Test Blu-ray / Quand les tambours s’arrêteront, réalisé par Hugo Fregonese

QUAND LES TAMBOURS S’ARRÊTERONT (Apache Drums) réalisé par Hugo Fregonese, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Stephen McNally, Coleen Gray, Willard Parker, Arthur Shields, James Griffith, Armando Silvestre, Georgia Backus, Clarence Muse…

Scénario : David Chandler d’après le roman d’Harry Brown

Photographie : Charles P. Boyle

Musique : Hans J. Salter

Durée : 1h15

Date de sortie initiale : 1951

LE FILM

En 1880, dans la ville de Spanish Boot, Sam Leeds se fait chasser car il a tué un de ses concitoyens. Bien que le meurtre ait eu lieu en état de légitime défense, le maire ne veut rien entendre. Ce dernier, du nom de Joe Madden, décide également de faire partir les prostituées. Alors que Sam quitte définitivement la ville, il retrouve les femmes sauvagement assassinées par des Apaches Mescaleros. Ce groupe est en route vers la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis pour rejoindre une guerre et son chemin passe par Spanish Boot…

Réalisateur argentin, Hugo Fregonese (1908-1987) est bien connu des amateurs de westerns, avec des titres aussi réputés que Le Signe des renégats (1951), Passage interdit (1952), Le Raid (1954) ou Les Cavaliers rouges (1964). Mais l’un des sommets de sa carrière demeure Quand les tambours s’arrêterontApache Drums (1951), pourtant totalement ignoré aux Etats-Unis, probablement parce que ce chef d’oeuvre privilégie le suspense et le huis-clos, là où la plupart des westerns de l’époque misaient sur les grands affrontements à ciel ouvert. Merveilleusement mis en scène, Quand les tambours s’arrêteront bifurque progressivement vers le film de genre, puisque toute la deuxième partie se focalise sur des habitants regroupés dans l’église du village, tandis que les indiens, que nous ne verrons qu’à la toute fin, encerclent la bâtisse. Quand on parle de film de genre, c’est qu’Apache Drums annonce pour ainsi dire le film de zombies, avec des indiens semblant assoiffés de sang qui n’apparaissent que sporadiquement et qui ne parviennent à s’introduire dans ce repaire improvisé que par quelques fenêtres dérobées. Ajoutez à cela un immense travail sur les couleurs et sur le son, et vous obtenez un des westerns les plus atypiques et peut-être même des plus ambitieux de l’histoire du cinéma, malgré un budget qu’on imagine restreint et des conditions drastiques de tournage.

A la fin du XIXè siècle, les Apaches Mescaleros, à l’instigation de leur chef Vittorio, sont sur le sentier de la guerre aux abords de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Dans cette zone se trouve la petite ville américaine de Spanish Boot, dont le maire Joe Madden expulse le joueur professionnel Sam Leeds qui vient d’abattre, en état de légitime défense, un autre joueur. Madden expulse dans le même temps les prostituées de la ville, que Leeds parti après elles retrouve non loin de là, massacrées par les Apaches. Il revient alors à Spanish Boot pour prévenir les citoyens du danger.

Quand les tambours s’arrêteront est un film que le spectateur ne peut oublier après l’avoir vu. Pourtant, l’histoire commence de façon standard, le décor est rapidement planté, les personnages suffisamment esquissés. Pas de grande star au générique, l’empathie est immédiate pour tel ou tel protagoniste et même un panneau en introduction indique la raison pour laquelle les indiens emploient la manière forte, non pas pour attaquer, mais au contraire pour défendre leur territoire et trouver de la nourriture. Puis la violence s’immisce progressivement, notamment quand Leeds (Stephen McNally, précédemment vu dans Winchester ’73 d’Anthony Mann) découvre les prostituées exterminées par les Apaches. Le rouge, par le sang versé et par les costumes, parasite l’ocre de la terre et le ciel bleu azur. Au fur et à mesure du récit, formidablement écrit par David Chandler, d’après le roman Stand at Spanish Boot de Harry Brown (L’Orchidée blanche, Iwo Jima, L’Homme à l’affût), l’action se resserre sur les personnages après un gunfight violent avec les Apaches, jusqu’au regroupement dans l’église. La nuit tombe, les fenêtres se colorent d’une teinte rouge orangée (magnifique photographie de Charles P. Boyle), provenant du feu qui brûle à l’extérieur, tandis que le fracas des tambours résonne de plus en plus, créant ainsi une forme de transe qui s’empare des personnages, mais aussi des spectateurs, en espérant que la cavalerie intervienne.

Dernière production du grand Val Lewton (La Féline, Vaudou, L’Homme-léopard, La Malédiction des hommes-chat, Le Récupérateur de cadavres), relativement peu connu des spectateurs, et pour cause puisque le film avait quasiment disparu des radars pendant très longtemps, Quand les tambours s’arrêteront désintègre les codes du western pour s’orienter à la mi-temps vers le film d’épouvante où la peur et l’angoisse vécues par les héros sont ressenties par les spectateurs, plongés comme eux dans cette église encerclée par un ennemi invisible et pourtant omniprésent. Une vraie merveille, dont le culte n’a cessé de s’étendre depuis.

LE BLU-RAY

Il aura donc fallu attendre près de dix ans pour que Quand les tambours s’arrêteront soit enfin disponible en Blu-ray chez Sidonis Calysta, après une première édition en DVD. Il s’agit ici d’une Édition Limitée Blu-ray + DVD. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur reprend les deux présentations disponibles sur le DVD sorti en septembre 2011. Bertrand Tavernier (25’) et Patrick Brion (11’) étaient déjà présents et disaient tout le bien (euphémisme) qu’ils pensaient du film d’Hugo Fregonese. Le premier indique sa rareté (jamais sorti en VHS, en DVD et aucune copie n’était disponible pour les cinémas), avant d’en venir à la carrière du producteur Val Lewton (décédé avant la sortie d’Apache Drums et dont l’influence est explicite sur le film de Fregonese) et d’analyser le film sur le fond comme sur la forme. Bertrand Tavernier déclare qu’il s’agit pour lui d’une des plus belles photographies d’un western des années 1950, tout en revenant sur le casting et le travail sur les couleurs.

Patrick Brion prend énormément de plaisir à parler de Quand les tambours s’arrêteront et de le faire découvrir à ceux qui ne connaîtraient pas encore ce film très rare. L’historien du cinéma aborde ici la carrière du scénariste, du réalisateur et surtout du producteur d’Apache Drums, tout en parlant de ses thèmes, ainsi que du travail du directeur de la photographie Charles P. Boyle.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

La propreté est évidente. Hormis quelques points blancs ici et là et des tâches, les autres poussières ont disparu, aucune griffure ne subsiste. Le cadre 1.37 (16/9) est superbe, la texture argentique préservée, les détails ne manquent pas et les trois bandes chromatiques du Technicolor sont bien alignées, hormis sur les nombreux plans sombres, qui occasionnent quelques flous sur les visages, mais rien de bien méchant. Les contrastes sont à l’avenant. Il s’agit de la première édition HD dans le monde pour Quand les tambours s’arrêteront.

La version française DTS-HD Master Audio 2.0. est quelque peu étriquée, accompagnée d’un souffle chronique et la musique frôle parfois la saturation. En revanche, la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0. instaure un grand confort acoustique, riche, dynamique et propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Universal Pictures / Sidonis Calysta/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Un pacte avec le diable, réalisé par John Farrow

UN PACTE AVEC LE DIABLE (Alias Nick Beal) réalisé par John Farrow, disponible en DVD le 16 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Ray Milland, Audrey Totter, Thomas Mitchell, George Macready, Fred Clark, Geraldine Wall, Henry O’Neill, Darryl Hickman…

Scénario : Jonathan Latimer

Photographie : Lionel Lindon

Musique : Franz Waxman

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1949

LE FILM

Frankie Faulkner, dont les activités sont liées au jeu, propose au procureur Joseph Foster de l’aider à devenir gouverneur. Foster refuse et, grâce au mystérieux Nick Beal, il obtient les livres de comptes qui lui permettent de faire condamner Hanson, un joueur. Cette condamnation conforte la notoriété de Foster à qui Nick Beal propose de l’argent pour sa campagne. Martha, la femme de Foster, lui demande de refuser, mais Foster rencontre Donna Allen, qui le séduit et le conduit à certaines compromissions…

Bien que méconnu en France, le réalisateur américain d’origine australienne John Farrow (1904-1963), né John Villiers Farrow, également scénariste, producteur et comédien, est l’auteur d’un des plus grands mélodrames issus des studios de la RKO, Quels seront les cinq ?Five came back (1939), co-écrit par Dalton Trumbo. Le cinéaste signera lui-même un remake de son propre film en 1956, Les Echappés du néant Back from Eternity, avec Robert Ryan, Anita Ekberg et Rod Steiger. Eclectique, érudit, John Farrow aura touché à tous les genres, du film policier au western, en passant par le film historique, les récits de guerre, le film d’aventure et le thriller. Californie, terre promise, est son premier western, mais aussi sa première collaboration avec le comédien britannique Ray Milland (1907-1986), avec lequel il fera quatre films, dont La Grande horlogeThe Big Clock (1948), Un pacte avec le diableAlias Nick Beal (1949) et Terre damnée Copper Canyon (1950). Aujourd’hui, c’est leur troisième et plus étrange association qui nous intéresse. A la fois film noir, drame politique et film fantastique, Un pacte avec le diable est ce qu’on pourrait qualifier un film de genre, puisque le scénario de Jonathan Latimer (le créateur du personnage de Bill Crane), collaborateur de John Farrow sur une bonne dizaine de longs-métrages, place le personnage de Lucifer, du Malin, du prince des ténèbres, de Belzébuth, de Satan ou comme vous voudrez l’appeler, au milieu d’hommes politiques, en particulier un, sur lequel il a jeté son dévolu. Un pari pour lui puisque l’individu en question est un modèle d’intégrité, d’impartialité, de vertu et de probité. Autant dire que ce n’est pas gagné d’avance mais c’est l’enjeu du diable et où le jeu de Ray Milland prend toute son ampleur. L’acteur se délecte dans ce rôle suintant et tiré à quatre épingles, manipulant les êtres humains comme des pions sur un échiquier dans un seul but, anéantir les valeurs de l’homme le plus honnête du monde, pour mieux s’approprier son âme. Un pacte avec le diable est une sacrée découverte à situer entre Tous les biens de la terreThe Devil and Daniel Webster (1941) de William Dieterle et Angel Heart : Aux portes de l’enfer (1987) d’Alan Parker.

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Test Blu-ray / Le Sillage de la violence, réalisé par Robert Mulligan

LE SILLAGE DE LA VIOLENCE (Baby the Rain Must Fall) réalisé par Robert Mulligan, disponible en DVD et Blu-ray le 7 juillet 2020 chez Rimini Editions.

Acteurs : Lee Remick, Steve McQueen, Don Murray, Paul Fix, Josephine Hutchinson, Ruth White, Charles Watts, Carol Veazie…

Scénario : Horton Foote

Photographie : Ernest Laszlo

Musique : Elmer Bernstein

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Un long voyage en car conduit Georgette Thomas et sa fille à Columbus, petite ville du Texas. Elle vient y retrouver son mari Henry, libéré sur parole, après avoir purgé une peine de prison. Henry partage sa vie entre un travail d’homme à tout faire le jour et des concerts dans des cabarets la nuit. Souvent, alcool et violence sont au rendez-vous.

Pour les cinéphiles, le cinéaste américain Robert Mulligan (1925-2008) reste avant tout le metteur en scène acclamé de Du silence et des ombresTo Kill a Mockingbird, nommé pour l’Oscar du meilleur réalisateur – il en remportera trois dont celui du meilleur acteur pour Gregory Peck – et le Golden Globe du meilleur film dramatique. Dans ce film de 1962 adapté de l’oeuvre de Harper Lee, Robert Mulligan adoptait le point de vue innocent d’une petite fille, témoin du racisme ambiant. Cette jeune protagoniste était alors confrontée à la violence du monde « réel ». L’enfance et l’adolescence sont au coeur de l’oeuvre de Robert Mulligan comme dans Un été 42 (1971), L’Autre (1972) ou Un été en Louisiane (1991). En fait, si le personnage principal du Sillage de la violenceBaby the Rain Must Fall (1965), produit par Alan J. Pakula, est un adulte interprété par Steve McQueen, celui-ci reste marqué et paralysé par son enfance extrêmement violente, en raison d’une mère – adoptive – tyrannique, qui le frappait à coup de ceinture en cuir, de le rabaisser constamment, tuant ses rêves qui se construisaient en lui. Avec sa délicatesse habituelle et son immense sensibilité, Robert Mulligan se focalise sur cet homme de 35 ans, dont le regard blessé et tragique foudroie dès son apparition. C’est là tout le talent de Steve McQueen, qui souhaitait montrer une autre facette de son jeu, en composant un personnage dramatique, poignant, pudique et à fleur de peau, comme un petit garçon emprisonné dans un corps d’adulte. Le Sillage de la violence, titre français pour une fois très intelligent, est une belle et grande découverte.

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Test Blu-ray / Au hasard Balthazar, réalisé par Robert Bresson

AU HASARD BALTHAZAR réalisé par Robert Bresson, disponible en DVD et Blu-ray le 3 mars 2020 chez Potemkine Films.

Acteurs : Anne Wiazemsky, François Lafarge, Philippe Asselin, Nathalie Joyaut, Walter Green, Jean-Claude Guilbert, Pierre Klossowski, François Sullerot, Marie-Claire Fremont, Jean Rémignard…

Scénario : Robert Bresson

Photographie : Ghislain Cloquet

Musique : Jean Wiener

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

La vie d’une petite ville de province aussi anonyme qu’universelle, vue et entendue par un animal, un âne, « Balthazar », à la merci de ses différents maîtres.

Quel film étrange et inclassable ! Quel chef d’oeuvre aussi. Réalisé par Robert Bresson (1901-1999) en 1966, entre Procès de Jeanne d’Arc (1962) et Mouchette (1967), Au hasard Balthazar, auréolé à sortie du prix Méliès, demeure l’un des opus les plus appréciés du réalisateur chez les cinéphiles du monde entier, mais aussi l’un de ses plus complexes, denses, troublants et insolites. En prenant un âne comme personnage principal, et dont le nom donne son titre au film, le cinéaste repousse une fois de plus les limites du Cinématographe comme il l’appelait lui-même, en mettant l’animal, les objets et les êtres humains sur un pied d’égalité, mais en démontrant ainsi la volonté de ces derniers à se croire supérieurs et donc à disposer de tout, y compris de leurs congénères. On suit ainsi l’âne Balthazar au fil d’un récit étiré sur plusieurs et longues années, témoin et victime de la bassesse, de la violence et de la lâcheté de l’homme. Et l’émotion naît de ces plans sur le regard de ce mammifère quadrupède, dont les braiments paraissent alors comme des cris de souffrance ou d’alerte sur les hommes et les femmes qui courent à leur perte et à l’autodestruction.

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Test DVD / Terminal Sud, réalisé par Rabah Ameur-Zaïmeche

TERMINAL SUD réalisé par Rabah Ameur-Zaïmeche, disponible en DVD le 12 mai 2020 chez Potemkine Films.

Acteurs : Ramzy Bédia, Amel Brahim-Djelloul, Slimane Dazi, Salim Ameur-Zaïmeche, Nabil Djedouani, Nacira Guénif-Souilamas, Marie Loustalot, Grégoire Pontécaille…

Scénario : Rabah Ameur-Zaïmeche

Photographie : Camille Clément, Irina Lubtchansky

Musique : Grégoire Pontécaille

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

Dans un pays plongé dans un climat d’insécurité et de conflit armé, un médecin tente malgré tout d’accomplir son devoir au sein d’un centre hospitalier, jusqu’au jour où son destin bascule…

Terminal Sud est le sixième long métrage du réalisateur algérien Rabah Ameur-Zaïmeche (né en 1968), découvert en 2001 avec Wesh Wesh, qu’est-ce qui se passe ?, auréolé du prix Louis-Delluc du premier film. Très vite, le cinéaste est soutenu par la critique et les festivals du monde entier, à l’instar de son second film, Bled Number One (2006), sélectionné dans la catégorie Un certain regard et qui repart avec le Prix de la jeunesse au Festival de Cannes. Deux ans plus tard, Dernier Maquis est à nouveau sélectionné sur la Croisette dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. En 2011, Les Chants de Mandrin se voit couronner par le prix Jean-Vigo. Son cinquième long métrage, Histoire de Judas, est sélectionné au Forum du nouveau cinéma du Festival de Berlin et reçoit le Prix du Jury œcuménique en 2015. Nous en venons donc à Terminal Sud. C’est la première fois que Rabah Ameur-Zaïmeche n’apparaît pas à l’écran dans un film qu’il met en scène. Il offre à Ramzy Bedia – qui faisait déjà une apparition dans Bled Number One – un rôle qui restera probablement l’un des plus beaux de sa carrière et avec lequel le comédien confirme son talent dramatique deux ans après sa belle prestation dans Une vie ailleurs d’Olivier Peyon, dans lequel il donnait la réplique à Isabelle Carré. En dehors du prologue, tendu et qui instaure d’emblée une atmosphère trouble et ambiguë, Ramzy Bedia est de tous les plans et ne cesse d’épater jusqu’au dénouement optimiste et solaire.

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Test Blu-ray / La Vérité, réalisé par Hirokazu Kore-Eda

LA VÉRITÉ réalisé par Hirokazu Kore-Eda, disponible en DVD et Blu-ray chez Le Pacte le 20 mai 2020.

Acteurs : Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Ethan Hawke, Clémentine Grenier, Manon Clavel, Alain Libolt, Christian Crahay, Roger Van Hool…

Scénario : Hirokazu Kore-Eda

Photographie : Eric Gautier

Musique : Alexei Aigui

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

Grande star de cinéma, Fabienne change la perception que le public a d’elle en publiant ses mémoires. À sa demande, sa fille installée aux États-Unis revient en France avec sa famille. La relation entre les deux femmes a toujours été difficile, et les retrouvailles vont être douloureuses.

Né en 1962, le cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda multi-récompensé pour After Life (1998), Nobody Knows (2004), Still Walking (2008), Tel père, tel fils (2013), Notre petite sœur (2015) et bien d’autres aura remporté le Saint Graal en 2018, la tant convoitée Palme d’or au Festival de Cannes, avec Une affaire de famille, magnifique chronique douce-amère qui réconciliait enfin le cinéma d’auteur avec le cinéma populaire, surtout un an après le calamiteux The Square du suédois Ruben Östlund. La Vérité est son premier film étranger et tourné dans une langue qui n’est pas la sienne, dont la genèse remonte à une dizaine d’années, quand Juliette Binoche avait souhaité le rencontrer et émis le vœu de collaborer avec lui. Quelques années ont passé, mais Hirokazu Kore-eda n’a pas oublié cette entrevue. Le scénario de La Vérité a réellement pris forme en 2018, d’après une pièce de théâtre qu’il avait commencée et qui se déroulait une nuit dans la loge d’une comédienne de théâtre en fin de carrière. Le réalisateur avait ensuite convaincu Catherine Deneuve de porter le film aux côtés de Juliette Binoche, tout en étant consciente de la dimension (faussement) méta de l’histoire qui tourne autour de la légende d’une des plus grandes comédiennes françaises. S’il n’atteint pas les sommets de ses œuvres précédentes, Hirokazu Kore-eda se fond parfaitement dans le moule du cinéma européen, en s’inspirant notamment des œuvres d’Eric Rohmer (la belle photo argentique d’Eric Gautier va clairement dans ce sens) et d’Ingmar Bergman, mais ne renie pas son immense sensibilité, son ironie et son humour mordant. La Vérité s’intègre donc parfaitement au sein de sa filmographie.

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Test DVD / Les Envoûtés, réalisé par Pascal Bonitzer

LES ENVOÛTÉS réalisé par Pascal Bonitzer, disponible en DVD le 5 août 2020 chez Blaq Out.

Acteurs : Sara Giraudeau, Nicolas Duvauchelle, Nicolas Maury, Anabel Lopez, Iliana Lolic, Josiane Balasko, Jérôme Kircher, José Luis Gomez, Laurent Pedebernard…

Scénario : Pascal Bonitzer, Agnès de Sacy d’après une nouvelle d’Henry James

Photographie : Julien Hirsch, Pierre Milon

Musique : Bruno Coulais

Durée : 1h37

Année de sortie : 2019

LE FILM

Pour le “récit du mois”, Coline, pigiste pour un magazine féminin, est envoyée au fin fond des Pyrénées interviewer Simon, un artiste un peu sauvage qui aurait vu lui apparaître le fantôme de sa mère à l’instant de la mort de celle-ci… Interview qu’elle est d’autant plus curieuse de faire que sa voisine la belle Azar prétend, elle, avoir vu le fantôme de son père ! Simon, au cours de la nuit de leur rencontre, tente de séduire Coline, qui lui résiste mais tombe amoureuse…

A chaque film, ou presque, réalisé par Pascal Bonitzer, il se crée comme une réaction chimique, une empathie immédiate pour les personnages souvent animés par une fureur de vivre dissimulée derrière un masque de mélancolie. Pour son huitième long-métrage en tant que réalisateur, le scénariste de Raoul Ruiz (La Vocation suspendue, Trois vies et une seule mort), d’André Téchiné (Les Soeurs Brontë, Ma saison préférée), de Jacques Rivette (L’Amour par terre, La Belle Noiseuse) et de Chantal Akerman (Golden Eighties) se frotte au genre fantastique à travers une histoire d’amour contrariée par une présence, celle de la mort, qui happe sans crier gare celles et ceux qui nous sont proches, mais dont l’aura demeure omniprésente. Epaulé par sa coscénariste Agnès De Sacy (Il est plus facile pour un chameau…, Je l’aimais), avec laquelle il avait déjà signé ses deux précédents films, Chercher Hortense (2012) et Tout de suite maintenant (2016), Pascal Bonitzer confirme encore et toujours l’originalité de son cinéma, sa solide direction d’acteurs, son sens pour les dialogues et la délicatesse de sa mise en scène.

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Test Blu-ray / Police Frontière, réalisé par Tony Richardson

POLICE FRONTIÈRE (The Border) réalisé par Tony Richardson, disponible en DVD et Blu-ray le 3 juin 2020 chez Rimini Editions.

Acteurs : Jack Nicholson, Harvey Keitel, Valerie Perrine, Warren Oates, Elpidia Carrillo, Shannon Wilcox, Manuel Viescas, Jeff Morris…

Scénario : David Freeman, Walon Green, Deric Washburn

Photographie : Ric Waite

Musique : Ry Cooder

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 1982

LE FILM

Charlie Smith cède aux caprices de sa femme, Marcy, qui a des goûts de luxe… Or, il n’est que policier et par conséquent, pas très riche ! La dernière lubie de celle-ci est d’acheter une maison à El Paso, près de la frontière mexicaine. Charlie accepte de se faire muter là-bas et il découvre que la police là-bas ferme les yeux sur de nombreux trafics, notamment sur celui de l’immigration.

Coincé entre Shining (1980) de Stanley Kubrick, Le Facteur sonne toujours deux foisThe Postman Always Rings Twice (1981) de Bob Rafelson, Reds (1981) de Warren Beatty et Tendres passionsTerms of Endearment (1983) de James L. Brooks qui lui vaudra le deuxième Oscar de sa carrière, Police frontièreThe Border (1982) de Tony Richardson (1928-1991) est un petit bijou dissimulé dans la filmographie conséquente de Jack Nicholson. A travers ce rôle, le comédien renoue avec les personnages qu’il campait dans les années 1970, à l’instar de Cinq pièces facilesFive Easy Pieces (1970) de Bob Rafelson ou La Dernière CorvéeThe Last Detail (1973) de Hal Ashby. L’incarnation parfaite des oubliés de l’American Dream, souvent paumés dans les petites bourgades fantomatiques des Etats-Unis. Dans Police Frontière, Jack Nicholson interprète le dernier homme intègre et droit de son espèce, un représentant de la loi, envoyé à l’autre bout du pays, là où il n’a pas choisi d’aller, mais mené par le bout du nez par son épouse déconnectée de la réalité. Jusqu’au jour où la rencontre avec une jeune mexicaine lui apparaît comme une dernière chance, une absolution, dans un monde devenu un camp de concentration à ciel ouvert, au sens propre comme au figuré. Au-delà des symboles politico-sociaux-religieux qui parcourent le récit, Police frontière est aussi et surtout un thriller dramatique percutant qui n’a jamais été autant d’actualité avec la politique de Donald Trump.

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Test Blu-ray / Incubus, réalisé par John Hough

INCUBUS (The Incubus) réalisé par John Hough, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 26 juin 2020 chez Rimini Editions.

Acteurs : John Cassavetes, John Ireland, Kerrie Keane, Helen Hughes, Erin Noble, Duncan McIntosh, Harvey Atkin, Harry Ditson…

Scénario : George Franklin d’après le roman de Ray Russell

Photographie : Albert J. Dunk

Musique : Stanley Myers

Durée : 1h32

Année de sortie : 1981

LE FILM

Une petite ville américaine est le théâtre d’une série de meurtres et de viols d’une rare violence. Afin d’identifier le coupable, le shérif Hank Walden fait appel au docteur Jack Cordell. Or, le petit ami de la fille de Cordell est hanté par d’étranges cauchemars…et les meurtres se multiplient.

Même s’il n’a connu qu’un succès d’estime à sa sortie, Incubus, ou THE Incubus en version originale, est rapidement devenu un classique du film fantastique et d’épouvante. Le film détenait déjà de sérieux atouts dans sa manche, en l’occurrence John Cassavetes devant la caméra (et à la production, même si non mentionné à ce poste) et le réalisateur John Hough aux manettes. Le cinéaste britannique (né en 1941), à qui l’on doit de grandes réussites comme Les Sévices de Dracula – Twins of Evil (1971), La Maison des damnésThe Legend of Hell House (1973), Larry le dingue, Mary la garce Dirty Mary Crazy Larry (1974) et La Montagne ensorceléeEscape to Witch Mountain (1975) avait déjà collaboré avec le comédien sur La Cible étoilée Brass Target en 1978. Ravi de cette expérience, John Cassavetes, entre Gloria et Love Streams, revient vers John Hough pour lui proposer Incubus. Ce dernier accepte, même si le scénario, à l’origine adapté du roman de Ray Russell, change du tout au tout une semaine avant la date prévue du début des prises de vues, selon les vœux de la star du cinéma indépendant. Incubus est une œuvre qui se fera au jour le jour, sans que les acteurs soient mis au courant des changements de dernière minute, et ce jusqu’à l’ultime tour de manivelle où le casting apprend enfin qui est le fameux Incubus de l’histoire. En résulte un récit quelque peu alambiqué, pour ne pas opaque puisque de nombreux éléments resteront sans réponse, mais diaboliquement (le terme est bien choisi) mis en scène et impeccablement interprété. De la bonne came qui continue de faire son effet presque quarante ans après sa sortie et qui n’a d’ailleurs rien à envier, ce serait même le contraire, aux films de genre contemporains.

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Test DVD / Chaque chose en son temps – The Family Way, réalisé par Roy & John Boulting

CHAQUE CHOSE EN SON TEMPS (The Family Way) réalisé par Roy & John Boulting, disponible en DVD le 17 mars 2020 chez Tamasa Diffusion.

Acteurs : Hayley Mills, Avril Angers, John Comer, Wilfred Pickles, John Mills, Marjorie Rhodes, Hywel Bennett, Murray Head…

Scénario : Bill Naughton d’après sa pièce de théâtre.

Photographie : Harry Waxman

Musique : Paul McCartney, George Martin

Durée : 1h51

Année de sortie : 1966

LE FILM

Arthur et Jenny, beaux jeunes et innocents, s’aiment et se marient. Par souci d’économie, ils s’installent chez les parents d’Arthur dans une banlieue britannique. Mais à la suite d’une mauvaise plaisanterie, la nuit de noces tant attendue tourne au fiasco. S’ensuivra une terrible réaction en chaîne dans une difficile promiscuité.

Réalisé en 1966 par les célèbres frères jumeaux Boulting, John et Roy de leur prénom, The Family Way, sorti en France sous le titre Chaque chose en son temps, a connu une véritable controverse à sa sortie, en raison de ses divers sujets abordés quelque peu tabou et annonciateurs de l’explosion de la fin des années 1960. Entre l’impuissance d’un jeune homme qui n’arrive pas à faire honneur à son épouse, âgée de 20 ans et dont les hormones s’affolent, les parents trop protecteurs et collants qui n’ont pas aidé au développement personnel de leurs rejetons, sans parler de leurs propres frustrations qui avaient été dissimulées jusqu’à présent, The Family Way est un uppercut dans la comédie britannique. Satirique, frontal, percutant, le film des frères Boulting rejoint leurs grandes réussites aux côtés du Gang des tueursBrighton Rock (1947), Ultimatum Seven Days to Noon (1950), Ce sacré z’hérosPrivate’s Progress (1956), Sept Jours de malheurLucky Jim (1957) et Après moi le délugeI’m All Right Jack (1959). Il serait temps que leurs chefs d’oeuvres soient reconsidérés dans nos contrées. Toujours est-il que The Family Way rappelle parfois Heureux MortelsThis Happy Breed (1944) de David Lean à travers cette chronique familiale grinçante et immersive, dans laquelle les générations s’affrontent, mais ne se comprennent pas.

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