Test Blu-ray / La Piste des Caribous, réalisé par Edwin L. Marin

LA PISTE DES CARIBOUS (The Cariboo Trail) réalisé par Edwin L. Marin, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 22 juillet 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Randolph Scott, George ‘Gabby’ Hayes, Bill Williams, Karin Booth, Victor Jory, Douglas Kennedy, Jim Davis, Dale Robertson, Mary Stuart, James Griffith, Lee Tong Foo…

Scénario : Frank Gruber, d’après une histoire originale de John Rhodes Sturdy

Photographie : Fred Jackman Jr.

Musique : Paul Sawtell

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1950

LE FILM

Au Canada, en Colombie-Britannique, Jim Redfern et ses associés Mike Evans et Ling suivent la « piste des caribous » avec leur bétail, souhaitant s’établir pour créer leur ranch. Une ruée vers l’or amène le prospecteur « Grizzly » Winters à les rejoindre. Frank Walsh, un riche propriétaire ayant mainmise sur la ville locale, s’oppose bientôt avec ses hommes de main à Jim. En ville, ce dernier rencontre Frances Harrison dont il s’éprend…

Nous revoilà avec Randolph Scott et le réalisateur Edwin L. Marin, qui nous avaient enchantés avec l’excellent Canadian Pacific. Ils remettent le couvert immédiatement après avec La Piste des CaribousThe Cariboo Trail, qui reprend plus ou moins le même canevas et en apparence les lieux de l’action, mais qui parvient à trouver son identité propre, ne serait-ce qu’avec le personnage interprété par la tête d’affiche, toujours aussi décontractée et impliquée dans cette production modeste. L’élément central de La Piste des Caribous est la ruée vers l’or, le précieux minerai étant découvert en Colombie-Britannique, nombreux sont ceux qui viennent des États-Unis et du Canada pour espérer trouver le bon filon. Mais les prospecteurs découvrent essentiellement une terre recouverte de forêts, parsemées de torrents, le long des pistes tortueuses suivant le fleuve, seules portes d’entrée vers l’or. C’est là que nous rencontrons le personnage principal, qui est finalement peu intéressé par cet événement et qui rêve surtout d’élever du bétail. La Piste des Caribous est un western aussi original que Canadian Pacific, cette fois encore joliment photographié par Fred Jackman Jr. en Cinecolor (Les Soucoupes volantes attaquent), remplit de confrontations, de bons sentiments et d’humour, notamment avec la présence du vétéran George « Gabby » Hayes, ici dans son dernier film, gueule reconnaissable du genre vue une bonne quinzaine de fois aux côtés de John Wayne et à six reprises avec Randolph Scott. Il est comme qui dirait l’équivalent de Stumpy dans Rio Bravo, que jouait l’immense Walter Brennan, le vieux briscard bien agité qui en a encore sous le capot et qui ferait tout pour venir en aide à notre héros. Très bon cru donc que La Piste des Caribous !

Jim Redfern emmène un troupeau vers la Colombie-britannique. Cette région, en pleine ruée vers l’or, attire mineurs et prospecteurs. Les besoins en nourriture y sont importants, et Jim espère tirer un bon prix de son bétail. Il est accompagné de Mike Evans et de Ling, ses partenaires dans l’affaire. Ils sont bientôt rejoints par un vieux prospecteur nommé Grizzli. Le voyage se passe sans encombre, jusqu’à ce que Jim refuse de payer une taxe imposée par une bande d’hommes armés pour la traversée d’un pont. Ils parviennent à passer en force, mais la vengeance des bandits est terrible : le troupeau est dispersé, et Evans grièvement blessé. Ils se heurtent à Frank Walsh, un riche propriétaire qui voit d’un mauvais œil leur arrivée dans la région et qui tente de les intimider pour qu’ils aillent se faire pendre ailleurs. Et la rencontre de Redfern avec la belle Frances Harrison n’arrange rien à la situation désormais explosive…

On se sent bien dans ce western, qui n’a aucune prétention de rivaliser avec les grosses productions du genre qui cartonnaient alors dans les salles, La Flèche briséeBroken Arrow de Delmer Daves ou La Porte du diableDevil’s Doorway, Les Furies et Winchester 73 d’Anthony Mann (tout cela la même année !), La Cible humaine de Henry King, Le Convoi des braves de John Ford. La Piste des Caribous n’a sans doute pas un budget gargantuesque et n’a d’ailleurs pas été tourné intégralement au Canada comme avait pu l’être Canadian Pacific, mais n’en demeure pas moins un beau et grand spectacle. Le charme opère dès les premières images dépaysantes, tandis que le personnage de Jim apparaît d’emblée sympathique, au premier sourire de Randolph Scott, qui avait le don pour créer une empathie immédiate avec les spectateurs. Edwin L. Marin, loin d’être un simple faiseur ou un « tâcheron » comme il a longtemps été dit, peaufine sa mise en scène et exploite à merveille ses décors naturels, tout en dirigeant solidement ses comédiens.

Le scénario de Frank Gruber (Représailles en Arizona, Coup de fouet en retour, Les Rôdeurs de l’aube, Le Triomphe de Buffalo Bill), d’après une histoire de John Rhodes Sturdy, qui avait par ailleurs officié comme conseiller technique sur Canadian Pacific, contient son lot de rebondissements resserrés sur 1h20, en faisant la part belle au bad guy. Celui-ci est incarné par le suintant et suffisant Victor Jory, déjà à l’oeuvre dans le western précédent, tronche formidable, qui trouve ici un tic supposé en imposer auprès de ses interlocuteurs, quand il nettoie ses lunettes, sans regarder celui à qui il est en train de s’adresser. Un des éléments les plus marquants de La Piste des Caribous, tout comme l’évolution psychologique de Mike, interprété par Bill Williams (Le Pigeon d’argile, Secret de femme), l’ami de Jim, qui lui a sauvé la vie en l’amputant d’un bras, mais qui tombe dans l’alcool et s’associe avec le fielleux Walsh dans un esprit revanchard.

Si au final il y a de fortes chances que l’on en vienne à confondre ces deux westerns d’Edwin L. Marin, au moins de nombreuses séquences et images resteront indéniablement en tête et donneront forcément envie d’y revenir dans un futur proche. En l’état, Canadian Pacific et La Piste des Caribous sont deux valeurs sûres.

LE BLU-RAY

En parallèle de la sortie en DVD et Blu-ray de Canadian Pacific, Sidonis Calysta édite La Piste des Caribous, dans les mêmes formats et dans la collection Silver. Le menu principal est animé et musical.

Tout d’abord, Sidonis reprend l’intervention d’Edward Buscombe, déjà vue sur le Blu-ray de Dix hommes à abattre, Canadian Pacific et sur celui du Cavalier de la mort (17’). L’auteur spécialiste du western dresse un formidable portrait de Randolph Scott, expliquant en parallèle pourquoi il s’agit de son acteur préféré du genre, indiquant par exemple qu’il lui trouve « beaucoup de qualités négatives, qui n’est pas flamboyant et ne fait pas d’esbroufe avec ses colts, ni de cascades à cheval, qui est très calme, qui parle peu, qui n’est pas non plus un tombeur ni un playboy, mais qui est toujours respectueux des femmes ».

Il est encore question de Randolph Scott, dans le portrait croisé réalisé en 2010 par Bertrand Tavernier et Patrick Brion (6’), déjà vu aussi sur d’autres Blu-ray Sidonis. Les deux éminents spécialistes rendent un bel hommage au comédien, « qui savait s’effacer pour laisser ses partenaires briller […] qui tournait deux films par an, même s’il pouvait s’en passer, ayant épousé une femme très riche, mais il ne voulait pas passer pour un gigolo […] bénéficiant d’une liberté artistique totale, Randolph Scott pouvait également choisir les acteurs qui allaient lui donner la réplique ».

Jean-François Giré nous présente ensuite La Piste des Caribous (12’). Une excellente intervention qui aborde tous les points essentiels du film d’Edwin L. Marin, qui « se place dans la continuité de Canadian Pacific avec le même producteur, le même réalisateur, la même vedette, mais aussi dans une continuité de style et de développement dramatique, dans de magnifiques décors naturels et avec un développement intéressant à travers le personnage du méchant ». Le casting et l’évolution des protagonistes sont passés au peigne fin, la photographie, la mise en scène également analysées.

Une fois n’est pas coutume, Patrick Brion prend un peu plus la parole que Jean-François Giré. Néanmoins, durant la moitié de ce module (qui dure près d’un quart d’heure), Patrick Brion est quelque peu hors sujet et comble en donnant une liste conséquente de westerns tournés au début des années 1950, en expliquant entre autres l’évolution d’un genre, systématiquement renié par les Oscars. Il faut attendre la dernière partie pour en savoir un peu plus sur La Piste des Caribous, même si cette fois encore, les propos tenus font écho à ceux entendus dans le bonus précédent.

À l’instar de l’édition Blu-ray de Canadian Pacific, le gros morceau de cette interactivité reste le long module consacré à la restauration de La Piste des Caribous, d’une durée de 28 minutes. Les panneaux sont écrits en français, une petite intervention d’un des responsables est sous-titrée dans la langue de Molière et nous assistons à de nombreux comparatifs avant/après. C’est ici que nous apprenons que La Piste des Caribous revient de loin. Impossible de résumer entièrement ce document très exhaustif, pointu et forcément passionnant. En gros, sachez que les éléments nitrates ont été scannés 2K à Los Angeles (car impossible à déplacer), tandis que le reste allait être convoyé vers l’Allemagne. 13 mois de travail (après avoir cherché la meilleure copie Cinecolor originale pendant près de dix ans), des centaines de milliers pièces à raccommoder, une tâche d’autant plus difficile que La Piste des Caribous a été tourné en Cinecolor, procédé bon marché, mais ô combien fragile. Vous saurez tout sur le long processus ayant conduit à la résurrection de La Piste des Caribous !

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

La Piste des Caribous aurait pu disparaître corps et bien. Exit les déchirures, les poussières, les détériorations, les poinçons de fin de bobine, les dégradations de l’émulsion, les morceaux de scotch et les autres dommages multiples. Si certaines rayures et des fourmillements subsistent, ainsi que des plans flous et des changements de colorimétrie au cours d’une même scène, la copie Cinecolor (procédé couleur à deux composantes, avec d’un côté le spectre orange/rouge et de l’autre le cyan et le bleu) ravit les yeux et la rareté du procédé participe à la (re)découverte totale du film d’Edwin L. Marin. La palette chromatique est pastel, oppose le bleu étincelant aux teintes rouges et terreuses, ainsi que les gammes verdâtres, le teint des comédiens ne serait pas renié par Donald Trump, la texture argentique est préservée, les paysages sont superbes, l’ensemble lumineux. Un plan final, n’ayant pu être restauré dans son intégralité, est présenté en N&B. Piqué aléatoire. Un Blu-ray (au format 1080p) précieux à ajouter à votre collection.

Seule la version originale est proposée ici. Une piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 au souffle limité, qui délivre ses dialogues avec suffisamment ardeur. Les sous-titres français ne sont pas imposés. Son restauré à partir du négatif original 35mm nitrate optique, qui était dans un état fragile.

Crédits images : © Sidonis Calysta / 20th Century Fox / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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