Test Blu-ray / La Charge des Tuniques Bleues, réalisé par Anthony Mann

LA CHARGE DES TUNIQUES BLEUES (The Last Frontier) réalisé par Anthony Mann, disponible en DVD et Blu-ray le 21 novembre 2016 chez Sidonis Calysta

Acteurs : Victor Mature, Guy Madison, Robert Preston, James Whitmore, Anne Bancroft, Russell Collins

Scénario : Philip Yordan, Russell S. Hughes

Photographie : William C. Mellor

Musique : Leigh Harline

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Jed Cooper est un trappeur brutal et isolé de la civilisation. Il s’engage dans l’armée avec ses deux partenaires mais, décidé à s’installer, cherche à séduire la très belle femme du colonel Marston. Entretemps, les soldats, jeunes et peu expérimentés, sont chargés de lancer une attaque contre les Indiens pour venir en aide à un fort voisin…

D’origine autrichienne et allemande, de son vrai nom Emil Anton Bundsmann, Anthony Mann (1906-1967) demeure l’un des plus grands réalisateurs américains de l’histoire du cinéma, spécialisé notamment dans le western, à l’instar de ses confrères Howard Hawks, Henry Hathaway et John Ford. Ancien comédien, régisseur de théâtre, il fonde une troupe de théâtre dans les années 1930 où officie également un certain James Stewart. Il commence dans le cinéma en supervisant les essais des acteurs et actrices pour le compte de la Selznick International Pictures. Puis, c’est aux côtés de Preston Sturges qu’il fait ses premiers pas en tant qu’assistant à la Paramount, avant de passer lui-même derrière la caméra en 1942 avec Dr. Broadway. Il se fait la main sur quelques séries B, en passant d’un genre à l’autre. Mais c’est en 1950 qu’il connaît son premier grand succès avec La Porte du diable.

Anthony Mann, parvient à mettre en scène un film progressiste en jouant avec la censure, même si l’industrie hollywoodienne est alors menacée par la fameuse chasse aux sorcières. Oeuvre engagée, le metteur en scène y prend ouvertement la défense des indiens. Sans cesse oublié et évincé au profit de La Flèche brisée, film également pro-indien de Delmer Daves, La Porte du diable demeure un chef d’oeuvre du genre, noir (certains cadrages sont dignes d’un thriller), âpre, pessimiste sur la condition humaine, magnifiquement réalisé et photographié. Suivront Winchester ‘73 (1950), Les Affameurs (1952), L’Appât (1953), Je suis un aventurier (1954), L’Homme de la plaine (1955), dernier des cinq westerns qu’Anthony Mann tourna avec James Stewart. Au milieu des années 1950, le western est un genre en mutation. Le cinéaste enchaîne immédiatement avec La Charge des Tuniques Bleues (1955), The Last Frontier.

S’il n’a pas la force de ses œuvres précédentes, La Charge des Tuniques Bleues n’en est pas moins très réussi. Ce qui frappe d’emblée c’est d’abord la magnificence du CinemaScope, même si Anthony Mann ne fait pas ici la part belle aux grands espaces en confinant principalement son action au sein d’une enceinte militaire. Nous sommes en 1860, en plein Oregon. La Guerre de Sécession est à ses balbutiements et les soldats américains ont été réquisitionnés. Arrivent trois trappeurs, Jed Cooper (Victor Mature), oui le même nom que Clint Eastwood dans Pendez-les haut et court de Ted Post, Gus (James Whitmore) et l’indien Mongo (Pat Hogan). Ils viennent de passer un an dans la montagne à braconner et ont réussi à faire le plein de fourrures qu’ils espèrent bientôt revendre. Subitement, ils se retrouvent encerclés par les Sioux menés par Nuage Rouge, qui proteste contre l’installation militaire sur leur territoire. S’ils font mine de ne pas les apercevoir, les trappeurs sont ensuite obligés de leur laisser leurs armes, leurs chevaux ainsi que le fruit de leur travail. Détroussés, ils parviennent à Fort Shallan, où ils sont accueillis par le Capitaine Riordan (Guy Madison), qui parvient à les faire s’engager en tant qu’éclaireurs civils. Les troupes de soldats sont dirigées par le colonel Marston (Robert Preston). Obsédé par le déshonneur qu’il a subi durant la guerre civile, cet officier autoritaire et vaniteux pense pouvoir redorer son blason grâce à une victoire contre les indiens et leur chef Nuage Rouge. Seul Cooper ose s’opposer au colonel pour l’empêcher de commettre cette folie.

La Charge des Tuniques Bleues repose en grande partie sur le charisme animal de Victor Mature, qui fait penser à Sylvester Stallone et Dean Martin. Le comédien est souvent très émouvant dans le rôle de Jed, trappeur buriné, attiré malgré lui par l’uniforme de la Cavalerie et pensant à fonder une famille en se rangeant de sa vie d’aventurier. Il tombe amoureux de Corrina (Anne Bancroft), la femme délaissée du colonel Marston. Bien qu’une idylle naisse entre les deux, Corrina ne peut quitter son mari et refuse sa demande en mariage. Jed sombre dans l’alcool, tandis que Marston, ivre de revanche, souhaite mobiliser toutes ses troupes pour éradiquer Nuage Rouge et ses hommes.

Point de « sensationnalisme » ni véritablement d’action, à part dans la toute dernière partie à travers un affrontement noyé dans la poussière, La Charge des Tuniques Bleues est avant tout un drame humaniste porté par des acteurs exceptionnels qui campent des personnages complexes, torturés et très attachants, comme souvent chez Anthony Mann en quête de rachat et de reconnaissance d’eux-mêmes. La Charge des Tuniques Bleues n’est sans doute pas l’oeuvre la plus réputée du cinéaste et malgré ses quelques défauts, dont un happy end imposé par la Columbia, reste un grand, dense et passionnant western à connaître absolument.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de La Charge des Tuniques Bleues, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Une fois de plus, Patrick Brion a répondu à l’appel de l’éditeur pour nous présenter ce film d’Anthony Mann (13’). Après avoir fait un tour d’horizon du western en 1955, l’historien du cinéma se penche sur ce film singulier et ses personnages particuliers, notamment celui du trappeur interprété ici par Victore Mature. Cela donne l’occasion à Patrick Brion d’aborder le casting, puis de croiser habilement le fond et la forme, avec une passion toujours aussi contagieuse.

L’un des gros plus de cette édition est l’entretien avec Anthony Mann (17’), réalisé par la BBC au moment du tournage à Londres de Maldonne pour un espion (images à l’appui du cinéaste à l’oeuvre), film qu’il n’aura pas le temps de terminer et qui sera repris par Laurence Harvey après son décès. Anthony Mann évoque son rapport avec les spectateurs, la mise en scène des séquences d’action, ses débuts en tant qu’acteur, ses influences (Murnau notamment), la dimension shakespearienne de ses westerns, la nouvelle figure du héros dans ses films, l’authenticité des tournages en extérieur, la représentation de la violence à l’écran. Une interview riche et rare !

L’interactivité se clôt sur une galerie d’affiches et de photos d’exploitation.

L’Image et le son

Le sublime cadre large est évidemment respecté et demeure le point fort de cette édition HD. Sinon le master est propre, en dépit de quelques poussières et points blancs demeurent encore notables et certains contrastes manquent de densité. La gestion du grain est aléatoire avec des séquences plus ou moins marquées selon la luminosité. Même chose pour les scènes sombres avec des noirs pas aussi concis que nous pouvions l’espérer, tout comme le piqué peu aiguisé. Des effets de pompage sont également constatés et la colorimétrie s’avère parfois terne, pour ne pas dire fanée, avec les visages des comédiens un peu trop rosés à notre goût. La copie est cependant très stable.

Que votre choix se porte sur la version originale (avec sous-titres français imposés) ou la version française, la restauration est satisfaisante. Aucun souffle constaté sur les deux pistes, l’écoute est frontale et riche, dynamique et vive. Les effets annexes sont plus conséquents sur la version originale que sur la piste française, moins précise, plus étouffée, mais le confort acoustique est assuré sur les deux options. Le changement de langue est verrouillé à la volée.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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