Test Blu-ray / La Double vie de Véronique, réalisé par Krzysztof Kieślowski

LA DOUBLE VIE DE VÉRONIQUE réalisé par Krzysztof Kieślowski, disponible en DVD et Combo Blu-ray + 4K UHD le 7 décembre 2021 chez Potemkine Films.

Acteurs : Irène Jacob, Halina Gryglaszewska, Kalina Jedrusik, Aleksander Bardini, Wladyslaw Kowalski, Jerzy Gudejko, Janusz Sterninski, Philippe Volter…

Scénario : Krzysztof Kieślowski & Krzysztof Piesiewicz

Photographie : Slawomir Idziak

Musique : Zbigniew Preisner

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 1991

LE FILM

«  J’ai l’impression que je ne suis pas seule » chuchote Weronika à son père, un soir, dans une petite ville de Pologne. La jeune fille chante avec une voix étrange, presque irréelle. Plus tard, elle aperçoit sur la place du Marché de Cracovie celle qui pourrait être son double : Véronique. Mais un accident de coeur foudroie Weronika lors d’un concert. En France, Véronique éprouve une douleur violente. Elle sent comme une absence. Puis des signes étranges surviennent : appels nocturnes, courriers et même une énigmatique cassette d’indices sonores…

Quel film merveilleux ! Une histoire d’amour, sur les trésors précieux de l’existence, sur le destin, la fatalité. Krzysztof Kieślowski (1941-1996) atteint le sublime avec La Double vie de Véronique. Le cinéaste polonais nous fait pénétrer dans la sphère intime de Véronique / Weronika, ou l’histoire d’une vie qui continue, quittant un être pour se perpétuer dans le corps et l’âme d’un autre. Kieslowski prend la main du spectateur et l’entraîne dans un univers charnel, rempli de désirs où l’être humain doit se fier aux signes et aux moindres détails qui jonchent son parcours. Hypnotique par sa fascinante musique signée Zbigniew Preisner, La Double vie de Véronique est construit autour des sensations, des impressions, avec une virtuosité et une pureté des images de chaque instant, rarement atteintes au cinéma. Comment ne pas tomber amoureux d’Irène Jacob ? La jeune comédienne récompensée par le prix d’interprétation à Cannes en 1991 élève le film vers l’irrationnel, incarne la fragilité à l’état pur, comme celle du cristal. Radieuse, lumineuse, elle devient alors fantasme intouchable, toujours auréolée d’une aura quasi-surnaturelle. Jamais les mystères de l’âme humaine n’auront été aussi troublants et l’on sort du film bouleversé, convaincu qu’un être sur Terre nous ressemble physiquement, psychologiquement. Beaucoup de sentiments passent par le non-dit et l’atmosphère érotico-sensuelle, qui nous font aimer le cinéma. Comment résumer la plus belle scène du film, où Weronika rend son dernier souffle durant l’envolée lyrique du récital, au même moment où Véronique se perd dans un orgasme ? Où l’on ressent une âme s’envoler vers un autre corps…La Double vie de Véronique est un film touché par la grâce, une expérience unique, une époustouflante ode à la vie, riche en symboles, sur la quête de soi. Un chef d’oeuvre absolu et sophistiqué sur les coïncidences, les intuitions, les connexions immatérielles et pourtant réelles entre les individus. Intemporel, envoûtant, furieusement poétique et mélancolique.

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Test DVD / Mon année à New York, réalisé par Philippe Falardeau

MON ANNÉE À NEW YORK (My Salinger Year) réalisé par Philippe Falardeau, disponible en DVD le 6 janvier 2022 chez Metropolitan Video.

Acteurs : Margaret Qualley, Sigourney Weaver, Douglas Booth, Seána Kerslake, Brían F. O’Byrne, Colm Feore, Théodore Pellerin, Yanic Truesdale…

Scénario : Philippe Falardeau, d’après le livre de Joanna Smith Rakoff

Photographie : Sara Mishara

Musique : Martin Léon

Durée : 1h37

Année de sortie : 2020

LE FILM

1995. Joanna, jeune femme aspirant à devenir écrivain, quitte la Californie et son petit ami, Karl, pour aller s’installer à New York. Elle trouve un emploi au sein d’une agence littéraire réputée, dirigée par Margaret, qui la charge de répondre aux courriers adressés à l’écrivain J. D. Salinger, client de l’agence. Au lieu de renvoyer une réponse type, Joanna commence à écrire des courriers personnalisés à certains admirateurs. Par ailleurs, elle rencontre Don et accepte de s’installer avec lui…

Nous avions découvert le cinéaste québécois Philippe Falardeau en 2006 avec l’excellent Congorama. Si son film suivant, C’est pas moi, je le jure ! n’avait malheureusement pas bénéficié d’une sortie dans les salles françaises, Monsieur Lazhar s’était vu très largement récompensé en 2011, notamment par 7 Jutras, les équivalents québécois de nos Césars. Le réalisateur s’est souvent démarqué avec ses œuvres sensibles et délicates, mais aussi son humour décalé comme c’était le cas avec le méconnu et pourtant hilarant Guibord s’en va-t-en guerre, interprété par les explosifs Patrick Huard et Suzanne Clément. Six ans après un biopic consacré au boxeur Chuck Wepner, Outsider, Philippe Falardeau fait donc son retour avec Mon année à New York, librement adapté du livre autobiographique de Joanna Rakoff, My Salinger Year, et dirige rien de moins que la grande Sigourney Weaver et la lumineuse Margaret Qualley. Si la comparaison avec Le Diable s’habille en Prada et A la rencontre de Forrester semble inévitable, on oublie rapidement ce parallèle avec le film de David Frankel et celui de Gus Van Sant, car le cinéaste trouve un ton et une ambiance quasi-anachroniques, délicieusement rétros, comme si le temps s’était arrêté au début des années 1960, à l’image du bureau où officient nos deux protagonistes. L’ombre de J.D. Salinger plane évidemment sur tout le film, il y « apparaît » d’ailleurs à plusieurs reprises, à travers sa voix ou sa silhouette, mais Mon année à New York est avant tout le récit initiatique d’une jeune femme, qui en rencontrant son mentor, va non seulement découvrir le monde du travail, mais aussi décider de suivre sa passion, écrire. Très joli film, classique dans la forme, mais efficace, Mon année à New York, qui a fait l’ouverture de la Berlinale en 2020, repose sur l’excellence de son casting et des personnages attachants.

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Test DVD / Un triomphe, réalisé par Emmanuel Courcol

UN TRIOMPHE réalisé par Emmanuel Courcol, disponible en DVD le 4 janvier 2022 chez Memento Films.

Acteurs : Kad Merad, David Ayala, Lamine Cissokho, Sofian Khammes, Pierre Lottin, Wabinlé Nabié, Aleksandr Medvedev, Saïd ‘Benco’ Benchnafa, Marina Hands, Laurent Stocker, Mathilde Courcol-Rozès, Catherine Lascault…

Scénario : Emmanuel Courcol, Thierry de Carbonnières & Khaled Amara

Photographie : Yann Maritaud

Musique : Fred Avril

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Un acteur en galère accepte pour boucler ses fins de mois d’animer un atelier théâtre en prison. Surpris par les talents de comédien des détenus, il se met en tête de monter avec eux une pièce sur la scène d’un vrai théâtre. Commence alors une formidable aventure humaine.

Après le triomphe international de Bienvenue chez les Ch’tis en 2008 et son César du meilleur acteur dans un second rôle reçu en 2007 pour sa grande prestation dans Je vais bien, ne t’en fais pas de Philippe Lioret, Kad Merad a été partout. A la télévision (Baron Noir évidemment), dans des publicités (même encore aujourd’hui), dans toutes les émissions possibles et imaginables (sauf Chasse et pêche, et encore), mais aussi et surtout au cinéma, tournant parfois jusqu’à cinq films par an, faisant des caméos ici et là, passant derrière la caméra à la trois reprises, se moquant de lui-même dans Mais qui a re-tué Pamela Rose ?, qu’il a coréalisé avec son complice Olivier Baroux, quand une jeune femme lui déclare « Tu tournes trop ! ». Des gros succès au box-office, il y en a eu (Safari, Le Petit Nicolas, L’Immortel, L’Italien, La Fille du puisatier, La Nouvelle guerre des boutons, Supercondriaque…), des bides aussi (Des gens qui s’embrassent, Disparue en hiver, On voulait tout casser, La Mélodie, Comme des rois, Just a Gigolo)…Depuis quelques films, le comédien connaît un revers au box-office et les opus le plaçant en tête d’affiche n’ont pas vraiment brillé auprès des spectateurs. On note qu’il semble se spécialiser dans les rôles de mentor, de passeur ou d’entraîneur, comme dernièrement dans La Mélodie de Rachid Hami, Comme des rois de Xabi Molia et Une belle équipe de Mohamed Hamidi. C’est encore le cas dans Un triomphe d’Emmanuel Courcol, dans lequel il retrouve de sa superbe et l’un de ses plus beaux rôles. Porté par une critique dithyrambique, ce film très attachant n’a pas connu le succès espéré avec un peu plus de 300.000 entrées et méritait bien plus. Sa sortie en DVD et ses futures diffusions à la télévision devraient lui redonner une deuxième chance, ce qu’il mérite amplement.

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Test DVD / Les Amours d’Anaïs, réalisé par Charline Bourgeois-Tacquet

LES AMOURS D’ANAÏS réalisé par Charline Bourgeois-Tacquet, disponible en DVD le 6 janvier 2022 chez France Télévisions Distribution.

Acteurs : Anaïs Demoustier, Valeria Bruni Tedeschi, Denis Podalydès, Jean-Charles Clichet, Xavier Guelfi, Christophe Montenez, Anne Canovas, Bruno Todeschini…

Scénario : Charline Bourgeois-Tacquet

Photographie : Noé Bach

Musique : Nicola Piovani

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Anaïs a trente ans et pas assez d’argent. Elle a un amoureux qu’elle n’est plus sûre d’aimer. Elle rencontre Daniel, à qui tout de suite elle plaît. Mais Daniel vit avec Émilie… qui plaît aussi à Anaïs. C’est l’histoire d’une jeune femme qui s’agite. Et c’est aussi l’histoire d’un grand désir.

On la découvre au cinéma en 2000 dans Le Monde de Marty de Denis Bardiau, dans lequel elle joue aux côtés de Camille Japy et Michel Serrault. Elle a alors 12 ans. Trois ans plus tard, Michael Haneke lui offre un rôle de choix dans Le Temps du loup, aux côtés d’Isabelle Huppert, Maurice Bénichou et Béatrice Dalle. Puis, en 2006 et 2007, tout s’accélère. On la voit chez Raphaël Jacoulot (Barrage), elle obtient son premier grand rôle chez Isabelle Czajka (L’Année suivante), tâte du divertissement grand public chez James Huth (Hellphone) et Alexandre Leclère (Le Prix à payer), avant de devenir une égérie du cinéma d’auteur hexagonal. En peu de temps, Anaïs Demoustier passera devant la caméra de Christophe Honoré (La Belle personne), Pascal-Alex Vincent (Donne-moi la main), Rebecca Zlotowski (Belle Épine), Robert Guédiguian (Les Neiges du Kilimandjaro), Claude Miller (Thérèse Desqueyroux), Bertrand Tavernier (Quai d’Orsay), Pascale Ferran (Bird People) et bien d’autres. Tout le monde se l’arrache depuis plus de dix ans et elle est devenue l’une de nos comédiennes les plus brillantes et attachantes. Un César de la meilleure actrice viendra la couronner en 2020 pour Alice et le maire de Nicolas Pariser. Les Amours d’Anaïs est une ode à la comédienne née en 1987. Dans le premier long-métrage de Charline Bourgeois-Tacquet (née en 1986), elle est de tous les plans, filmée sous tous les angles, y compris en tenue d’Ève, illumine le cadre comme un rayon de soleil quand elle le traverse de façon fulgurante, la caméra ayant même du mal à la suivre dans sa course folle contre la peur, l’ennui et le réel. Comédie légère et estivale, à la fois burlesque, sentimentale, pour ne pas dire initiatique, Les Amours d’Anaïs est une première œuvre très prometteuse, doublée d’un hommage à l’un des astres du cinéma français hexagonal contemporain.

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Test Blu-ray / La Bête de guerre, réalisé par Kevin Reynolds

LA BÊTE DE GUERRE (The Beast of War) réalisé par Kevin Reynolds, disponible en DVD et Blu-ray le 5 janvier 2022 chez ESC Editions.

Acteurs : George Dzundza, Jason Patric, Steven Bauer, Stephen Baldwin, Don Harvey, Kabir Bedi, Erick Avari, Chaim Jeraffi…

Scénario : William Mastrosimone, d’après sa pièce

Photographie : Douglas Milsone

Musique : Mark Isham

Durée : 1h49

Année de sortie : 1988

LE FILM

En 1981, un détachement soviétique investit un village afghan soupçonné d’abriter des résistants. Après avoir été sommé de parler, un homme est écrasé par un char sous les yeux de sa fille. Les villageois jurent alors de venger leurs morts et se lancent à la poursuite du char. A bord de l’engin, la tension monte entre le commandant Daskal, une véritable brute, et le pilote Koverchenko, en proie au doute.

Attention, film coup de poing ! Juste avant Robin des Bois, prince des voleurs Robin Hood: Prince of Thieves (1991) et bien sûr Waterworld (1995), Kevin Reynolds (né en 1952) signait un coup de maître avec son deuxième long-métrage, La Bête de guerre The Beast of War, réalisé en 1988. Trois ans après son premier coup d’essai, Une bringue d’enfer Fandango, comédie-dramatique dans laquelle il dirigeait pour la première fois Kevin Costner, le cinéaste se penche sur un sujet brûlant, la guerre d’Afghanistan, en se focalisant sur un char russe au début des années 1980. Si l’on oublie le fait que les soviétiques s’expriment dans la langue de Shakespeare, La Bête de guerre est un véritable uppercut, un film de guerre inoubliable, souvent classé dans les hits des plus grands films du genre, qui a pour particularité d’adopter les deux points de vue opposés. Sans doute l’une des chasses à l’homme les plus prenantes et implacables de l’histoire du cinéma.

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Test Blu-ray / Tout s’est bien passé, réalisé par François Ozon

TOUT S’EST BIEN PASSÉ réalisé par François Ozon, disponible en DVD et Blu-ray le 1er février 2022 chez Diaphana.

Acteurs : Sophie Marceau, André Dussollier, Géraldine Pailhas, Charlotte Rampling, Éric Caravaca, Hanna Schygulla, Grégory Gadebois, Judith Magre, Jacques Nolot, Daniel Mesguich, Nathalie Richard

Scénario : François Ozon, d’après le roman d’Emmanuèle Bernheim

Photographie : Hichame Alaouie

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Emmanuèle, écrivaine épanouie, se précipite à l’hôpital. Son père André vient de faire un AVC. Fantasque, aimant passionnément la vie mais diminué, il demande à sa fille de l’aider à en finir. Avec l’aide de sa sœur Pascale, elle va devoir choisir : accepter la volonté de son père ou le convaincre de changer d’avis.

Vingtième long-métrage du prolifique François Ozon mis en scène depuis 1998, Tout s’est bien passé est l’adaptation du roman éponyme d’Emmanuèle Bernheim (décédée en 2017), inspiré de sa propre histoire, qui avait déjà fait l’objet du documentaire Etre vivant et le savoir, réalisé par Alain Cavalier en 2019. Cette dernière, coscénariste de Sous le sable (2000), Swimming Pool (2003), 5×2 (2004) et Ricky (2009), avait proposé au cinéaste de transposer son livre à sa sortie en 2013, mais le réalisateur avait poliment décliné, ne se sentant pas prêt de s’y confronter, ou n’ayant tout simplement pas envie à ce moment de sa propre existence. Depuis, de l’eau a coulé les ponts sans doute et François Ozon (né en 1967) a décidé d’y revenir. Pour cela, il offre à Sophie Marceau l’un des meilleurs rôles de sa carrière. La comédienne retrouve en effet de sa superbe, d’ailleurs celle-ci n’avait pas été à pareille fête depuis L’Homme de chevet de Alain Monne et Ne te retourne pas de Marina de Van, tous les deux sortis en 2009. Elle est magnifique dans ce rôle complexe, attachant, déchirant et drôle, car contrairement à ce que l’on pourrait penser Tous s’est bien passé a beaucoup d’humour. Mais l’autre grande idée du film est d’avoir associé la star à la sublime Géraldine Pailhas, qui renoue avec François Ozon après 5×2 (2004) et Jeune et Jolie (2013). Les deux actrices sont confondantes de vérité dans le rôle de deux sœurs confrontées à la maladie soudaine de leur père, remarquablement interprété par André Dussollier, dans le rôle le plus complexe du film. Si la mise en scène est volontairement effacée, Tout s’est bien passé est assurément l’un des opus les plus « facile d’accès » du réalisateur, l’un des plus empathiques et simples, même si son sujet principal a pu rebuter une partie des spectateurs. Tout s’est bien passé n’aura attiré finalement que 256.000 spectateurs en septembre 2021, ce qui place le film en 14e position dans la carrière de François Ozon, derrière Le Temps qui reste (2005) et devant Ricky (2009). Espérons que sa sortie en DVD et Blu-ray lui donne une deuxième chance, ce dont nous ne doutons pas.

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Test Blu-ray / La Chasse – Cruising, réalisé par William Friedkin

LA CHASSE (Cruising) réalisé par William Friedkin, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 19 janvier 2022 chez Colored Films.

Acteurs : Al Pacino, Paul Sorvino, Karen Allen, Richard Cox, Don Scardino, Joe Spinell, Jay Acovone, Randy Jurgensen…

Scénario : William Friedkin, d’après le roman de Gerald Walker

Photographie : James A. Contner

Musique : Jack Nitzche

Durée : 1h42

Année de sortie : 1980

LE FILM

Plusieurs crimes sont perpétrés à New York sur des homosexuels adeptes de pratiques sado-masochistes. Steve Burns, un jeune policier, est chargé de l’enquête et doit, pour ce faire, infiltrer le milieu gay de Greenwich Village…

Après French Connection (1971), récompensé par cinq Oscars, deux BAFTA et trois Golden Globes, puis L’Exorciste (1973), deux Oscars et quatre Golden Globes, William Friedkin peut faire tout ce qu’il souhaite à Hollywood. Cela va être le cas, mais rien ne va se passer comme prévu. Le Convoi de la peur Sorcerer est un échec commercial très grave, qui sort dans l’ombre d’un certain Star Wars. Le temps fera son affaire, mais pour l’heure, le réalisateur doit absolument se refaire une santé au box-office. Pour ce faire, il accepte de prendre les manettes de Têtes vides cherchent coffres pleins The Brink’s Job, comédie policière inspirée par un fait divers réel, avec un casting quatre étoiles, Peter Falk, Peter Boyle, Warren Oates, Gena Rowlands et Paul Sorvino. Mais cette fois encore, le public ne répond pas à l’appel. Le producteur Jerry Weintraub (Nashville de Robert Altman) lui propose alors la transposition du roman Cruising (Piège à hommes en France) de Gerald Walker (journaliste criminel au New York Times), publié en 1970, qui narre l’histoire d’un policier infiltré, à la recherche d’un tueur en série qui sévit dans le milieu gay sado-maso new-yorkais. Mais William Friedkin rechigne, trouvant que le livre a déjà vieilli. Certains éléments récents, quelques histoires sordides de corps ou de membres repêchés, vont toutefois éveiller sa curiosité et le cinéaste décide finalement de lier ces événements à l’intrigue du roman, tout en commençant à se documenter sur le milieu dans lequel se déroulerait le film. La suite, les cinéphiles la connaissent plus ou moins. Le tournage de Cruising La Chasse est marqué par l’omniprésence d’activistes homosexuels, qui manifestent et perturbent les prises de vue, pensant que comme des gays sont tués dans le film, celui-ci ne peut être qu’homophobe. Au coeur de la controverse car acteur principal, Al Pacino est menacé et escorté par des gardes du corps. Il ne participera pas à la promotion de Cruising à sa sortie et gardera un souvenir amer, autant du tournage que du montage final de William Friedkin, qu’il accuse d’avoir trahi son personnage. Quarante ans après, La Chasse est probablement devenu l’un des opus préférés du réalisateur de la part des passionnés de cinéma. Véritable plongée asphyxiante et foncièrement ambiguë dans un monde interlope, complètement méconnu à l’époque, Cruising est un film peu aimable et très dérangeant, il le sera d’ailleurs toujours. Pourtant, thriller admirable, politiquement incorrect, qui malmène constamment le spectateur en l’emmenant sur un territoire où il n’a aucun repère, La Chasse est un film vers lequel on n’a de cesse de revenir, car il s’en dégage un mystère insondable, et lorsque l’on pense en avoir saisi la teneur, le regard face caméra d’Al Pacino réinitialise pour ainsi dire nos analyses et réamorcent nos certitudes. Chef d’oeuvre.

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Test DVD / Les Intranquilles, réalisé par Joachim Lafosse

LES INTRANQUILLES réalisé par Joachim Lafosse, disponible en DVD le 1er février 2022 chez Blaq Out.

Acteurs : Leïla Bekhti, Damien Bonnard, Gabriel Merz Chammah, Patrick Descamps, Jules Waringo, Alexandre Gavras, Joël Delsaut, Colette Kieffer…

Scénario : Juliette Goudot, Anne-Lise Morin, François Pirot, Chloé Léonil, Pablo Guarise, Lou Du Pontavic

Photographie : Jean-François Hensgens

Musique : Olafur Arnalds & Antoine Bodson

Durée : 1h54

Année de sortie : 2021

LE FILM

Leila et Damien s’aiment profondément. Malgré sa fragilité, il tente de poursuivre sa vie avec elle sachant qu’il ne pourra peut-être jamais lui offrir ce qu’elle désire.

Joachim Lafosse fait partie de ces réalisateurs dont chaque film est souvent une expérience douloureuse. Ce qui donne le rythme, le moteur pour ainsi dire de ses histoires, ce sont chaque fois ses personnages, de chair et de sang, animés par l’amour passionnel, aussi bien entre deux êtres que des parents envers leur progéniture, mais où le cocon peut être menacé par un climat affectif irrespirable. Dans Les Intranquilles, son neuvième long-métrage, le cinéaste se focalise sur un couple et leur petit garçon, à un carrefour de leur vie familiale. Contrairement à A perdre la raison, qui conduisait insidieusement les protagonistes vers une issue tragique, mais à l’instar L’Économie du couple, ceux-ci vont vivre le moment le plus difficile de leur existence, pour – peut-être – aller vers l’apaisement, l’inéluctable et l’acceptation. De la première à la dernière image, le Joachim Lafosse happe le spectateur, le prend à la gorge au moment où il s’y attend le moins et resserre son étreinte au fur et à mesure. Récit tragi-comique (les agissements dingues du Damien peuvent faire sourire autant que flipper) sur l’amour parasité par la maladie (ici la bipolarité), entraînant comme un lien pervers, des dysfonctionnements familiaux bien sûr, la question des limites (la femme est ici épuisée et apeurée), thèmes déjà explorés dans Nue propriété, A perdre la raison, ainsi que dans son magnifique moyen-métrage Folie privée (2004), Les Intranquilles cherche à faire partager aux spectateurs la vie de personnages complexes. Ceux-ci sont magistralement incarnés par le duo vedette, Damien Bonnard et Leïla Bekhti, qui devaient alors remplacer Matthias Schoenaerts et Jasmine Trinca. Avec sa mise en scène au cordeau, ses personnages filmés à hauteur d’homme sans fioritures, Joachim Lafosse suscite l’émotion et la réflexion pendant près de deux heures. On en ressort épuisés et bouleversés. Un des plus grands cinéastes de sa génération.

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Test Blu-ray / Le Prêteur sur gages – The Pawnbroker, réalisé par Sidney Lumet

LE PRÊTEUR SUR GAGES (The Pawnbroker) réalisé par Sidney Lumet, disponible en DVD et Blu-ray le 7 décembre 2021 chez Potemkine Films.

Acteurs : Rod Steiger, Geraldine Fitzgerald, Brock Peters, Jaime Sánchez, Thelma Oliver, Marketa Kimbrell, Baruch Lumet, Juano Hernandez…

Scénario : Morton S. Fine & David Friedkin, d’après le roman d’Edward Lewis Wallant

Photographie : Boris Kaufman

Musique : Quincy Jones

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

Un rescapé des camps de concentration nazis devenu propriétaire d’un magasin de prêt sur gage doit à la fois affronter les cauchemars de son passé et l’environnement hostile du ghetto new-yorkais dans lequel il vit.

Quand on évoque Sidney Lumet, on pense immédiatement à Douze Hommes en colère, Serpico, Un après-midi de chien, puis dans un second temps à Point limite, La Colline des hommes perdus, The Offence, Network : Main basse sur la télévision, Le Prince de New York, ou bien encore au Crime de l’Orient-Express, Family Business et peut-être même à 7 h 58 ce samedi-là comme il s’agit de son dernier film. Après, cela devient difficile non ? Pourtant, cette poignée de longs-métrages ne représente même pas la moitié de la carrière cinématographique du réalisateur. Qu’y trouve-t-on alors, notamment dans ses premiers opus ? Pêle-mêle les débuts de Christopher Plummer dans Les Feux du théâtre Stage Struck (1958), une escapade new-yorkaise avec Sophia Loren dans Une espèce de garce That Kind of Woman (1959), Marlon Brando, Anna Magnani et Joanne Woodward pris dans la tourmente d’une pièce de Tennessee Williams (L’Homme à la peau de serpent The Fugitive Kind, 1959), une fabuleuse adaptation d’Arthur Miller avec Raf Vallone (Vu du pont A View from the Bridge, 1961), ainsi qu’une fantastique transposition d’une pièce d’Eugene O’Neill (Long Voyage vers la nuit Long Day’s Journey Into Night, 1962) qui réunissait Katharine Hepburn, Ralph Richardson, Jason Robards et Dean Stockwell. Le septième film de Sidney Lumet est probablement un de ses plus rares, mais également un de ses plus viscéraux. Il s’agit du Prêteur sur gages The Pawnbroker, adapté d’un roman d’Edward Lewis Wallant, auréolé à sa sortie par le Prix FIPRESCI au Festival international du film de Berlin, tandis que sa tête d’affiche, Rod Steiger, se voyait remettre l’Ours d’Argent au même festival, ainsi que le BAFTA du Meilleur Acteur en Angleterre. Disparu des radars durant de longues années, jusqu’à sa résurrection dans les années 2010, Le Prêteur sur gages est un diamant noir dans la prolifique et éclectique filmographie de Sidney Lumet. Difficile d’accès, sombre et désespéré, The Pawnbroker met des mots et surtout des images sur la Shoah, tout en montrant la difficile (ré)adaptation de celles et ceux qui ont pu sortir indemnes des camps de concentration. Rod Steiger, méconnaissable, imprégné par la « méthode », livre une prestation ahurissante (et nommée à l’Oscar, que Lee Marvin obtiendra pour Cat Ballou d’Elliot Silverstein), qui vous prend aux tripes du début à la fin, qui s’imprime définitivement dans votre mémoire et à laquelle vous repenserez souvent avec le même mal de bide. Chef d’oeuvre totalement inconnu du maître Lumet, Le Prêteur sur gages, longtemps dissimulé, peut enfin éclater aux yeux des spectateurs.

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Test Blu-ray / Le Sang à la tête, réalisé par Gilles Grangier

LE SANG À LA TÊTE réalisé par Gilles Grangier, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 19 janvier 2022 chez Pathé.

Acteurs : Jean Gabin, Paul Frankeur, Claude Sylvain, Georgette Anys, José Quaglio, Paul Faivre, Léonce Corne, Florelle…

Scénario : Michel Audiard & Gilles Grangier, d’après le roman de Georges Simenon

Photographie : André Thomas

Musique : Henri Verdun

Durée : 1h23

Année de sortie : 1956

LE FILM

Ancien débardeur, François Cardinaud a mis trente ans pour devenir ce qu’il est : un des hommes les plus importants de La Rochelle. Sa réputation est justifiée, celle d’un type retors, coriace et exigeant. Il a débuté et a grandi sur le port, parmi une faune carnassière, où celui qui ne mord pas est voué à être mordu. En regagnant sa villa, un dimanche au retour de la messe, Cardinaud constate que sa femme Marthe est partie.

C’est un film méconnu dans l’immense carrière de Jean Gabin, un petit trésor caché sans doute, rare et peu diffusé à la télévision. Il s’agit du Sang à la tête, sa troisième collaboration (sur douze) avec Gilles Grangier (1911-1996), situé entre Gas-oil (1955) et Le Rouge est mis (1957). Quand il tourne cette adaptation du roman Le Fils Cardinaud de Georges Simenon, le comédien vient de faire un comeback toni-truand avec Touchez pas au grisbi de Jacques Becker et enchaîne les triomphes au box-office. 1956 le replace définitivement sur le trône du cinéma français, année où sortent successivement Des gens sans importance de Henri Verneuil (2,4 millions d’entrées), Voici le temps des assassins de Julien Duvivier (1,5 million), Le Sang à la tête de Gilles Grangier (2 millions), La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara (4,9 millions) et Crime et Châtiment de Georges Lampin (1,8 million). Contrairement à ce que ses détracteurs ont toujours déclaré, Jean Gabin n’a jamais été l’homme d’un seul rôle, aussi à l’aise dans la salopette d’un routier que dans le costume d’un trois-pièces d’un grand industriel, insufflant chaque fois sa personnalité, tout en étant différent, pour ne pas dire aux antipodes d’un film à l’autre. C’est ce qui a toujours fait son génie. Dans Le Sang à la tête, il interprète pour ainsi dire les deux extrêmes, puisque son personnage est un ancien prolétaire qui à force de travail et d’acharnement, est devenu l’un des noms les plus illustres de La Rochelle. Jean Gabin est une fois de plus merveilleux dans la peau de ce grand bourgeois, dont la femme, plus jeune que lui, est partie rejoindre un amour d’enfance, laissant son époux devenir la proie des rumeurs et surtout une cible facile pour les envieux qui ont connu son ascension sociale. Le Sang à la tête est un drame teinté d’humour noir et doublé d’une réflexion psychologique sur la jalousie des êtres humains qui n’a rien perdu de sa force près de soixante-dix ans après sa sortie. A redécouvrir de toute urgence.

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