Test Blu-ray / La Vierge du Rhin, réalisé par Gilles Grangier

LA VIERGE DU RHIN réalisé par Gilles Grangier, disponible en DVD et Blu-ray le 12 juin 2023 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Jean Gabin, Élina Labourdette, Andrée Clément, Olivier Hussenot, Albert Dinan, Claude Vernier, Renaud Mary, Nadia Gray…

Scénario : Jacques Sigurd, d’après le roman de Pierre Nord

Photographie : Marc Fossard

Musique : Joseph Kosma

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1953

LE FILM

Blessé en Allemagne en 1940, Jacques Ledru, propriétaire d’une compagnie de navigation à Strasbourg, a été porté disparu. Sa femme Geneviève, s’est remariée avec Maurice Labbé, un de ses collaborateurs. Mais huit ans plus tard, il revient.

Quand il tourne La Vierge du Rhin, Jean Gabin n’est plus la star de Pépé le Moko, La Grande illusion, Le Quai des brumes et de La Bête humaine. Après la guerre, le comédien retrouve le succès, mais de façon mitigée, La Vérité sur Bébé Donge, Le Plaisir, Fille dangereuse et Leur dernière nuit ayant été des semi-échecs au box-office. Juste avant de connaître son second sacre inespéré qui viendra avec Touchez pas au grisbi de Jacques Becker, avec lequel il reprendra sa place sur le trône du cinéma français et ce jusqu’à sa mort, Jean Gabin tourne pour la première fois sous la direction de Gilles Grangier. Les deux hommes collaboreront à douze reprises, de La Vierge du Rhin en 1953 à Sous le signe du taureau en 1969, en passant par Gas-oil (1955), Le Sang à la tête (1956), Archimède le clochard (1959, leur plus gros hit avec plus de 4 millions d’entrées), Maigret voit rouge (1963)…Rétrospectivement, La Vierge du Rhin semble n’avoir jamais eu la même aura que les titres cités précédemment et demeure méconnu. S’il n’est pas autant percutant que l’ensemble des opus signés par le tandem, il n’en reste pas moins une réussite, que l’on doit évidemment à la prestation impériale de sa tête d’affiche, mais aussi à Gilles Grangier lui-même, qui privilégie des prises de vue en extérieur, caractéristique récurrente de son œuvre, donnant à La Vierge du Rhin un aspect témoignage d’un temps révolu. Il y a un côté Comte de Monte-Cristo dans cette histoire qui démarre comme un drame pour muter ensuite en film noir. Une redécouverte s’impose.

En Allemagne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Amarrée sur les quais de Düsseldorf, la péniche «La Vierge du Rhin» s’apprête à rejoindre Strasbourg. Au dernier moment, le patron, Meister, engage un mécanicien de remplacement, Martin Schmidt. Ce dernier ne possède aucun papier en règle, mais Meister s’est laissé convaincre par sa fille, Maria, d’emblée séduite par cet homme mystérieux, qui a l’air de connaître la batellerie mieux que personne et semble comprendre parfaitement le français. Pietr, qui travaille sur le bateau, soupçonne le nouveau mécanicien de cacher un lourd secret. Quelque chose n’est pas clair dans son identité et dans ses intentions. Il n’a pas tort : Martin Schmidt s’appelle en fait Jacques Ledru, et a d’excellentes raisons de regagner Strasbourg…

Alors oui La Vierge du Rhin n’a pas la force d’une adaptation de Georges Simenon, même s’il s’agit d’une transposition d’un livre du prolifique Pierre Nord, ancien membre des services de contre-espionnage, devenu écrivain, réputé pour être l’un des pères du roman d’espionnage. Il manque un je-ne-sais-quoi pour réellement convaincre dans La Vierge du Rhin. Toutefois, on ne pourra pas reprocher au film de faire la part belle à la gent féminine, toutes les comédiennes entourant Jean Gabin tirant ici leur épingle du jeu. C’est le cas de la géniale Andrée Clément (La Symphonie pastorale), qui interprète Anna Berg, la secrétaire de Ledru, dans sa dernière apparition à l’écran, avant d’être emportée des suites d’une tuberculose l’année suivante à l’âge de 35 ans. Celle-ci vole la vedette à chaque apparition et son jeu très moderne contraste avec les canons alors en vigueur. Même chose pour Elina Labourdette (Le Glaive et la balance, Les Dames du Bois de Boulogne), perfide à souhait dans le rôle de Geneviève, l’ex-femme de Ledru, femme fatale qui ne cesse d’humilier Maurice Labbé (excellent Renaud Mary), son complice et avec lequel elle s’est remariée. Nadia Gray (The Maniac) a sans doute moins de choses à défendre que ses partenaires, mais s’en tire aussi très bien et possède un charme qui marque les esprits.

Gilles Grangier donne à son film une dimension quasi-documentaire dans la première partie, en plantant le décor (belle photo de Marc Fossard, Les Évadés, Pouic-Pouic), le boulot sur le port de Düsseldorf, en rendant presque palpable les odeurs du moteur des péniches amarrées. C’est ce qui a toujours fait la force de son cinéma, longtemps conspué par les merdeux de la Nouvelle Vague. Le temps a fait son office, les films de Gilles Grangier ont bien plus à donner aux spectateurs d’aujourd’hui qu’une pantalonnade nombriliste d’un certain JLG. Certes, les dialogues de Jacques Sigurd (L’Air de Paris, Une si jolie petite plage, Trois chambres à Manhattan) n’ont pas cette verve d’un Michel Audiard et s’avèrent plus passe-partout, mais l’ensemble se tient et étonne quand La Vierge du Rhin change de genre après l’assassinat.

Si l’identité du tueur ne laisse aucun doute (l’aspect whodunit fait pschitt assez rapidement), l’énergie des acteurs, des actrices pourrait-on même dire, emporte l’adhésion jusqu’à la fin. Pas inoubliable, quelques maladresses (cette voix-off inutile et omniprésente au cours du premier acte), mais toujours aussi divertissant. Le duo Gabin/Grangier passera la vitesse supérieure dès leur film suivant, Gas-oil, qui attirera quasiment deux fois plus de spectateurs et qui marquera surtout la rencontre entre le Vieux et le Petit Cycliste.

LE BLU-RAY

L’éditeur Coin de Mire Cinéma, dont nous avons été les premiers à promouvoir les titres depuis ses débuts, a récemment été obligé de revoir sa copie en raison de la situation du marché et de l’inflation (le coût du papier entre autres). La Vierge du Rhin apparaît donc dans les bacs en DVD et Blu-ray en format dit traditionnel. L’édition HD se présente sous la forme d’un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. Les caractéristiques de la jaquette restent les mêmes, ainsi que le menu, fixe et musical.

Soyez également rassurés, le principe de La Séance demeure inchangé ! Pour en savoir plus, nous vous renvoyons à nos 59 chroniques consacrées au catalogue Coin de Mire Cinéma. Nous lançons donc le programme avec les actualités de la 46è semaine de l’année 1953. Vous saurez tout sur le championnat de France des poids coq, qui opposait Maurice Sandeyron à Robert Cohen, le second devenant aux points champion de France. À Londres, Élisabeth II préside l’Assemblée des deux Chambres pour la seconde fois depuis son couronnement. Au Canada, on reparle aussi des sœurs Dionne, dites les quintuplées Dionne, tandis que les émeutes se multiplient dans les rues de Trieste…(10’)

Les réclames publicitaires s’enchaînent et mettent en avant les bonbons caramel pâtissier Krema (« en vente dans cette salle »), le super dentifrice Colgate (« qui détruit la mauvaise haleine, tout en nettoyant les dents ! »), les services Interflora, la margarine Astra (« avec de la bonne huile de palme, excellente pour votre santé ! »), la montre Lincoln (capable de vous empêcher de vous suicider), sans oublier l’eau Vichy Célestin (7’).

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Le film de Gilles Grangier a été restauré en 4K à partir du négatif original. Superbe master proposé par Coin de Mire Cinéma, en partenariat avec Studiocanal et le CNC. Ce Blu-ray de La Vierge du Rhin subjugue du début à la fin. La restauration est impressionnante et d’autant plus visible sur les séquences sombres et nocturnes, sur lesquelles aucun point blanc ou d’autres poussières ne font leur apparition. Les contrastes sont d’une densité jamais démentie, les gros plans regorgent de détails, le piqué ne cesse de laisser pantois et la texture argentique est aussi préservée que solidement gérée. Hormis de légers fourmillements, la copie est stable, lumineuse, magnifique.

La piste mono restaurée bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. L’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises et les dialogues clairs. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © Coin de Mire Cinéma / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.