À LA FOLIE réalisé par Diane Kurys, disponible en Édition Combo Bluray + DVD le 7 juillet 2021 chez ESC Editions.
Acteurs : Anne Parillaud, Béatrice Dalle, Patrick Aurignac, Bernard Verley, Alain Chabat, Jean-Claude de Goros, Marie Guillard, Robert Benitah…
Scénario : Diane Kurys & Antoine Lacomblez
Photographie : Fabio Conversi
Musique : Michael Nyman
Durée : 1h33
Année de sortie : 1994
LE FILM
Elsa arrive un soir à Paris chez sa soeur Alice après avoir quitté ses deux enfants et son mari, Thomas, qui la trompait avec Betty, la baby-sitter. Alice, artiste-peintre au succès naissant, vient tout juste de s’installer avec Franck, un jeune et séduisant boxeur. Mais l’arrivée de l’envahissante Elsa dans leur petit appartement sous les toits perturbe très vite leur amour et leur tranquillité. Alice, timide et angoissée n’ose pas chasser sa soeur qui adopte bientôt une attitude ambiguë et provocante. Peu à peu, leurs relations se dégradent.
C’est la rencontre au sommet de deux actrices « du moment ». D’un côté, Anne Parillaud, 34 printemps, quatre ans après son explosion dans Nikita, de l’autre, Béatrice Dalle, trente ans, qui depuis sa mise sur orbite sept ans plus tôt dans 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix avait déjà tourné avec Marco Bellocchio (La Sorcière – La Visione del Sabba), Jacques Deray (Les Bois noirs), Jim Jarmusch (Night on Earth), Jacques Doillon (La Vengeance d’une femme), Claude Lelouch (La Belle histoire) et Claire Denis (J’ai pas sommeil). La réalisatrice Diane Kurys vient de connaître une petite déception au box-office avec Après l’amour (540.000 entrées), son score le plus bas au box-office depuis Cocktail Molotov, son second long-métrage. Depuis quelques années, elle pense écrire et mettre en scène un film qui s’inspirerait de ses rapports amour/haine avec sa sœur aînée. Si la famille a toujours été un de ses thèmes de prédilection comme pour Coup de foudre (1983), avec Miou-Miou, Isabelle Huppert, Guy Marchand, et Jean-Pierre Bacri. le deuxième plus grand succès de sa carrière, rarement, sans doute pour la seule et unique fois de sa vie professionnelle, Diane Kurys sera allée aussi loin dans l’introspection avec À la folie, dans lequel elle se livre totalement. A travers ce drame psychologique et intense, parcouru d’un humour noir comme qui dirait cathartique, la cinéaste confronte deux sœurs que tout oppose, séparées par la vie, que le destin réunit et fait se percuter, pour le pire et pas forcément (euphémisme) pour le meilleur. Le duo, ou plutôt le duel entre les deux comédiennes principales remplit toutes ses promesses. Elles y sont aussi impliquées que talentueuses, sexy, sensuelles et surtout bouleversantes.
Alice et Elsa sont soeurs. Le sont-elles vraiment ? Elles ne se sont pas vues depuis deux ans lorsque Elsa quitte son mari et ses deux enfants pour retrouver Alice. Alice, de son côté, a commencé une nouvelle vie avec Franck. Il emménage chez elle le jour où Elsa débarque sans prévenir… ça pourrait être une comédie mais l’histoire va mal tourner. Elsa exerce sur sa soeur un chantage affectif. Elle se sert de sa détresse pour l’attendrir et Alice tombe dans tous les pièges. Franck ne voit pas le danger venir, d’autant plus qu’Elsa a du charme… Alice remet tout en question : sa vie, son amour pour Franck, son travail de peintre… Peu à peu, les personnages se laissent prendre à un jeu dangereux. Bientôt, on ne sait plus qui manipule l’autre, qui est victime, qui est bourreau, qui ment, qui triche avec ses sentiments. Aveuglés par la passion, ils vivent tous les excès comme si leur vie ne tenait qu’à un fil. Tout se passe en six jours et six nuits.
Dans un premier temps, on observe, on admire ces deux comédiennes au tempérament trempé, leur sensibilité à fleur de peau, leur teint diaphane, le regard bleu azur de l’une, celui éclairé par des flammes intérieures de l’autre. Deux préparations, deux approches de jeu, deux modes de vie distincts. Et à l’écran, cela produit des étincelles. De l’aveu de Diane Kurys, À la folie puise sa source dans sa propre relation avec sa sœur, son modèle après le divorce de leurs parents. Si la réalisatrice s’amuse à distiller une ambiguïté quant à la nature du rapport entre Alice (Anne Parillaud) et Elsa (Béatrice Dalle), Diane Kurys évoque la relation dominant-dominé en mettant à jour les reproches, les non-dits et les rancunes qui crèvent comme des abcès, le désir du dominé de s’élever enfin et de se confronter à celui, ou « celle » comme c’est le cas ici, qui l’a toujours manipulé(e), tandis que le dominant cherchera très rapidement à reprendre sa place qu’il s’est toujours octroyée. Tout n’est pas explicite dans À la folie et les éléments apparaissent au compte-gouttes, même si la première vacherie lancée par Elsa à Alice intervient quelques minutes seulement après leurs retrouvailles, comme si la première voulait instinctivement marquer son territoire sur celui de sa sœur. Cet empoisonnement vicieux sera exacerbé par la présence de Franck, l’homme dont Alice est amoureuse.
Elsa, récemment trompée par son mari (Alain Chabat, juste après La Cité de la peur) et le père de ses deux filles, est en effet montée sur Paris, non seulement pour trouver refuge chez Alice, mais aussi pour rendre visite à la jeune vendeuse (Marie Guillard) avec laquelle son mari a couché. Franck, qui vient alors de s’installer chez Alice, se retrouve au milieu de ces deux frangines. Peu dupe quant à la nature d’Elsa, le jeune homme se montre froid avec elle. Mais cette dernière, à la fois tarentule et mante religieuse, va très vite entreprendre de l’attraper dans ses filets, pour mieux le dévorer, ce qui serait son ultime affront. Outre l’interprétation viscérale des deux têtes d’affiche, celle du regretté Patrick Aurignac marque les esprits. Malheureusement, celui-ci mettra fin à ses jours trois ans plus tard à l’âge de 32 ans, après avoir laissé derrière-lui un film-testament, Mémoires d’un jeune con, lui aussi très largement inspiré de sa vie, marquée par des braquages, le trafic de drogue, plusieurs années de prison et l’usage de stupéfiants. Il est assurément la grande révélation d’À la folie, une étoile filante dont le côté sauvage et hypersensible ne sont pas sans rappeler Vincent Rottiers.
Si le dernier tiers, particulièrement malaisant, peine parfois à convaincre avec une vraie rupture de ton, comme si Diane Kurys avait voulu y déverser toutes les craintes et les cauchemars que ses rapports avec sa sœur avaient pu engendrer par le passé, son film, quasi-huis clos et bercé par la composition du grand Michael Nyman (Monsieur Hire, La Leçon de piano), prend le spectateur aux tripes, pour ne plus le lâcher durant 1h30.
LE BLU-RAY
C’est une première pour À la folie, qui depuis l’existence du DVD n’était jamais paru dans les bacs ! On doit cette sortie DVD + Blu-ray à ESC Editions, qui depuis quelques mois se penche sur la filmographie de Diane Kurys. Ainsi, après La Baule-Les-Pins, Après l’amour et le film qui nous intéresse aujourd’hui, l’éditeur a d’ores et déjà annoncé le combo du formidable Sagan en novembre 2021. Le menu principal est animé et musical.
Deux superbes interviews sont au programme de cette édition.
On commence par celle de la sublime Anne Parillaud (13’), qui se livre corps et âme au fil de cet entretien, au cours duquel l’immense sensibilité de l’actrice foudroie à chaque instant. Elle revient ainsi sur son arrivée sur le projet, sur les thèmes du film (« un rapport violent, passionnel et vivant entre deux sœurs, pour lequel il allait falloir dévoiler une palette émotionnelle extrême et faire face à celle qui allait interpréter Eva »). Les mots « rage », « passion » et « intensité » sont ceux qui reviennent le plus quand Anne Parillaud se confie sur son approche du rôle d’Alice, sur sa confrontation avec Béatrice Dalle, sur son travail avec Diane Kurys, sur la psychologie des personnages. Enfin, la comédienne évoque sa passion et son désir d’être dirigée sur un plateau, aimant « être un objet que l’on façonne », toujours à la recherche de l’excitation de créer, avant de parler de la provocation, de l’audace, de la folie, de la liberté de parole et de la modernité selon elle toujours intactes d’À la folie.
C’est ensuite au tour de Diane Kurys (18’) de revenir sur la genèse, l’écriture, la préparation, le casting et le tournage de son septième long-métrage. La réalisatrice revient évidemment sur ses rapports avec sa sœur aînée qui ont donné naissance à À la folie, nourri le scénario. Qu’est-ce qui désunit deux sœurs arrivées à l’âge adulte ? Que reste t-il de ce lien ? Comment survit-on à son enfance quand la sœur n’est plus là ? Que faire quand le passé ressurgit et lorsqu’on se souvient des moments de fusion, ou au contraire de ceux où l’on a été mal aimé, maltraité ? Si elle déclare qu’À la folie est une pure fiction, Diane Kurys ne cache pas les sentiments et les événements qui lui ont inspiré ce film voulu « tordu, pervers et trouble ». Elle revient aussi sur le casting, les partis-pris, les rapports avec les comédiens, la photographie de Fabio Conversi et la musique de Michael Nyman.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Il serait difficile de faire mieux que ce Blu-ray (Encodage MPEG 4 / AVC – Format du film respecté 2.35, 1080p) qui respecte les volontés artistiques originales dont le sensible grain argentique original, tout en tirant intelligemment partie de l’opportunité HD. La propreté du master est irréprochable, ainsi que la stabilité, le relief, la gestion des contrastes et le piqué qui demeure agréable. Si l’on excepte diverses petites baisses de la définition, la restauration haut de gamme restitue merveilleusement la très belle photo originale du chef opérateur Fabio Conversi (Un indien dans la ville, Pédale douce).
Ce mixage DTS-HD Master Audio 2.0 instaure un confort acoustique probant, clair et solide. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, les ambiances naturelles ne manquent pas sur les rares scènes tournées en extérieur, la propreté est de mise et les silences sont denses. L’éditeur joint également les sous-titres anglais.