Test DVD / L’Homme qui tua la peur, réalisé par Martin Ritt

L’HOMME QUI TUA LA PEUR (Edge of the City) réalisé par Martin Ritt, disponible en DVD depuis le 9 janvier 2020 chez LCJ Editions & Productions.

Acteurs : John Cassavetes, Sidney Poitier, Jack Warden, Kathleen Maguire, Ruby Dee, Val Avery, Robert F. Simon, Ruth White…

Scénario : Robert Alan Aurthur

Photographie : Joseph C. Brun

Musique : Leonard Rosenman

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

Axel North, un déserteur devenu vagabond, se fait embaucher sous une fausse identité comme docker dans le port de New York. Pour conserver son travail, il lui faut reverser une partie de son salaire à Charly Malik, un contremaître corrompu. Intrigué par le courage d’un collègue noir, Tommy Tyler, Axel se lie peu à peu avec lui au point de rompre ouvertement avec Malik. Tommy devine que son nouvel ami est hanté par un passé difficile et l’accueille chez lui. Axel y fait la connaissance d’une jeune femme, Ellen, dont il s’éprend. Un matin, une violente dispute éclate entre Malik et Tommy : un crochet de docker à la main, les deux hommes sont prêts à se battre à mort…

Edge of the City ou L’Homme qui tua la peur en version française, est le premier long-métrage réalisé par Martin Ritt (1914-1990), celui qui nous donnera Les Feux de l’été The Long, Hot Summer (1958), Paris Blues (1961), L’Espion qui venait du froid The Spy Who Came in from the Cold (1965), Norma Rae (1979) et bien d’autres. Pour son coup d’essai, il installe son récit dans sa ville natale, New York, dont il connaît les moindres recoins par coeur, y compris les quais sur lesquels se déroulent essentiellement l’action, l’Empire State Building et autres gratte-ciel apparaissant en toile de fond. Depuis toujours très actif pour dénoncer les injustices sociales et politiques, il s’engage très vite auprès de groupes de théâtre afin de défendre les droits des afro-américains, n’hésitant pas à camper l’un des rares personnages blancs dans la pièce Porgy and Bess, saluée pour la modernité de son approche de la culture noire. Martin Ritt monte ensuite des pièces dites de gauche radicale (bien qu’il n’adhérera jamais au Parti communiste US) et parcourt la terre de l’Oncle Sam, ce qui lui vaudra plus tard d’être pointé du doigt par le tristement célèbre sénateur Joseph McCarthy. Durant la guerre, il s’engage dans l’US Air Force, tout en démarrant une carrière d’acteur au cinéma (Winged Victory de George Cukor). Il reprend le théâtre, comme comédien, mais aussi comme metteur en scène, puis entre dans le monde de la télévision au début des années 1950, où il s’occupe principalement de produire et de réaliser quelques adaptations de pièces. Mais ses idées politiques (qu’il ne reniera jamais tout au long de sa vie) le rattrapent. Soupçonné de sympathiser avec l’ennemi rouge situé de l’autre côté du Rideau de fer, il est interdit de télévision, black-listé et revient sur les planches, où il enseigne la légendaire méthode Stanislavski auprès des aspirants comédiens, dont un certain James Dean. En 1957, il a donc l’opportunité de passer derrière la caméra de nouveau, mais pour le cinéma cette fois, avec L’Homme qui tua la peur, transposition d’une pièce de Robert Alan Aurthur (futur scénariste d’All That Jazz de Bob Fosse, de L’Homme aux colts d’or d’Edward Dmytryk et de Grand Prix de John Frankenheimer), déjà adaptée pour la petite lucarne en 1955 (par Robert Mulligan et déjà avec Sidney Poitier). L’histoire prend place dans le milieu des syndicats de dockers de la Grosse Pomme, où un jeune homme d’une vingtaine d’années affronte un collègue animé par la haine de la peau noire. La nouvelle recrue sera accueillie par un docker afro-américain, qui l’aidera à faire sa place, à vivre décemment, jusqu’à devenir son ami. Ce qui sera évidemment mal perçu. Edge of the City ne connaîtra qu’un succès d’estime à sa sortie, mais sera néanmoins très vite reconsidéré par la suite une fois l’explosion de John Cassavetes deux ans plus tard avec son premier film Shadows et celle de Sydney Poitier, qui sera nommé pour l’Oscar du meilleur acteur en 1958 pour La Chaîne The Defiant Ones de Stanley Kramer. Rétrospectivement, la hargne, les thèmes, l’élégance et l’humanisme de Martin Ritt sont déjà à l’oeuvre dans L’Homme qui tua la peur et mérite toute l’attention du cinéphile.

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Test Blu-ray / Alice, Sweet Alice, réalisé par Alfred Sole

ALICE, SWEET ALICE (Communion) réalisé Alfred Sole, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 23 septembre 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Linda Miller, Niles McMaster, Mildred Clinton, Rudolph Willrich, Paula Sheppard, Michael Hardstark, Jane Lowry, Alphonso DeNoble, Brooke Shields…

Scénario : Alfred Sole & Rosemary Ritvo

Musique : Stephen Lawrence

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

Alice Spages, 12 ans, vit avec sa mère et sa sœur Karen, à laquelle elle adore faire peur. Karen s’apprête à fêter sa première communion lorsque son corps est retrouvé atrocement mutilé dans l’église. Certains pensent qu’Alice pourrait être à l’origine du meurtre, mais comment une enfant si jeune pourrait-elle commettre une telle abomination ? Pourtant, les meurtres se poursuivent dans l’entourage d’Alice…

Alice, Sweet Alice, Communion sanglante, Holy Terror (dans un montage censuré), The Mask Murders, Communion, ou Alice, douce Alice chez nos amis québécois, est un slasher psychologique réalisé par un certain Alfred Sole (1943-2022), qui se situe rétrospectivement après Black Christmas de Bob Clark et Halloween – La Nuit des masques de John Carpenter. Le film surfe sur un sous-genre en éclosion, La Baie sanglante de Mario Bava, La Dernière Maison sur la gauche de Wes Craven et Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper étant sortis durant les cinq années précédentes, mais qu’il a aussi contribué à son identité, à sa « croissance », à sa mutation. Emballé pour la modique somme de 350.000 dollars, le tournage ayant été interrompu à plusieurs reprises faute de moyens, ce qui a entraîné la succession d’une demi-douzaine de directeurs de la photographie et le passage du 35 au 16mm selon les billets verts mis à disposition de l’équipe, Alice, Sweet Alice demeure un fleuron de l’épouvante, foncièrement ambigu, redoutablement inquiétant, subtil, malsain, qui prend pour cible le fanatisme religieux et dresse le portrait d’une des adolescentes les plus flippantes du cinéma de genre, formidablement interprété par Paula Sheppard, feu follet du cinéma, mais dont le visage reste imprimé dans la mémoire des cinéphiles.

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Test Blu-ray / La Mort a souri à l’assassin, réalisé par Joe d’Amato

LA MORT A SOURI À L’ASSASSIN (La Morte a sorriso all’assassino) réalisé par Joe d’Amato, disponible en Blu-ray – Édition limitée chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Ewa Aulin, Klaus Kinski, Giacomo Rossi Stuart, Angela Bo, Sergio Doria, Attilio Dottesio, Marco Mariani, Luciano Rossi…

Scénario : Joe D’Amato, Claudio Bernabei & Romano Scandariato

Photographie : Joe d’Amato

Musique : Berto Pisano

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

1909, en Europe – Greta von Holstein, qui entretient une liaison incestueuse avec Franz, son frère bossu, perd la mémoire à la suite d’un accident de calèche survenu devant la demeure des von Ravensbrück. Appelé au chevet de la malade, le Dr Sturges semble surtout s’intéresser à l’étrange médaillon inca qu’elle porte autour du cou et qui pourrait l’aider dans ses recherches sur la résurrection. Restée auprès de Walter et Eva von Ravensbrück qui se sont entichés d’elle, la belle Greta semble en proie à une ombre. La maisonnée est bientôt la cible d’une vague de crimes particulièrement violents…

Résumer la carrière d’Aristide Massaccesi alias Joe d’Amato (1936-1999) est un pari risqué qu’on aurait beaucoup de mal à relever avec ses 200 films réalisés en à peine trente ans de métier. Nous en avons déjà parlé à deux reprises, à lors de la sortie en Blu-ray d’Emmanuelle et Françoise en 2018 chez Le Chat qui fume (avec près de trois heures de suppléments) et Emanuelle et les derniers cannibales chez Artus Films. Homme-orchestre (ou couteau-suisse si vous voulez), assistant-metteur en scène, monteur, acteur occasionnel, producteur, scénariste, cameraman, directeur de la photographie et cinéaste, Joe d’Amato devra attendre l’année 1973 pour signer son premier film d’horreur, La Mort a souri à l’assassinLa Morte ha sorriso all’assassino, après Sollazzevoli storie di mogli gaudenti e mariti penitenti – Decameron nº 69, qui narrait l’histoire d’une poignée de moines découvrant le plaisir sexuel et plusieurs westerns pour lesquels il n’était pas crédité (Planque toi minable, Trinita arrive…, Le Colt était son dieu, Un Bounty killer à Trinità). Coup d’essai, coup de maître pour ce conte macabre et pourtant foudroyant, qui fait penser parfois un épisode de Tales from the Crypt, dans lequel on croise Klaus Kinski (tout droit sorti d’Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog) en savant fou qui passe son temps à faire des équations au tableau et qui s’amuse avec des fioles et éprouvettes contenant un liquide verdâtre ramenant les morts à la vie, ce qui rappelle au passage bougrement Re-Animator. Mais il n’est pas la vedette de La Mort a souri à l’assassin, rôle dévolu à Ewa Aulin (La Mort a pondu un œuf de Giulio Questi, Cérémonie sanglante de Jorge Grau, Candy de Christian Marquand), qui illumine le film de sa beauté diaphane et de son sourire angélique qui devient terrifiant au fil du récit. Ponctué par quelques fulgurances gores qui font encore leur effet un demi-siècle après, une touche érotique et une pincée de fantastique, La Morte ha sorriso all’assassino est autant un film d’épouvante qui fera le bonheur des adeptes du genre qu’un fascinant objet destiné aux cinéphiles esthètes qui se souviendront longtemps de la magnificence de certaines séquences. Une énigmatique, envoûtante et immersive expérience sensorielle.

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Test 4K UHD / Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur, réalisé par Ken Ruder

LE SANG DES AUTRES OU LA VOLUPTÉ DE L’HORREUR – LES CHEMINS DE LA VIOLENCE – PERVERSIONS SEXUELLES (El Secreto de la momia egipcia) réalisé par Ken Ruder, disponible en 4K Ultra HD + Blu-ray – Édition limitée chez Le Chat qui fume.

Acteurs : George Rigaud, Teresa Gimpera, Michael Flynn, Catherine Franck, Frank Braña, Patricia Lee, Sandra Reeves, Julie Presscott…

Scénario : Vincent Didier & Julio Salvador

Photographie : Raymond Heil

Musique : Max Gazzola

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

Angleterre, XIXème siècle. Plusieurs jeunes femmes ont disparu ces derniers temps dans le village jouxtant le château du comte de Dartmoor, scientifique féru d’occultisme, reclus dans son domaine avec John, son fidèle serviteur. Or, selon les rumeurs, la cause de ces disparitions serait liée au châtelain. Sous prétexte d’assister le scientifique, James Barton se présente à lui en qualité d’égyptologue…

Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur, ou Les Chemins de la violence, ou bien encore Perversions sexuelles, cela dépend la version du film que vous avez pu voir, selon le degré de nudité des actrices. Le titre original est en fait El Secreto de la momia egipcia, une coproduction franco-ibérique sortie courant juin 1973 dans l’Hexagone et un an plus tard sur les écrans espagnols. À la barre est crédité un certain Ken Ruder, dont on ne sait pratiquement rien, si ce n’est qu’il s’agit du pseudonyme d’Alejandro Martí, qui signait son second et dernier film comme réalisateur, cinq ans après Elisabeth, opus en costume teinté de chansons, de danses, de musique, d’humour et d’aventures, quasiment invisible ou pour ainsi dire disparu aujourd’hui. Dans Le Sang des autres (nous l’appellerons comme ça), on retrouve son goût pour les grands paysages et le travail sur les couleurs, mis cette fois au service d’un récit qui oscille entre l’horreur et l’érotisme. Le scénario coécrit par Vincent Didier et Julio Salvador (auteur du thriller La Machination, avec Léa Massari, Marisa Mell, Philippe Leroy et…Roger Hanin) surfe sur la vague de plusieurs genres alors prisés par les spectateurs, mais compile surtout diverses références de la littérature fantastique et d’épouvante. En apparaissant finalement comme un chaînon manquant entre Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley et Dracula de Bram Stoker, Le Sang des autres se nourrit de ces mythes prestigieux pour donner naissance à un long-métrage particulièrement ambitieux, aussi bien sur le fond que sur la forme, en contentant à la fois l’âme, le coeur et le bas-ventre des cinéphiles adeptes d’expériences cinématographiques et les cinéphages à la recherche de divertissements alliant le sang et les belles nanas dévoilées dans le plus simple appareil. Une sacrée découverte.

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Test DVD / Malasaña 32, réalisé par Albert Pintó

MALASAÑA réalisé par Albert Pintó, disponible en DVD le 6 juillet 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Begoña Vargas, Iván Marcos, Bea Segura, Sergio Castellanos, José Luis de Madariaga, Iván Renedo, Concha Velasco, Javier Botet…

Scénario : Ramón Campos, Gema R. Neira, David Orea & Salvador S. Molina

Photographie : Daniel Sosa Segura

Musique : Frank Montasell & Lucas Peire

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 2020

LE FILM

Madrid, 1976. La famille Olmedo s’installe dans le quartier de Malasaña. Ils sont enthousiastes à l’idée de s’installer dans la capitale, à une époque de profonde transformation pour l’Espagne. Mais il y a quelque chose que la famille ne sait pas encore : dans l’appartement qu’ils ont acheté, ils ne sont pas seuls… Une présence mystérieuse veut les faire sortir de leur nouvelle habitation et va transformer leur nouvelle vie en un cauchemar des plus effrayants.

Ce n’est un secret pour personne, les espagnols et le cinéma d’épouvante c’est une grande histoire d’amour et énumérer les noms ainsi que les titres les plus emblématiques du genre serait une perte de temps. Mais comme pour toutes choses, les recettes deviennent redondantes, la tambouille fade en bouche, le goût de reviens-y se tasse et finit par lasser. C’est le cas avec Malasaña 32, le second long-métrage d’Albert Pintó, coréalisé avec Caye Casas, remarqué en 2017 avec Matar a Dios, récompensé dans plusieurs festivals du monde entier, dont celui très prisé de Sitges, qui l’a auréolé du Prix du meilleur film. Avec Malasaña 32, Albert Pintó signe son premier boulot en solo, prêt à démontrer ce qu’il a sous le capot pour ce deuxième coup d’essai. Malheureusement, s’il n’y a rien à redire concernant la rigueur de la mise en scène, l’excellence du casting et la beauté de la photographie, tout s’accompagne d’une sensation de déjà-vu (y compris le sous-texte politique en basant son histoire après la dictature franquiste), comme si tout le film était constitué du best-of de chefs d’oeuvre ou classiques (Poltergeist, Conjuring…), qui ont déjà été maintes et maintes fois copiés et jamais égalés. Néanmoins, on ne s’ennuie pas devant Malasaña 32, sans doute comme nous le disions parce que c’est bien fait, que l’histoire – inspirée de faits réels, ne riez pas – est bien racontée (ce qui n’est pas à la portée du premier cinéaste venu), qu’on a beau connaître la musique par coeur, mais qu’on se laisse volontiers porter jusqu’à la fin sans ennui.

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Test Blu-ray / Le Coup de l’escalier, réalisé par Robert Wise

LE COUP DE L’ESCALIER (Odds Against Tomorrow) réalisé par Robert Wise, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 20 septembre 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Harry Belafonte, Robert Ryan, Shelley Winters, Ed Begley, Gloria Grahame, Will Kuluva, Kim Hamilton, Mae Barnes…

Scénario : John O. Killens & Nelson Gidding, d’après le roman de William P. McGivern

Photographie : Joseph C. Brun

Musique : John Lewis

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Dave Burke, ancien policier licencié injustement, décide de préparer un cambriolage dont le plan semble facilement réalisable. Pour cela, il a besoin d’Earle Slater, un ancien soldat ne réussissant pas à retrouver sa place dans la société, et de Johnny Ingram, un chanteur noir criblé de dettes. Mais Slater est un raciste et Ingram est réticent à l’idée de sombrer dans la criminalité…

Ce n’est pas tous les jours que nous pouvons parler de Robert Wise (1914-2005), qui avec Richard Fleischer reste probablement l’un des plus grands artisans éclectiques et prolifiques de l’histoire du cinéma hollywoodien. Plus de soixante-cinq ans de carrière, dix ans au banc de montage, cinquante-cinq passés derrière la caméra, plus de quarante films au compteur. Quelques titres emblématiques ? Est-ce vraiment nécessaire ? D’accord, rien que pour le plaisir de les nommer et histoire de convoquer quelques extraits dans les mémoires : La Malédiction des hommes-chats, Le Récupérateur de cadavres, Né pour tuer, Nous avons gagné ce soir, Le Jour où la Terre s’arrêta…, Je veux vivre !, West Side Story, La Maison du diable, La Mélodie du bonheur, La Canonnière du Yang-Tsé, Le Mystère Andromède, L’Odyssée du Hinderburg, Audrey Rose, Star Trek, le film…Prenez un petit moment pour savourer ces réminiscences…C’est bon ? Si la liste ne saurait être exhaustive, il y en a un que l’on ne saurait omettre quand on évoque Robert Wise. Il s’agit d’Odds Against Tomorrow, plus connu en France sous le titre Le Coup de l’escalier, le dernier opus du cinéaste mis en scène dans les années 1950, son dix-huitième long-métrage de la décennie, emballé juste avant West Side Story, qu’il signera d’ailleurs avec Jerome Robbins. S’il n’atteint peut-être pas la puissance dramatique de Quand la ville dort The Asphalt Jungle (1950) de John Huston, Le Coup de l’escalier, souvent cité comme le chant du cygne du film noir américain avec L’Ultime Razzia The Killing de Stanley Kubrick, est une référence intemporelle du genre, où des personnages au bout du rouleau participent à un braquage, même s’ils n’y croient pas ou plus, avant même de s’être lancés. À l’instar de John Huston, Robert Wise s’avère plus intéressé par les protagonistes eux-mêmes et leurs motivations, plutôt que par le casse proprement dit. Comme son confrère, il les ancre dans une réalité crépusculaire (magnifique photo) marquée par l’échec. Le Coup de l’escalier est un film noir à part, centré sur un afro-américain interprété par Harry Belafonte (à l’origine du projet) et traitant ouvertement de la ségrégation et de la discrimination. Le film sera récompensé par un Golden Globe spécial pour sa « promotion de la compréhension internationale ». Pamphlet antiraciste, Le Coup de l’escalier se clôt sur la morale irréfutable : blancs ou noirs, les hommes sont tous égaux face à la mort et chacun retournera à l’état de poussière. Vous avez dit chef d’oeuvre ?

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Test Blu-ray / Le Dernier rivage, réalisé par Stanley Kramer

LE DERNIER RIVAGE (On the Beach) réalisé par Stanley Kramer, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 21 septembre 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Gregory Peck, Ava Gardner, Fred Astaire, Anthony Perkins, Donna Anderson, John Tate, Harp McGuire, Lola Brooks…

Scénario : John Paxton, d’après le roman de Nevil Shute

Photographie : Giuseppe Rotunno

Musique : Ernest Gold

Durée : 2h09

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

La guerre nucléaire a eu lieu. Personne n’a gagné. La mort et la désolation règnent sur le monde. Seuls les Australiens et les hommes du sous-marin Sawfish ont survécu à l’apocalypse nucléaire. Le Capitaine Dwight Towers part en mission sur le Sawfish afin de vérifier le niveau de radiations sur terre. Il revient avec de mauvaises nouvelles : le nuage radioactif approche et l’issue est inéluctable. Leurs dernières heures venues, chaque personne affronte l’adversité à sa manière.

Quand il sort sur les écrans en 1959, Le Dernier rivage On the Beach, adaptation du roman éponyme du britannique Nevil Shute, peu de films avaient osé aborder les dangers du nucléaire, en dehors de Cinq survivants Five (1951) d’Arch Oboler et Day the World Ended (1955) de Roger Corman. Quelques mois avant l’arrivée du Dernier rivage dans les salles, Le Monde, la Chair et le DiableThe World, The Flesh and the Devil de Ranald MacDougall lui dame le pion en surfant sur le même thème. Dans Cinq survivants, la Terre, devenue un vaste cimetière, était dépeuplée des suites d’un holocauste nucléaire et seules cinq personnes, semblant avoir miraculeusement survécu, se retrouvaient dans un site privilégié épargné par les retombées radioactives, où il devaient apprendre à coexister face au tragique de la situation. De son côté, Roger Corman partait d’un postulat de départ assez similaire, autrement dit le monde détruit par une guerre nucléaire, pour ensuite bifurquer vers le survival et le film d’épouvante avec une victime des rayonnements devenu un mutant cannibale. En plus de tirer un signal d’alarme sur le nucléaire, Le Monde, la Chair et le Diable se doublait quant à lui d’une réflexion sur le racisme. Mais ces opus montraient alors un nouveau monde qui émergeait. Ce n’est pas le cas du Dernier rivage qui se concentre sur les dernières heures du reste de la race humaine, après une guerre nucléaire qui a ravagé la quasi-intégralité de la population terrienne. Toute ? Non ! (air connu) Quelque part entre les océans Indien et Pacifique subsistent encore des hommes, des femmes et des enfants, épargnés par les retombées radioactives…mais cela n’est qu’une question de temps, car celles-ci approchent doucement, mais sûrement de l’Australie où malgré tout la vie continue. Comment se préparer à l’inévitable ? Le Dernier rivage propose une profonde et contre toute attente sereine méditation sur l’extinction de l’humanité, en s’attachant à une poignée de personnages, qui hormis un jeune couple venant d’avoir une petite fille, sont marqués par la solitude. Un dialogue s’instaure, les philosophies de vie s’entrecroisent et se mêlent, il est temps désormais pour ceux qui ont survécu jusqu’à présent, d’accepter que l’air vicié par ceux qui ont appuyé sur le bouton rouge enflammera bientôt leurs poumons…Le Dernier rivage foudroie par sa beauté plastique, la photographie à la fois crépusculaire et luminescente du légendaire Giuseppe Rotunno (La Bataille pour Anzio, Ce plaisir qu’on dit charnel, Fellini Roma, Rocco et ses frères, Le Guépard), la mise en scène immersive (parfois à la limite du documentaire) de Stanley Kramer (1913-2001) et l’interprétation bouleversante d’un quatuor d’acteurs exceptionnels, Gregory Peck, Ava Gardner, Anthony Perkins et Fred Astaire.

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Test Blu-ray / La Possédée du lac, réalisé par Luigi Bazzoni & Franco Rossellini

LA POSSÉDÉE DU LAC / LA FEMME DU LAC (La Donna del lago) réalisé Luigi Bazzoni & Franco Rossellini, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 20 septembre 2022 chez Artus Films.

Acteurs : Peter Baldwin, Virna Lisi, Salvo Randone, Valentina Cortese, Pia Lindström, Pier Giovanni Anchisi, Ennio Balbo, Anna Maria Gherardi, Mario Laurentino…

Scénario : Giulio Questi, Luigi Bazzoni, Franco Rossellini & Ernesto Gastaldi, d’après le roman de Giovanni Comisso

Photographie : Leonida Barboni

Musique : Renzo Rossellini

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Écrivain en manque d’inspiration, Bernard va passer un séjour dans un hôtel de montagne du nord de l’Italie. Il espère aussi y retrouver Tilde, la femme de chambre dont il est tombé amoureux lors de son précédent séjour. Une fois sur place, il apprend que celle-ci s’est suicidée, et repose dans le cimetière près du lac. Mais les allusions des villageois et surtout la discussion avec un photographe va le porter à croire qu’elle aurait été assassinée.

Ces dernières années, quand on demande à un cinéphile adepte et/ou spécialisé dans le genre de citer quelques-uns de ses gialli préférés, un titre revient fréquemment, Journée noire pour un bélier Giornata nera per l’ariete, réalisé en 1971 par Luigi Bazzoni (1929-2012), qui en 2016 avait connu une sortie en DVD en France sous les couleurs du Chat qui fume. Un titre qui restait alors totalement inédit depuis sa sortie VHS (rebaptisé Jour maléfique), l’archétype même du giallo dont il reprenait parfaitement les codes : chantage, sexe, héros suspectés, cuir et meurtres sadiques. Avant de signer ce qui restera son opus le plus connu et célébré, le cinéaste livrait en 1965 un formidable premier long-métrage, La Femme du lac La Donna del lago, chaînon manquant entre le cinéma d’art et essai, certains diront intellectuel, de Michelangelo Antonioni et de Mauro Bolognini, dont Luigi Bazzoni a d’ailleurs été l’assistant sur les sublimes Le Bel Antonio,Ça s’est passé à Rome, Le Mauvais chemin et Quand la chair succombe, et le cinéma populaire. Pour ce coup d’essai et petit coup de maître à part entière, le metteur en scène s’entoure de collaborateurs talentueux. Leonida Barboni à la photographie (chef opérateur de Divorce à l’italienne de Pietro Germi et Une vie difficile de Dino Risi), ainsi que de la mythique Virna Lisi dans un rôle secondaire, mais dont l’aura plane sur l’intégralité du film. N’oublions pas la discrète et néanmoins virtuose partition du maestro Renzo Rossellini (Où est la liberté…?, Europe 51, La Belle et le Corsaire, La Chartreuse de Parme). Tous ces atouts contribuent à la belle réussite de La Possédée du lac, officiellement co-réalisé par Franco Rossellini (futur producteur de Django, Texas Adios, Théorème, Médée, Le Décaméron), même si cela reste à prouver, une œuvre étrange, quasi-unique, à la frontière du fantastique, qui mine de rien prend le train en marche lancé par Mario Bava depuis Six Femmes pour l’assassin Sei donne per l’assassino, sorti l’année précédente.

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Test Blu-ray / Les Imposteurs, réalisé par Nicholas Meyer

LES IMPOSTEURS (The Deceivers) réalisé par Nicholas Meyer, disponible en DVD et Blu-ray le 23 août 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Pierce Brosnan, Shashi Kapoor, Saeed Jaffrey, Helena Michell, Keith Michell, David Robb, Tariq Yunus, Jalal Agha…

Scénario : Michael Hirst, d’après le roman de John Masters

Photographie : Walter Lassally

Musique : John Scott

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1988

LE FILM

En 1825, l’Inde est ravagée par les Thugs, une confrérie d’assassins adorateurs de Kali. Ils sèment le chaos et la peur dans tout le pays : meurtres, vols ou encore sacrifices humains. Le capitaine William Savage, administrateur en Inde pour la Compagnie britannique des Indes orientales, va tenter de mettre fin à leurs agissements. Il décide se déguiser en Indien pour infiltrer les Thugs.

Avec la série Les Enquêtes de Remington Steele, l’irlandais Pierce Brosnan connaît un succès international, qui va s’étirer au fil de quatre saisons, de 1982 à 1985. C’est à partir de 1986 que le nom du comédien revient fréquemment quand on évoque celui qui pourrait remplacer Roger Moore…aussi bien dans la peau de Simon – Le Saint – Templar que dans celle de James Bond. Seulement voilà, une cinquième saison non prévue de Remington Steele est finalement commandée par la NBC et Pierce Brosnan doit rempiler, laissant la place tant convoitée à Timothy Dalton. C’est là qu’il se tournera progressivement vers le cinéma, avec le ronflant Nomads de John McTiernan, suivi de près par Le Quatrième Protocole The Fouth Protocol de John Mackenzie. Mais l’un de ses rôles les plus étonnants demeure sans doute celui qu’il tient dans Les Imposteurs The Deceivers (Christopher Reeve et Treat Williams avaient été courtisés avant lui), réalisé par Nicholas Meyer, alors romancier (The Seven-Per-Cent Solution, L’Horreur du West End) et scénariste (Sherlock Holmes attaque l’Orient-Express, Star Trek 4 : Retour sur Terre), qui s’était lancé dans la mise en scène en 1979 avec C’était demain Time after Time, interprété par Malcolm McDowell, David Warner et Mary Steenburgen, puis Star Trek 2 : La Colère de Khan Star Trek: The Wrath of Khan trois ans plus tard. Les Imposteurs n’est pas un film d’aventure comme on pouvait l’imaginer, mais s’apparente plutôt à un thriller historique, car adapté de faits réels, inspiré par une société secrète d’assassins qui a sévi en Inde au début du 19e siècle. Et comme nous l’indique un panneau en introduction, il s’agit aussi du récit « de l’homme qui les a démasqués ». Pierce Brosnan se donne à fond dans ce rôle foncièrement ambigu, et malgré son charisme lisse (son regard est ici éteint par des lentilles de couleur marron), s’en sort bien dans un film parfois brutal, dont la cruauté contraste avec la beauté des décors naturels. Une bonne découverte.

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Test Blu-ray / Robuste, réalisé par Constance Meyer

ROBUSTE réalisé par Constance Meyer, disponible en DVD et Blu-ray le 23 août 2022 chez Diaphana.

Acteurs : Gérard Depardieu, Déborah Lukumuena, Lucas Mortier, Megan Northam, Florence Janas, Steve Tientcheu, Théodore Le Blanc, Sébastien Pouderoux…

Scénario : Constance Meyer & Marcia Romano

Photographie : Simon Beaufils

Musique : Babx

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Lorsque son bras droit et seul compagnon doit s’absenter pendant plusieurs semaines, Georges, star de cinéma vieillissante, se voit attribuer une remplaçante, Aïssa. Entre l’acteur désabusé et la jeune agente de sécurité, un lien unique va se nouer.

C’est un fait, Gérard Depardieu n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se retrouve face à une femme qui a du tempérament (Catherine Deneuve, Fanny Ardant…), bien qu’il ait été très rarement dirigé par une réalisatrice (Florence Quentin, Anne Fontaine, Karine Silla-Pérez, Fanny Ardant encore une fois), non, nous ne parlerons pas de Marguerite Duras…En creusant un peu la filmographie du dernier monstre sacré du cinéma hexagonal (250 films répertoriés sur IMDB), par ailleurs toujours aussi actif à bientôt 74 ans, on découvre qu’il a participé à une poignée de courts-métrages, une douzaine tout au plus, dont trois avec la même metteuse en scène, Constance Meyer, Franck-Étienne vers la béatitude (2012), Rhapsody (2016) et La Belle affaire (2018). Pour son premier long-métrage, cette dernière, qui avait officié comme assistante sur Bellamy (2009) de Claude Chabrol et sur L’Autre Dumas (2010) de Safy Nebbou, s’est tout naturellement tournée vers Gérard Depardieu, et l’a pour ainsi dire construit autour de lui, créé pour celui qui n’aura eu de cesse de l’accompagner au fil de sa carrière depuis dix ans. Robuste est autant une comédie-dramatique sur la rencontre de deux solitaires, qu’un portrait en filigrane de notre Gégé (inter)national, qu’on ne se lassera jamais de regarder, d’admirer, d’écouter aussi bien sûr. Splendide du début à la fin, entier, terrien et pourtant d’une délicatesse à fleur de peau, le comédien donne une fois de plus la réplique à la jeune génération avec une générosité débordante et partage l’affiche avec Déborah Lukumuena, César de la meilleure actrice dans un second rôle pour son premier film, Divines, revue depuis dans Roulez jeunesse de Julien Guetta et Les Invisibles de Louis-Julien Petit, qui lui tient la dragée haute. Fragiles comme du cristal et solides comme un roc, les deux personnages principaux vont tout d’abord se jauger, avant de s’apprivoiser et de devenir complices. Si le propos n’est sans doute pas nouveau, la mouture élégante de Robuste, la très belle photographie de Simon Beaufils (Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal, Sibyl de Justine Triet, Un couteau dans le coeur de Yann Gonzalez) et l’alchimie évidente des deux acteurs emportent facilement l’adhésion.

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