Test Blu-ray / Gas-oil, réalisé par Gilles Grangier

GAS-OIL réalisé par Gilles Grangier, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 10 septembre 2021 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Jean Gabin, Jeanne Moreau, Ginette Leclerc, Gaby Basset, Marcel Bozzuffi, Henri Cremieux, Robert Dalban, Albert Dinan, Roger Hanin, Camille Guerini, Jean-Marie Rivière, Jean Lefèbvre, Jacques Marin…

Scénario : Michel Audiard & Gilles Grangier, d’après le roman de Georges Bayle

Photographie : Pierre Montazel

Musique : Henri Crolla

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Alors qu’il fait nuit noire et qu’il pleut à verse, le camion de Jean Chappe roule sur un corps étendu sur la chaussée, à côté de sa voiture. Cet homme avait participé quelques heures auparavant à un braquage sanglant. Ses complices retrouvent Jean et tentent de l’intimider, pensant qu’il a récupéré le butin du braquage lors de l’accident.

Comme nous le disions dans la chronique de Chiens perdus sans collier, 1955 est l’année où Jean Gabin redevient le roi du box-office, en cumulant 21 millions de spectateurs avec six films sortis de façon très rapprochée, Napoléon de Sacha Guitry, Razzia sur la chnouf de Henri Decoin, Le Port du désir de Edmond T. Gréville, French Cancan de Jean Renoir, Gas-oil de Gilles Grangier et donc Chiens perdus sans collier de Jean Delannoy. Le comédien est un caméléon, capable d’enfiler le bleu de travail d’un ouvrier ou le costume trois-pièces d’un notable, avec le même talent et la même virtuosité pour se fondre dans le personnage, tout en conservant la même aura. Dans Gas-oil, il interprète un camionneur, profession qu’il retrouvera l’année suivante dans Des gens sans importance de Henri Verneuil, et s’associe à nouveau avec le metteur en scène de La Vierge du Rhin (1953), avec lequel il tournera à douze reprises, dont Archimède le clochard (1959), leur plus gros succès. Gas-oil reste important à plus d’un titre puisqu’il s’agit de la première collaboration cinématographique entre Jean Gabin et Michel Audiard, le scénariste s’inspirant du roman Du raisin dans le gaz-oil, série noire de Georges Bayle. Le « Vieux » trouve ici un rôle taillé sur mesure, aussi à l’aise derrière le volant de son 15 tonnes que face à Roger Hanin et à ses sbires ou se faisant tout petit face à Jeanne Moreau en déshabillé. On admire Jean Gabin, la clope au bec dès 5h du matin, se faisant réchauffer le café préparé la veille au soir, allant vérifier les niveaux et mettre le moteur en route alors que le thermomètre affiche des températures négatives. Ce polar demeure non seulement un excellent divertissement, mais il se voit également aujourd’hui comme le témoignage d’un temps révolu, donnant parfois au film de Gilles Grangier un aspect documentaire. Un très bon cru.

Jean Chape est conducteur de poids lourd depuis vingt-cinq ans. Habitant un village d’Auvergne et familier du Relais tenu par Serin, il passe régulièrement par un petit village de la région parisienne où il a une liaison avec une jeune institutrice prénommée Alice. Ce jour-là, Jean lui apporte un cadeau acheté à Paris pour son anniversaire, dîne avec elle et repart au petit matin sous une pluie battante. Mais, quelques kilomètres après le village, il aperçoit une voiture arrêtée à la sortie d’un virage. Un homme est étendu sur le sol. Malgré une manoeuvre habile, le camion ne peut l’éviter. Jean revient chez Alice, persuadé d’avoir provoqué un accident, alors qu’en réalité, il est passé sur le cadavre d’un gangster tué quelque temps auparavant par ses complices. Alice le réconforte et lui conseille de prévenir les gendarmes. Mais Jean préfère garder le silence pour ne pas dévoiler sa liaison…

Un petit air d’accordéon ouvre Gas-oil, une musique d’Henri Crolla (Une parisienne de Michel Boisrond, Et ta sœur de Maurice Delbez), le générique défile et l’on y reconnaît quelques noms connus comme un certain Jacques Deray, qui officie en tant qu’assistant, parfois mal orthographiés comme « Jean Lefèvre ». On est ici en terrain connu, le genre de film devant lequel on se sent bien. Puis gros plan sur un réveil réglé sur 4h55. Un homme, Jean, se réveille, enfile ses chaussons bien alignés et prêts à l’accueillir dès le saut du lit. La routine, le train-train, été comme hiver, d’ailleurs il n’y a plus de saison puisqu’il gèle dehors et nous sommes au mois de juin. Le personnage principal, que nous ne quitterons quasiment pas d’une semelle se prépare pour enquiller 500 bornes jusqu’à Paris, tandis que ses collègues arrivent pour partager le fond restant de la cafetière. Parallèlement, un hold-up se déroule sur la capitale. Les 50 millions provenant de la paie des ouvriers de la CNCA sont volés par une bande bien organisée. Mais alors que l’argent passe de main en main pour être planqué, celui en charge du butin disparaît. Cet homme « croisera » la route de Jean, qui deviendra alors traqué par les anciens complices du voleur…

On reconnaît bien là la patte de Gilles Grangier, bien loin d’être un simple faiseur, qui savait instaurer un climat, une ambiance, une atmosphère, un parfum. Dans Gas-oil, on ressent l’odeur des moteurs qui tressautent, celui du beaujolais versé aux routiers lors d’une de leurs escales ou qui accompagne le lièvre du dimanche, celui de la craie et de l’encre d’une petite salle de classe, celui de la poudre lors des échanges de coups de feu. Considéré comme un véritable document sociologique, comme un bon nombre d’autres opus de la filmographie du réalisateur, Gas-oil plonge un personnage de tous les jours dans une situation extraordinaire. Jean Gabin a peu à faire pour être crédible à bord de son Willème LD 610, juste à enfiler sa salopette et sa chemise à carreaux en flanelle, la magie opérant alors instantanément. Le comédien se délecte de ses répliques, se les approprie et une grande amitié naît sur le plateau avec Michel Audiard. Outre Gabin, Jeanne Moreau et Roger Hanin, on reconnaîtra le génial Jacques Marin, Ginette Leclerc (Le Corbeau, Les Amants du Tage, La Femme du boulanger), Henri Crémieux, Gaby Basset, Marcel Bozzuffi et Robert Dalban, éternels seconds ou troisièmes rôles, les « indispensables » du cinéma français. La séquence finale où les camionneurs du coin décident de se substituer à la police et s’unissent pour tendre un guet-apens aux malfrats sur les routes qu’ils connaissent par coeur reste un très grand moment.

Tous ces nombreux atouts font de Gas-oil un polar rural bien troussé, élégant (belle photo de Pierre Montazel), au rythme lent, mais maîtrisé, qui se déguste encore du début à la fin près de soixante-dix ans après sa sortie.

LE MEDIABOOK

Quasiment six mois après la vague 7, Coin de Mire Cinéma fait son grand retour avec la vague 8 ! Six nouveaux titres viennent compléter cette immense collection de La Séance, à savoir Chiens perdus sans collier (1955) de Jean Delannoy, Gas-oil (1955) et Train d’enfer (1965) de Gilles Grangier, Le Grand Chef (1958) de Henri Verneuil, Le Rapace (1968) et Dernier domicile connu (1969) de José Giovanni, tous désormais disponibles en Édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret ! Gas-oil a tout d’abord été édité en DVD chez René Chateau, avant d’intégrer le catalogue de TF1 Studio en 2015. Comme Archimède le clochard et Maigret voit rouge, le film de Gilles Grangier atterrit dans la musette de Coin de Mire Cinéma, et se voit dorénavant estampillé de la mention La Séance. Nous ne sommes pas peu fiers de fêter aujourd’hui la 45e chronique consacrée aux éditions Coin de Mire, avec lesquelles nous collaborons depuis le tout premier titre.

Comme pour tous les titres Coin de Mire Cinéma, L’édition de Gas-oil prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la bio-filmographie de Gilles Grangier avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, et la reproduction en fac similé des matériels publicitaires et promotionnels, à l’instar de coupures de presse diverses, d’affiches d’exploitations européennes et japonaises, d’articles de presse. Le menu principal est fixe et musical.

Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce du film Chiens perdus sans collier, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores.

Maintenant que vous êtes bien installés dans votre fauteuil, que diriez-vous de faire un point sur ce qui passait dans le monde en cette 45e semaine de l’année 1955 ? (8’). Jacques Anquetil réalisait à Milan le record de l’heure, détenu depuis 1942 par l’Italien Fausto Coppi, en Arizona des spécialistes du lancement de roquettes effectuaient un exercice de tir à plus de 650 kilomètres à l’heure, à Buenos Aires les argentins faisaient la queue pour admirer le trésor privé de Perón, l’Opéra de Pékin triomphait à Rome, à Alger Alain Mimoun battait le record de France de l’heure, l’équipe de France de football visitait le métro de Moscou, en France on fêtait le jumelage entre la ville de Neuilly-sur-Seine et Windsor, tandis que Dwight David Eisenhower recevait la presse pour la première fois depuis sa crise cardiaque survenue le 24 septembre.

Envie de sucré avant le film ? Ne perdez pas une seule seconde et allez acheter quelques bonbons La Pie qui chante ou les chocolats glacés Huskis, puis lavez-vous les mains avec le savon Monsavon, pour votre épouse n’oubliez pas d’acheter une gaine Scandale en sortant du cinéma et de reprendre du café La Créole afin d’éviter une scène de ménage en rentrant…(9’).

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces, dont celle de Gas-oil.

L’image et le son

La deuxième collaboration Gilles Grangier-Jean Gabin nous apparaît en édition HD restaurée en 4K par TF1 Vidéo, à partir du négatif original. Et voilà un Blu-ray qui en met souvent plein les yeux avec une définition qui laisse pantois. Le nouveau master HD au format 1080p/AVC ne cherche jamais à atténuer les partis pris esthétiques originaux. La copie se révèle souvent étincelante et pointilleuse en terme de piqué (les scènes en extérieur), de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux, richesse des gris), de détails ciselés et de relief. La propreté de la copie est sidérante, la stabilité est de mise, la photo retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Les fondus enchaînés sont également fluides, sans aucun décrochage. Il serait difficile de faire mieux sans que cela dénature les volontés artistiques.

Piste mono DTS HD-Master Audio. Si quelques très légères saturations et divers chuintements sont constatés, l’écoute se révèle équilibrée. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Les dialogues sont dans l’ensemble clairs, dynamiques. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : ©Intermondia Films / TF1 Studio / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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