Test Blu-ray / Le Sang à la tête, réalisé par Gilles Grangier

LE SANG À LA TÊTE réalisé par Gilles Grangier, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 19 janvier 2022 chez Pathé.

Acteurs : Jean Gabin, Paul Frankeur, Claude Sylvain, Georgette Anys, José Quaglio, Paul Faivre, Léonce Corne, Florelle…

Scénario : Michel Audiard & Gilles Grangier, d’après le roman de Georges Simenon

Photographie : André Thomas

Musique : Henri Verdun

Durée : 1h23

Année de sortie : 1956

LE FILM

Ancien débardeur, François Cardinaud a mis trente ans pour devenir ce qu’il est : un des hommes les plus importants de La Rochelle. Sa réputation est justifiée, celle d’un type retors, coriace et exigeant. Il a débuté et a grandi sur le port, parmi une faune carnassière, où celui qui ne mord pas est voué à être mordu. En regagnant sa villa, un dimanche au retour de la messe, Cardinaud constate que sa femme Marthe est partie.

C’est un film méconnu dans l’immense carrière de Jean Gabin, un petit trésor caché sans doute, rare et peu diffusé à la télévision. Il s’agit du Sang à la tête, sa troisième collaboration (sur douze) avec Gilles Grangier (1911-1996), situé entre Gas-oil (1955) et Le Rouge est mis (1957). Quand il tourne cette adaptation du roman Le Fils Cardinaud de Georges Simenon, le comédien vient de faire un comeback toni-truand avec Touchez pas au grisbi de Jacques Becker et enchaîne les triomphes au box-office. 1956 le replace définitivement sur le trône du cinéma français, année où sortent successivement Des gens sans importance de Henri Verneuil (2,4 millions d’entrées), Voici le temps des assassins de Julien Duvivier (1,5 million), Le Sang à la tête de Gilles Grangier (2 millions), La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara (4,9 millions) et Crime et Châtiment de Georges Lampin (1,8 million). Contrairement à ce que ses détracteurs ont toujours déclaré, Jean Gabin n’a jamais été l’homme d’un seul rôle, aussi à l’aise dans la salopette d’un routier que dans le costume d’un trois-pièces d’un grand industriel, insufflant chaque fois sa personnalité, tout en étant différent, pour ne pas dire aux antipodes d’un film à l’autre. C’est ce qui a toujours fait son génie. Dans Le Sang à la tête, il interprète pour ainsi dire les deux extrêmes, puisque son personnage est un ancien prolétaire qui à force de travail et d’acharnement, est devenu l’un des noms les plus illustres de La Rochelle. Jean Gabin est une fois de plus merveilleux dans la peau de ce grand bourgeois, dont la femme, plus jeune que lui, est partie rejoindre un amour d’enfance, laissant son époux devenir la proie des rumeurs et surtout une cible facile pour les envieux qui ont connu son ascension sociale. Le Sang à la tête est un drame teinté d’humour noir et doublé d’une réflexion psychologique sur la jalousie des êtres humains qui n’a rien perdu de sa force près de soixante-dix ans après sa sortie. A redécouvrir de toute urgence.

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Test Blu-ray / Benedetta, réalisé par Paul Verhoeven

BENEDETTA réalisé par Paul Verhoeven, disponible en DVD et Blu-ray le 17 novembre 2021 chez Pathé.

Acteurs : Virginie Efira, Charlotte Rampling, Daphne Patakia, Lambert Wilson, Olivier Rabourdin, Louise Chevillotte, Hervé Pierre, Clotilde Courau…

Scénario : David Birke & Paul Verhoeven, d’après le livre de Judith C. Brown

Photographie : Jeanne Lapoirie

Musique : Anne Dudley

Durée : 2h11

Année de sortie : 2021

LE FILM

Au XVIIe siècle, alors que la peste se propage en Italie, la très jeune Benedetta Carlini rejoint le couvent de Pescia, en Toscane. Dès son plus jeune âge, Benedetta est capable de faire des miracles et sa présence au sein de sa nouvelle communauté va changer bien des choses dans la vie des sœurs.

Revoilà Paulo, notre hollandais préféré, l’un des réalisateurs les plus fous de l’histoire du cinéma. On attendait de pied ferme (et pas queue) son dernier film en date Benedetta, depuis son affiche teaser révélée à Cannes, où une religieuse, incarnée par Virginie Efira, était vêtue d’un voile qui dévoilait un sein généreux. Repoussé plusieurs fois en raison de cette satanée pandémie et de problèmes de santé du réalisateur, Benedetta a pu enfin connaître une sortie sur les écrans. Heureusement d’ailleurs, car il y a plus d’audace durant ces deux heures que dans tous les films français réunis sortant une même année. N’y allons pas par quatre chemins, si Benedetta n’a peut-être pas l’impact des œuvres précédentes de Paul Verhoeven, cette production belgo-néerlando-française est une grosse claque qu’on aimerait se prendre bien plus souvent dans la tronche. Évidemment provocateur, parfois kitsch (tout ce qui concerne ce cher Jésus, sujet de fascination du cinéaste), totalement assumé, drôle (on pense même à Novices libertines de Bruno Mattei, fleuron de la nunsploitation), avec même quelques petites touches scatos, mystérieux, sensuel, sexuel, réflectif et intelligent, Benedetta ne laisse pas indifférent et, encore mieux, ne fera jamais l’unanimité. Avec ce seizième long-métrage, le metteur en scène prouve qu’à plus de 80 ans, son cinéma reste éternellement jeune, car rebelle, tout en offrant sûrement à Virginie Efira l’un des rôles de sa vie et dont le personnage rejoint naturellement la « faune féminine verhoevenienne » aux côtés de Katie Tippel, Fientje, Agnes, Catherine Tramell, Nomi Malone et bien d’autres.

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Test Blu-ray / La Femme et le Pantin, réalisé par Julien Duvivier

LA FEMME ET LE PANTIN réalisé par Julien Duvivier, disponible en combo DVD/Blu-ray le 16 juin 2021 chez Pathé.

Acteurs : Brigitte Bardot, Antonio Vilar, Lila Kedrova, Daniel Ivernel, Darío Moreno, Michel Roux, Jacques Mauclair, Jess Hahn…

Scénario : Julien Duvivier, Marcel Achard, Albert Valentin & Jean Aurenche, d’après le roman de Pierre Louÿs

Photographie : Roger Hubert

Musique : Jean Wiener & José Rocca

Durée : 1h42

Année de sortie : 1959

LE FILM

Eva est la fille de Stanislas Marchand, naguère célèbre écrivain germanophile, collabo français réfugié en Espagne. Lors de la traditionnelle feria de Séville où elle danse le fandango, la demoiselle est remarquée par Matteo Diaz, un riche et fier marchand de taureaux auquel aucune femme ne résiste. Le don Juan fait des avances à Eva qui, fine mouche, le repousse. Titillé dans son amour propre, il va tout mettre en oeuvre pour conquérir le coeur de la Belle.

En 1956, déboule sur les écrans du monde entier Et Dieu… créa la femme. Le phénomène Brigitte Bardot, BB, est né. La comédienne a alors 22 ans et déjà le monde à ses pieds. Elle enchaîne immédiatement avec Une parisienne de Michel Boisrond (3,5 millions d’entrées), Les Bijoutiers du clair de lune (2,1 millions d’entrées), et surtout En cas de malheur (3,1 millions d’entrées), sous la direction de Claude Autant-Lara,dans lequel elle donne la réplique à Jean Gabin. En 1959, Julien Duvivier (1896-1967) a plus de soixante ans, mais demeure l’un des metteurs en scène français dont chaque film est un succès, voire un triomphe au box-office. Bien installé à nouveau au sein du cinéma hexagonal depuis son retour d’Hollywood, surtout grâce au raz-de-marée du Petit Monde de Don Camillo (près de treize millions de tickets vendus rien qu’en France), le cinéaste aura enchaîné pas loin de dix longs-métrages durant les années 1950, dont La Fête à Henriette (1952), Le Retour de Don Camillo (1953), Voici le temps des assassins (1956), L’Homme à l’imperméable (1957) et Pot-Bouille (1957). Si le film est un temps envisagé par Luis Buñuel, qui souhaitait tourner le film avec Mylène Demongeot et Vittorio De Sica, La Femme et le Pantin sera finalement confié à Julien Duvivier, qui accepte non sans réticences, de « diriger » Brigitte Bardot, qu’il ne souhaitait pas plus faire tourner que Luis Buñuel. La productrice Christine Gouze-Rénal, déjà à l’oeuvre sur La Mariée est trop belle de Pierre Gaspard-Huit, film sorti 2 jours avant Et Dieu…créa la femme, souhaite profiter de la popularité de BB et monte ce projet de toutes pièces. Une nouvelle adaptation du roman La Femme et le Pantin de Pierre Louÿs lui apparaît comme étant le véhicule parfait pour la star. Julien Duvivier passera le reste de sa carrière à dire à quel point il détestait La Femme et le Pantin, qu’il considérait comme étant « totalement idiot et manqué ». Pourtant, s’il semble effectivement plus intéressé dans le film par les personnages satellites qui viennent tourner autour de l’astre Bardot, le réalisateur n’en signe pas moins un film plastiquement irréprochable, dans lequel il démontre une fois de plus sa virtuosité technique, surtout qu’il expérimentait ici la couleur pour la première fois de son étonnante, foisonnante et éclectique carrière. Trente ans après la superbe version de Jacques de Baroncelli avec Conchita Montenegro, quinze ans après celle de Joseph von Sternberg avec Marlene Dietrich, le livre de Pierre Louÿs inspire à nouveau le monde du cinéma. Si cette mouture n’est sans doute pas la plus passionnante et la plus inoubliable, elle n’en reste pas moins intéressante sur le plan stylistique et la prestation de Brigitte Bardot n’est pas aussi déshonorante que la critique de l’époque et d’aujourd’hui ne le laissaient supposer.

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Test Blu-ray / La Femme et le Pantin, réalisé par Jacques de Baroncelli

LA FEMME ET LE PANTIN réalisé par Jacques de Baroncelli, disponible en combo DVD/Blu-ray le 16 juin 2021 chez Pathé.

Acteurs : Conchita Montenegro, Raymond Destac, Henri Lévêque, Jean Dalbe, Andrée Canti, Léo Joannon…

Scénario : Jacques de Baroncelli, d’après le roman de Pierre Louÿs

Photographie : Louis Chaix

Musique : Edmond Lavagne, Philippe Parès & Georges Van Parys

Durée : 1h55

Année de sortie : 1929

LE FILM

Don Mateo Diaz s’ennuie. Le train qui l’emmène vers Séville est en effet ralenti par de violentes chutes de neige. Pour se distraire, ce séducteur fortuné traverse les wagons et finit par arriver dans les troisièmes classes. Il intervient dans une bagarre de femmes et fait ainsi la connaissance de la troublante Conchita Perez. Plusieurs mois s’écoulent. Une nuit d’été, don Mateo donne une fête. Conchita, attirée par la musique, se glisse dans le jardin et se fait reconnaître. Don Mateo l’embrasse, mais la belle s’échappe en lui laissant son adresse…

Malgré ses nombreuses publications, l’écrivain Pierre Louÿs (1870-1925) restera surtout célèbre pour son roman La Femme et le Pantin (1898), inspiré des mémoires de Casanova et souvent considéré comme le chef d’oeuvre de l’écrivain. Pas étonnant que le cinéma se soit très tôt intéressé à cette histoire centrée sur les aspects dramatiques de la sensualité. La première mouture à l’écran est américaine et réalisée par Reginald Barker en 1920. Neuf ans plus tard, Jacques de Baroncelli (1881-1951) décide de s’attaquer à ce livre unanimement salué par la critique, en transposant l’intrigue à l’époque contemporaine et sur les lieux-mêmes de l’action du roman original, à Séville et à Cadix. Quelque peu oublié aujourd’hui, le cinéaste aura pourtant signé une belle version des Mystères de Paris (1943), une adaptation de La Duchesse de Langeais (1942) d’Honoré de Balzac, avec Edwige Feuillère, et l’on peut aussi citer Belle étoile (1938) avec Michel Simon et Jean-Pierre Aumont et Je serai seule après minuit (1931), sur un scénario de Henri-Georges Clouzot. Indiscutablement, La Femme et le Pantin fait partie de ses chefs-d’oeuvre. Merveilleusement mis en scène, d’une folle modernité, mené sur un rythme trépident et porté par deux comédiens exceptionnels, le film de Jacques de Baroncelli a beau afficher plus de 90 bougies, celui-ci reste marqué par un souffle romanesque et s’avère une tornade de sentiments où l’on ressent constamment le désarroi du personnage de Don Mateo Diaz, amoureux transi d’une jeune femme qui ne cesse de lui échapper, qui le manipule, qui l’humilie, qui revient dans ses bras, qui se refuse à lui à nouveau, avant de s’enfuir à nouveau. Si cette histoire demeure plus connue des cinéphiles pour avoir été abordée en 1935 par Joseph von Sternberg, avec Marlene Dietrich, puis en 1959 par Julien Duvivier, avec Brigitte Bardot, et en 1977 par Luis Bunuel dans Cet obscur objet du désir, avec Carole Boquuet et Angela Molina, cette adaptation cinématographique de La Femme et le Pantin n’a assurément rien à envier à celles qui allaient lui précéder et mérite toute l’attention des spectateurs.

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Test Blu-ray / Copie conforme, réalisé par Jean Dréville

COPIE CONFORME réalisé par Jean Dréville, disponible en combo DVD/Blu-ray le 24 mars 2021 chez Pathé.

Acteurs : Louis Jouvet, Suzy Delair, Annette Poivre, Madeleine Suffel, Jane Marken, Danièle Franconville, Jean-Jacques Delbo, Léo Lapara, Henry Charrett, Georges Pally, Fernand Rauzena, Gaston Dupray, Jean Carmet…

Scénario : Jacques Companeez

Photographie : André Thomas

Musique : René Cloërec

Durée : 1h45

Année de sortie : 1947

LE FILM

Ismora est un escroc qui se déguise pour berner ses victimes. Il parvient ainsi à vendre un château propriété de l’État. Dans le même temps, Gabriel Dupon, terne commercial en boutons, se rend dans un hôtel où Ismora vient de commettre un méfait. Les deux hommes sont les sosies l’un de l’autre. Le concierge de l’hôtel est donc persuadé que Dupon est le voleur. Dupon est arrêté par la police. Il finit par être libéré, mais, déprimé, envisage de se suicider. Ismora le sauve à la dernière minute, bien décidé à utiliser leur ressemblance pour ses mauvais coups.

1946-1947 est un moment charnière dans la carrière du comédien Louis Jouvet, qui s’était exilé en Amérique latine durant l’Occupation et qui revenait au cinéma en France en enchaînant les tournages d’Un revenant de Christian-Jaque, Les Amoureux sont seuls au monde d’Henri Decoin, de Quai des Orfèvres d’Henri-Georges Clouzot et de Copie conforme de Jean Dréville (1906-1997). Si ce dernier ne bénéficie sans doute pas de l’aura et du prestige des trois autres, Copie conforme est pourtant un immense succès dans les salles à sa sortie en juillet 1947 et reste surtout célèbre pour le double-rôle magistralement interprété par Louis Jouvet, cinq personnages en réalité si l’on tient compte des déguisements divers et variés portés par l’escroc Manuel Ismora. Follement moderne, cette comédie annonce notamment L’Incorrigible (1975) de Philippe de Broca, dans lequel Jean-Paul Belmondo incarne un voyou multipliant les larcins et escroqueries, en ayant recours à quelques fausses moustaches, légions d’honneur factices et autres camouflages. Dans Copie conforme, le récit ajoute à ce comique de situation, un sosie au malfaiteur. Grâce à la magie des effets spéciaux, Louis Jouvet se dédouble à l’écran et le procédé du cache-contre-cache permet au comédien de se donner lui-même la réplique. Près de 75 ans plus tard, le résultat demeure franchement bluffant. Passionné par les dernières technologies mises à sa disposition en matière de trucages directs, Jean Dréville réalise un vrai tour de force. L’interaction entre Gabriel Dupon, représentant en boutons, et Manuel Ismora, l’escroc, tous les deux interprétés par Louis Jouvet donc, est réellement impressionnante et n’est pas sans annoncer aussi, cinquante ans avant (!), Mes doubles, ma femme et moi Multiplicity (1996) d’Harold Ramis. Copie conforme est en quelque sorte une comédie avant-gardiste, dans laquelle l’un des plus grands acteurs français de tous les temps s’amuse à endosser plusieurs costumes et autant de personnalités diverses et variées, avec manifestement un plaisir non dissimulé et dans le but unique d’offrir aux spectateurs un divertissement digne de ce nom.

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Test Blu-ray / L’Étrange Monsieur Victor, réalisé par Jean Grémillon

L’ÉTRANGE MONSIEUR VICTOR réalisé par Jean Grémillon, disponible en combo DVD/Blu-ray le 24 mars 2021 chez Pathé.

Acteurs : Andrex, Raimu, Pierre Blanchar, Madeleine Renaud, Armand Larcher, Viviane Romance, Marcelle Géniat, Georges Flamant…

Scénario : Marcel Achard, Charles Spaak & Albert Valentin

Photographie : Werner Krien

Musique : Roland Manuel

Durée : 1h42

Année de sortie : 1938

LE FILM

Un commerçant toulonnais d’apparence honorable est en fait un receleur pour une bande de malfaiteurs. Menacé de chantage, il commet un meurtre pour lequel un innocent est condamné au bagne. Sept ans plus tard, le forçat s’évade et notre commerçant le recueille…

On imagine le choc des spectateurs en découvrant Raimu, non seulement dans la peau d’un receleur, profitant de sa situation de brocanteur honnête et travailleur pour refourguer ce que ses complices ont volé la nuit d’avant, mais aussi et surtout dans celle d’un assassin. Un peu comme si Louis de Funès en venait à éliminer froidement un type qui voulait le faire chanter pour telle ou telle raison. Et même si cela est arrivé à ce dernier dans Jo (1971) de Jean Girault, il s’agissait avant tout d’une comédie, ce qui est loin d’être le cas de L’Étrange Monsieur Victor, réalisé en 1938 par Jean Grémillon. Pourtant, le film démarre comme pourrait débuter n’importe quelle chronique provençale de Marcel Pagnol (qui la même année sortait La Femme du boulanger, avec Raimu), avec tout d’abord une belle exposition du port de Toulon, ses habitants, ses rues animées, l’accent chantant. Puis, vient la présentation successive des personnages, monsieur Victor Agardanne (Raimu), son épouse Madeleine (Madeleine Renaud, sublime) qui vient d’accoucher de leur premier enfant, ainsi que le cordonnier Bastien Robineau (Pierre Blanchar) et sa femme (Viviane Romance) dont le couple bat de l’aile. Sur un scénario coécrit par Marcel Achard, Charles Spaak et Albert Valentin, qui inspirera grandement Henri Decoin pour Le Bienfaiteur (1942), Jean Grémillon dévoile la face cachée des hommes et des femmes en apparence bien sous tous rapports. Raimu, qui avait beaucoup critiqué le travail du réalisateur à la sortie du film malgré son succès auprès du public, trouve l’un de ses rôles les plus ambigus, les plus singuliers, les plus troublants, dont il s’acquitte admirablement.

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Test Blu-ray / Tango, réalisé par Patrice Leconte

TANGO réalisé par Patrice Leconte, disponible en combo DVD/Blu-ray le 21 octobre 2020 chez Pathé.

Acteurs : Philippe Noiret, Richard Bohringer, Thierry Lhermitte, Carole Bouquet, Jean Rochefort, Miou-Miou, Judith Godrèche, Michèle Laroque, Jean Benguigui, Laurent Gamelon, Ticky Holgado…

Scénario : Patrice Leconte, Patrick Dewolf

Photographie : Eduardo Serra

Musique : Angélique Nachon, Jean-Claude Nachon

Durée : 1h29

Année de sortie : 1993

LE FILM

La femme de Paul, fatiguée d’être trompée par son mari volage, l’a quitté. Depuis, au lieu de profiter de cette toute nouvelle liberté, Paul se morfond. Il court chez son oncle, célibataire endurci, lui demander conseil. Pour l’oncle une seule solution: se débarrasser de la mauvaise épouse. Pour ce faire ils font appel à Vincent, mari autrefois trompé.

Tango est probablement l’un des films de Patrice Leconte qui a connu le plus de critiques assassines, la plupart taxant le réalisateur de misogyne. Comme bien souvent, la presse n’avait absolument rien compris aux intentions du réalisateur qui avait voulu au contraire rendre un vibrant hommage aux femmes à travers l’immaturité des hommes, qui au-delà de leur lâcheté et de leur mesquinerie, ne peuvent vivre sans elles. A sa sortie dans les salles, près de 650.000 spectateurs décident de se faire leur propre avis sur ce film quelque peu vilipendé. Cela peut paraître modeste, mais Tango aura quand même permis à Patrice Leconte de se remettre en selle après l’échec du Mari de la coiffeuse (350.000 entrées) sorti trois ans plus tôt. Mais la première et vraie déculottée arrivera l’année suivante pour le cinéaste avec Le Parfum d’Yvonne. Souvent comparé au cinéma de Bertrand Blier, hilarant, tendre, gentiment grivois et avant tout une profonde réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes, Tango est l’une des œuvres les plus sous-estimées de la filmographie de Patrice Leconte.

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Test Blu-ray / Monsieur Hire, réalisé par Patrice Leconte

MONSIEUR HIRE réalisé par Patrice Leconte, disponible en combo DVD/Blu-ray le 21 octobre 2020 chez Pathé.

Acteurs : Michel Blanc, Sandrine Bonnaire, Luc Thuillier, André Wilms, Cristiana Réali, Eric Bérenger, Marielle Berthon, Philippe Dormoy…

Scénario : Patrice Leconte, Patrick Dewolf d’après le roman de Georges Simenon

Photographie : Denis Lenoir

Musique : Michael Nyman

Durée : 1h19

Année de sortie : 1989

LE FILM

Monsieur Hire est un tailleur misanthrope, qui espionne par la fenêtre sa voisine d’en face dont il est tombé amoureux. En arrière-plan se déroule une enquête sur le meurtre non résolu d’une jeune femme. Monsieur Hire est soupçonné par l’inspecteur chargé de l’affaire.

Patrice Leconte a toujours été admiratif du film Panique (1946), réalisé par Julien Duvivier, avec Michel Simon et Viviane Romance. L’idée d’un remake lui trottait dans la tête depuis quelques années. C’est alors qu’il apprend que le film est en réalité l’adaptation du roman de Georges Simenon, Les Fiançailles de M. Hire paru en 1933 chez Fayard. Il se rue alors sur le livre et y voit matière pour une nouvelle transposition qu’il entreprend avec son complice Patrick Dewolf, avec lequel il travaille depuis Les Spécialistes (1985). Monsieur Hire est l’un des films les plus atypiques de Patrice Leconte. Froid en apparence, il s’agit en fait d’une réelle histoire d’amour tragique où les sentiments sont tus, mais bouillonnent dans la tête du personnage principal. C’est là le coup de génie du réalisateur, avoir proposé le rôle-titre à Michel Blanc. Lauréat du Prix d’interprétation masculine obtenu au Festival de Cannes en 1986 pour Tenue de soirée de Bertrand Blier, le comédien va encore plus loin dans le registre dramatique avec Monsieur Hire, qui repose en grande partie sur son charisme, sur son visage, sa silhouette et son regard. Un rôle en or pour l’acteur, à voir comme une version sombre et mélancolique de Jean-Claude Dusse, une nouvelle étape dans la carrière respective de Michel Blanc et de Patrice Leconte, qui se retrouvaient pour leur sixième film en commun après Les Bronzés (1978), Les Bronzés font du ski (1979), Viens chez moi, j’habite chez une copine (1980), Ma femme s’appelle reviens (1981), Circulez y’a rien à voir (1983), leur septième en réalité puisque le comédien avait également signé le scénario et les dialogues des Spécialistes. Ils se retrouveront en 1996 avec Les Grands ducs, puis enfin en 2006 avec Les Bronzés 3 : Amis pour la vie.

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Test Blu-ray / Tandem, réalisé par Patrice Leconte

TANDEM réalisé par Patrice Leconte, disponible en combo DVD/Blu-ray le 21 octobre 2020 chez Pathé.

Acteurs : Gérard Jugnot, Jean Rochefort, Sylvie Granotier, Julie Jézéquel, Jean-Claude Dreyfus, Marie Pillet, Albert Delpy, Philippe Dormoy, Anne-Marie Pisani…

Scénario : Patrice Leconte, Patrick Dewolf

Photographie : Denis Lenoir

Musique : François Bernheim

Durée : 1h30

Année de sortie : 1987

LE FILM

Michel Mortez anime depuis 25 ans un jeu radiophonique, « La langue au chat ». Cabotin saltimbanque, il ne vit plus que pour et par son émission et le public des villes qu’il traverse. Sa vie ne serait que vide et solitude s’il n’y avait Bernard Rivetot, qui lui sert d’homme à tout faire ! Mortez tutoie Rivetot qui le vouvoie, tout en surveillant les excès d’orgueil ou de boisson de son patron. Un jour, Bernard apprend que sa direction de la station va supprimer l’émission. Bouleversé, Rivetot tait la nouvelle à Mortez, en attendant le moment opportun…

Difficile pour un réalisateur de se lancer un nouveau challenge après avoir rassemblé plusieurs millions de spectateurs dans les salles. En 1985, Les Spécialistes de Patrice Leconte attire 5,3 millions de français au cinéma, ce qui le place sur la troisième marche du podium cette année-là derrière les dix millions de Trois hommes et un couffin et les 5,8 millions de Rambo 2 : la mission. Plutôt que de rechercher un nouveau succès à tout prix et facilement, le cinéaste décide d’aller au contraire vers quelque chose de diamétralement opposé, un tout petit film, une équipe réduite, une comédie mélancolique, un road-movie inattendu qui se concentre sur un nouveau duo d’acteurs, Jean Rochefort (déjà présent dans le premier long métrage du réalisateur, Les Vécés étaient fermés de l’intérieur) et Gérard Jugnot. Tandem est un nouveau tournant dans la carrière de Patrice Leconte, dont l’immense sensibilité éclate cette fois au grand jour, comme s’il était temps pour lui à désormais 40 ans de trouver un nouveau langage cinématographique, qui exprimerait une nouvelle facette de sa personnalité. Merveilleux film, doux, tendre, drôle, émouvant et désabusé, pourtant optimiste, Tandem est sans doute l’oeuvre du réalisateur qui lui ressemble le plus.

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Test Blu-ray / Par un beau matin d’été, réalisé par Jacques Deray

PAR UN BEAU MATIN D’ÉTÉ réalisé par Jacques Deray, disponible en combo DVD/Blu-ray le 21 octobre 2020 chez Pathé.

Acteurs : Jean-Paul Belmondo, Sophie Daumier, Geraldine Chaplin, Gabriele Ferzetti, Georges Géret, Akim Tamiroff, Claude Cerval, Adolfo Celi, Jacques Monod…

Scénario : M. Andriard, Georges Bardawil, Jacques Deray, Maurice Fabre, Didier Goulard, Arturo Rígel, Michel Audiard d’après un roman de James Hadley Chase

Photographie : Juan Julio Baena, Jean Charvein

Musique : Michel Magne

Durée : 1h49

Année de sortie : 1965

LE FILM

Francis et sa sœur Monique vivent de petites magouilles sur la Côte d’Azur. Monique attire des hommes dans sa chambre où Francis fait irruption peu de temps après leur arrivée : pris sur le fait, « les pigeons » doivent payer pour conserver leur réputation. Las de leurs combines, ils acceptent de participer à un kidnapping en Espagne qui devrait leur rapporter des millions. Il s’agit d’enlever la fille d’un richissime Américain.

Après avoir fait ses débuts en tant que comédien, Jacques Desrayaud alias Jacques Deray (1929-2003) devient assistant sur les tournages de Gilles Grangier, Luis Buñuel et Jules Dassin. En 1960, il écrit et réalise son premier film, Le Gigolo, drame psychologique interprété par Jean-Claude Brialy et Alida Valli. Ses deux films suivants, Rififi à Tokyo et Symphonie pour un massacre sortent la même année, en 1963, à quelques mois d’intervalle. Si le premier est un film policier intégralement tourné au Japon, le second est une vraie claque, un polar dans la tradition du film noir américain, qui se déroule entre la France et la Belgique. Un fabuleux exercice de style, un chef d’oeuvre du genre malheureusement oublié aujourd’hui, qui offrait à Jean Rochefort son premier grand rôle dramatique. Ce troisième film atteint presque la barre des 900.000 entrées, un joli score pour le réalisateur, par ailleurs équivalent à ses deux précédents opus. Jacques Deray souhaite continuer sur cette lancée et jette son dévolu sur un roman du britannique James Hadley Chase, auteur dont les œuvres sont souvent jugées inadaptables, qui aura pourtant largement inspiré les cinéastes comme Julien Duvivier, Denys de La Patellière, Henri Verneuil, Joseph Losey, Robert Aldrich et Patrice Chéreau. Pas moins d’une demi-douzaine de scénaristes sont crédités au générique de Par un beau matin d’été, même si l’on retiendra principalement la mention de Michel Audiard aux dialogues. Si Symphonie pour un massacre bénéficiait de l’écriture de José Giovanni et de Claude Sautet, ce n’est pas le cas ici et le récit peine à trouver un souffle et s’enlise parfois dans une intrigue quelque peu fourre-tout, comme si la collaboration Deray-Audiard n’aboutissait jamais vraiment. Pour cela, il faudra attendre les années 1980 avec Le Marginal (1983) et On ne meurt que deux fois (1985), ce dernier étant sorti à titre posthume. Ceci dit, Par un beau matin d’été conserve un intérêt surtout au niveau de son casting on ne peut plus attractif avec Jean-Paul Belmondo entouré des deux belles Sophie Daumier et surtout Geraldine Chaplin dans son premier vrai rôle à l’écran, treize ans après son apparition dans Les Feux de la rampeLimelight (1952) réalisé par son père. Ajoutez à cela une atmosphère très réussie avec une action se déroulant sous une chaleur écrasante et vous obtenez un polar inclassable, qui oscille parfois entre la comédie dans sa première partie et le drame psychologique dans la seconde. Par un beau matin d’été reste une curiosité, surtout pour les cinéphiles.

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