu’il signera d’ailleurs avec Jerome Robbins. S’il n’atteint peut-être pas la puissance dramatique de Quand la ville dort The Asphalt Jungle (1950) de John Huston, Le Coup de l’escalier, souvent cité comme le chant du cygne du film noir américain avec L’Ultime Razzia The Killing de Stanley Kubrick, est une référence intemporelle du genre, où des personnages au bout du rouleau participent à un braquage, même s’ils n’y croient pas ou plus, avant même de s’être lancés. À l’instar de John Huston, Robert Wise s’avère plus intéressé par les protagonistes eux-mêmes et leurs motivations, plutôt que par le casse proprement dit. Comme son confrère, il les ancre dans une réalité crépusculaire (magnifique photo) marquée par l’échec. Le Coup de l’escalier est un film noir à part, centré sur un afro-américain interprété par Harry Belafonte (à l’origine du projet) et traitant ouvertement de la ségrégation et de la discrimination. Le film sera récompensé par un Golden Globe spécial pour sa « promotion de la compréhension internationale ». Pamphlet antiraciste, Le Coup de l’escalier se clôt sur la morale irréfutable : blancs ou noirs, les hommes sont tous égaux face à la mort et chacun retournera à l’état de poussière. Vous avez dit chef d’oeuvre ?

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