Test Blu-ray / Avoir vingt ans, réalisé par Fernando Di Leo

AVOIR VINGT ANS (Avere vent’anni) réalisé par Fernando Di Leo, disponible en combo Blu-ray + DVD le 1er juin 2021 chez Artus Films.

Acteurs : Gloria Guida, Lilli Carati, Ray Lovelock, Vincenzo Crocitti, Giorgio Bracardi, Leopoldo Mastelloni, Carmelo Reale, Serena Bennato…

Scénario : Fernando Di Leo

Photographie : Roberto Gerardi

Musique : Franco Campanino

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1978

LE FILM

Lia et Tina sont deux belles jeunes filles qui se rencontrent et se rendent compte qu’elles ont beaucoup en commun. Elles sont toutes les deux jeunes et désabusées, alors elles décident de faire du stop.

Du réalisateur Fernando Di Leo (1932-2003), les cinéphiles et amateurs de cinéma Bis retiennent essentiellement sa très célèbre Trilogie du Milieu, constituée de Milan calibre 9, Passeport pour deux tueurs et Le Boss. Expert du polar, passionné de littérature policière et de film noir, un désenchantement coule dans les veines de l’oeuvre du metteur en scène. Également scénariste, il a par exemple participé à Pour une poignée de dollars (1964) et Et pour quelques dollars de plus (1965) de Sergio Leone, au Retour de Ringo (1965) de Duccio Tessari, à Navajo Joe (1966) de Sergio Corbucci et au Temps du massacre – Le colt cantarono la morte e fu… tempo di massacro (1966) de Lucio Fulci, Fernando Di Leo a toujours su surfer sur les goûts des spectateurs, tout en évoquant souvent certains problèmes de société. Il passe ainsi lui-même derrière la caméra à la fin des années 1960 avec le film de guerre Roses rouges pour le Führer – Rose rosse per il fuehrer, rapidement suivi par La Jeunesse du massacre – I ragazzi del massacro. Il clôt une décennie placée sous le signe du néo-polar (Salut les pourris – Il poliziotto è marcio, Colère noire, Mister Scarface, Diamants de sang) et du giallo (Les insatisfaites poupées érotiques du docteur Hitchcock avec Klaus Kinski) avec un drame teinté d’humour et d’érotisme, mais avant tout un constat implacable sur la fin des idéaux, intitulé Avoir vingt ans – Avere vent’anni. S’il démarre effectivement comme une petite chronique coquine où les deux actrices principales, les divines Gloria Guida et Lilli Carati illuminent le film par leur fraîcheur et leur beauté, le récit bifurque progressivement vers le thriller, avec une once de cinéma-vérité, jusqu’au dénouement aussi inévitable qu’insoutenable. Avoir vingt ans est représentatif du cinéma d’un auteur concerné par les évolutions, les mutations et les dégradations politico-sociales de son pays, mais aussi soucieux de divertir les spectateurs, tout en les incitant à réfléchir sur ce qu’ils sont en train de regarder.

Lia (la blonde) et Tina (la brune), deux jolies jeunes femmes, se rencontrent lors d’un rassemblement hippie. Elles deviennent amies et décident de faire du stop pour partir à l’aventure. Parvenues au sein d’une communauté, elles ont du mal à s’intégrer, étant un peu trop volages. Leur attitude délurée ne sera pas du goût de tout le monde…

J’ai eu vingt ans. Je ne permettrai à personne de dire qu’il s’agit du plus bel âge de la vie. Paul Nizam.

Elles sont jeunes, belles et en colère. L’une, Tina (la sublime Lilli Carati), sans doute plus que l’autre (la diaphane Gloria Guida). C’est la fin de l’été et elles se rencontrent alors que le groupe de babas qu’elles avaient rejoint vient de se dissoudre, laissant encore quelques nudistes éparpillés ici et là sur la plage. Elles ne savent pas encore ce qu’elles vont faire et décident de faire du stop en direction de Rome. Très courtement vêtues, à l’aise avec leur corps, les deux jeunes femmes enflamment le pavé de la capitale italienne, tandis que les passants se retournent sur leur passage, aussi bien pour admirer leurs longues jambes généreusement offertes, que pour regarder le tournage que l’on soupçonne sauvage. Cet aspect quasi-documentaire symbolisé par une caméra portée et plus tard dans le film par la réalisation d’un reportage sur les conditions de vie des jeunes où Tina et Lia s’adresseront directement à la caméra, est très présent dans Avoir vingt ans. Fernando Di Leo semble vouloir capturer l’éphémère, cette flamme incandescente aussi lumineuse que précieuse, que certains convoitent et jalousent. Sous ses allures désinvoltes, Avere vent’anni, qui ressemble à une comédie polissonne comme les spectateurs transalpins les affectionnaient, dont Lilli Carati (La Prof du bahut – La professoressa di scienze naturali de Michele Massimo Tarantini) et Gloria Guida (À nous les lycéennes de Michele Massimo Tarantini, La Novice se dévoile de Giuliano Biagetti) en étaient d’ailleurs les starlettes, prend finalement l’audience par surprise en créant un malaise, qui mène à une issue fatale, sombre, redoutablement pessimiste, violente, symbolique des tristement célèbres Années de plomb.

Certains pourront être quelque peu décontenancés par l’apparente futilité du film, du moins dans sa première partie, même si leur intérêt restera probablement éveillé non seulement grâce à la plastique irréprochable du tandem principal, mais aussi par les séquences gentiment érotiques que Fernando Di Leo sème ici et là, dès que Lia et Tina débarquent dans cette étrange communauté menée par le Nazôréen, interprété par ce bon vieux Vittorio Caprioli.

Mai 68 est déjà bien loin derrière. Dix ans ont passé, les fleurs ont fané, les pavés ont été replacés dans la chaussée, les effets de la drogue se font clairement ressentir (tous les jeunes sont défoncés et léthargiques), tandis que les idées extrêmes ressurgissent. l’Italie est à un carrefour et le cinéaste l’a bien compris. Il filme alors les derniers jours et les heures ultimes de deux nanas à qui la vie aurait pu sourire et qui auraient pu se voir tout offrir. Mais les loups rôdent et attendent patiemment tapis dans l’ombre pour se jeter sur ces deux innocentes brebis égarées qui prétendent vouloir faire l’amour quand bon leur semble et qui déclarent publiquement aimer ça. Cette quête du plaisir immédiat et sans engagement déplaît en particulier au commissaire complètement surexcité incarné par Giorgio Bracardi. La longue séquence de l’interrogatoire où ce dernier s’entretient violemment avec chaque pensionnaire de la communauté est assez dingue.

En apparence léger et insouciant, Avoir vingt ans est pourtant un film très étonnant qui a des choses à dire, qui dresse un bilan dépressif, alarmant et inquiétant sur une société qui croyait un temps voir venir un monde meilleur placé sous le signe de la libération des mœurs. Mais le boomerang finit toujours par revenir…

LE COMBO BLU-RAY + DVD

C’est l’une des grandes sorties d’Artus Films de ce mois de juin 2021 ! Avoir vingt ans fait son apparition chez l’ours le plus connu des éditeurs, sous la forme d’un superbe Digipack à deux volets, qui renferme le Blu-ray et le DVD du film de Fernando Di Leo. L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet. Le menu principal est fixe et musical.

La présentation du film par l’excellent Emmanuel le Gagne (16’) mérite qu’on s’y attarde. Le journaliste et critique de Culturopoing revient en long en large sur « un des films d’exploitation italienne les plus fascinants des années 1970, étonnant par son aspect formel et sa construction narrative ». Déjà apparu sur les éditions DVD d’Opération K et de Société anonyme anti-crime, Emmanuel le Gagne aborde tour à tour l’échec cinglant du film, la carrière en tant que scénariste, puis de réalisateur de Fernando Di Leo, avant d’analyser plus précisément les thèmes, le casting et les partis-pris d’Avoir vingt ans, les intentions du cinéaste, puis la version remaniée, également présente sur le disque. En effet, ce montage raccourci de près de quinze minutes par rapport à la version de Fernando Di Leo, a été réalisée sans l’accord de ce dernier, suite au rejet total des spectateurs, de la critique et des distributeurs. Cette curiosité permet de voir comment les scènes ont été redispatchées au hasard, taillées dans le vif ou tout simplement coupées (la scène de lesbianisme par exemple) ce qui dénature complètement les ambitions du réalisateur. Chose étonnante, on y trouve aussi quelques scènes rejetées par Fernando Di Leo dans son montage, à l’instar de la première rencontre des deux filles avec le Nazôréen, dès la deuxième minute du film. Cette version courte démarre par le générique, autrement dit la rencontre de Lia et Tina sur la plage de nudistes est évincée. La séquence finale du montage original, celle de l’auberge, suivie de la danse et de la poursuite, intervient dès la quatrième minute, mais le viol collectif est interrompu sous la forme d’un arrêt sur image, tandis que des sirènes de police se font entendre ! On comprend alors que les deux femmes se sont sorties d’affaire (« On a eu du bol ! ») et reprennent tranquillement leur pérégrination.

L’interactivité se clôt sur un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation.

L’Image et le son

Artus Fils propose enfin la version intégrale non censurée d’Avoir vingt ans. Néanmoins, sachez d’emblée que ce montage s’avère un collage, un rafistolage qui prend l’aspect d’un puzzle, où les morceaux de séquences qui avaient été censurés sont ici pour ainsi dire scotchés à l’ensemble. Du coup, la définition décroche à plusieurs reprises, et ce du début à la fin. Les passages réintégrés (disponibles en SD) démontrent qu’ils n’ont pas bénéficié de la récente restauration 2K, contrairement à la version censurée, dont les scènes sont indéniablement plus belles, avec une colorimétrie chaude, des contrastes soignés, un grain argentique mieux géré et un piqué plus ferme. Le tout prend la forme d’un patchwork, mais il faut bien cela pour découvrir les intentions originales de Fernando Di Leo. Certains plans restent marqués par des points, blancs, des poussières, des fils en bord de cadre, des rayures verticales et d’autres marques du passé.

Sur les deux versions, seule la version originale italienne est disponible, avec les sous-titres français optionnels. Les dialogues sur les séquences réintégrées ne dénotent pas trop par rapport au reste, les voix sont dynamiques et fluides, tout comme la composition de Franco Campanino. L’ensemble est propre et le confort acoustique plus qu’acceptable.

Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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