Test Blu-ray / La Bête tue de sang-froid, réalisé par Aldo Lado

LA BÊTE TUE DE SANG-FROID (L’Ultimo treno della notte) réalisé par Aldo Lado, disponible en Blu-ray le 13 août 2020 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Flavio Bucci, Macha Méril, Gianfranco De Grassi, Enrico Maria Salerno, Marina Berti, Franco Fabrizi, Irene Miracle, Laura D’Angelo, Dalila Di Lazzaro…

Scénario : Aldo Lado, Renato Izzo d’après une histoire originale d’Ettore Sanzò & Roberto Infascelli

Photographie : Gábor Pogány

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h32

Année de sortie : 1975

LE FILM

Deux jeunes filles doivent se rendre pour le week-end dans la famille de l’une d’elles. Dans le train de nuit qu’elles empruntent, elles sont agressées par deux marginaux accompagnés d’une femme désaxée.

C’est ce qu’on appelle un film coup de poing. La Bête tue de sang-froidL’Ultimo treno della notte, connu également sous le titre Le Dernier Train de la nuit, mais aussi La Chienne du train de nuit, Le Train de la mort et Train d’enfer, est le sixième long métrage réalisé par l’excellent Aldo Lado (né en 1934). L’auteur et metteur en scène de quelques références du cinéma d’exploitation italien, à qui l’on doit Je suis vivantLa Corta notte delle bambole di vetro (1971), Qui l’a vue mourir ?Chi l’ha vista morire ? (1972), La Cosa Buffa (1972), La CousineLa Cugina (1974) et plus tard L’humanoïdeL’Umanoide (1979), signe ici un remarquable thriller, dramatique et anxiogène, percutant et redoutable. Un film qui n’a pour ainsi dire pas pris de rides et qui reste aussi célèbre que chéri par les amateurs de cinéma Bis pour la sensationnelle interprétation de Macha Méril, surprenante, sadique et glaçante en bourgeoise frappadingue qui usera de ses charmes de poupée de porcelaine auprès de deux jeunes délinquants, pour assouvir ses pulsions violentes, voire meurtrières. La Bête tue de sang-froid est un chef d’oeuvre de genre.

Lisa Stradi et sa cousine Margaret Hoffenbach, âgées de seize ans, s’apprêtent à passer les fêtes de Noël à Vérone chez les parents de Lisa. Dans le train parti de Munich, elles croisent deux voyous en cavale, Blacky et Curly, et une bourgeoise nymphomane qui sèment le désordre. Lorsque le train est immobilisé de nuit dans une petite gare autrichienne, suite à une alerte à la bombe, les deux jeunes filles décident de changer de train et de fuir les importuns. Hélas, le trio maléfique croise à nouveau leur route. Isolées dans un wagon, Lisa et Margaret vont subir un véritable calvaire.

L’ancien assistant de Maurizio Lucidi (Pecos è qui: prega e muori!, Trois salopards, une poignée d’or, Les Héros ne meurent jamais, La Victime désignée), de Bernardo Bertolucci (Le Conformiste) et même de Gérard Pirès (Fantasia chez les ploucs) a fait du chemin et s’est très vite distingué derrière la caméra avec sa maîtrise du cadre et de la conduite des récits les plus tortueux. Dans La Bête tue de sang-froid, Aldo Lado invite le spectateur à prendre place dans un compartiment étroit aux côtés d’une poignée de personnages, où deux jeunes femmes vont vivre un vrai cauchemar, entre viols et humiliations. Dans le rôle de Margaret Hoffenbach, les cinéphiles reconnaîtront Irene Miracle, immortalisée en 1978 par Alan Parker dans Midnight Express, où elle interprétait Susan, la petite amie de Brad Davis. Il s’agit ici de sa première apparition au cinéma, cinq ans avant Inferno de Dario Argento. Même si nous n’avons souvent d’yeux que pour la performance complètement folle de Macha Méril, magnifique et excitante psychopathe, Irene Miracle ne démérite pas et sa présence crève également l’écran. Les deux tarés sont quant à eux incarnés par l’inquiétant Flavio Bucci, vu précédemment dans La Classe ouvrière va au paradisLa Classe operaia va in paradiso (1971) et La propriété, c’est plus le volLa Proprietà non è più un furto (1973), deux chefs d’oeuvre d’Elio Petri, et Gianfranco De Grassi, beaucoup moins connu et qui n’était apparu que dans Rivages sanglantsNoa Noa (1974) d’Ugo Liberatore. Le trio infernal mène la vie dure aux deux étudiantes dans cette cabine étouffante et plongée dans une lumière bleue effrayante, qui semble coupée du monde et où toutes les atrocités semblent permises.

Outre l’incarnation sexuelle, perverse et agressive de Macha Méril, dont le regard de serpent venimeux allait illuminer Les Frissons de l’angoisseProfondo rosso de Dario Argento la même année, ce qui marque aussi l’esprit des cinéphiles demeure la composition d’Ennio Morricone, sa sixième collaboration avec Aldo Aldo, dont le thème à l’harmonica s’avère entêtant et angoissant.

Si on a souvent comparé son film à La Dernière Maison sur la gaucheThe Last House on the Left (1972), d’ailleurs La Bête tue de sang-froid est sorti aux Etats-Unis sous les titres alternatifs New House on the Left et Second House on the Left, Aldo Lado a toujours nié avoir vu l’oeuvre de Wes Craven avant de réaliser son thriller. L’Ultimo treno della notte est un huis clos viscéral qui prend aux tripes, qui se clôt sur une vengeance inattendue avec le comédien Enrico Maria Salerno (L’Oiseau au plumage de cristal) et son faux-air de Tommy Lee Jones, au cours d’un épilogue brutal et ironique. Par ailleurs, Aldo Lado regrette de s’être vu imposer par la production l’insertion d’une sirène de police, qui quelque part pourrait amoindrir la portée diabolique du dénouement, mais ce n’est heureusement pas le cas.

Au final, le cinéaste a réussi à fustiger une fois de plus la bourgeoisie, thème présent depuis son premier film Je suis vivant !, qui sans aucun scrupule se sert des petites gens pour appuyer son hégémonie, ou bien ici pour assouvir ses fantasmes les plus tordus. On en ressort exténué, remué, avec l’impression d’avoir retenu son souffle pendant près d’1h30. Près d’un demi-siècle après sa sortie, La Bête tue de sang-froid s’impose encore et toujours comme une immense référence, accompagnée d’un estampillage culte largement mérité.

LE BLU-RAY

Alléluia ! La Bête tue de sang-froid est ENFIN disponible en Haute-Définition dans nos contrées et l’on doit cette merveilleuse nouvelle au Chat qui fume ( https://lechatquifume.myshopify.com/ ). A cette occasion, le talentueux graphiste Frédéric Domont livre cette fois encore un visuel remarquable, qui se focalise sur le professeur Giulio Stradi, interprété par Enrico Maria Salerno, prêt à en découdre avec ceux qui s’en sont pris à sa fille. Le disque repose dans un Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné, comme d’habitude très élégant. Le menu principal animé sur la chanson de Demis Roussos, donne le ton.

Le Chat qui fume n’a malheureusement pas repris le commentaire audio d’Aldo Lado, ni l’interview de Macha Méril, présents sur le DVD édité par Neo Publishing en 2007. En revanche, nous trouvons désormais deux nouveaux entretiens et non des moindres.

Le premier supplément est une interview de la comédienne Irene Miracle (16’) qui revient sur ses débuts, pour le moins insolites, dans le monde du septième art. Ou comment se retrouver à la table de Michelangelo Antonioni, Federico Fellini, Pier Paolo Pasolini et Bernardo Bertolucci sans avoir la moindre idée de qui pouvaient bien être ces quatre individus en train de parler de cinéma…Irene Miracle revient ensuite sur La Bête tue de sang-froid, son premier long métrage, à travers moult anecdotes liées au tournage ou à ses partenaires.

Aldo Lado est bien présent sur cette édition HD du Chat qui fume. En effet, le cinéaste aborde longuement (précisément pendant 1h17), posément, la clope au bec et visiblement confortablement installé chez lui, ses débuts au cinéma et ses précédents longs métrages, avant d’en venir rapidement à la genèse, à l’écriture, au tournage, au casting, à la sortie et aux thèmes de La Bête tue de sang-froid. Aldo Lado s’exprime sur la situation politique, économique et sociale de l’Italie des tristement célèbres Années de plomb, atmosphère lourde, pesante et dangereuse qu’il a voulue retranscrire à travers son film. Un récit critique de la société transalpine vu à travers les yeux de personnages qui représentent toutes les couches qui la composent et dont les plus vicieux ne sont pas forcément ceux que l’on pourrait croire au premier abord. La psychologie des personnages, l’absence totale d’amour (ce qu’il regrette un peu aujourd’hui), la chanson A Flower´s All You Need de Demis Roussos, la composition d’Ennio Morricone, les conditions des prises de vue en Allemagne (souvent sans autorisation dans les gares où les scènes ont été volées), le travail avec le chef opérateur Gábor Pogány, les quelques démêlés avec la censure, le tout saupoudré de multiples anecdotes, tous ces éléments sont aussi abordés par ce formidable réalisateur qu’est Aldo Lado, âgé aujourd’hui de 85 ans.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce du film en version anglaise.

L’Image et le son

La Bête tue de sang-froid est disponible en Haute-Définition et en version intégrale. Les credits sont présentés en anglais. Nous sommes devant un master sidérant de beauté, au grain fin, excellemment géré, délicat, élégant, merveilleusement restauré et où aucun point de poussière ne semble avoir survécu au scalpel numérique. La clarté est éloquente dès la première séquence et ce sont surtout les couleurs, superbes, qui sautent aux yeux. Les teintes chromatiques sont fraîches, pétantes, le piqué est aiguisé et les contrastes au beau fixe. Les quelques séquences plongées dans la pénombre et caractérisées par une lumière bleue et crue, sont tout aussi bien définies que le reste. Un boulot de dingue qui devrait ravir les fans de ce grand classique.

Sans surprise, la version originale italienne l’emporte sur son homologue française, même si cette dernière n’a rien de déshonorant. Sur la première piste, de sensibles craquements se font entendre, surtout durant la chanson de Demis Roussos (avec diverses saturations inévitables), mais l’écoute est ensuite fluide, propre et suffisamment dynamique. La version française est de son côté plus feutrée, mais son charme reste intact.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Rewind / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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