Test Blu-ray / Un cri dans l’ombre, réalisé par John Guillermin

UN CRI DANS L’OMBRE (House of Cards) réalisé par John Guillermin, disponible en DVD et combo Blu-ray + DVD le 6 juillet 2021 chez Elephant Films.

Acteurs : George Peppard, Inger Stevens, Orson Welles, Keith Michell, Perrette Pradier, Geneviève Cluny, Maxine Audley, Ralph Michael…

Scénario : Harriet Frank Jr. & Irving Ravetch, d’après le roman de Stanley Ellin

Photographie : Piero Portalupi

Musique : Francis Lai

Durée : 1h45

Date de sortie initiale: 1968

LE FILM

Reno Davis, un jeune et fringuant américain vivant à Paris, est engagé pour être le tuteur d’un jeune garçon, dont le père général est mort durant la guerre d’Algérie. Il découvre rapidement un clan très étrange, rongé par les secrets. Quand le jeune garçon est enlevé, Davis est immédiatement suspecté. Il va découvrir que dans l’entourage de la famille figurent des personnes peu recommandables…

A la fin des années 1960, John Guillermin (1925-2015) n’est pas encore le réalisateur britannique de grosses machines hollywoodiennes comme La Tour infernale The Towering Inferno (1975) et King Kong (1977), mais compte déjà assurément dans l’industrie cinématographique. En 1966, il entame une collaboration avec le comédien George Peppard (1928-1994), qui va alors s’étendre sur trois longs-métrages, Le Crépuscule des aigles The Blue Max (1966), Syndicat du meurtre P.J. (1968) et le film qui nous intéresse aujourd’hui, Un cri dans l’ombre House of Cards (1968). Ce dernier est un étrange film d’espionnage qui surfe évidemment sur le triomphe rencontré par les aventures de James Bond au cinéma, et qui entraînait moult ersatz dans son sillage, en donnant naissance au genre dit de l’Eurospy. Si le personnage incarné par George Peppard n’est pas un espion au service de sa Majesté ou de l’oncle Sam, il devient malgré lui l’homme à abattre, celui qui en sait trop et qui fera tout pour faire tomber une mystérieuse organisation qui prépare la résurrection d’un régime politique nationaliste et totalitaire, rien que ça. Filmé entre Paris et Rome, Un cri dans l’ombre, ou Duel dans l’ombre, second titre français connu, vaut à la fois pour la qualité de son interprétation, pour celle de son histoire bien brodée et surtout pour celle de la mise en scène de John Guillermin, aussi élégante qu’inspirée. Une vraie petite découverte !

Reno Davis, un jeune Américain habitant à Paris, est engagé comme précepteur du fils d’un général tué par les terroristes, pendant la guerre d’Algérie. Il découvre le monde étrange et fastueux d’une riche famille de rapatriés : Anne , la veuve du général, craignant de voir son fils être enlevé et tué, un médecin ne quittant pas la maison et Leschenhaut, un ami qui est le chef d’un mouvement d’extrême droite. L’enfant est enlevé et Davis fortement soupçonné. Recherché par la police, il retrouve la famille dans un château, situé en Provence, où s’entraînent les militants du parti. Fait prisonnier, il s’évade en compagnie d’Anne, dont la famille cherche à se débarrasser…

Dans les années 1960, George Peppard est un acteur sur lequel les studios n’hésitent pas à miser. Il sera d’ailleurs dirigé par les plus grands, de Vincente Minnelli dans Celui par qui le scandale arrive Home from the hill à Edward Dmytryk dans Les Ambitieux The Carpetbaggers, ou bien évidemment Blake Edwards dans Diamants sur canapé Breakfast at Tiffany’s dans lequel il donnait la réplique à la magnifique Audrey Hepburn. Il est ici impeccable, classe, bad-ass, très charismatique, attachant et parfois ambigu, drôle et violent, toujours difficile à cerner. C’est cette part de mystère savamment entretenue durant près de deux heures qui participe à la réussite de ce House of Cards. S’il fleure comme un parfum bondien dans Un cri dans l’ombre, y compris dans le générique en ouverture centré sur les cartes d’un jeu de tarot sur la partition, par ailleurs géniale de notre Francis Lai national, le film reste aussi marqué par un sentiment de paranoïa qui se faisait déjà ressentir dans divers opus d’Alfred Hitchcock, Fenêtre sur cour Rear Windows, Sueurs froides Vertigo et bien sûr La Mort aux trousses North by Northwest. On ne peut pas s’empêcher de penser à ce dernier avec cet homme ordinaire plongé dans une situation extraordinaire et à laquelle il ne comprend rien, ces voyages en train, cette rencontre avec une belle blonde (la ravissante Inger Stevens, vue dans Les Boucaniers The Buccaneer d’Anthony Quinn et Pendez-les haut et court Hang ‘Em High de Ted Post), une fuite à travers l’Europe puis la recherche d’une vérité qui se révélera surprenante, le tout hanté par les fantômes d’un passé que l’on pensait disparu. Il y a également un petit côté Frantic avant l’heure qui n’est franchement pas nous déplaire.

Au couple principal, se greffe la participation en pointillés, autrement dit au début et à la fin du film, d’Orson Welles, qui enchaînait les caméos de luxe à travers le monde moyennant une somme aussi rondelette que son abdomen, en passant sans complexe du frappadingue Casino Royale au péplum Pour la conquête de Rome de Robert Siodmak. Dans Un cri dans l’ombre, il bouffe comme toujours les scènes dans lesquelles il apparaît, ayant peu à faire pour tirer la couverture, même s’il s’agit essentiellement d’un cabotinage de génie. Au générique encore, nous noterons la présence de la sublime et incendiaire Perrette Pradier, ici dans l’une de ses dernières apparitions au cinéma, avant que la comédienne se consacre entièrement au théâtre, mais aussi et surtout au doublage, puisqu’elle deviendra la voix française de Faye Dunaway, Jacqueline Bisset, Jane Fonda, Margot Kidder, Julie Andrews, Kate Jackson mais aussi à Médusa dans Les Aventures de Bernard et Bianca. Chose amusante, elle prêtera aussi sa voix à Inger Stevens dans ses trois derniers longs-métrages.

D’après un roman de Stanley Ellin (La Grande nuit de Joseph Losey, A double tour de Claude Chabrol), sur un scénario d’Harriet Frank Jr. (La Rivière d’argent de Raoul Walsh, Les Feux de l’été de Martin Ritt) et d’Irvin Ravetch, John Guillermin concocte un divertissement emblématique des années 1960, saupoudré d’un humour anglo-saxon, bourré d’ironie et de charme, sans oublier une touche sexy et même parfois légèrement perverse, à l’instar de cette scène où Reno fait croire à une mamma qu’il est en train d’abuser sexuellement de sa fille pour la faire parler.

A la croisée des genres, Un cri dans l’ombre est un spectacle amusant, nerveux et provocant, une série B qui a bien vieilli, qui convaincra les cinéphiles qui lui consacreront une projection-découverte et qui ne pourront s’empêcher de penser au final de La Fureur du Dragon de Bruce Lee, qui reprendra exactement le même décor pour sa baston avec Chuck Norris, que celui du dernier affrontement entre George Peppard et Orson Welles. Si ça ne vous donne pas l’eau à la bouche…

LE BLU-RAY

Contrairement à ce que l’on pensait, Un cri dans l’ombre avait déjà été édité en France, en 2007, chez Bach Films. Depuis, plus aucune nouvelle, aux oubliettes. Elephant Films ressuscite le film de John Guillermin, pour l’intégrer dans son désormais prestigieux catalogue, en DVD, ainsi qu’en combo Blu-ray + DVD. Jaquette réversible. Le menu principal est fixe et musical.

Julien Comelli est à nouveau seul en scène dans cette présentation (19’30) d’Un cri dans l’ombre, ou aussi Duel dans l’ombre, deuxième titre français, ainsi que le rappelle le journaliste en culture pop. Une intervention classique, mais efficace, au cours de laquelle le complice d’Elephant Films donne quelques informations sur John Guillermin, sur ses trois associations avec George Peppard, rappelant au passage que le réalisateur tournera à nouveau en France Shaft contre les trafiquants d’hommes Shaft in Africa, dans lequel Richard Roundtree croise la route de notre Jacques Marin national, le meilleur opus de la franchise pour Julien Comelli. Ce dernier passe aussi en revue la musique de Francis Lai et le casting, dont le tragique destin de la comédienne suédoise Inger Stevens et la participation de « la brune flamboyante et magnifique » Perrette Pradier. Enfin, Julien Comelli évoque les lieux de tournage à Paris, ainsi que deux autres films du même acabit qu’Un cri dans l’ombre, par ailleurs sortis la même année, Services spéciaux, division K Assignment K de Val Guest et Les Tueurs sont lâchés Assignment to Kill de Sheldon Reynolds.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Le master HD présenté est encore ponctué par des poussières (des points noirs et blancs principalement, à cause d’un manque de Biactol probablement) et surtout quelques tremblements, constatables par exemple lors de la rencontre de Reno avec Anne et son fils (à la 8e minute), ainsi qu’une texture argentique un poil trop lissée à notre goût. Néanmoins, la copie est très élégante avec notamment de belles couleurs chaudes, des contrastes soignés, un piqué acéré, des détails riches aux quatre coins du cadre large et une clarté toujours appréciable. Le Blu-ray d’Un cri dans l’ombre (une première mondiale, ce qui est à signaler) est au format 1080p.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 2.0 s’avèrent tous les deux dynamiques et sans souffle parasite. Au jeu des différences, la version française est sans doute moins équilibrée et évidemment moins naturelle, mais reste de très bonne qualité, avec un bon dosage des dialogues, des ambiances et des effets annexes, malgré un sensible souffle. La piste originale est exemplaire et limpide. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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