THE SHADOW réalisé par Russell Mulcahy, disponible en DVD et Blu-ray le 5 octobre 2021 chez L’Atelier d’Images.
Acteurs : Alec Baldwin, John Lone, Penelope Ann Miller, Peter Boyle, Ian McKellen, Tim Curry, Jonathan Winters, Sab Shimono…
Scénario : David Koepp, d’après les romans de Walter B. Gibson
Photographie : Stephen H. Burum
Musique : Jerry Goldsmith
Durée : 1h48
Date de sortie initiale : 1994
LE FILM
Autrefois criminel violent et sanguinaire semant la terreur au Tibet, Lamont Cranston, désormais repenti, a appris à maîtriser sa part d’ombre pour vaincre le mal et protéger New York des malfaiteurs grâce à ses nombreux pouvoirs. Sous le nom de The Shadow, il se bat toutes les nuits contre le crime pour faire régner l’ordre et la justice sur la ville. Mais le quotidien du héros légendaire est perturbé lorsque son ennemi juré Shiwan Khan, doté des mêmes pouvoirs, refait surface en menaçant de tout détruire à l’aide d’une bombe atomique. L’affrontement est inévitable…
Peu connu en France, The Shadow est pourtant la principale inspiration de Bob Kane pour Batman en 1939. Créé par Walter B. Gibson sous le pseudo de Maxwell Grant au début des années 1930, juste après la crise de 1929, ce personnage devient le héros de près de 300 romans et nouvelles pulps durant près de vingt ans, ainsi que le protagoniste d’un célèbre feuilleton radiophonique avec la voix d’Orson Welles, de comics, d’un feuilleton télévisé et de sept films produits par la Columbia. The Shadow a pratiquement disparu de la circulation pendant près d’un demi-siècle, quand il réapparaît soudainement dans le paysage cinématographique hollywoodien en 1994. Au début des années 1990, le triomphe international du Batman de Tim Burton donne quelques idées aux réalisateurs et producteurs qui vont suivre ce nouvel engouement, à l’instar de Sam Raimi avec Darkman, Albert Pyun avec Captain America, ainsi que la trilogie Tortues Ninja. Deux films se distinguent en 1990-1991, Dick Tracy de Warren Beatty et The Rocketeer de Joe Johnston, d’après l’œuvre de Dave Stevens, qui proposaient déjà un retour aux années 1930-40 et jouaient sur une ambiance et un décor vintage. The Shadow est comme qui dirait une synthèse de ces deux précédents longs-métrages et parvient à s’en distinguer à travers la mise en scène inspirée de l’excellent Russell Mulcahy (Razorback, Highlander), qui sortait de L’Affaire Karen McCoy – The Real McCoy, dans lequel il dirigeait Kim Basinger. Dans The Shadow, il collabore cette fois avec l’époux de cette dernière, Alec Baldwin, qui enchaînait alors les tournages de Malice de Harold Becker et Guet-apens – The Getway de Roger Donaldson, juste avant d’enfiler le costume crasseux de sueur de Dave Robicheaux dans le génial Vengeance froide – Heaven’s Prisoners de Phil Joanou. L’acteur s’impose sans mal dans le rôle-titre et campe un parfait justicier ambigu, luttant contre ses propres démons, lancé sur le chemin de la rédemption en traquant la racaille de New York. Doté d’un budget plutôt confortable de 40 millions de dollars, The Shadow n’a connu qu’un succès relatif à sa sortie durant l’été 1994. Malheureusement pour lui, la concurrence était rude, Le Roi Lion, Forrest Gump, True Lies, The Mask, Speed, Danger immédiat n’ayant fait qu’une bouchée de ce film que personne n’attendait vraiment. Pourtant, The Shadow est une œuvre de qualité, très soignée sur la forme avec de superbes décors, des costumes très élégants, un casting solide également composé de la divine Penelope Ann Miller, Ian McKellen, Peter Boyle, John Lone et Tim Curry, sans oublier la magistrale partition de Jerry Goldsmith. Les années ont passé, The Shadow a su trouver son public et birn que certains effets spéciaux aient pris un gros coup de vieux, le charme serial opère.
Lamont Cranston n’a pas toujours été un héros. Au Tibet, peu après la Première Guerre mondiale, il était craint sous le nom de Yin-Ko (« aigle sombre » en dialecte mandarin), pillant villages et prospérant grâce au commerce de l’opium. Un jour, un saint homme nommé Tulku le mène vers la voie de la rédemption en lui apprenant comment utiliser la part maléfique de son âme, son « ombre », pour venir à bout du mal. Sept ans plus tard, il combat le crime à New York, sous le nom de The Shadow. Ses pouvoirs lui permettent notamment de brouiller la vision de ses ennemis. Il s’est constitué un réseau d’informateurs et collaborateurs à travers toute la ville. Lors d’une soirée chic, Lamont rencontre la belle Margo Lane, fille d’un éminent scientifique travaillant pour l’armée, le Dr. Reinhardt Lane. Pendant ce temps, le musée d’histoire naturelle de la ville reçoit un mystérieux sarcophage abritant Shiwan Khan, dernier descendant de Genghis Khan. Lui-aussi formé par Tulku, Khan veut tout d’abord s’associer à Lamont Cranston pour contrôler le monde comme son illustre ancêtre. Mais le Shadow n’est pas de cet avis.
Difficile pour les cinéphiles de ne pas penser à Batman, à son univers, à ses personnages, aux décors du film de Tim Burton, y compris à la musique de Danny Elfman quand retentit le thème principal concocté par le maestro Goldsmith. Lamont Cranston n’est pas Bruce Wayne, bien qu’il partage avec le héros de Bob Kane de très nombreux points communs, même si rétrospectivement, c’est le second qui s’inspirera du premier. On peut aujourd’hui voir ces deux longs-métrages comme des films-miroirs, avec ce héros masqué régnant sur New York (ou Gotham City, c’est selon), poursuivant les criminels et les assassins. S’il en fait un peu des caisses dans la toute première partie, quand Cranston joue au chef de guerre chinois sanguinaire, Alec Baldwin, 35 ans, est ensuite impeccable, autant dans la peau du playboy gominé plein aux as que dans celle du Shadow, dont le faciès ressemble à la marionnette d’Eric Cantona aux Guignols de l’Info. Tout va pour le mieux pour ce dernier, qui a fort à faire, mais qui s’en sort grâce à ses complices, d’anciennes victimes qu’il a pu sauver et avec lesquelles il garde contact, jusqu’à ce que son pire ennemi arrive, doté des mêmes pouvoirs que lui, qui lui renvoie sa propre image. D’ailleurs, l’affrontement final aura lieu dans une galerie des glaces où les reflets se multiplient à l’infini et où Cranston devra se concentrer pour pouvoir les briser, afin de mettre son ennemi à terre, se débarrasser du mal qui le ronge et ce qu’il a fait dans son ancienne vie.
Mené sur un rythme trépident, The Shadow repose sur un scénario riche en rebondissements, en action et en aventures du brillant David Koepp, qui avait alors le vent en poupe après avoir signé tour à tour La Mort vous va si bien – Death Becomes Her de Robert Zemeckis, Jurassic Park de Steven Spielberg et L’Impasse – Carlito’s Way de Brian De Palma. Autant dire que The Shadow possède de très nombreux atouts – à l’instar de la photographie de Stephen H. Burum (Rusty James, L’Esprit de Caïn, Retour vers l’enfer) – qui participent à la belle réussite de cette proposition singulière, séduisante, efficace et ultra-divertissante de « film noir de super-héros ».
Pour Pierre Antoine.
LE BLU-RAY
Revoilà The Shadow dans les bacs ! Le film de Russell Mulcahy a toujours bénéficié d’une édition DVD et ce depuis l’an 2000 chez Universal Pictures, qui l’a ensuite réédité à plusieurs reprises jusqu’en 2010. Depuis, nous étions sans nouvelles de The Shadow. L’Atelier d’Images s’est chargé de ce retour dans une nouvelle mouture Standard et pour la première fois en France en Haute-Définition. Cette édition Collector Blu-ray est présentée sous la forme d’un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche française d’exploitation. Le menu principal est très légèrement animé sur la sublime score de Jerry Goldsmith.
On commence les festivités par le making of d’époque (9’20), composé d’images de tournage et d’interviews du producteur Martin Bregman, du réalisateur Russell Mulcahy, des comédiens et du scénariste David Koepp. Entièrement promotionnel, ce document revient brièvement sur les personnages, sur l’histoire et sur la création des décors.
Le bonus intitulé Derrière la caméra (19’) est en fait une compilation d’images de tournage brutes, sans commentaires et par ailleurs non sous-titrées en français. A noter que ce bonus, ainsi que le précédent, étaient déjà disponibles sur l’édition HD sortie en Allemagne chez Koch Media.
L’Atelier d’images reprend le supplément rétrospectif de 24 minutes, disponible sur l’édition Shout Factory. Enregistrés en 2014, ces entretiens avec Russell Mulcahy, Alec Baldwin, David Koepp, Joseph C. Nemic III (production designer), Stephen H. Burum (directeur de la photographie) et Penelope Ann Miller permettent de voir que l’équipe du film garde de très bons souvenirs de The Shadow, chacun étant visiblement heureux d’en reparler vingt ans après.
L’éditeur a confié la présentation de The Shadow à Océane Zerbini (15’), un nouveau visage dans l’univers du DVD, fondatrice du podcast « The Lemon Adaptation Club », officiant entre autres sur le site Les Chroniques de Cliffhanger & Co. La spécialiste en Pop Culture s’en sort bien et présente tous les aspects de The Shadow, son origine (le feuilleton radiophonique, les romans, les comics…), son succès durant une vingtaine d’années, avant d’en venir plus longuement et plus précisément sur le film qui nous intéresse aujourd’hui. The Shadow de Russell Mulcahy est donc abordé sous tous les angles, les anciens projets de transposition au cinéma (le nom de Robert Zemeckis a circulé un moment), l’adaptation de David Koepp, le casting, les costumes, le réalisateur, ainsi que la sortie difficile du film face à une concurrence impitoyable et des critiques injustement assassines. Océane Zerbini ne cherche pas à faire oublier les points faibles de The Shadow, en l’occurrence les effets spéciaux qui ont vieilli ou l’impression que le film laisse un goût d’inachevé car trop limité en terme de budget ou en raison du ton adopté, ni trop sombre pour ne pas perdre une grande partie des spectateurs, ni trop d’humour afin de respecter au mieux le matériel original.
Océane Zerbini revient dans le bonus suivant pour analyser une séquence (3’30), celle du cauchemar de Lamont Cranston, où celui-ci se voit en train d’arracher son visage pour révéler celui de Shiwan Khan. Armée de sa tablette, la journaliste revient une fois de plus sur ce que le film aurait pu être si le ton global avait été du même acabit que cette scène sombre.
On poursuit avec un court-métrage réalisé par George Cochrane en 1931, A Burglar to the Rescue (22’), tiré d’une des aventures de The Shadow. L’histoire est celle d’un directeur de banque qui a volé son propre établissement. Une nuit, alors qu’il travaille sur les livres de comptes pour couvrir ses crimes, un visiteur armé débarque. Ce dernier est un condamné évadé, ancien employé de la banque, emprisonné à tort à la place de son supérieur. The Shadow commente cette confrontation.
L’interactivité se clôt sur 4 spots TV et deux bandes-annonces.
L’Image et le son
L’Atelier d’images a vraisemblablement repris le même master HD proposé aux Etats-Unis chez Shout Factory en 2014, qui supplantait celui édité par Universal l’année précédente. Un Blu-ray au format 1080p qui s’en sort bien et qui offre un écrin élégant à The Shadow, le master provenant de la restauration complète d’un interpositif. La texture argentique est très présente, le grain étant même parfois très épais, pour ne pas dire grumeleux, surtout sur les séquences sombres ou à effets spéciaux avec les images de synthèse qui ont pris quelques rides ou les divers matte painting…L’ensemble n’est certes pas parfait, quelques poussières et griffures subsistent, mais honnêtement, nous sommes heureux de posséder enfin The Shadow, film que nous adorons depuis toujours, dans de belles conditions. Les couleurs demeurent le point fort de cette copie et ce dès le début du film. Si la carnation tire un peu sur le rosé (un défaut récurrent pour les œuvres des années 1990), les contrastes sont au beau fixe, la clarté de mise, les gros plans ne manquent pas de détails, tout comme les costumes, à l’instar du velours et de la soie pour The Shadow, ou bien encore les éléments brillants de l’armure de Khan. Un transfert digne de ce nom pour cette madeleine.
C’est du grand spectacle en anglais comme en français, présentée en DTS-HD Master Audio 5.1, qui créent une bonne et solide spatialisation du début à la fin. The Shadow est généreux en scènes d’action et de ce point de vue-là, les enceintes assurent avec un beau balancement entre les frontales et les latérales, tandis que le caisson de basses en profite pour faire parler de lui. A noter que l’éditeur propose aussi une piste anglaise Auro-3D 13.1.