COLÈRE NOIRE (La Città sconvolta: caccia spietata ai rapitori) réalisé par Fernando Di Leo, disponible en DVD et Blu-ray le 22 août 2023 chez Elephant Films.
Acteurs : Luc Merenda, James Mason, Irina Maleeva, Marino Masé, Daniele Dublino, Vittorio Caprioli, Valentina Cortese, Marco Liofredi…
Scénario : Fernando Di Leo, Ernesto Gastaldi & Nicola Manzari, d’après une histoire originale de Galliano Juso
Photographie : Erico Menczer
Musique : Luis Bacalov
Durée : 1h34
Date de sortie initiale: 1975
LE FILM
Milan années 1970, deux garçons se rendent à l’école. Le premier à bord d’une Rolls Royce conduite par un chauffeur, le second à califourchon sur la moto de son père garagiste. Ils sont laissés en même temps devant l’école quand surgit une voiture avec trois hommes. Ils se jettent sur le fils de riche pour l’enlever, mais le fils du garagiste tente de les en empêcher. Les trois hommes sont contraints d’enlever les deux gosses, la police est immédiatement prévenue, mais semble bien impuissante face à l’industrie de l’enlèvement…
Fernando Di Leo (1932-2003). Ce nom ne vous dit peut-être rien et pourtant ce réalisateur et scénariste (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Navajo Joe, Le Retour de Ringo) reste en son pays l’un des plus emblématiques du western dit spaghetti et surtout du poliziottesco, puisqu’on lui doit la légendaire Trilogie du Milieu, inspirée par les nouvelles de l’écrivain Giorgio Scerbanenco, composée de Milan calibre 9 – Milano calibro 9, L’Empire du crime – La Mala ordina et Le Boss – Il Boss. Le cinéaste allait poursuivre dans cette veine au cours des années 1970, appelées les Années de plomb, un contexte politique lourd et violent de l’autre côté des Alpes (mais pas que), une époque marquée par la radicalisation des mouvements d’extrême gauche et d’extrême droite, et par de nombreuses affaires de terrorisme. Le cinéma italien allait très vite surfer sur cette atmosphère anxiogène, ce qui est le cas de Fernando Di Leo avec Colère noire – La Città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, titre explicite en version originale que l’on peut traduire littéralement parLa ville choquée : chasse impitoyable aux ravisseurs. À partir d’un scénario en apparence simple, Di Leo s’interroge sur le droit du citoyen à faire justice lui-même quand le système judiciaire et la machine politique se trouvent dépasser par les événements. Néo-polar sec et brutal, mais non dénué d’humour, de psychologie et d’émotions, Colère noire demeure un beau tour de force.
Deux enfants d’une dizaine d’années sont enlevés à l’entrée d’une école. L’un est le fils de Fillipini, un riche industriel, l’autre est le fils de Fabrizio Colella, un mécanicien sans le sou et veuf. Alors que l’enquête menée par le commissaire Magrini piétine, une importante rançon est exigée de la part des ravisseurs, mais Fillipini tente de négocier le montant, au grand dam de son épouse, Grazia et de Fabrizio, qui, faute de moyens financiers suffisants, ne peut être que témoin indirect de la négociation. Pour convaincre Fillipini de payer le prix fort, les ravisseurs tuent le jeune fils de Fabrizio, ce qui incite Fillipini à payer et provoque la libération de son fils. De son côté, Fabrizio, fou de douleur et dégoûté par le manque d’empressement de la police, remonte la piste des ravisseurs et tue chaque personne liée à l’enlèvement et au meurtre de son fils.
Fernando Di Leo, ancien élève du célèbre Centro sperimentale di cinematografia de Rome et ses co-scénaristes Ernesto Gastaldi (Le Cynique, l’infâme, le violent, Mort suspecte d’une mineure, La Mort caresse à minuit, Les Rendez-vous de Satan) et Nicola Manzari vont droit à l’essentiel. Il n’y a pour ainsi dire pas de gras dans l’histoire – de Galliano Juso (Flics en jeans), également producteur – de Colère noire et même les moments avec le flic monté sur ressorts interprété par l’inénarrable Vittorio Caprioli (alors entre La Moutarde me monte au nez et L’Aile ou la cuisse de Claude Zidi) sont autant de soupapes durant lesquelles le spectateur peut reprendre son souffle, qu’un reflet de l’inefficacité de la police qui doit s’adapter au bon vouloir des notables. À ce titre, James Mason, présent en Italie pour payer ses impôts (Luigi Zampa et Giuseppe Rosati le feront aussi tourner), joue sans se forcer cet industriel suintant qui pense pouvoir se confronter avec les ravisseurs de son fils (ou comment marchander sa progéniture afin de ne pas payer la somme pourtant imposée), tout en mettant aussi en péril l’existence du fils de Colella, lui aussi kidnappé après avoir voulu protéger son ami.
Les personnages sont ainsi lancés dans un labyrinthe sans fin et sans véritable sortie, les deux milieux sociaux s’opposent, mais de façon pacifique voire résignée, Mario Colella devant tout simplement attendre que Filippini finisse par accepter de payer la somme colossale demandée par les ravisseurs de leurs fils. Alors, quand celui de Colella est descendu froidement par ses kidnappeurs, plus rien ne pourra arrêter la vendetta personnelle de ce modeste mécanicien. D’origine italienne, le français Luc Merenda connaît un important succès avec Rue de la violence, réalisé par Sergio Martino, qui lui avait offert l’un de ses premiers rôles dans Torso – I corpi presentano tracce di violenza carnale. Il rencontre ensuite Fernando Di Leo, avec lequel il fera quatre films, Salut les pourris – Il poliziotto è marcio, Colère noire, Gli amici di Nick Hezard et Pover’ammore (même si le réalisateur ne sera pas crédité). Loin du policier impitoyable et corrompu qu’il campait dans leur précédente collaboration, Luc Merenda incarne cette fois pour Fernando Di Leo un homme dans la foule, anonyme, qui va se retrouver mêler malgré-lui dans une affaire extraordinaire, qui va lui ôter tout ce qui lui restait jusqu’alors. Tout d’abord presque effacé, comme si Mario Colella savait qu’il n’aurait de toute façon pas voix au chapitre, celui-ci n’a plus aucune raison de se planquer après l’assassinat de fils, victime des tergiversations sans fin de Filippini. Sa vengeance sera donc terrible et Luc Merenda, très à l’aise dans les scènes d’action donne de sa personne dans la seconde partie du film après avoir rendu son personnage attachant précédemment, en manoeuvrant sa moto avec virtuosité, ainsi qu’en donnant du poing.
Solidement mis en scène, élégamment photographié par Erico Menczer (Holocaust 2000, Fantozzi, Beatrice Cenci, Le Chat à neuf queues), sur un montage percutant de Sergio Montanari (Starcrash, le choc des étoiles, La Poursuite implacable), Colère noire est un polar sombre comme on les aime.
LE BLU-RAY
Fernando Di Leo est à l’honneur chez Elephant Films. En 2021, l’éditeur avait dégainé en HD la fameuse Trilogie du Milieu (Milan calibre 9, Passeport pour deux tueurs et Le Boss). Août 2023, place à Colère noire, Deux flics à abattre et Mister Scarface. Le film est disponible en DVD, en combo Blu-ray + DVD, ainsi qu’en Blu-ray + DVD – Boîtier métal Futurepak limité, les trois éditions renfermant également un livret de 24 pages signé Alain Petit, revenant sur les trois opus de Di Leo présentés simultanément. Le menu principal est fixe et musical. L’édition HD que nous avons eu entre les mains est un combo Blu-ray + DVD, qui prend la forme d’un boîtier Scanavo. Jaquette réversible, avec d’un côté le visuel typique de la collection créé par Melchior Ascaride, et de l’autre l’affiche originale d’exploitation.
Le premier supplément proposé par Elephant Films est une rencontre avec Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele (24’). Les auteurs de Mario Bava – Le magicien des couleurs (Ed. Lobster Films, 2019), lecteurs assidus de Mad Movies et passionnés par les films d’épouvante, le sont aussi du poliziottesco et partagent leur avis sur Colère noire, « qui intervient à un moment intéressant dans la carrière de Fernando Di Leo, après la Trilogie du Milieu » disent-ils. Si cette intervention part un peu dans tous les sens et manque parfois d’arguments solides, on en retire suffisamment d’informations sur le casting, la psychologie, le traitement des personnages et les thèmes explorés.
L’autre bonus est un documentaire rétrospectif sur la collaboration entre Fernando Di Leo et Luc Merenda. D’une durée de 27 minutes et réalisé en 2005, ce supplément donne la parole au comédien, alors âgé de 62 ans, mais aussi au producteur Armando Novelli, à l’actrice Dagmar Lassander (Gli amici di Nick Hezard) et le monteur Amedeo Giomini (Avoir vingt ans, Terreur sur la lagune, la Trilogie du Milieu). Chacun dresse le portrait du réalisateur Fernando Di Leo (« un monstre de culture et d’éducation » dit Merenda), à travers quelques anecdotes de tournage diverses. La grande surprise est de retrouver le cinéaste, probablement interviewé à la fin de sa vie, qui parle de son boulot et de sa position de challenger au sein du cinéma italien.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Ouch…le master « HD » présenté de Colère noire est quelque peu…étrange, comme s’il s’agissait d’une ancienne copie DVD sensiblement améliorée, mais de façon bien trop anecdotique pour convaincre. Ce qui étonne d’emblée est l’absence totale de la texture argentique originale, ce qui donne à l’ensemble un aspect lisse, artificiel. Les couleurs manquent de peps, les contrastes sont aléatoires, des poussières, des poils caméra et autres scories diverses subsistent, les visages sont parfois cireux, les détails souvent aux abonnés absents. Une déception…
L’éditeur propose les versions italienne, anglaise et française dans un Dual Mono original. Cette dernière bénéficie d’un doublage old-school très réussi, et le report des voix s’avère suffisamment mordant, bien que des échanges paraissent plus sourds. La version transalpine est certes marquée par quelques décrochages, des craquements et des saturations, mais les effets annexes, tout comme la musique, sont ardents et l’ensemble dynamique et vif. Assurément la plus solide du lot, la piste anglaise étant souvent aux pâquerettes et à bannir totalement en raison des dialogues sans cesse couverts et même lointains.
Crédits images : © Elephant Films / Minerva Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
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