Test 4K UHD / Possession, réalisé par Andrzej Żuławski

POSSESSION réalisé par Andrzej Żuławski, disponible chez Le Chat qui fume en Combo Blu-ray + 4K UHD + CD, ainsi qu’en Box Ultra Collector limitée à 1500 exemplaires qui contient le film Possession en UHD et 2 Blu-ray, le CD de la musique du film, le livre Une histoire orale d’Andrzej Żuławski et la reproduction du dossier de presse d’origine.

Acteurs : Isabelle Adjani, Sam Neill, Margit Carstensen, Heinz Bennent, Johanna Hofer, Carl Duering, Shaun Lawton, Michael Hogben, Maximilian Rüthlein…

Scénario : Andrzej Żuławski & Frederic Tuten

Photographie : Bruno Nuytten

Musique : Andrzej Korzynski

Durée : 2h04

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Après un long et mystérieux voyage, Marc est de retour à Berlin où il retrouve son petit garçon Bob et son épouse Anna. Leur appartement est dans un état pitoyable et Anna est distante, agressive et sur les nerfs. Soupçonnant sa femme d’avoir un amant, Marc l’a fait suivre par un détective privé qui est assassiné dans des conditions particulièrement horribles.

Possession est une œuvre jusqu’au-boutiste. Un film qui pousse à la fois ses comédiens et les spectateurs dans leurs derniers retranchements, qui joue constamment avec les nerfs, mis alors à vif avec une caméra virevoltante, en quasi-lévitation, qui reflète l’hystérie individuelle et collective des protagonistes et qui semble souvent les caresser. Ce rapport amour/haine, se fait ressentir durant les deux longues heures de Possession, qui peuvent passer vite autant qu’elles paraissent parfois interminables. Le réalisateur polonais Andrzej Żuławski (1940-2016) met l’intellect de son audience à rude épreuve, en surfant sur un genre, le fantastique, mais qui le réfute finalement en voulant parler d’un sentiment pourtant bien universel, celui de l’amour et de la séparation. Il épuise également le corps de celui ou celle qui tente, tentera ou retentera l’expérience, celle de se concentrer et de donner toute son attention à ce film hors-normes et inclassable. Possession, c’est une vivisection, celle du coeur d’un artiste, qui observe les dégâts causés par une rupture conjugale, du point de vue anatomique, physique, sur la raison, sur la création, sur l’inspiration. On ressort lessivé, bouleversé, énervé, complètement sonné de Possession, qui emmène les spectateurs au bord du gouffre, qui lui fait voir les plus grandes saloperies. A l’instar de Maurice Pialat, autre tyran perfectionniste du cinéma, Andrzej Żuławski dresse le portrait d’hommes et de femmes en détresse d’amour, qui voient leur vie s’échapper et leurs repères s’écrouler, dans un monde – caractérisé par la présence du mur de Berlin, auprès duquel le tournage s’est déroulé – qui part aussi à vau-l’eau, qui se déchire et fait subir le même sort aux individus. Et c’est aussi magnifique que terrifiant. Enfin, même si Sam Neill n’a absolument rien à envier à sa partenaire, Possession c’est aussi l’une des plus grandes interprétations féminines de tous les temps, celle d’Isabelle Adjani, qui met ses tripes à l’air – autant que le metteur en scène, qui s’inspire très largement de sa situation personnelle – et marque à jamais les esprits.

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Test Blu-ray / Les Granges brûlées, réalisé par Jean Chapot

LES GRANGES BRÛLÉES réalisé par Jean Chapot, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 9 avril 2021 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Alain Delon, Simone Signoret, Paul Crauchet, Bernard Le Coq, Renato Salvatori, Jean Bouise, Catherine Allegret, Pierre Rousseau, Fernand Ledoux, Miou-Miou…

Scénario : Jean Chapot, Sébastien Roulet & Frantz-André Burguet

Photographie : Sacha Vierny

Musique : Jean-Michel Jarre

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

Un crime a été commis dans un coin isolé du Haut-Doubs, l’hiver. Le juge d’instruction soupçonne l’un des membres d’une famille habitant une grosse ferme à proximité. La chef de famille, Rose, une femme énergique, se dresse contre lui.

Immédiatement après le grand succès de La Veuve Couderc, Simone Signoret désire retrouver son partenaire Alain Delon dans un autre film, produit cette fois encore par Raymond Danon. La comédienne jette alors son dévolu sur le scénario des Granges brûlées, coécrit par Jean Chapot et Sébastien Roulet, d’après une idée originale de Franz-André Burguet. La force de l’histoire et des personnages convainc les deux stars de confier la mise en scène à Jean Chapot, qui sera malheureusement très vite dépassé par les évènements. Incapable de diriger ses acteurs ou de donner la moindre indication à son équipe, le réalisateur est écarté, surtout que les rapports avec Alain Delon devenaient extrêmement violents. Le film est rapidement repris en main par le monstre du cinéma français, qui finit d’emballer les scènes dans lesquelles le juge doit apparaître, avant de repartir et de laisser Jean Chapot revenir pour terminer le film. Toujours est-il que ces houleuses conditions de tournage ne se ressentent pas une seule seconde durant Les Granges brûlées, polar noir se déroulant sous la neige blanche immaculée, qui vaut évidemment pour la confrontation Delon-Signoret, ainsi que pour ses formidables acteurs secondaires, Paul Crauchet, Bernard Le Coq, Miou-Miou, Jean Bouise, Catherine Allégret et Renato Salvadori, sans oublier le cadre atypique dans lequel se passe l’action. S’il n’a pas connu le même sort que La Veuve Couderc, en attirant deux fois moins de spectateurs, Les Granges brûlées reste un classique du cinéma hexagonal, à l’intrigue classique, mais marquée par la composition étrange (pour ne pas dire déplacée) d’un Jean-Michel Jarre en transe sur ses synthétiseurs (qui rappellent parfois les bruitages de la Dictée Magique), trois ans avant le triomphe planétaire d’Oxygène.

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Test Blu-ray / Souvenirs perdus, réalisé par Christian-Jaque

SOUVENIRS PERDUS réalisé par Christian-Jaque, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 9 avril 2021 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Bernard Blier, Pierre Brasseur, Suzy Delair, Danièle Delorme, Edwige Feuillère, Yves Montand, François Perier, Gérard Philipe, Armand Bernard, Daniel Lecourtois, Pierre Mondy, Marthe Mercadier…

Scénario : Jacques Companéez, Christian-Jaque, Jacques Prévert, Henri Jeanson, Pierre Véry & Pierre Prévert

Photographie : Christian Matras

Musique : Joseph Kosma

Durée : 2h01

Date de sortie initiale : 1950

LE FILM

Nous voici aux objets trouvés de Paris… Comment tant de choses banales ou singulières sont-elles échouées ici ? À la suite de quel drame, de quelle comédie ? Florence, mannequin, se fait photographier dans les salles égyptiennes du musée du Louvre quand elle rencontre Philippe et le début d’un nouvel amour… Jean-Pierre invétéré séducteur, ment avec poésie non pas pour être aimé pour lui-même mais pour ce qu’il n’est pas… Tous les journaux en ont parlé à l’époque, Gérard de Lancey, interné par sa famille pour ses extravagances et sa folle prodigalité s’évadait de l’asile… Raoul, agent de la circulation amoureux de l’épicière du quartier, monte un plan pour la séduire…

Sur Homepopcorn.fr, nous avons déjà longuement parlé du réalisateur Christian-Jaque (1904-1994) à travers nos chroniques consacrées à Si tous les gars du monde…, La Tulipe Noire, Les Bonnes causes, L’Enfer des anges et La Chartreuse de Parme. Pour la quatrième fois, Coin de Mire Cinéma nous permet de redécouvrir l’une de ses œuvres méconnues et ce malgré un casting exceptionnel, Souvenirs perdus (1950). Rendez vous compte, Danièle Delorme, Gérard Philipe, Pierre Brasseur, Edwige Feuillère, Bernard Blier, Yves Montand, Suzy Delair, François Périer, Pierre Mondy et bien d’autres apparaissent au fil des quatre sketches qui composent le film ! Quatre segments indépendants liés par un fil rouge, celui d’une caméra plongée dans les dédales de la section des Objets Trouvés de la Préfecture de Police située au 36 rue des Morillons dans le XVe arrondissement, métro Convention. Une voix-off, celle du chansonnier Robert Rocca, s’adresse aux spectateurs dans ce « temple de l’étourderie », ce « musée de la distraction ». Comment ces objets sont-ils apparus ici ? A la suite de quel drame ou de quel vaudeville ? Souvenirs perdus va se focaliser sur quatre objets en particulier et à travers eux, révéler leur histoire et leur provenance. Ainsi une statue d’Osiris, une couronne mortuaire en perles de verre, une cravate de fourrure et un violon vont dresser le portrait d’hommes et de femmes, résumer un pan de ces vies respectives. C’est ici l’occasion pour Christian-Jaque de se confronter à quatre genres réunis en un seul, puisque comme l’indiquait la promo d’époque, Souvenirs perdus est à la fois « une histoire sentimentale, loufoque, pathétique et souriante », offrant aux comédiens l’opportunité de réaliser de fabuleux numéros.

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Test DVD / Une affaire d’hommes, réalisé par Nicolas Ribowski

UNE AFFAIRE D’HOMMES réalisé par Nicolas Ribowski, disponible en DVD le 17 février 2021 chez LCJ Editions & Productions.

Acteurs : Claude Brasseur, Jean-Louis Trintignant, Jean-Paul Roussillon, Patrice Kerbrat, Eva Darlan, Béatrice Camurat, Jean-Pierre Bernard, Peter Bonke, Jean Carmet, Serge Sauvion, Roland Giraud, Jacques Boudet…

Scénario : Georges Conchon

Photographie : Jean-Paul Schwartz

Musique : Vladimir Cosma

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Une histoire policière se déroulant dans un club de cyclistes qui roulent à Longchamp. Un tueur des toits sévit et a tué trois femmes dans Paris. L’épouse de Louis Faguet, riche promoteur et cycliste amateur, est la quatrième victime. L’enquête est confiée au divisionnaire de police Servolle, lui aussi cycliste et ami de peloton de Faguet. Mais ses liens amicaux le poussent à se faire dessaisir au profit de son adjoint Ensor.

Rares sont les films français à prendre le sport, amateur ou professionnel, comme sujet principal ou même comme toile de fond. On peut quand même citer pêle-mêle Soigne ton gauche (1936) de René Clément, Pour le maillot jaune (1939) de Jean Stelli, Coup de tête (1979) de Jean-Jacques Annaud, À mort l’arbitre (1983) de Jean-Pierre Mocky, 3 zéros (2002) de Fabien Onteniente, Michel Vaillant (2003) de Louis-Pascal Couvelaire, Les Seigneurs (2012) d’Olivier Dahan, La Grande boucle (2013) de Laurent Tuel et Une belle équipe (2020) de Mohamed Hamidi. Si le football se distingue nettement dans le septième art, le cyclisme s’est toujours fait un peu plus discret chez nous. Si l’on aurait pu aussi citer Les Cracks (1968) d’Alex Joffé, il existe un polar plutôt méconnu où le vélo tient une place prépondérante dans le récit, même si « ce flim n’est pas un flim sur le cyclimse ». Il s’agit d’Une affaire d’hommes, le premier long-métrage réalisé par Nicolas Ribowski (né en 1939), qui a fait ses classes comme assistant auprès d’Alain Cavalier (Le Combat dans l’île), de Claude Berri (Le Poulet), de Jean-Paul Rappeneau (La Vie de château), de René Allio (La Vieille Dame indigne, L’une et l’autre) et de Jacques Tati (Playtime). Mais c’est à la télévision qu’il fait réellement ses armes derrière la caméra, aussi bien à travers des téléfilms (il signera d’ailleurs plus tard les adaptations de Marcel Pagnol pour Roger Hanin dans les années 2000), que des séries (Médecins de nuit) ou des émissions (Apostrophes). Alors qu’il couvre le Tour de France, Nicolas Ribowski se rend compte à quel point le cyclisme est cinématographique. Il imagine une trame policière autour de ce sujet, à laquelle se grefferait une histoire d’amitié. Le réalisateur en parle à son ami Georges Conchon (1925-1990), écrivain, journaliste et scénariste, que le cinéma s’arrache, de Luchino Visconti (L’Étranger) à Francis Girod (L’État sauvage, La Banquière), en passant par Jacques Rouffio (Sept morts sur ordonnance, Le Sucre), Jean-Jacques Annaud (La Victoire en chantant) et Patrice Chéreau (Judith Therpauve). Georges Conchon ira plus loin en abordant la trahison d’une amitié. Étrangement, l’affiche d’exploitation d’Une affaire d’hommes reste plus célèbre que le film lui-même, avec ce visuel montrant Jean-Louis Trintignant à gauche et Claude Brasseur (qui sortait du triomphe international de La Boum de Claude Pinoteau, et qui coproduit aussi le film) à droite, en train de s’affronter au bras de fer, en se regardant droit dans les yeux. S’il annonce visiblement une opposition, ce dessin n’évoque pas du tout le cyclisme, passion à l’origine de l’osmose des deux protagonistes. Toujours est-il qu’Une affaire d’hommes vaut bien plus pour le duel de ces monstres du cinéma français et son intrigue originale que pour sa mise en scène fonctionnelle voire paresseuse. A sa sortie en novembre 1981, le film de Nicolas Ribowski peine à attirer 600.000 spectateurs dans les salles. Peu diffusé à la télévision, ce coup d’essai, auréolé en 1982 d’une nomination aux Césars pour la compression de la Meilleure première oeuvre, a su néanmoins marquer l’esprit de quelques cinéphiles et demeure aujourd’hui une curiosité.

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Test 4K UHD / La Traque, réalisé par Serge Leroy

LA TRAQUE réalisé par Serge Leroy, disponible en Combo Blu-ray / 4K UHD chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Mimsy Farmer, Jean-Pierre Marielle, Jean-Luc Bideau, Michael Lonsdale, Michel Constantin, Philippe Léotard, Michel Robin, Paul Crauchet, Gérard Darrieu, Georges Géret…

Scénario : André-Georges Brunelin

Photographie : Claude Renoir

Musique : Giancarlo Chiaramello

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

En vue de louer une propriété, Helen Wells, Anglaise trentenaire travaillant à l’Université de Caen, se rend dans un hameau situé près d’Alençon. Elle y fait la connaissance de quelques bourgeois et parvenus liés par une passion commune : la chasse. Parmi eux, les frères Danville, Albert et Paul, ferrailleurs de profession. Le cadet, Paul, tombe immédiatement sous le charme de Helen. Tandis qu’elle se promène dans la forêt, la jeune femme croise à nouveau les deux hommes, accompagnés de leur ami Chamond. Les deux frères se montrent grossiers, le ton monte jusqu’à l’altercation. Paul se jette sur Helen et la viole, sous le regard complaisant d’Albert. Mais un autre drame va bientôt survenir…

Nous ne sommes pas des gens facilement soupçonnables…

Jean-Pierre Marielle, Jean-Luc Bideau, Michael Lonsdale, Michel Constantin, Philippe Léotard, Paul Crauchet, Michel Robin, Gérard Darrieu et Georges Géret lancés dans une chasse à l’homme, ou plutôt « à la femme », en l’occurrence interprétée par Mimsy Farmer ? D’où sort ce film ? Longtemps invisible et/ou indisponible, La Traque est un thriller foudroyant, un survival magistral doublé d’un drame social virtuose, qui agit toujours comme un vrai coup de tonnerre au sein du cinéma français. Devant nos yeux horrifiés, Mimsy Farmer, beauté diaphane qui rappelle parfois Mia Farrow dans Terreur aveugle – See No Evil (1971) du maître Richard Fleischer, devient une proie poursuivie par des rapaces, comme un insecte pris au piège dans une forêt humide (magnifique photo de Claude Renoir, qui fait le lien avec La Règle du jeu de son oncle) qui s’apparenterait à une toile d’où elle essaierait de s’extraire afin d’échapper à des araignées bien déterminées à la dévorer. Comme Le Vieux fusil de Robert Enrico, sorti d’ailleurs la même année, La Traque demeure une référence aussi bien pour les cinéphiles que pour les réalisateurs français ayant abordé le genre. C’est ce qu’on appelle plus communément un uppercut, un film coup de poing, un chef d’oeuvre dont le goût métallique du sang reste longtemps dans la bouche du spectateur.

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Test Blu-ray / L’Étrange Monsieur Victor, réalisé par Jean Grémillon

L’ÉTRANGE MONSIEUR VICTOR réalisé par Jean Grémillon, disponible en combo DVD/Blu-ray le 24 mars 2021 chez Pathé.

Acteurs : Andrex, Raimu, Pierre Blanchar, Madeleine Renaud, Armand Larcher, Viviane Romance, Marcelle Géniat, Georges Flamant…

Scénario : Marcel Achard, Charles Spaak & Albert Valentin

Photographie : Werner Krien

Musique : Roland Manuel

Durée : 1h42

Année de sortie : 1938

LE FILM

Un commerçant toulonnais d’apparence honorable est en fait un receleur pour une bande de malfaiteurs. Menacé de chantage, il commet un meurtre pour lequel un innocent est condamné au bagne. Sept ans plus tard, le forçat s’évade et notre commerçant le recueille…

On imagine le choc des spectateurs en découvrant Raimu, non seulement dans la peau d’un receleur, profitant de sa situation de brocanteur honnête et travailleur pour refourguer ce que ses complices ont volé la nuit d’avant, mais aussi et surtout dans celle d’un assassin. Un peu comme si Louis de Funès en venait à éliminer froidement un type qui voulait le faire chanter pour telle ou telle raison. Et même si cela est arrivé à ce dernier dans Jo (1971) de Jean Girault, il s’agissait avant tout d’une comédie, ce qui est loin d’être le cas de L’Étrange Monsieur Victor, réalisé en 1938 par Jean Grémillon. Pourtant, le film démarre comme pourrait débuter n’importe quelle chronique provençale de Marcel Pagnol (qui la même année sortait La Femme du boulanger, avec Raimu), avec tout d’abord une belle exposition du port de Toulon, ses habitants, ses rues animées, l’accent chantant. Puis, vient la présentation successive des personnages, monsieur Victor Agardanne (Raimu), son épouse Madeleine (Madeleine Renaud, sublime) qui vient d’accoucher de leur premier enfant, ainsi que le cordonnier Bastien Robineau (Pierre Blanchar) et sa femme (Viviane Romance) dont le couple bat de l’aile. Sur un scénario coécrit par Marcel Achard, Charles Spaak et Albert Valentin, qui inspirera grandement Henri Decoin pour Le Bienfaiteur (1942), Jean Grémillon dévoile la face cachée des hommes et des femmes en apparence bien sous tous rapports. Raimu, qui avait beaucoup critiqué le travail du réalisateur à la sortie du film malgré son succès auprès du public, trouve l’un de ses rôles les plus ambigus, les plus singuliers, les plus troublants, dont il s’acquitte admirablement.

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Test DVD / Au-delà des apparences, réalisé par Colin & James Krisel

AU-DELÀ DES APPARENCES (Last Moment of Clarity) réalisé par Colin & James Krisel, disponible en DVD le 17 février 2021 chez AB Vidéo.

Acteurs : Zach Avery, Brian Cox, Udo Kier, Samara Weaving, Karl E. Landler, Nicole Ansari-Cox, Alex Fernandez, Carly Chaikin…

Scénario : Colin & James Krisel

Photographie : Andrew Wheeler

Musique : Benjamin Patrick

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 2020

LE FILM

Trois ans après avoir été témoin du meurtre de sa fiancée, un homme se retrouve à la dérive, jusqu’au jour où, dans un cinéma parisien, il voit une actrice qui ressemble trait pour trait à son amour mort. Il va alors découvrir une terrible vérité…

Au-delà des apparencesLast Moment of Clarity est un premier long-métrage et cela se voit d’entrée de jeu. Cela se ressentira tout du long. Comment l’expliquer ? Dans la façon de filmer et de vouloir épater les spectateurs en voulant donner une ampleur à un cadre limité, non seulement par un budget restreint, mais aussi par un bagage technique, certes convaincant, mais scolaire. Les frères Krisel, James et Colin, sont les scénaristes et les metteurs en scène d’Au-délà des apparences, thriller néo-noir qui repose sur une esthétique léchée et soignée, ainsi que sur des comédiens bien dirigés. Pour leur coup d’essai, les réalisateurs ont également voulu rendre hommage au cinéma et à la littérature qu’ils aiment, leur film étant sans cesse imprégné par une âme hitchcockienne doublée d’un parfum fané typique d’un Pulp Magazine, sensiblement rétro, mais honnête, sincère et maîtrisée. Certes, le récit a tendance à partir dans toutes les directions, le montage est d’ailleurs le point faible du film, mais les Krisel parviennent à accrocher l’attention de leur audience du début à la fin, sur un rythme lent, mais contrôlé. Au-delà des apparences est une série B, qui ne le dissimule pas, qui transpire d’amour pour le cinéma, avec laquelle les Krisel sont visiblement heureux de s’exprimer et de démontrer ce qu’ils ont sous le capot.

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Test Blu-ray / Les Yeux de Satan, réalisé par Sidney Lumet

LES YEUX DE SATAN (Child’s Play) réalisé par Sidney Lumet, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 16 mars 2021 chez Rimini Editions.

Acteurs : James Mason, Robert Preston, Beau Bridges, Ron Weyand, Charles White, David Rounds…

Scénario : Leon Prochnik, d’après la pièce de théâtre de Robert Marasco

Photographie : Gerald Hirschfeld

Musique : Michael Small

Durée : 1h36

Année de sortie : 1972

LE FILM

Paul Reis vient de trouver un poste de professeur de sport dans un établissement catholique pour garçons. Le jeune enseignant est très rapidement troublé par l’atmosphère qui règne au sein de la pension. De violents incidents éclatent entre plusieurs élèves et Paul ne tarde pas à penser que Joseph Dobbs et Jerome Malley, deux professeurs vénérables de l’établissement, sont à l’origine de ces débordements de violence…

La longue, prolifique, exceptionnelle et éclectique carrière de Sidney Lumet (1924-2011) est de celles qui dissimuleront probablement toujours quelques pépites méconnues. Caché par deux énormes piliers et chefs d’oeuvre gigantesques de sa filmographie, entre The Offence (1972) et Serpico (1973), Les Yeux de Satan Child’s Play est assurément l’une des œuvres les plus ignorées, obscures et incomprises du réalisateur américain. Si le titre français surfe allègrement sur le succès rencontré par les films de genre prenant le diable comme protagoniste, Child’s Play, à ne pas confondre bien sûr avec le premier volet de la saga Chucky réalisé par Tom Holland en 1988, est avant tout l’adaptation de la pièce de théâtre éponyme à succès de Robert Marasco, jouée près de 300 fois à Broadway. Par sa thématique, Les Yeux de Satan rappelle l’expérience dite de la Troisième Vague, qui proposait l’étude expérimentale et psychologique d’un régime autocratique, menée par le professeur d’histoire Ron Jones avec des élèves de première d’une école en Californie, durant l’année 1967. Au cours de ses « ateliers », cette expérience sur le nazisme, commençait à échapper au professeur, prouvant de ce fait que les sentiments pouvant emporter un pays dans le totalitarisme étaient encore vivaces. N’attendez rien de fantastique ou de surnaturel dans Child’s Play, mais préparez vous plutôt à une étude comportementale qui peut conduire les êtres les plus vulnérables à commettre l’irréparable quand ils sont influencés par un être fascinant pour sa verve, son charisme et son mode de pensée. Magistralement interprété par James Mason (qui retrouvait le metteur en scène après MI5 demande protectionThe Deadly Affair et La MouetteThe Sea Gull), Beau Bridges et Robert Preston, Les Yeux de Satan peut tout d’abord décontenancer le cinéphile, curieux de voir Sidney Lumet aborder « vraisemblablement » l’épouvante, mais au final, ce film curieux fait l’effet d’un direct à l’estomac et semble n’avoir jamais été autant actualité.

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Test DVD / L’Audition, réalisé par Ina Weisse

L’AUDITION (Das Vorspiel) réalisé par Ina Weisse, disponible en DVD le 26 octobre 2020 chez Doriane Films.

Acteurs : Nina Hoss, Simon Abkarian, Jens Albinus, Ilja Monti, Serafin Mishiev, Winnie Böwe, Sophie Rois, Thomas Thieme…

Scénario : Ina Weisse & Daphne Charizani

Photographie : Judith Kaufmann

Durée : 1h34

Date de diffusion : 2019

LE FILM

Anna Bronsky est professeure de violon au Conservatoire. Contre l’avis de ses collègues, elle impose l’admission d’un élève, en qui elle voit un grand talent. Avec beaucoup d’implication, elle prépare Alexander à l’examen de fin d’année et néglige de ce fait son jeune fils Jonas, lui aussi élève violoniste et passionné de hockey sur glace. Elle s’éloigne de son mari, si aimant à son égard, le luthier français Philippe Bronsky. A l’approche de l’audition, Anna pousse Alexander vers des performances de plus en plus exceptionnelles. Le jour décisif, un accident se produit, lourd de conséquences…

Il y a des acteurs et des actrices qui fascinent dès qu’ils apparaissent à l’écran, qui subjuguent, qui laissent sans voix, même quand justement nous ne les entendons pas, juste par leur présence physique, leur charisme, leur regard, leurs expressions. C’est le cas de l’exceptionnelle Nina Hoss, née à Stuttgart en 1975, muse du réalisateur Christian Petzold avec lequel elle a déjà tourné à six reprises depuis 2001, du téléfilm Dangereuses rencontresToter Mann à Phoenix (2014), en passant par L’Ombre de l’enfantWolfsburg (2003), Yella (2007, Ours d’argent de la meilleure actrice à la Berlinale), Jerichow (2008) et bien sûr l’extraordinaire Barbara (2012). Comme sa compatriote Hanna Schygulla avant elle, Nina Hoss hypnotise le spectateur de son talent gigantesque, aussi bien sur scène que sur le grand écran. Dans L’AuditionDas Vorspiel, le deuxième long-métrage de la réalisatrice (et actrice) Ina Weisse (Der Architekt, 2008), la comédienne est à nouveau épatante dans un rôle foncièrement ambigu, dans lequel elle s’impose et marquera autant l’esprit des cinéphiles que dans Gold (2013) de Thomas Arslan et dernièrement dans Retour à MontaukRückkehr nach Montauk (2017) de Volker Schlöndorff. Si certains penseront inévitablement à l’explosif Whiplash (2014) de Damien Chazelle, L’Audition se rapproche surtout du cinéma de Michael Haneke, de La Pianiste bien sûr, mais en trouvant sa propre singularité, avec une émotion à fleur de peau doublée d’un malaise palpable, qui s’installe et se développe jusqu’à la dernière seconde. Pour son impressionnante prestation, Nina Hoss s’est vue décerner le Prix de la meilleure actrice au Festival International du film de San Sebastián.

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Test DVD / Lovecraft Country – Saison 1

LOVECRAFT COUNTRY – SAISON 1, disponible en DVD et Blu-ray le 17 février 2021 chez HBO et Warner Bros.

Acteurs : Jurnee Smollett, Jonathan Majors, Aunjanue Ellis, Wunmi Mosaku, Abbey Lee, Jamie Chung, Jada Harris, Michael Kenneth Williams, Jordan Patrick Smith…

Scénario : Misha Green, Shannon Houston, Kevin Lau, Matt Ruff, Wes Taylor, Ihuoma Ofordire, Jonathan I. Kidd & Sonya Winton, d’après le roman de Matt Ruff.

Musique : Laura Karpman & Raphael Saadiq

Durée : 10 épisodes de 55 minutes

Date de sortie initiale : 2020

LA SAISON 1

Atticus Freeman, un jeune homme de 25 ans, son amie Letitia et son oncle George embarquent dans un road trip, à travers les États-Unis des années 1950 durant les lois Jim Crow (qui introduisaient la ségrégation dans les services publics, les lieux de rassemblement et restreignaient les interactions sociales entre Blancs et gens de couleur au strict minimum), dans l’objectif de retrouver son père disparu. Commence alors une bataille pour survivre et surpasser le racisme de l’Amérique blanche, tout en affrontant des monstres terrifiants qui semblent tout droit sortis des écrits de Lovecraft.

« H.P. Lovecraft était un écrivain d’horreur extrêmement influent, populaire et talentueux, mais aussi un suprémaciste blanc notoire. Les gens de couleur étaient jusqu’à présent privés des fictions populaires dites de genre, réservées au monde des blancs ». Voilà l’extrait d’une interview de la showrunneuse Misha Green, réalisée à l’occasion de la diffusion sur HBO de la série Lovecraft Country dès août 2020. N’y allons pas par quatre chemins, cette adaptation du roman éponyme de Matt Ruff (2016) est un plantage monumental, qui partait pourtant sur de très bonnes bases et un épisode pilote très intéressant et prometteur, par ailleurs mis en scène par le français Yann Demange (‘71). Malheureusement, on déchante dès le deuxième épisode, d’une part parce que la série bifurque brutalement vers le fantastique et le pseudo-épouvante, d’autre part pour son aspect gloubi-boulga, sa morale douteuse (Jordan Peele étant de la partie, il n’y a donc aucune surprise et tous les blancs sont les vrais monstres de la série), l’absence de charisme de l’acteur principal Jonathan Majors, la laideur des effets spéciaux, son scénario qui vire au nawak et qui s’apparente finalement plus à un ersatz de The Mortal Instruments qu’à un hommage aux films de monstres des années 1950-60. Alors oui, on a déjà vu pire, mais allez au bout des dix épisodes de Lovecraft Country est pénible et harassant, surtout que la série ne va sûrement pas en s’améliorant au fil d’une intrigue qui devient incompréhensible, prétentieuse et involontairement comique. Passez votre chemin.

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