Test Blu-ray / Le Mari de la coiffeuse, réalisé par Patrice Leconte

LE MARI DE LA COIFFEUSE réalisé Patrice Leconte, disponible en DVD et Blu-ray le 3 mai 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Jean Rochefort, Anna Galiena, Roland Bertin, Maurice Chevit, Philippe Clévenot, Jacques Mathou, Claude Aufaure, Albert Delpy, Henry Hocking, Ticky Holgado, Michèle Laroque…

Scénario : Patrice Leconte & Claude Klotz

Photographie : Eduardo Serra

Musique : Michael Nyman

Durée : 1h21

Date de sortie initiale : 1990

LE FILM

Antoine a connu ses premiers émois amoureux dans le salon de coiffure de la plantureuse Madame Sheaffer. Il s’est fait une promesse : lorsqu’il sera grand, il épousera une coiffeuse. Il rencontre Mathilde, la coiffeuse de ses rêves. Le coup de foudre est réciproque.

Au début des années 1980, tout va pour le mieux pour Patrice Leconte. Les deux Bronzés ont été de grands succès au cinéma, et il entame alors plusieurs autres associations avec Michel Blanc, Viens chez moi, j’habite chez une copine, Ma femme s’appelle reviens et Circulez y’a rien à voir. 1985, le triomphe des Spécialistes (5,3 millions d’entrées) arrive à point nommé et permet au réalisateur de faire ce qu’il désire. Difficile de se lancer un nouveau challenge après avoir rassemblé autant de spectateurs dans les salles et être parvenu à s’immiscer sur la troisième marche du podium cette année-là derrière les dix millions de Trois hommes et un couffin et les 5,8 millions de Rambo 2 : la mission. Plutôt que de rechercher un succès à tout prix et facilement, le cinéaste décide d’aller au contraire vers quelque chose de diamétralement opposé, un tout petit film, une équipe réduite, une comédie mélancolique, un road-movie inattendu qui se concentre sur un nouveau duo d’acteurs, Jean Rochefort et Gérard Jugnot. Tandem est un tournant dans la carrière de Patrice Leconte, dont l’immense sensibilité éclate au grand jour, comme s’il était temps pour lui à désormais 40 ans de trouver un langage cinématographique inédit, qui exprimerait une nouvelle facette de sa personnalité. Ce merveilleux film, doux, tendre, drôle, émouvant et désabusé, pourtant optimiste, allait là aussi trouver son public, avec près de 600.000 entrées. Sur cette lancée, suivra Monsieur Hire, son sixième long-métrage avec Michel Blanc, l’un de ses chefs d’oeuvre et un pilier de sa filmographie. Sept fois nommé aux César, Monsieur Hire passera cette fois la barre des 600.000 spectateurs. Ce sera une autre paire de manches pour Le Mari de la coiffeuse, probablement son premier revers au box-office, qui parvient tout de même attire la curiosité de 360.000 français, malgré la présence en face de lui de 58 minutes pour vivre et l’arrivée imminente de Total Recall de Paul Verhoeven et celle du Château de ma mère d’Yves Robert. Rétrospectivement, Le Mari de la coiffeuse est l’un des opus les plus singuliers de son auteur, l’un des plus sensuels aussi surtout. Car ce dont on parle rarement en évoquant le cinéma de Patrice Leconte, c’est de sa façon de filmer les comédiennes, de les rendre fantasme, aussi envoûtantes qu’inaccessibles. On comprend alors encore plus le désir du personnage incarné par le monstre Jean Rochefort, de rester toute la journée dans le salon de coiffure tenu par son épouse, interprétée par Anna Galiena. Patrice Leconte convie son audience à partager un rêve pastel, érotique, charnel et passionnel de 75 minutes. Et on y plonge avec une réelle délectation.

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Test Blu-ray / Les Traqués de l’an 2000, réalisé par Brian Trenchard-Smith

LES TRAQUÉS DE L’AN 2000 (Turkey Shoot) réalisé Brian Trenchard-Smith, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 26 mai 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Steve Railsback, Olivia Hussey, Michael Craig, Carmen Duncan, Noel Ferrier, Lynda Stoner, Roger Ward, Michael Petrovitch…

Scénario : Jon George & Neill D. Hicks, d’après une histoire originale de George Schenk, Robert Williams & David Lawrence

Photographie : John R. McLean

Musique : Brian May

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1982

LE FILM

Une société totalitaire, dans un futur proche. Des citoyens considérés comme déviants sont capturés et enfermés dans un camp de réhabilitation. Brimades et tortures sont au rendez-vous mais le directeur du camp pousse le sadisme jusqu’à une chasse à l’homme des plus sanglantes.

Le 15 juin 1983, en France, débarquait sur nos écrans Turkey Shoot (bien plus pertinent que le titre français Les Traqués de l’an 2000), alors que Mad Max 2 : Le Défi était sorti deux ans auparavant. On est au coeur de la période la plus prolifique de l’Ozploitation et le film de Brian Trenchard-Smith (Le Gang des BMX, Leprechaun 3) mélange aventures dystopiques et récit horrifique. C’est une sorte de remake des Chasses du Comte ZaroffThe Most Dangerous Game (1932) rétrofuturiste, avec des réminiscences du Pont de la Rivière KwaïThe Bridge on the River Kwai (1957) et de Furyo (1983). En dépit des drastiques restrictions budgétaires de dernière minute, la mise en scène est sans grand éclat certes, mais bien troussée. Des restrictions d’argent et donc forcément de temps. Et dans cette urgence, on sent parfois une direction d’acteurs à l’arrache. Mais au-delà de son aspect ultra violent et parfois kitsch, Les Traqués de l’an 2000 se réapproprie les thématiques de l’abus de pouvoir, de la liberté et de l’asservissement de manière très efficace et avec un rythme toujours maintenu dans une satire politique un brin vieillotte sous certains aspects, mais anxiogène et terrifiante (d’ailleurs, le directeur du camp se nomme… Thatcher !). Mais la cerise sur le gâteau est très certainement ses nombreuses trouvailles visuelles et les ondes de comédie noire qui traversent le récit (comme la présence d’un catcheur-loup garou chopé dans une foire au freaks, la femme qui monte et charge un fusil les yeux bandés le plus vite possible) ou les touches gores que ne renieraient pas Lucio Fulci et Mario Bava.

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Test Blu-ray / Adieu Monsieur Haffmann, réalisé par Fred Cavayé

ADIEU MONSIEUR HAFFMANN réalisé par Fred Cavayé, disponible en DVD et Blu-ray le 18 mai 2022 chez Orange Studio.

Acteurs : Daniel Auteuil, Gilles Lellouche, Sara Giraudeau, Nikolai Kinski, Mathilde Bisson, Anne Coesens, Jérôme Cachon, Guillaume Marquet…

Scénario : Fred Cavayé & Sarah Kaminsky, d’après la pièce de théâtre de Jean-Philippe Daguerre

Photographie : Denis Rouden

Musique : Christophe Julien

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Paris 1941. François Mercier est un homme ordinaire qui n’aspire qu’à fonder une famille avec la femme qu’il aime, Blanche. Il est aussi l’employé d’un joaillier talentueux, M. Haffmann. Mais face à l’occupation allemande, les deux hommes n’auront d’autre choix que de conclure un accord dont les conséquences, au fil des mois, bouleverseront le destin de nos trois personnages.

Pour elle (2008) et À bout portant (2010) font partie des plus grandes réussites du polar populaire français de ces quinze dernières années. Fred Cavayé a su d’emblée imposer une marque de fabrique, en proposant deux thrillers allant à fond la caisse pendant 1h30, sans temps mort, comme une véritable course contre-la-montre, en prenant modèle sur les films de genre américains. Après une participation au film à sketches Les Infidèles, son troisième long métrage Mea Culpa, qui réunissait les têtes d’affiches de ses précédents films, Vincent Lindon et Gilles Lellouche, a été une immense déception, tant critique que commerciale et s’est soldée par un échec retentissant. Fred Cavayé avait besoin de se refaire et a donc accepté Radin !, une oeuvre de commande. Chose faite, puisque Radin ! reste une des meilleures comédies avec Dany Boon, décidément toujours au top dans un film qu’il ne dirige pas, un très bon divertissement, qui avait attiré 3 millions de spectateurs au cinéma en 2016. Par la suite, le réalisateur signera un nouveau succès avec Le Jeu, remake de Perfetti sconosciuti de Paolo Genovese, comédie qui avait cartonné dans les salles italiennes et dont l’adaptation française allait connaître le même engouement. Remis sur les rails, Fred Cavayé revient une fois de plus en force avec Adieu Monsieur Haffmann, libre transposition de la pièce de théâtre du même nom de Jean-Philippe Daguerre, lauréate de quatre Molières en 2018, trois prix d’interprétation et le prix du meilleur spectacle du Théâtre Privé. Coécrit par le cinéaste et Sarah Kaminsky (Raid dingue, La Ch’tite famille, Break), ce drame psychologique en huis clos prend à la gorge du début à la fin, en traitant de façon originale de la collaboration des français sous l’Occupation. Magistralement interprété par le trio Daniel Auteuil, Gilles Lellouche, Sara Giraudeau, Adieu Monsieur Haffmann a rassemblé plus de 700.000 spectateurs à sa sortie dans les salles en janvier 2022.

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Test Blu-ray / Shock Waves, Le Commando des morts-vivants, réalisé par Ken Wiederhorn

LE COMMANDO DES MORTS-VIVANTS (Shock Waves) réalisé par Ken Wiederhorn, disponible en DVD et combo Blu-ray + DVD le 12 avril 2022 chez Elephant Films.

Acteurs : Peter Cushing, John Carradine, Brooke Adams, Fred Buch, Jack Davidson, Luke Halpin, D.J. Sidney, Don Stout…

Scénario : John Kent Harrison & Ken Wiederhorn

Photographie : Reuben Trane

Musique : Richard Einhorn

Durée : 1h25

Date de sortie initiale: 1977

LE FILM

Lors de la Seconde Guerre mondiale, la haute autorité nazie a autorisé des expérimentations menant à créer un commando de morts-vivants. Indestructibles, soumis aux ordres et dénués de sentiments, ils étaient les soldats parfaits. Cette unité a mystérieusement disparu. Trente ans plus tard, sur une île au large de la Floride, des naufragés vont découvrir où se terrent les nazis morts-vivants…

Rétrospectivement, il existe un lien entre Revenge of the Zombies (1943) de Steve Sekely (la suite de King of the Zombies de Jean Yarbrough sorti deux ans avant) et Shock Waves (1977), aka Le Commando des morts-vivants dans nos contrées, réalisé par Ken Wiederhorn. Dans les deux cas, il s’agit de soldats du Troisième Reich devenus des zombies des suites des expériences survenues durant la Deuxième Guerre mondiale, mais il y a aussi la présence du même comédien, l’illustre John Carradine, le père de David, Robert et Keith, un des acteurs fétiches de John Ford, vu chez Fritz Lang, Henry Hathaway, Henry King, Edward Dmytryk, Nicholas Ray, Cecil B. DeMille…un des C.V. les plus impressionnants à Hollywood. Alors qu’il jouait le savant-fou à l’origine des nazis zombies dans Revenge of the Zombies, il n’est qu’un simple capitaine dans Shock Waves, mais le point commun est aussi évident qu’amusant. D’ailleurs, le film de Ken Wiederhorn est une sacrée comédie involontaire, une série Z, à mi-chemin entre le nanar et le navet, un narvet comme nous avons coutume de dire sur Homepopcorn. Car si en effet on se marre beaucoup devant cet opus complètement fauché et mis en scène à la one again, le film pâtit d’un rythme neurasthénique, là où l’on s’attendait à rire du début à la fin, comme devant Le Lac des morts vivants de Jean Rollin et Julian de Lasernarts, qui sortira quatre ans plus tard et qui s’inspirera visiblement énormément du Commando des morts-vivants. Mais pas de Promizoulin !, il faudra se contenter du charme de Brooke Adams, qui n’était apparue principalement que dans divers téléfilms et séries télévisées, et qui trouve son premier « vrai » rôle au cinéma, même si on se souviendra d’elle essentiellement en bikini. Nous ne savons pas si Terrence Malick et Philip Kaufman l’auront repérée ici pour lui offrir ensuite le haut de l’affiche des Moissons du cielDays of Heaven et de L’Invasion des profanateursInvasion of the Body Snatchers qui suivront immédiatement après, toujours est-il qu’elle s’en sort plutôt bien dans Shock Waves. En dépit des bâillements qu’il provoque à maintes reprises, Le Commando des morts-vivants propose tout de même de bonnes idées, notamment tout ce qui concerne et touche les zombies en question, leur représentation aquatique (ceci dit, il faut attendre près d’une demi-heure pour apercevoir des boots…), dont certaines images restent, quoi qu’on en dise, longtemps en tête. Preuve que Shock Waves mérite bien qu’on lui accorde un coup de projecteur, surtout que Peter Cushing y fait aussi une petite participation. Alors, convaincus ?

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Test Blu-ray / Le Trône de feu, réalisé par Jess Franco

LE TRÔNE DE FEU (Il Trono di fuoco / The Bloody Judge) réalisé par Jess Franco, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 17 mai 2022 chez Artus Films.

Acteurs : Christopher Lee, Maria Schell, Leo Genn, Hans Hass Jr., Maria Rohm, Margaret Lee, Peter Martell, Howard Vernon, Milo Quesada…

Scénario : Michael Haller, Anthony Scott Veitch, Jess Franco & Enrico Colombo, d’après une histoire originale de Peter Welbeck

Photographie : Manuel Merino

Musique : Bruno Nicolai

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

À la fin du XVIIe siècle, l’Europe se livre à une véritable chasse aux sorcières. En Angleterre, un juge sadique et un peu trop zélé arrête bon nombre de femmes innocentes qu’il fait accuser « d’adoratrice du diable », les rend responsables d’actes de sorcellerie sans preuves évidentes et les brûlent publiquement. Marie vient de perdre sa sœur dans ces atroces conditions : elle est bien décidée à venger sa mémoire.

Nous avons très largement abordé la vie et la carrière de Jesús Franco Manera aka Jess Franco (1930-2013) à travers nos chroniques des Nuits brûlantes de Linda, Shining Sex, Deux espionnes avec un petit slip à fleurs, Opération Re Mida (Lucky l’intrépide), La Fille de Dracula, Les Possédées du diable et Le Journal intime d’une nymphomane. Alors autant attaquer immédiatement, en allant voir tout de suite où le film qui nous intéresse aujourd’hui, en l’occurrence Le Trône de feuThe Bloody Judge, se situe dans la filmographie conséquente et éclectique de l’ami Jess. Cet opus est tourné en 1969, année des Brûlantes ou L’Amour dans les prisons de femmes (aussi connu sous le titre 99 femmes) et de Sumuru, la cité sans hommes, tandis que certains pays peuvent déjà découvrir Justine ou les Infortunes de la vertu ou Les Deux beautés (Marquis de Sade’s Justine) avec Klaus Kinski. Jess Franco est partout dans les salles du monde entier, certains de ses longs-métrages sortent avec un, deux voire trois ans de décalage selon le territoire, la censure sévit ici ou au contraire certaines scènes pornographiques sont ajoutées au montage pour faire plaisir aux spectateurs. Le cinéaste ne sait plus où donner de la tête et où pointer sa caméra, mais tant qu’il tourne, il ne saurait être plus heureux. Bien sûr, dans cette anthologie foisonnante, le cinéphile/age trouvera forcément à boire et à manger. Le Trône de feu peut aisément être placé dans le haut du panier. L’Inquisition a inspiré le cinéma. On peut citer en vrac Capitaine de Castille (1947) de Henry King avec Tyrone Power et Cesar Romero, La Passion de Jeanne d’Arc (1928) et Jour de colère Vredens Dag (1943) de Carl Theodor Dreyer, Les Sorcières de Salem (1957) de Raymond Rouleau, Le Grand Inquisiteur (1968) de Michael Reeves et, plus proche de nous, Les Fantômes de Goya de Milos Forman. Un sujet qui inspire visiblement le réalisateur, qui signe probablement l’un de ses meilleurs films, à la fois sur le fond comme sur la forme, et qui bénéficie surtout d’un solide atout dans sa musette, en la personne de l’illustre Christopher Lee, qu’il avait déjà dirigé (Le Sang de Fu Manchu The Blood of Fu Manchu, Le Château de Fu Manchu The Castle of Fu Manchu) et qu’il retrouvera encore plus tard (Les Nuits de Dracula, Les Inassouvies Philosophy in the Boudoir, Dark Mission : Les Fleurs du mal…).

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Test Blu-ray / Les Amants sacrifiés, réalisé par Kiyoshi Kurosawa

LES AMANTS SACRIFIÉS (Supai no tsuma – スパイの妻) réalisé par Kiyoshi Kurosawa, disponible en DVD et Blu-ray le 19 avril 2022 chez Arte Editions.

Acteurs : Yu Aoi, Issey Takahashi, Masahiro Higashide, Ryota Bando, Yuri Tsunematsu, Minosuke, Hyunri, Takashi Sasano…

Scénario : Ryusuke Hamaguchi, Kiyoshi Kurosawa & Tadashi Nohara

Photographie : Tatsunosuke Sasaki

Musique : Ryosuke Nagaoka

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2020

LE FILM

Kobe, 1941. Yusaku et sa femme Satoko vivent comme un couple moderne et épanoui, loin de la tension grandissante entre le Japon et l’Occident. Mais après un voyage en Mandchourie, Yusaku commence à agir étrangement… Au point d’attirer les soupçons de sa femme et des autorités. Que leur cache-t-il ? Et jusqu’où Satoko est-elle prête à aller pour le savoir ?

Quand Kiyoshi Kurosawa (Au bout du monde, Cure, Kaïro, Avant que nous disparaissions, Le Secret de la chambre noire, Vers l’autre rive, Shokuzai, Tokyo Sonata…) rencontre Ryusuke Hamaguchi (Drive My Car, Asako I & II, Senses). A l’écran tout du moins, puisque le second (tout comme le coscénariste Tadashi Nohara) aura été l’étudiant du premier à l’Université des Arts de Tokyo. Les deux maîtres du cinéma japonais se trouvent réunis sur la même affiche pour Les Amants sacrifiés, mis en scène par le prolifique Kiyoshi Kurosawa, dont la filmographie avoisine la soixantaine d’oeuvres (courts/longs-métrages et séries) et écrit par Ryusuke Hamaguchi, qui signe pour la première fois un scénario réalisé par un autre cinéaste. Cette association donne naissance à un sommet d’émotions, de sensibilité à fleur de peau et de délicatesse, une élégance racée aussi bien sur le fond comme sur la forme, qui convoque à la fois le cinéma britannique et américain des années 1940-50, avec une rigueur nippone, tout en s’inscrivant parfaitement à travers ses thèmes dans la filmographie de Kiyoshi Kurosawa, où le couple, les relations entre les hommes et les femmes sont la clé de voûte. Outre ses qualités exceptionnelles, Les Amants sacrifiés a été filmé en 8K. Pour vous donner une idée de la définition de l’image, le nombre de pixels est multiplié par 4 en comparaison de l’UHD dite traditionnelle, format souhaité, pour ne pas dire imposé par la NHK, l’unique groupe audiovisuel public au Japon, qui cherchait à financer la production d’un film tourné dans la ville de Kobe, en utilisant une caméra 8K comme médium. Si le procédé a tout d’abord fait peur au réalisateur, qui craignait une image lisse artificielle, diamétralement opposée à la texture attendue pour un film d’époque, par ailleurs son premier opus historique, Kiyoshi Kurosawa a été très vite rassuré en apprenant qu’il pouvait la retravailler en post-production. Si l’on peut déplorer quelques problèmes de rythme, sans doute trop languissant, Les Amants sacrifiés hypnotise et happe le spectateur pour l’emporter dans un tourbillon de sentiments du début à la fin, jusqu’au dernier plan, absolument bouleversant. Du grand art.

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Test Blu-ray / Twist à Bamako, réalisé par Robert Guédiguian

TWIST À BAMAKO réalisé par Robert Guédiguian, disponible en DVD et Blu-ray le 17 mai 2022 chez Diaphana.

Acteurs : Stéphane Bak, Alice Da Luz, Saabo Balde, Bakary Diombera, Ahmed Dramé, Diouc Koma, Miveck Packa, Issaka Sawadogo…

Scénario : Robert Guédiguian & Gilles Taurand

Photographie : Pierre Milon

Musique : Olivier Alary & Johannes Malfatti

Durée : 2h09

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

1962. Le Mali goûte son indépendance fraîchement acquise et la jeunesse de Bamako danse des nuits entières sur le twist venu de France et d’Amérique. Samba, le fils d’un riche commerçant, vit corps et âme l’idéal révolutionnaire : il parcourt le pays pour expliquer aux paysans les vertus du socialisme. C’est là, en pays bambara, que surgit Lara, une jeune fille mariée de force, dont la beauté et la détermination bouleversent Samba. Samba et Lara savent leur amour menacé. Mais ils espèrent que, pour eux comme pour le Mali, le ciel s’éclaircira…

Quel plaisir ! Quel bonheur ! Quelle émotion ! Quelle force et quelle fraîcheur aussi ! Tourné en 2020 durant la pandémie de Covid 19, qui aura d’ailleurs entraîné une interruption pendant sept longs mois, Twist à Bamako, le 22è film de Robert Guédiguian (né en 1953), démontre toute l’éternelle jeunesse, l’engagement et la flamme qui animent encore et toujours le réalisateur. Agé de 66 ans au moment des prises de vue, le cinéaste mythique de Marius et Jeanette, Marie-Jo et ses deux amours, Mon père est ingénieur, Le Promeneur du Champ-de-Mars, Les Neiges du Kilimandjaro, Une histoire de fou, La Villa et plus proche de nous de Gloria Mundi, s’éloigne de sa terre natale, de son « beau pays », traverse la Méditerranée et pose ses valises en Afrique, au Sénégal pour le tournage, qui devient en fait le Mali dans son récit, pour nous raconter l’histoire du bel âge à Bamako, du temps des surprises-parties, de Salut les Copains et des diabolos menthe. Depuis 1960 et la proclamation de l’indépendance du Soudan français qui devient la république du Mali, avec Modibo Keïta comme président de la république, on danse le rock et le twist à Bamako, et le socialisme est un rêve porté par les plus jeunes, qui espèrent ainsi que leur pays deviendra un symbole d’espoir pour l’Afrique, mais aussi pour le reste du monde. Mais c’était sans compter l’attachement aux traditions ancestrales de certains, qui feront tout pour casser dans l’oeuf la révolution souhaitée par les plus idéalistes et les plus fougueux. Même si Twist à Bamako ne se déroule pas à Marseille ou dans ses environs, Robert Guédiguian reste fidèle à ses convictions et son dernier long-métrage en date s’intègre parfaitement et logiquement dans sa florissante filmographie. Merveilleusement interprété par des acteurs jusqu’alors inconnus, Twist à Bamako est un véritable bijou, un gros coup de coeur et assurément l’un des meilleurs opus à sortir au cinéma en cette année 2022.

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Test Blu-ray / 13 Minutes, réalisé par Lindsay Gossling

13 MINUTES réalisé par Lindsay Gossling, disponible en DVD et Blu-ray le 6 avril 2022 chez AB Vidéo.

Acteurs : Amy Smart, Thora Birch, Sofia Vassilieva, Anne Heche, Paz Vega, Peter Facinelli, Laura Spencer, Trace Adkins…

Scénario : Lindsay Gossling, d’après une histoire de Travis Farncombe

Photographie : Steve Mason

Musique : Ariel Marx

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Alors qu’une nouvelle journée ordinaire commence pour les habitants de la petite ville américaine de Siren, la nature en a décidé autrement. Les habitants n’ont que 13 minutes pour trouver un abri avant que la plus grande tornade jamais enregistrée ne ravage la ville. Ils vont devoir se battre pour protéger leurs proches et lutter pour leur vie. Livrées à elles-mêmes pour faire face à la catastrophe, quatre familles doivent surmonter leurs différences et trouver en elles la force de survivre.

Le film de tornades appartient au genre catastrophe et a su livrer moult séries B et Z, qui ont contribué à fleurir les bacs de DVD chez Cash Express ou Easy Cash. Si l’opus le plus célèbre reste bien évidemment Twister de Jan de Bont, l’un des plus grands succès de l’année 1996, on ne compte plus les ersatz qui ont essayé depuis de reprendre les mêmes ingrédients, sans y parvenir, mais il faut bien l’avouer sans les mêmes moyens financiers non plus. L’un des derniers à avoir tenté de retrouver cette essence demeure Hurricane (2018) de Rob Cohen, une vraie série Z, laide à regarder, mais qui contre toute attente divertissait sans mal avec ses FX ratés, son interprétation neurasthénique et ses scènes d’action invraisemblables. 13 Minutes de Lindsay Gossling n’est pas du tout à ranger dans cette catégorie. Loin des Sharknado, de F6 Twister (Au coeur de la tornade et Christmas Twister pour les connaisseurs) dans lequel Casper Van Dien affrontait la nature en colère, ou bien encore de Stone Impact avec ses effets spéciaux rigolos réalisés avec un Amstrad 6128+ à cartouche, sans oublier les trucs du style Twister Apocalypse, Twister II : Extreme Tornado, Black Storm, Final Storm, voici enfin un film intelligent avec un cyclone en toile de fond, un premier long-métrage prometteur. Venue du documentaire, elle impose une réelle sensibilité à travers les portraits croisés de cette poignée de personnages, les habitants d’une petite bourgade, qui va être complètement rasée par une colossale tornade. Après avoir présenté ses protagonistes et les enjeux durant 55 minutes, les éléments naturels se déchaînent et les conséquences seront forcément cataclysmiques. Ce qui est loin d’être le cas de ce 13 Minutes, dont la mise en scène délicate, la réussite des effets visuels et l’excellence du casting emportent facilement l’adhésion.

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Test Blu-ray / Le Fleuve de la dernière chance, réalisé par Jerry Hopper

LE FLEUVE DE LA DERNIÈRE CHANCE (Smoke Signal) réalisé par Jerry Hopper, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 7 avril 2022 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Dana Andrews, Piper Laurie, Rex Reason, William Talman, Milburn Stone, Douglas Spencer, Gordon Jones, William Schallert.…

Scénario : George F. Slavin & George W. George

Photographie : Clifford Stine

Musique : Henry Mancini

Durée : 1h28

Date de sortie initiale: 1955

LE FILM

Commandés par le capitaine Harper, des soldats américains fuient, par le fleuve, le fort assiégé par les Utes, très supérieurs en nombre et qui attendent le renfort des tribus sioux. Parmi les Blancs se trouvent Laura, fille du major Evans, mort au combat et un prisonnier, Halliday. Ce dernier est un ancien officier qui a vécu longtemps chez les Utes. Tandis qu’Evans était partisan de la guerre, Halliday voulait sceller la paix. Lors des engagements, il s’est trouvé du côté indien et a dès lors été considéré comme un traître, un meurtrier et un déserteur.

Jerry Hopper (1907-1988), voilà un réalisateur méconnu. Certains cinéphiles se souviennent peut-être du Triomphe de Buffalo BillPony Express (1953) avec Charlton Heston et Rhonda Fleming. La cinquantaine se profilant à l’horizon, le cinéaste met les bouchées doubles et parvient à livrer quatre films en 1955, Le Fleuve de la dernière chanceSmoke Signal, La Guerre privée du major BensonThe Private War of Major Benson, La Jungle des hommesThe Square Jungle avec Tony Curtis, et Son seul amour One Desire avec Rock Hudson. Avant de consacrer le reste de sa vie à la télévision à travers moult épisodes de séries télévisées diverses et variées (L’Homme à la carabine, Les Incorruptibles, La Grande Caravane, Perry Mason, Gunsmoke, La Famille Addams, Le Fugitif, Le Virginien…), Jerry Hopper renoue donc avec le western avec Le Fleuve de la dernière chance, formidable opus, excellemment mis en scène, qui certes pâtit de l’usage de transparences, mais qui fait oublier ce stratagème avec un récit riche en rebondissements, en gunfights, en action, des personnages à la psychologie bien fouillée et complexe, élégamment campés par Dana Andrews et la magnifique Piper Laurie.

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Test Blu-ray / Massacre au dortoir, réalisé par Stephen Carpenter & Jeffrey Obrow

MASSACRE AU DORTOIR (The Dorm That Dripped Blood) réalisé par Stephen Carpenter & Jeffrey Obrow, disponible en DVD et combo Blu-ray + DVD le 12 avril 2022 chez Elephant Films.

Acteurs : Laurie Lapinski, Stephen Sachs, David Snow, Pamela Holland, Dennis Ely, Woody Roll, Daphne Zuniga, Jake Jones…

Scénario : Stephen Carpenter, Jeffrey Obrow & Stacey Giachino

Photographie : Stephen Carpenter

Musique : Christopher Young

Durée : 1h28

Date de sortie initiale: 1982

LE FILM

Une résidence universitaire va fermer ses portes afin d’être revendue. Après le départ de tous les étudiants, Joanne, Patty, Brian, Craig et Debbie restent seuls pour débarrasser le mobilier et tout nettoyer. Patty surprend un étudiant, John Hemmit, dans l’enceinte de l’établissement. Peu de temps après, des objets disparaissent et un certain malaise s’installe parmi le petit groupe, qui se sent espionné. Quand Debbie doit quitter la résidence et partir avec ses parents venus la chercher, ces derniers se font massacrer…

Attention nanar ! Ou plutôt, vive les mauvais films sympathiques ! Massacre au dortoirThe Dorm That Dripped Blood, aussi connu sous le titre La Maison de sang, en est un beau, un vrai, un grand, qui vous fera rire durant 1h25 et qui y va souvent à fond dans le nawak et le goût doûteux pour vous faire rire involontairement. On doit cet opus aux élèves de l’école de cinéma de l’University Cooperative Housing Association, présente sur le campus de l’UCLA (l’Université de Californie de Los Angeles), où le film a été quasiment intégralement tourné, avec les moyens du bord, en 16mm, gonflé plus tard en 35mm. Le problème, ou heureusement c’est selon, c’est que cela se voit, que rien ou presque ne fonctionne. On s’amuse vraiment du début à la fin en découvrant jusqu’où le récit peut aller dans non-sens et les « acteurs » dans non-jeu. Le pire, c’est que l’on s’attendait à un vrai slasher, le film sort d’ailleurs en 1982, juste après Vendredi 13 de Sean S. Cunningham, Le Tueur du vendredi et Meurtres en 3 dimensions de Steve Miner, les trois premiers de la saga Vendredi 13 donc, espérait probablement tirer son épingle du jeu et amasser un max de billets verts en surfant sur l’engouement des spectateurs pour les films d’épouvante. Mais par son budget anémique, ses comédiens en carton, son sang réalisé avec de l’encre Waterman (ou du ketchup Heinz pour le coup de la perceuse) et ses cadavres en papier mâché, Massacre au dortoir ne peut évidemment pas rivaliser avec ces références, mais s’avère une très bonne comédie.

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